Séance en hémicycle du 25 juin 2014 à 14h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • plancher
  • prison
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La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire (650, 2013-2014), dont la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales (projet n° 596, texte de la commission n° 642, rapport n° 641).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au 1er juin 2014, on comptait, dans notre pays, 68 645 personnes incarcérées. En treize ans, la population carcérale a augmenté de 44 %. De deux choses l’une : ou bien la délinquance a explosé dans des proportions étonnantes, ou bien la justice emprisonne davantage.

Si l’on procède de bonne foi à un examen de la situation, on observe que, à l’évidence, la justice est plus sévère : la moyenne des peines fermes d’emprisonnement est passée de 8, 7 à 11, 3 mois entre 2007 et 2011 ; de plus, 30 % des peines prononcées sont des peines de prison ferme, contre 5, 5 % en Allemagne, par exemple.

La politique pénale menée pendant dix ans par l’ancienne majorité, fondée sur l’enfermement, a entraîné de façon quasiment automatique une surpopulation carcérale. Or, comme Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, le soulignait devant la commission des lois lors de son audition, « nous n’avons pas besoin d’évaluation pour le savoir, […] la surpopulation [carcérale], ne permettant pas ce minimum en démocratie qu’on appelle la dignité, favorise la récidive ».

Aujourd’hui, en France, le taux d’occupation carcérale moyen est de 119, 38 % par rapport au nombre de places disponibles. Sur 247 sites d’emprisonnement, tous types confondus, 10 ont une densité supérieure à 200 % et 32 une densité comprise entre 150 % et 200 %.

Outre-mer, la situation est pire encore : au 1er juillet 2012, le taux atteignait 223 % à la maison d’arrêt de Majicavo, à Mayotte, 234 % au quartier maison d’arrêt de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et 306 % au quartier maison d’arrêt de Faa’a-Nuutania, en Polynésie française.

Ces taux d’occupation illustrent avec force la gravité de la situation propre aux collectivités et départements ultramarins, situation que vous avez, madame la garde des sceaux, prise en compte, en installant un groupe de travail spécifique sur ce sujet, lequel devrait rendre son rapport au mois de juillet prochain.

De nombreuses études ont également démontré que la vie en prison, où l’on peut côtoyer des criminels aguerris, fabrique de la récidive. Il s’agit même souvent d’une véritable école du crime. Une phrase prononcée par un prisonnier, et largement reprise par les médias, illustre très justement cette situation : « Vous entrez en prison avec un CAP de voleur, vous sortez avec un mastère de criminologie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

De surcroît, 80 % des condamnés quittent aujourd’hui la prison sans aucun accompagnement ni projet de réinsertion. Or il est démontré que les sorties « sèches » augmentent le risque de récidive.

Enfin, l’incarcération coûte beaucoup plus cher que le suivi en milieu ouvert : environ 32 000 euros par détenu annuellement et 150 000 euros par place à construire, alors que, à titre indicatif, le coût d’un placement sous bracelet électronique est de 10, 43 euros par jour.

Devant ces constats, et compte tenu du contexte budgétaire actuel, faut-il continuer à remplir encore et toujours les prisons ? Faudra-t-il, pour financer ce système, lever un nouvel impôt ? En outre, eu égard à l’importance de la récidive après un passage en prison, est-il opportun de s’obstiner à recourir à l’enfermement systématique ?

Vous avez fait le choix, madame la garde des sceaux, de privilégier la prévention de la récidive, en rétablissant l’individualisation de la peine en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de l’auteur de ceux-ci, et de redonner aux magistrats leur pleine liberté d’appréciation.

Pour ce faire, vous nous proposez de supprimer, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, les peines planchers, dispositif qui s’est montré inefficace pour contrer la récidive et se trouve à l’origine d’un allongement de la durée des peines et d’un accroissement de la surpopulation pénale. Nous disposons d’un recul suffisant, de sept années, pour apprécier cette inefficacité.

Le texte que vous nous présentez aujourd’hui prévoit également d’enrichir l’arsenal répressif mis à la disposition des juges, en créant une nouvelle peine en milieu ouvert. La contrainte pénale consiste à imposer, sous le contrôle du juge de l’application des peines, le respect d’obligations et d’interdictions. Elle exigera un engagement du détenu, à qui il incombera, par exemple, de trouver un emploi, un hébergement, ou encore de rembourser ses victimes.

Ces mesures s’inscrivent donc dans une démarche de prévention de la récidive en favorisant la réinsertion. Le Gouvernement ne souhaite pas remettre tous les délinquants en liberté, comme cela a pu être dit. Tout délit mérite une sanction, mais cette dernière doit être utile et garantir la réinsertion du condamné dans la société à sa sortie.

Ce faux procès en laxisme qui est fait depuis toujours à la gauche dans ce pays est ridicule et dangereux.

Les arguments avancés contre cette réforme ont oscillé entre mises en cause contradictoires, invoquant le peu de changements que l’application de celle-ci apportera ou dénonçant, au contraire, une augmentation de la délinquance, indignations feintes, prédictions fantasmatiques d’une hausse de la délinquance et accusations injustes de vouloir vider les prisons. Je souhaite véritablement que les débats qui auront lieu dans cet hémicycle ne nous opposent pas de cette façon stérile et caricaturale.

La commission des lois, par la voix de son rapporteur, Jean-Pierre Michel, dont je salue l’excellent travail, a procédé à des améliorations intéressantes du texte, qui vous ont été présentées hier de manière détaillée. Néanmoins, je souhaiterais revenir rapidement sur certaines d’entre elles.

J’évoquerai, tout d’abord, la suppression de la rétention de sûreté.

La rétention de sûreté, qui permet de retenir en fin de peine des condamnés considérés comme dangereux et dont les bases juridiques sont jugées « hasardeuses et incertaines » par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne concerne, à ce jour, que quatre personnes. Cette mesure n’est pas faite pour remplacer l’internement en hôpital psychiatrique. Les détenus concernés ont besoin de soins, que la prison n’est pas en mesure de dispenser.

