Je veux avant toute chose remercier M. Sutour, président de la commission des affaires européennes, d’avoir permis que ce débat puisse se tenir en séance publique, à un moment si important pour la vie du Sénat, comme il vient de le rappeler.
M. Gattolin a insisté sur l’importance toute particulière de cette réunion du Conseil européen et a mentionné de nombreux points, dont celui de la citoyenneté européenne. Il faut effectivement réconcilier les citoyens avec le projet européen. Je ne crois pas que le résultat des élections européennes mette en cause l’adhésion à l’idée européenne, à l’idée de coopération entre les nations, au projet de paix, de démocratie, de solidarité entre nos nations. Ce résultat, en revanche, en raison de l’abstention, du vote extrémiste et anti-européen dans plusieurs pays, comme l’a également souligné Mme Bariza Khiari, met certainement en cause le fonctionnement de l’Union européenne et les effets de notre action commune, en particulier face à la crise.
Nous avons tous conscience de la nécessité des changements qui doivent être apportés par les chefs d’État et de gouvernement, qui se réuniront pour désigner le prochain président de la Commission européenne et fixer la feuille de route des cinq années à venir.
M. Gattolin a notamment souligné combien il était nécessaire que la prochaine Commission européenne, qui devrait se structurer en pôles, comme nous le proposons, indique clairement que priorité est donnée à la mise en place d’une véritable politique industrielle à travers des règles de concurrence, de commerce et de fiscalité de nature à permettre l’émergence de véritables projets industriels et de véritables champions européens.
M. Gattolin a également souhaité m’interroger sur la politique européenne en matière de gaz de schiste. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, en France, deux raisons majeures nous ont incités à interdire non pas l’exploitation, mais la technique de fracturation hydraulique, jusqu’à présent la seule connue pour exploiter ces gaz.
Tout d’abord, les impacts environnementaux de cette technique ne font aucun doute, qu’il s’agisse des volumes d’eau nécessaires, de l’injection de produits chimiques dans les nappes phréatiques, des risques de fuite de méthane dans ces mêmes nappes ou dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle la France a interdit par la loi l’utilisation de cette technique sur l’ensemble de son territoire.
Ensuite, sur le plan économique, aucune étude n’a pu démontrer que l’exploitation des gaz de schiste serait rentable pour l’Europe dans son ensemble. Au contraire, il est aujourd’hui avéré que la situation américaine ne peut en aucun cas être reproduite en Europe, en raison non seulement d’un nombre moindre de gisements, mais aussi de conditions géologiques et de densité de population différentes.
Même si, comme vous le savez, nous n’avons pas la possibilité, au niveau communautaire, de remettre en cause la souveraineté de chaque État dans le choix de son bouquet énergétique – principe auquel nous sommes nous-mêmes attachés –, nous veillons à ce que la politique énergétique de l’Union européenne repose sur une diversification, sur une économie moins carbonée, sur l’efficacité énergétique et sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Nous considérons également que le nucléaire est l’un des atouts de ce bouquet énergétique. C’est la raison pour laquelle le projet de loi sur la transition énergétique, qui vient d’être présenté en conseil des ministres, lui réserve une part importante à l’avenir. J’examinerai toutefois avec beaucoup d’attention la question de l’utilisation du programme Horizon 2020, dont l’objectif essentiel en matière énergétique est bien de contribuer à l’innovation, à la moindre émission de gaz à effet de serre et donc aux technologies durables.
M. Bizet a insisté, comme d’autres orateurs, sur la nécessité de respecter la logique du résultat de l’élection européenne. La France partage cette position : c’est à la formation politique européenne arrivée en tête, à savoir le parti populaire européen, qu’il revient de proposer son candidat à la présidence de la Commission, comme l’a souligné le Président de la République. Toutefois, monsieur le sénateur, vous conviendrez qu’il faut aussi tenir compte de l’équilibre qui s’est manifesté à l’occasion de cette élection européenne : aucune formation politique ne détient la majorité absolue à elle seule. Il faut donc aujourd’hui rassembler les Européens, en tenant compte de l’ensemble des opinions qui se sont exprimées, et faire en sorte que le nouveau président de la Commission européenne puisse lui-même rassembler une majorité au sein du Parlement européen pour que la feuille de route sur laquelle il sera investi lui permette de relever les défis communs, c’est-à-dire ceux de la croissance, de l’emploi, du dynamisme nécessaire de l’économie européenne et de sa cohésion sociale.
Le Président de la République a donc réuni samedi dernier à l’Élysée neuf chefs d’État et de gouvernement, qui sont convenus à la fois de soutenir la candidature de M. Juncker et de mandater le futur président de la Commission européenne afin de fixer une nouvelle orientation politique à l’Europe, celle de la croissance et non de l’austérité, qui ne fait qu’aggraver les risques de récession.