Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans un contexte de surpopulation carcérale chronique, et alors que le taux d’incarcération se rapproche de son niveau de la fin du XIXe siècle – en dépit du cortège de mesures prises, malheureusement insuffisamment cohérentes ou trop factuelles –, la nécessité d’une réforme de fond de notre système pénal s’est imposée.

Je veux saluer, comme les orateurs précédents, la constitution d’une conférence de consensus, présidée par Nicole Maestracci. Cette méthode a permis une large confrontation d’idées entre acteurs de sensibilités différentes, appartenant au monde judiciaire ou à la société civile.

Je veux aussi saluer le talent du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, du Sénat, leur souci de retour à meilleure justice et à davantage de pragmatisme. Je rends en particulier hommage à M. le rapporteur de la commission des lois pour le remarquable travail qu’il a accompli.

Le projet de loi que nous examinons est un texte abouti, qui s’inscrit dans le prolongement de la démarche engagée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, visant à redonner sens à la sanction pénale, mais trop souvent dénaturée par les lois suivantes.

Nous sommes d’ailleurs nombreux, dans cet hémicycle, à nous féliciter du nouvel intitulé de ce projet de loi, qui recouvre la sanction pénale dans toutes ses dimensions et toutes ses composantes respectueuses de la dignité du condamné.

Cela a été rappelé, le projet de loi se structure en une trilogie : renforcement de l’individualisation des peines ; création d’une nouvelle peine de milieu ouvert, la contrainte pénale ; promotion de mesures d’exécution des peines permettant de lutter contre la récidive.

La redéfinition de la peine dit clairement les deux objectifs à atteindre : sanctionner le condamné, mais aussi favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion dans notre société. Ce second objectif était et est encore trop souvent perdu de vue, les centres de détention et les maisons d’arrêt étant devenus trop souvent des lieux de désocialisation.

Comme le soulignait le magistrat Serge Portelli en 2010, « juger, c’est juger autant l’homme que l’acte. L’individualisation des peines n’est pas une lubie ou un rêve laxiste, c’est une exigence morale, juridique et politique. C’est la condition absolue de l’efficacité d’une peine et la règle première de la lutte contre la récidive. »

Sans détailler plus avant ce dispositif, je veux saluer l’introduction de la mesure relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits. Nous avons été nombreux à souligner à cette tribune, madame le garde des sceaux, combien l’article 7 quinquies A, qui reprend une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat le 25 janvier 2011, est bienvenu.

S’agissant de la contrainte pénale, elle peut être une peine alternative à la prison, sous réserve que les moyens de suivi soient réellement renforcés par rapport à ce qu’ils sont aujourd’hui.

Il en va de même de la prévention de la récidive, qui fait du condamné l’acteur de son propre destin. Le projet de loi que nous examinons met le condamné en situation d’être responsable de sa propre sortie – non pas une sortie « sèche », mais une sortie accompagnée d’une réinsertion véritable –, sans pour autant méconnaître la place qui revient aux victimes dans le cadre d’une opportune justice « restaurative ».

Madame la garde des sceaux, je veux croire à l’intérêt de ce texte, et même à ses avancées, comme j’avais cru à celui de la loi pénitentiaire de 2009.

Toutefois, vous ne pouvez l’ignorer, la réussite de cette réforme implique que les trois conditions suivantes soient réunies.

Premièrement, il faut accroître les moyens mis à disposition des services judiciaires : à cet égard, la création de 1 000 emplois, dont 400 dès cette année, dans le corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation est un bon signe.

Deuxièmement, il convient de moderniser la probation française par le développement de la recherche et de la formation en criminologie et par l’intensification des relations avec les travailleurs sociaux.

Enfin, troisièmement, il importe de prendre en compte, chez les détenus, les problèmes de santé et d’addiction sous toutes leurs formes, et pas seulement la forme médicamenteuse.

Il faudra de l’énergie, de la détermination et de la constance pour remplir ces conditions. Je sais, madame la garde des sceaux, votre pugnacité et votre inébranlable détermination. Avec les membres de mon groupe, je n’aurai aucune hésitation à voter ce projet de loi, garant de notre contrat social et de notre pacte républicain.

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