Je pense, ensuite, aux tribunaux correctionnels pour mineurs, créés par la loi du 10 août 2011 et ayant vocation à juger les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans au moment de la commission de faits correctionnels punis de cinq ans d’emprisonnement. Ces tribunaux dérogent au principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs et se sont révélés, dans la pratique, inutiles, coûteux et chronophages.

Quant au fait que la contrainte pénale soit prononcée à titre principal pour une série de délits punis de courtes peines d’emprisonnement n’impliquant pas de violences aux personnes, Alain Bauer, professeur de criminologie entendu par la commission des lois, nous a fait savoir que l’Allemagne a supprimé de son code pénal la peine de prison pour la quasi-totalité des délits : aujourd’hui, seules 20 % des infractions, contre 60 % en France, y donnent lieu à un emprisonnement.

Le dernier point sur lequel il me semble utile d’insister concerne l’intégration dans le texte des dispositions contenues dans la proposition de loi de nos collègues Jean-René Lecerf, Gilbert Barbier et Christiane Demontès relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits, qui avait été adoptée, en 2011, à l’unanimité par le Sénat.

En conclusion, je tiens à rappeler que ce projet de loi est l’aboutissement d’une large concertation avec les acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire et la société civile, ayant débuté avec la conférence de consensus que vous avez bien voulu mettre en place, madame la garde des sceaux. Il consacre une philosophie de la politique pénale qui tranche avec celle que nous avons connue pendant dix ans, en donnant enfin aux tribunaux correctionnels et à la défense les moyens d’assurer une véritable individualisation des peines. Nous espérons néanmoins voir évoluer le texte dans le sens indiqué par le rapporteur de la commission des lois. §

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans un contexte de surpopulation carcérale chronique, et alors que le taux d’incarcération se rapproche de son niveau de la fin du XIXe siècle – en dépit du cortège de mesures prises, malheureusement insuffisamment cohérentes ou trop factuelles –, la nécessité d’une réforme de fond de notre système pénal s’est imposée.

Je veux saluer, comme les orateurs précédents, la constitution d’une conférence de consensus, présidée par Nicole Maestracci. Cette méthode a permis une large confrontation d’idées entre acteurs de sensibilités différentes, appartenant au monde judiciaire ou à la société civile.

Je veux aussi saluer le talent du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, du Sénat, leur souci de retour à meilleure justice et à davantage de pragmatisme. Je rends en particulier hommage à M. le rapporteur de la commission des lois pour le remarquable travail qu’il a accompli.

Le projet de loi que nous examinons est un texte abouti, qui s’inscrit dans le prolongement de la démarche engagée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, visant à redonner sens à la sanction pénale, mais trop souvent dénaturée par les lois suivantes.

Nous sommes d’ailleurs nombreux, dans cet hémicycle, à nous féliciter du nouvel intitulé de ce projet de loi, qui recouvre la sanction pénale dans toutes ses dimensions et toutes ses composantes respectueuses de la dignité du condamné.

Cela a été rappelé, le projet de loi se structure en une trilogie : renforcement de l’individualisation des peines ; création d’une nouvelle peine de milieu ouvert, la contrainte pénale ; promotion de mesures d’exécution des peines permettant de lutter contre la récidive.

La redéfinition de la peine dit clairement les deux objectifs à atteindre : sanctionner le condamné, mais aussi favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion dans notre société. Ce second objectif était et est encore trop souvent perdu de vue, les centres de détention et les maisons d’arrêt étant devenus trop souvent des lieux de désocialisation.

Comme le soulignait le magistrat Serge Portelli en 2010, « juger, c’est juger autant l’homme que l’acte. L’individualisation des peines n’est pas une lubie ou un rêve laxiste, c’est une exigence morale, juridique et politique. C’est la condition absolue de l’efficacité d’une peine et la règle première de la lutte contre la récidive. »

Sans détailler plus avant ce dispositif, je veux saluer l’introduction de la mesure relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits. Nous avons été nombreux à souligner à cette tribune, madame le garde des sceaux, combien l’article 7 quinquies A, qui reprend une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat le 25 janvier 2011, est bienvenu.

S’agissant de la contrainte pénale, elle peut être une peine alternative à la prison, sous réserve que les moyens de suivi soient réellement renforcés par rapport à ce qu’ils sont aujourd’hui.

Il en va de même de la prévention de la récidive, qui fait du condamné l’acteur de son propre destin. Le projet de loi que nous examinons met le condamné en situation d’être responsable de sa propre sortie – non pas une sortie « sèche », mais une sortie accompagnée d’une réinsertion véritable –, sans pour autant méconnaître la place qui revient aux victimes dans le cadre d’une opportune justice « restaurative ».

Madame la garde des sceaux, je veux croire à l’intérêt de ce texte, et même à ses avancées, comme j’avais cru à celui de la loi pénitentiaire de 2009.

Toutefois, vous ne pouvez l’ignorer, la réussite de cette réforme implique que les trois conditions suivantes soient réunies.

Premièrement, il faut accroître les moyens mis à disposition des services judiciaires : à cet égard, la création de 1 000 emplois, dont 400 dès cette année, dans le corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation est un bon signe.

Deuxièmement, il convient de moderniser la probation française par le développement de la recherche et de la formation en criminologie et par l’intensification des relations avec les travailleurs sociaux.

Enfin, troisièmement, il importe de prendre en compte, chez les détenus, les problèmes de santé et d’addiction sous toutes leurs formes, et pas seulement la forme médicamenteuse.

Il faudra de l’énergie, de la détermination et de la constance pour remplir ces conditions. Je sais, madame la garde des sceaux, votre pugnacité et votre inébranlable détermination. Avec les membres de mon groupe, je n’aurai aucune hésitation à voter ce projet de loi, garant de notre contrat social et de notre pacte républicain.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la discussion d’un projet de loi dont l’examen aurait pu être l’occasion de réfléchir à l’élaboration d’une politique pénale plus ambitieuse, pour répondre aux besoins et aux enjeux d’une justice pour tous, et comprise par tous.

