Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 24 juin 2014 à 21h30
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après cet exposé magistral d’histoire du droit pénal et de la prison, mâtiné de sociologie et de philosophie, j’en viendrai à des propos plus triviaux. Le rapporteur doit vous exposer le projet de loi tel qu’il était et tel que la commission a souhaité qu’il devînt.

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale, qui y a ajouté un certain nombre d’articles. Il en comporte aujourd’hui une cinquantaine. Comme l’a indiqué madame la garde des sceaux, il fait suite aux travaux de la conférence de consensus. Une telle méthode a déjà été utilisée, mais c’est la première fois que, en matière judiciaire, une consultation aussi large, dont les acteurs sont aussi variés, précède l’élaboration d’un projet de loi. Ce texte est donc pensé, et non une réponse à un fait divers quelconque, aussi dramatique soit-il.

Il vise à remettre le principe d’individualisation de la peine au cœur de la mission du juge, quoi que puissent en dire certains magistrats. Dans la continuité de la loi pénitentiaire, il affirme que la sanction pénale doit permettre avant tout la réinsertion du délinquant – je préfère, quant à moi, parler de resocialisation –, afin d’éviter la récidive.

Dans ses modalités, c’est un texte prudent, qui ne va pas aussi loin que certains l’auraient souhaité, notamment le jury de consensus, mais qui, compte tenu de l’état de l’opinion publique sur les sujets en cause et de la contre-information à laquelle se livrent un certain nombre de médias particulièrement mal intentionnés, me paraît équilibré. Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de l’adopter dans la rédaction qu’a retenue la commission des lois.

Mais avant d’en aborder le contenu, je ferai un bref rappel relatif au contexte général.

Nous sommes actuellement dans une période d’inflation pénale et carcérale. Malgré la diversification des sanctions pénales, la prison reste la peine de référence pour les magistrats. Avec 68 645 personnes détenues au 1er mai dernier, nous avons renoué avec les taux d’incarcération de la fin du XIXe siècle. C’est à croire que tout ce qui a été fait depuis n’a pas servi à grand-chose…

En valeur absolue, notre pays se situe dans une position médiane par rapport à ses voisins européens, mais, à la différence de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni où le taux d’incarcération diminue, le nombre de détenus en France continue à augmenter rapidement et constamment : il a crû de 8 % entre 2009 et 2014 et, aujourd’hui, le taux de détention est de 103 pour 10 000 habitants.

Ce fait tient principalement selon moi à deux facteurs : d’une part, l’augmentation de la durée des peines prononcées, en lien notamment avec les peines planchers et, d’autre part, l’augmentation du nombre d’entrées en détention, en particulier pour des courtes peines.

Or, on le sait, les établissements pénitentiaires ne sont pas en mesure d’accueillir l’ensemble de ces détenus : un quart des prisons françaises présente un taux d’occupation supérieur à 150 % et environ 1 200 détenus dorment actuellement sur des matelas posés par terre dans les cellules.

Cette situation de surpopulation carcérale soulève de nombreuses difficultés – promiscuité, violences, agressions envers les personnels pénitentiaires… – et ne permet pas à l’administration pénitentiaire de mettre en œuvre des projets de réinsertion qui tiennent la route.

À cet égard, le bilan de l’application de la loi pénitentiaire est encore décevant, comme l’avaient souligné dans leur rapport d’information, voilà deux ans, Jean-René Lecerf, qui fut également le rapporteur de la loi pénitentiaire, et Nicole Borvo, qui a depuis quitté notre assemblée.

S’agissant, par exemple, de l’obligation d’activité, elle correspond à environ quatre heures trente d’activités offertes en moyenne par semaine aux détenus, pour l’essentiel sport ou fréquentation de la bibliothèque.

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