Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 24 juin 2014 à 21h30
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

Non, ce n’était pas une question de décrets d’application ; c’était surtout une question de moyens des SPIP, vous le savez très bien, cela a été évoqué !

L’étude d’impact de votre projet de loi, madame le garde des sceaux, et les restrictions budgétaires ne peuvent inciter à l’optimisme ; nous pouvons craindre que la contrainte pénale ne soit pas la grande réforme dont vous attendez des résultats estimés entre 16 000 et 60 000 condamnés.

Avez-vous véritablement les moyens de créer plus de 1 000 emplois ? On nous avait dit la même chose pour la loi pénitentiaire : 1 000 emplois ! La réponse est évidemment négative. Ce qui est extraordinaire dans notre beau pays de France, c’est de croire qu’en faisant une loi de plus, qui obscurcit plus qu’elle ne simplifie la lisibilité des politiques de l’État, on va résoudre tous les problèmes ! En créant continuellement des lois, on pense qu’on va améliorer les choses !

Ce n’est pas en calquant les régimes de sanctions des récidivistes sur celui des primo-délinquants ni en rendant obligatoire la procédure d’examen de la situation des personnes condamnées à plus de cinq ans d’emprisonnement à deux tiers de la peine que l’on y changera grand-chose ! Encore faudrait-il avoir les moyens en juge, etc. Au contraire, cela ne va pas améliorer la situation explosive de notre système judiciaire.

La contrainte pénale, « faux jumeau du sursis probatoire », pour reprendre les termes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, pose selon elle un sérieux problème de justice et de lisibilité. Pourquoi créer en plus compliqué ce qui est déjà difficilement applicable ? Quand on constate que près de 100 000 peines correctionnelles – vous avez dit 99 600 – ne sont pas exécutées, pouvons-nous espérer que la création des bureaux d’exécution des peines, les BEX, suffise à assurer une meilleure effectivité des sanctions pénales ?

Comme tous ceux qui croient à l’individualisation de la peine, au fait que l’emprisonnement n’est pas la solution unique pour les délinquants – vous devriez, d’ailleurs, revisiter la notion de récidive ; on en parle quelquefois mais on n’avance pas sur ce point –, je crois que les moyens juridiques existent pour faciliter l’insertion ou la réinsertion des condamnés.

Au lieu de se lancer dans des guerres idéologiques dont nous avons le secret, mieux vaudrait surtout appliquer les textes existants, et qui, examinés sur le long terme, présentent, quoi qu’on en dise, une certaine continuité. Et ce n’est pas la notion de justice restaurative, laquelle peut certes avoir un intérêt dans le cadre d’un traitement psychologique mais pas dans celui de la justice, qui aura des effets évidents.

Quoi qu’il en soit, je ne peux que le répéter, et le rapport de M. Jean-René Lecerf et de Mme Nicole Borvo-Cohen-Seat sur l’application de la loi pénitentiaire est éloquent à ce sujet, finirons-nous par changer la prison, non pas parce que la loi ne prévoit pas tous les dispositifs, mais parce qu’on lui donnera les moyens de jouer pleinement son rôle de préparation à la réinsertion des détenus dans la société ?

Combien de sorties sèches génèrent-elles de récidives ? Comment faire pour que les maisons d’arrêt ne mêlent plus des détenus provisoires, des grands criminels en attente d’établissement pour peine et cette masse de délinquants qui devraient recevoir un traitement adapté ? Sans parler de tous ceux qui sont atteints de troubles mentaux, pour qui la prison n’est pas non plus la solution !

Alors, ce projet de loi, dont on peut contester le soubassement idéologique, la petite chanson « c’est la société qui crée la délinquance », ce qui n’est pas entièrement faux, mais n’est pas non plus complètement vrai, manque sa cible, est rejeté par la majorité de l’opinion publique – même si les journaux n’en clarifient pas totalement le sens. Pour ces raisons, malgré quelques points positifs, issus notamment de propositions de loi du Sénat, votre texte ne saurait, hélas, madame le garde des sceaux, être approuvé par mon groupe. §

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