Annoncée, puis reportée – élections municipales à hauts risques obligent ! –, attendue, contestée même au sein du Gouvernement – comme en témoignent les missives adressées en juillet 2013 par le ministre de l’intérieur au Président de la République pour l’alerter sur un projet qui reposait, selon ses termes, sur un socle à la légitimité fragile, la conférence de consensus, et sur le fait que les conclusions du « jury » avaient été l’objet de fortes réserves au sein même de la magistrature –, cette réforme semble avant tout dictée par l’antisarkozysme, qui demeure décidément le principal moteur de la majorité

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Circonstance aggravante, une réforme de cette nature n’aurait jamais dû être examinée en procédure accélérée, au préjudice des droits du Parlement et d’un débat serein et constructif pour l’avenir de notre société.

Premier constat, les Français expriment une volonté très nette de protection et de fermeté : 72 % d’entre eux demandent une plus grande sévérité à l’égard des récidivistes et une limitation des remises en liberté. Force est de constater que ce texte ne sera pas de nature à les rassurer, puisqu’il va exactement à l’encontre de leurs attentes !

Vous avez la conviction erronée que l’on incarcère trop en France, que la prison est l’école du crime et qu’il faut, pour ces motifs, prendre des dispositions pour empêcher à tout prix le recours à l’emprisonnement.

Personne ne souhaite que l’on enferme en prison des personnes qui n’ont rien à y faire, mais il y a aussi des personnes qui devraient y être et qui n’y sont pas, ou qui ne sont pas condamnées. §

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

C’est bien vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Par ailleurs, l’idée selon laquelle c’est la prison qui crée la récidive est fausse et caricaturale ; c’est bien la récidive qui conduit en prison.

Comme le soulignait Isabelle Gorce, la directrice de l’administration pénitentiaire que vous avez nommée, madame la ministre, « les courtes peines posent des problèmes complexes. Beaucoup, en maison d’arrêt, ont déjà été condamnés à des peines en milieu ouvert, et c’est donc à la suite d’échecs successifs qu’ils finissent par être condamnés à une petite peine d’emprisonnement. » Il vaudrait donc mieux réformer et encadrer les alternatives à la détention.

Vous multipliez les erreurs d’analyse, comme le démontrent les statistiques pénales du Conseil de l’Europe publiées récemment. En réalité, la vraie question, que vous escamotez de manière purement idéologique, c’est celle du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire. Vous préférez vider les prisons pour faire de la place, plutôt que de revoir ce dimensionnement en y consacrant les crédits nécessaires. Notre pays a besoin de 100 000 places de prison, or il n’en compte que 57 500.

Vous avez abandonné le projet, nécessaire mais timide, de l’ancienne majorité, qui prévoyait la construction de 24 000 places de prison, effort indispensable pour nous mettre en conformité avec les normes européennes et pouvoir faire exécuter effectivement les peines d’emprisonnement. Pour les deux années à venir, 2 000 places seulement sont budgétées.

En réalité, ce texte est une succession de dispositions inquiétantes.

Tout d’abord, la suppression des peines planchers pour les délinquants récidivistes relève d’une posture idéologique et constitue un signal de laxisme à l’égard des récidivistes.

Ensuite, la création de la contrainte pénale, cette nouvelle peine qui est en fait une liberté encadrée, permettra d’éviter un peu plus encore l’incarcération.

La dernière version du dispositif, des plus extrémistes, élaborée par la commission des lois institue une peine autonome, que les juges n’auront plus la latitude d’appliquer ou non et qui se substituera purement et simplement à la prison en cas de vol, de recel de vol, de filouterie, de dégradations, d’usage de stupéfiants, de délit de fuite et de certains délits routiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Vous souhaitiez donner de la place à l’aménagement de la peine, mais vous ne semblez plus maîtriser la voie que vous avez ouverte, madame la ministre, tant les plus jusqu’au-boutistes des vôtres vous donnent du fil à retordre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Demandez donc son avis à M. Valls, vous verrez !

Il est également proposé d’ajouter, dans la panoplie, une possibilité d’ajournement aux fins d’investigation sur la personnalité ou la situation de l’intéressé, dont la principale conséquence sera l’augmentation du nombre des peines inexécutées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Il y a aussi la procédure d’examen automatique de tous les dossiers des détenus pour les libérer aux deux tiers de leur peine – en réalité à la moitié, du fait des crédits de réduction de peine.

Ce sont là autant de signaux dangereux. Ne vaudrait-il pas mieux s’attacher à réduire les délais d’exécution des décisions de justice ? Plus d’un tiers des peines de prison ferme ne sont pas exécutées plus de sept mois après leur prononcé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

… et 25 % d’entre elles ne le sont pas après un an. Pour que la peine soit dissuasive, elle doit être effective !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Il faut assortir votre réforme de moyens qui soient à la hauteur des enjeux, bannir toute disposition faisant prospérer l’impunité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui a pour objet premier de renforcer l’efficacité réparatrice de la sanction pénale pour la société. Mais, sous votre impulsion, madame la ministre, une visée symbolique lui a également été donnée : il tend à changer notre regard, à promouvoir une autre approche de la délinquance et de la prison, une autre ambition pour le triptyque sanction-réinsertion-prévention de la récidive. Il traduit la nouvelle orientation de la politique pénale voulue par notre majorité.

Ce projet de loi résulte d’un long travail de concertation associant tous les acteurs de la mise en œuvre de la politique pénale. Les travaux préparatoires ont commencé bien en amont, avec la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, présidée par Mme Nicole Maestracci et qui a recommandé de repenser la politique pénale en l’orientant vers la limitation du recours à l’incarcération et le développement des mesures d’aménagement des peines.

Le projet de loi est à l’évidence fidèle à l’esprit des conclusions de la conférence de consensus. Face à la croissance constante du nombre de détenus, la politique pénale doit absolument évoluer. Les personnes que nous avons auditionnées ont été unanimes sur ce point.

M. Robert Badinter a insisté sur le fait que le taux d’incarcération traduit la réussite ou l’échec de la politique pénale. De 2002 à 2012, le nombre de détenus a augmenté de 35 %, ce qui révèle l’échec de la politique pénale du « tout carcéral » menée par la majorité précédente, exception faite de la loi de 2009, et défendue à l’instant par notre collègue Pierre Charon.

La peine de prison constitue la norme aujourd’hui, alors même qu’elle reste souvent inexécutée. Or force est de constater les effets néfastes de l’incarcération, en particulier sur les personnes condamnées à de courtes peines. Loin de leur permettre de s’amender, la prison leur ouvre trop souvent la voie de la récidive et de la criminalité. Quand le recours à la détention est nécessaire – et il l’est forcément dans bien des cas –, il faut absolument garantir, comme l’a souligné notre collègue Jacques Mézard, des conditions de détention respectueuses de la dignité des personnes détenues et préparer la sortie dès le début de l’incarcération, afin d’éviter les sorties « sèches ».

C’est avec ce souci du respect de la dignité des personnes condamnées que j’ai défendu la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 15 mai dernier. Renforcer les pouvoirs du contrôleur général des lieux de privation de liberté, c’est veiller au respect de la dignité des personnes condamnées et aux bonnes conditions de travail des personnels pénitentiaires. C’est ainsi favoriser la réinsertion sociale et diminuer le risque de récidive. Les constats et les réflexions de M. Jean-Marie Delarue doivent maintenant nourrir nos nouvelles propositions.

Les peines d’emprisonnement prononcées arrivant toutes un jour à leur terme, la société a la responsabilité de prévenir efficacement la commission de nouvelles infractions. En ce sens, le présent projet de loi a le mérite d’aborder de front le problème de la récidive, en se focalisant sur les délits et sur les courtes peines.

Pour ces cas, force est de constater que la prison ne peut qu’aggraver le risque de récidive. Nul ne saurait, de bonne foi, taxer de laxisme ceux qui proposent de favoriser les peines alternatives à l’incarcération ou les aménagements de peines. Il est de la responsabilité de l’État de faire le nécessaire pour remplir son devoir de protection du citoyen, en dehors de toute considération démagogique. De ce point de vue, ce projet de loi est un texte courageux et responsable.

Je ne reviens pas sur l’architecture du texte ni sur l’analyse des articles, parfaitement présentés par Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur. Je soulignerai plutôt les apports, qui me semblent essentiels, du travail parlementaire, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je salue particulièrement le travail très approfondi effectué par notre rapporteur, M. Jean-Pierre Michel.

Le texte met très justement l’accent sur l’indispensable individualisation des peines prononcées et sur le renforcement du contrôle et du suivi des personnes effectuant leur peine.

L’innovation principale de ce projet de loi réside dans la création d’une nouvelle peine de contrainte pénale, alternative nécessaire à l’incarcération, qui permettra un suivi renforcé des personnes condamnées. À cet égard, je salue l’initiative de l’Assemblée nationale, qui a étendu à tous les délits l’application de cette nouvelle peine à compter de 2017.

Sur l’initiative du rapporteur, la commission des lois du Sénat a fait un pas supplémentaire dans cette direction en adoptant un amendement visant à faire de la contrainte pénale la peine principale encourue pour une liste restreinte de délits, excluant les atteintes à l’intégrité physique des personnes. Dans ces cas, la peine d’emprisonnement n’a pas véritablement de sens.

L’instauration d’une procédure d’examen obligatoire de la situation des condamnés aux deux tiers de la peine est une autre mesure forte de ce texte. Cet examen permettra d’apprécier s’il y a lieu ou non de faire bénéficier les détenus d’une mesure de sortie encadrée. À tous les niveaux, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, dont je tiens à saluer l’action au cœur de notre système pénal, seront les pivots de la réforme, eu égard à leur rôle en matière de suivi et d’accompagnement des condamnés.

Par ailleurs, le texte renforce les pouvoirs de police et de gendarmerie en matière de contrôle des personnes placées sous main de justice. Il s’attache également à renforcer les droits des victimes.

Le travail de la commission des lois du Sénat a permis de nombreuses avancées. Elle a supprimé les dispositions autorisant la police et la gendarmerie à recourir à la géolocalisation et à des interceptions de communications en dehors de tout cadre d’enquête portant une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles, que notre assemblée a le souci constant de défendre.

Lors des auditions menées par la commission, la quasi-totalité des experts que nous avons entendus ont insisté pour que la rétention de sûreté soit supprimée : c’est ce que nous proposons. La surveillance de sûreté, quant à elle, est heureusement maintenue.

Notre rapporteur propose également la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés par la loi du 10 août 2011 et dont le fonctionnement n’a donné satisfaction à personne.

Enfin, la commission donne suite à la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat le 25 janvier 2011, issue des travaux de la mission d’information sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions. Il s’agit de reconnaître explicitement l’altération du discernement comme facteur d’atténuation de la responsabilité, et donc de la peine, tout en renforçant les garanties relatives au respect de l’obligation de soins pendant et après la détention.

Je souhaite insister sur les aménagements de peines. La commission des lois a choisi, contrairement à ce qui était prévu dans le texte initial, de s’en tenir au droit actuel, issu de la loi pénitentiaire de 2009, en accord avec l’esprit du projet de loi, qui vise à favoriser les aménagements de peines, plutôt que d’en restreindre la possibilité. Cependant, il est nécessaire à mon avis de conserver les améliorations apportées par l’Assemblée nationale visant à réduire les différences entre les régimes applicables respectivement aux récidivistes et aux primo-délinquants, les premiers étant, en tout état de cause, condamnés à des peines plus lourdes que les seconds. J’y reviendrai en défendant un amendement.

Enfin, je présenterai un amendement tendant à renforcer le dispositif des travaux d’intérêt général, qui est l’un des pivots de la nouvelle peine de contrainte pénale et dont il faut donc assurer le développement.

Dans toutes ces dispositions, le texte respecte totalement la liberté du juge, tant pour le prononcé d’une sanction individualisée que pour l’exécution de celle-ci. Bien sûr, il conviendra de veiller tout particulièrement à ce que les moyens de la justice soient à la hauteur de cette volonté de réorientation de la politique pénale.

Les objectifs de ce texte sont donc justes. Il prolonge le travail accompli au travers de la loi pénitentiaire de 2009. Il permet en outre de dépasser l’opposition traditionnelle et caricaturale entre politique sécuritaire et politique dite « laxiste ». §

Après avoir apprécié et accompagné le travail que vous avez accompli, madame la garde des sceaux, nous serons à vos côtés pour faire en sorte que votre ambition ne reste pas lettre morte. Nous voterons donc ce texte avec conviction. §

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il convient de redonner un sens à notre politique pénale, car l’inflation législative sécuritaire de ces dernières années s’est révélée inopérante, pour ne pas dire contre-productive. En effet, cette politique n’a pas permis de réduire la délinquance, et encore moins la récidive. Elle a de fait contribué à l’engorgement des établissements pénitentiaires et à la situation explosive que l’on connaît aujourd’hui.

Ne nous y trompons pas : ce texte représente un tournant dans la réponse pénale de notre État démocratique et de droit. Il constitue un choix de société, car il s’agit ici de renforcer l’efficacité des sanctions pénales, comme l’indique le nouvel intitulé du projet de loi, et non d’instaurer le laxisme.

Chers collègues, les visions peuvent être différentes, et les méthodes aussi, mais avons-nous gagné la guerre contre les violences ? Avons-nous enrayé le cancer de la surpopulation carcérale ? Avons-nous réduit à néant la récidive ?

Au 1er avril 2014, la capacité d’accueil des prisons françaises était de 57 680 places. Or 68 859 détenus étaient incarcérés au total, dont 2 209 femmes. À titre de comparaison, au 1er octobre 2012, les prisons françaises comptaient 76 407 personnes condamnées, dont 66 704 incarcérées et 9 703 non hébergées. Au 1er octobre 2013, on dénombrait 78 363 personnes condamnées, dont 67 310 incarcérées et 11 053 non hébergées.

Selon le rapport du groupe de travail relatif aux problématiques pénitentiaires d’outre-mer, en mars 2014, parmi les huit établissements pénitentiaires français dont le taux d’occupation est supérieur à 200 %, trois sont situés en outre-mer. Il s’agit du centre pénitentiaire de Ducos, en Martinique, qui détient le triste record de 1 042 détenus pour 570 places, du centre de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, la palme de la densité carcérale revenant au quartier de la maison d’arrêt de Faa’a Nuutania, en Polynésie, où le taux d’occupation atteint 279, 6 %.

De manière générale, et selon le bulletin cartographique publié pour l’année 2011 par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ, deux départements, la Guadeloupe et la Guyane, se situent très souvent au-dessus du taux national de délinquance, voire se classent au premier rang selon ce critère. C’est le cas notamment pour les vols violents avec arme, pour les cambriolages, pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique. Alors que le taux national est de 7, 6 %, il s’établit à 15, 5 % en Guadeloupe et à 15, 1 % en Guyane. La gravité des actes de délinquance commis entraîne nécessairement un nombre important d’incarcérations dans ces deux départements. La surpopulation carcérale y est une réalité très prégnante, ayant pu conduire certaines juridictions, tels les tribunaux de grande instance de Basse-Terre, de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France, à différer la mise à exécution de certaines peines privatives de liberté.

Oui, je l’affirme : les traitements des délinquances et de la surpopulation carcérale ont été inefficaces sur l’ensemble du territoire, et particulièrement en outre-mer.

Dans un contexte économique difficile, caractérisé notamment par un taux de chômage, en particulier des jeunes, extraordinaire – il atteint 62 % pour la tranche d’âge 18-25 ans en Martinique –, beaucoup de détenus non accompagnés pendant leur parcours d’insertion sont amenés à récidiver. Avant leur incarcération, 70 % des détenus étaient sans emploi.

On a construit de nouvelles prisons, puis on a multiplié les réformes, pour aboutir aujourd’hui à une réflexion sur une politique plus forte d’aménagement des peines. À cet égard, qu’avons-nous fait jusqu’à présent de si extraordinaire qu’il faille rejeter cette nouvelle voie ? L’idée est dérangeante, et digne de la grandeur d’esprit de notre garde des sceaux actuelle, mais certains continuent à se battre inexorablement pour des idées qui nous poussent depuis des décennies à l’échec.

Nous nous dirigeons vers un mur dont les briques sont le manque de moyens financiers et humains, l’absence de changement de culture des acteurs judiciaires et pénitentiaires, et, enfin, la sédimentation des dispositifs pour lutter contre la récidive. La multiplication de ces derniers aboutit à des réponses de moins en moins efficaces. Nous sommes au bout d’un système et, dans notre société française du XXIe siècle, les esprits ne peuvent plus se satisfaire d’une situation aux effets pernicieux.

Nous, élus martiniquais, l’avons bien compris. C’est pourquoi le conseil régional de la Martinique et le centre pénitentiaire de Ducos ont signé en mai 2013, dans le cadre de la lutte contre la récidive, une convention de partenariat prévoyant treize actions de formation, comme la remise à niveau, la découverte des métiers, l’aide à l’orientation, ou encore la lutte contre l’illettrisme. Ce plan, d’un coût total de 563 024 euros, s’adresse à 224 détenus, hommes et femmes, jeunes et adultes, placés sous main de justice.

Parallèlement, un programme d’amélioration et de rénovation des équipements et des outils pédagogiques du centre pénitentiaire fait aussi l’objet d’un conventionnement avec la région, pour un coût de 131 400 euros.

De plus, le conseil régional participe à hauteur de 242 802 euros à la prise en charge des frais pédagogiques des actions de formation, et a accordé une subvention d’investissement de 98 550 euros.

Ce projet de loi ouvre, à mes yeux, des pistes intéressantes pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, comme je l’avais fortement conseillé ici même lors de mon intervention du 25 avril 2013 sur la loi pénitentiaire.

Ainsi, je considère, madame la garde des sceaux, que votre projet de loi manifeste une ambition forte de lutter contre la délinquance et constitue une réforme pénale au service des citoyens.

En effet, trois grands axes orientent le dispositif : permettre au juge de prononcer une peine adaptée et juste ; créer une nouvelle peine, la contrainte pénale ; instaurer un nouveau dispositif pour éviter les sorties de prison dites « sèches », c'est-à-dire sans contrôle ni suivi. Pour la mise en œuvre de toutes ces nouvelles dispositions normatives, des moyens pertinents sont annoncés.

En résumé, si ces dispositions témoignent d’une volonté forte du Gouvernement d’avancer sur les questions épineuses de l’incarcération et de la récidive, il n’en demeure pas moins qu’elles viennent s’inscrire dans un environnement difficile et sans concession.

Les avancées dues aux règles pénitentiaires européennes et à la loi pénitentiaire sont indéniables, mais, encore une fois, on ne peut gagner sur le terrain de la lutte contre la délinquance qu’en instaurant une union sacrée. Nous ne devons ignorer aucune solution pour avancer sur le chemin de la réussite. §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Je veux remercier les oratrices et les orateurs de cette discussion générale, dont les interventions ont permis de clarifier la teneur de certaines dispositions du projet de loi et, surtout, d’ouvrir des pistes de réflexion en vue de l’examen des articles.

Plus particulièrement, je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs de la majorité d’avoir rappelé posément – avec équanimité, allais-je dire, car il y a tout de même un certain mérite à rester pondéré sur ces questions –, en se fondant sur des éléments précis, tangibles, mesurables et vérifiables, l’état des lieux, la réalité sur laquelle nous essayons d’agir, la situation que nous avons la responsabilité de traiter.

On nous adresse constamment le reproche de faire des choix dogmatiques, fondés sur l’idéologie… Ce sont là des mises en cause, et non des démonstrations étayées.

Je répondrai à quelques questions précises que vous avez posées et, d’une façon transversale, à une préoccupation qui a été formulée par plusieurs d’entre vous, appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition.

Madame Klès, vous avez évoqué, à partir d’un cas précis, un vrai sujet. Par une circulaire d’octobre 2012, j’ai demandé que les personnels des établissements pénitentiaires procèdent à la détection des détenus dépourvus de pièce d’identité. Ce travail d’évaluation de la situation est en cours.

Monsieur Antiste, vous savez, pour suivre de très près ces questions, que le rapport du groupe de travail parlementaire sur les prisons outre-mer sera rendu très prochainement. La situation dans les outre-mer est très inquiétante : le taux de suroccupation carcérale y atteint 328 %. Le Gouvernement a décidé de préserver les constructions prévues. Concernant Mayotte, monsieur Mohamed Soilihi, le nouveau centre de détention sera livré très prochainement, et la maison d’arrêt dans quelques mois.

Monsieur Lecerf, vous avez rappelé le contenu du rapport que vous aviez rédigé avec Mme Borvo Cohen-Seat et souligné à juste titre qu’il faut renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation. L’étude d’impact de la loi pénitentiaire avait estimé à un millier les besoins en termes de personnels supplémentaires : nous entendons précisément créer 1 000 postes en trois ans. Si la période avait été plus facile en matière de finances publiques, nous aurions fait davantage encore, mais je puis en tout cas affirmer que l’engagement pris sera tenu : d’ores et déjà, 63 conseillers d’insertion et de probation ont été recrutés en 2013 et 400 le seront en 2014, leur formation étant assurée par l’École nationale de l’administration pénitentiaire. C’est un effort considérable : je rappelle que ce corps est composé de 4 000 fonctionnaires ; aussi, lorsque nous créons 1 000 emplois nouveaux en trois ans, nous augmentons son effectif de 25 %. C’est sans précédent dans la fonction publique ! §

Voilà qui est de nature à répondre à vos interrogations sur la mise en place des effectifs et des moyens nécessaires, monsieur Lecerf, d’autant que nous avons aussi créé 120 postes de juge de l’application des peines ou de greffier en 2013 et que nous en créerons encore 50 en 2014. Nous veillons à ne pas renouveler l’erreur, parfois commise dans le passé, de créer des postes de magistrat sans les accompagner des postes de greffier correspondants.

Cependant, renforcer les effectifs ne suffit pas. Vous le savez, monsieur Lecerf, vous qui travaillez depuis longtemps sur ces questions pénitentiaires. J’ai donc institué en octobre 2012 un groupe de travail sur les profils de recrutement des conseillers d’insertion et de probation, car il nous faut mêler les métiers et les cultures professionnelles. Nous travaillons également sur les méthodes de prise en charge et les outils d’évaluation. Par conséquent, notre action ne porte pas seulement sur l’aspect quantitatif, elle comporte aussi une dimension qualitative. En effet, il est important que ce métier de conseiller d’insertion et de probation qui s’est en quelque sorte construit en marchant ait une identité cohérente sur l’ensemble du territoire, issue de la pratique professionnelle.

Pardonnez-moi de m’exprimer de façon un peu désordonnée, mais il faut dire que j’ai entendu des arguments eux-mêmes assez désordonnés…

Je ne répondrai pas à votre mise en cause générale, monsieur Charon, car elle ne le mérite pas. Vous avez bien sûr parfaitement le droit de vous exprimer en ces termes, mais vos accusations ne sont absolument pas fondées.

Vous affirmez savoir ce que veulent les Français. Or la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités est la résultante de dix années de politiques pénale et carcérale menées par la précédente majorité ! Vous dites que nous avons abandonné le plan de construction de 24 000 places de prison, mais pas un seul euro, monsieur le sénateur, n’avait été inscrit au budget pour financer sa réalisation, dont le coût était de 3, 5 milliards d’euros. On ne peut pas abandonner ce qui n’existe pas ! §

Nous préférons dire la vérité aux Français. Pour notre part, nous nous sommes engagés à créer 6 300 places de prison. Leur livraison a déjà commencé et nous tiendrons les délais prévus, sachant que nous sommes de surcroît parfois obligés de fermer des établissements vétustes et de les remplacer.

Vous nous reprochez, avec d’autres intervenants, d’avoir engagé la procédure accélérée. Je vais devoir rafraîchir certaines mémoires…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce n’est pas parce que nous avons mal fait que vous devez en faire autant !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bas, je vois que vous prenez les devants !

Je me vois obligée de vous rappeler que la loi pénitentiaire de 2009 a été examinée selon la procédure accélérée. Ce n’en est pas moins une belle loi, grâce notamment à l’excellent travail accompli par son rapporteur au Sénat.

Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Absolument ! M. Lecerf sait que je lui porte grande estime : nous nous sommes retrouvés depuis deux ans sur de nombreux sujets.

Je vous rappelle aussi que la loi de 2007 qui a instauré les peines planchers a également été débattue après engagement de la procédure accélérée. Ce n’était peut-être pas, en l’occurrence, le meilleur choix…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Parfois, le recours à la procédure accélérée se justifie moins.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, car il y a une très grande différence, monsieur le sénateur, par rapport à la loi de 2007 : je vous mets au défi de me citer un texte comparable ayant fait l’objet d’un processus d’élaboration et de maturation aussi poussé !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Tous les éléments sont à votre disposition depuis plusieurs mois. D’ailleurs, la commission des lois du Sénat a pris l’initiative de procéder à des auditions avant même que l’examen du projet de loi ait commencé à l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, le Parlement sait travailler bien et vite, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… et je le dis sans ironie aucune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce qui nous gêne, c’est l’absence de navette.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bas, je suis sûre que, dans votre vie de ministre puis de sénateur, d’autres choses vous ont infiniment plus gêné…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous crois volontiers, monsieur Karoutchi !

Monsieur Hyest, vous savez tout le respect que j’ai pour vous.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vais prendre le temps de vous répondre, car l’une des formules que vous avez utilisées à la tribune m’a étonnée. Compte tenu de la conception de la pénalité que vous défendiez lorsque vous présidiez la commission des lois, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… je regrette que vous n’ayez pas reconnu l’existence d’une continuité, dans l’esprit, entre le présent projet de loi et la loi pénitentiaire de 2009 : celle-ci reposait en effet sur une conception moderne de la pénalité.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La loi pénitentiaire affirmait la nécessité de punir, de sanctionner, mais aussi celle de travailler à l’insertion des détenus. Nous nous inscrivons aujourd'hui dans la même logique ; je n’aurais aucune peine à le démontrer.

Je respecte votre position, mais je regrette que vous ayez dit que, dans ce projet de loi, il n’y avait qu’un « zeste » pour les victimes.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cela fait deux ans que, à l’Assemblée nationale, on me cherche querelle en permanence sur ce sujet. Ce n’est pas le cas ici, aussi n’avais-je pas encore pris le temps d’expliquer ce que nous faisons pour les victimes, mais je vais m’y atteler maintenant, car je ne peux laisser certains propos sans réponse.

Je vais répondre posément, n’ayant pas le sentiment d’être ici en terrain hostile.

Comme je l’ai dit lors de mon intervention liminaire, deux préoccupations ont présidé à l’élaboration du présent projet de loi : remplir le devoir de solidarité de l’État à l’égard des victimes, en le rendant effectif, et travailler à la réinsertion, car toute peine, y compris d’incarcération, n’a qu’un temps et la personne sanctionnée est appelée à revenir ensuite dans la société. Nous voulons que ce soit dans de bonnes conditions.

Qu’avons-nous fait depuis deux ans pour les victimes ? Nous ne nous en vantons pas, parce que, par respect pour les victimes, je me suis interdit, comme je l’ai interdit à mes collaborateurs, de les instrumentaliser. Nous veillons à être exemplaires dans notre attitude à l’égard des victimes. Ne pas proclamer ce que nous faisons pour elles me dessert depuis deux ans. Aujourd'hui, devant la représentation nationale, je vais prendre le temps d’exposer notre action.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, j’ai constaté que le budget de l’aide aux victimes n’avait pas cessé de baisser au cours des quatre dernières années du précédent quinquennat. Sans le claironner sur les toits, j’ai pris la décision d’augmenter de 25, 8 % ce budget dès ma première année au ministère de la justice.

Durant le précédent quinquennat, il avait été décidé d’ouvrir des bureaux d’aide aux victimes : cinquante l’ont été en trois ans. J’ai trouvé que l’idée était belle et qu’elle méritait d’être mise en œuvre de façon plus large. J’ai donc décidé d’ouvrir un bureau d’aide aux victimes dans chaque tribunal de grande instance. Cent bureaux d’aide aux victimes ont ainsi été créés au cours de la seule année 2013 ; nous sommes en train d’ouvrir les derniers.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cela étant, je me suis dit qu’ouvrir cent structures en une seule année pouvait conduire à des malfaçons. C'est pourquoi, dès le mois de juin 2013, j’ai demandé à l’Inspection générale des services judiciaires de procéder à un audit des bureaux d’aide aux victimes, afin de m’assurer que nous étions en train de bâtir du solide. Nous avons dû faire quelques ajustements pour consolider le dispositif. Nous allons maintenant inscrire ces structures dans la loi : leur existence sera ainsi pérennisée.

Par ailleurs, nous avons remobilisé le conseil national d’aide aux victimes. Après avoir beaucoup entendu parler des victimes pendant le précédent quinquennat, j’ai découvert, à mon arrivée au ministère, outre que le budget de l’aide aux victimes baissait depuis quatre ans, que le conseil national d’aide aux victimes n’avait pas été réuni depuis 2010. Sans aller non plus le clamer sur les toits, j’ai modernisé cette instance et modifié sa composition. Je reçois deux fois par an à la Chancellerie ce conseil dont vous êtes membre, monsieur Détraigne.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je salue d'ailleurs votre assiduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Il s’est réuni régulièrement auparavant, mais pas sous la présidence du garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le conseil national d’aide aux victimes est placé sous la responsabilité du garde des sceaux, qui a le devoir d’organiser ses réunions à la Chancellerie. Ses membres avaient pris l’initiative de se réunir entre eux, mais il n’avait pas été réuni officiellement depuis 2010. Là encore, je ne suis pas allée le clamer sur les toits.

Nous avons pris l’initiative de créer une journée en faveur des droits des victimes, sous la responsabilité de la Chancellerie. La première s’est tenue en novembre 2013 ; la prochaine aura lieu en novembre 2014.

Nous avons également pris un certain nombre d’autres initiatives. Par exemple, nous appliquons par anticipation, sans attendre leur transposition dans notre droit – le délai court jusqu’en novembre 2015 –, les dispositions de la directive européenne sur les droits des victimes de la criminalité qui permettent un suivi individualisé des victimes. J’ai décidé de lancer une expérimentation dans huit tribunaux de grande instance. Cette expérimentation a commencé en janvier.

En plus d’avoir réécrit l’article 707 du code de procédure pénale, en plus d’avoir rassemblé les droits des victimes, qui étaient jusque-là dispersés dans le code, en plus d’avoir renforcé ces droits, notamment pour garantir la tranquillité et la sûreté des victimes pendant la période d’exécution de la peine, nous avons introduit dans le projet de loi un article relatif à la justice restaurative, parce que nous pensons qu’il faut aider la victime à se rétablir. Pour cela, il existe des méthodes qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Nous les introduisons avec précaution ; nous en sommes déjà à la deuxième expérimentation, très encadrée.

Je rappelle que, en France, le droit pénal s’est construit contre la victime. Celle-ci avait bien entendu droit à des dédommagements civils, mais elle n’a fait son entrée dans le procès pénal qu’avec la loi Badinter de 1983, visant à protéger les victimes d’infractions. Cette loi a été consolidée en 2000 par Élisabeth Guigou, qui a renforcé la protection des victimes.

Historiquement, je le redis, le système pénal français s’est construit non seulement sans la victime, mais même contre elle. Aujourd'hui encore, dans la plupart des pays anglo-saxons, la victime n’a aucune place dans le procès pénal. Pour notre part, nous suivons une logique complètement différente. Pas à pas, mais en faisant tout de même de belles enjambées, nous construisons un accompagnement des victimes, parce que nous estimons qu’elles ont besoin de réparation. Cela correspond d’ailleurs à l’esprit du rapport rédigé par Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu.

Nous voulons aussi améliorer les procédures d’indemnisation, car nous savons bien que, à l’heure actuelle, elles ne donnent pas entière satisfaction. L’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM, nous a remis quarante propositions. Nous avons déjà repris certaines d’entre elles dans une circulaire qui sera adressée à tous les tribunaux de grande instance, afin d’homogénéiser les pratiques en matière d’aide aux victimes.

Excusez-moi de m’être exprimée un peu longuement sur l’aide aux victimes, mais cela me paraissait indispensable. On ne peut pas continuer à nous faire des procès sur ce sujet alors que nous avons tant fait en deux ans. J’ajoute que le projet de loi prévoit deux sources de financement de l’aide aux victimes, que vous souhaitez, me semble-t-il, améliorer.

Nous avons inscrit dans le texte une obligation d’évaluer les effets de son dispositif au bout de deux ans. Notre volonté est de prendre en compte la réalité telle qu’elle se présente et de la corriger. Nous voulons que nos dispositions soient efficaces, et nous ne craignons pas de prendre rendez-vous dans deux ans pour vous présenter les résultats de cette évaluation.

Accomplir ce travail d’évaluation nécessite bien entendu des outils. Nous avons déjà engagé la réforme de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, sur la base notamment du rapport de M. Le Bouillonnec et en lien avec le ministère de l’intérieur, qui a créé en janvier 2014 son propre système statistique. Celui de la Chancellerie existe depuis 1973. Dorénavant, l’ONDRP effectuera un travail transversal, à partir de sources multiples, pour étudier et analyser les phénomènes de délinquance sur l’ensemble du territoire.

Nous créons par ailleurs, sur le fondement de l’article 7 de la loi pénitentiaire, un observatoire de la récidive et de la désistance, qui échappera à l’emprise du ministère de la justice. Pour l’heure, en effet, les statistiques publiées font régulièrement l’objet de contestations. On accuse le ministère de l’intérieur ou – moins souvent – le ministère de la justice de manipuler les chiffres. C'est pourquoi il est important que les outils statistiques ne soient pas soumis à la tutelle des ministères. Le casier judiciaire national, parmi d’autres sources, alimentera cet observatoire, qui étudiera de façon transversale les trajectoires de délinquance et les facteurs de désistance. Nous avons besoin non seulement de mesurer le plus précisément possible l’évolution des diverses formes de délinquance, mais également de connaître les facteurs de désistance et l’effet des différents types de peines en matière de prévention de la récidive.

Tout à l'heure, lors de l’examen des articles, nous débattrons très probablement des catégories de peines. Il y a une logique, une cohérence à penser la peine en fonction du triptyque amende-contrainte pénale-incarcération. Cela apportera davantage de clarté et de lisibilité pour les magistrats, ainsi que pour tous les intervenants dans l’exécution des peines.

Il s’agit cependant d’un travail de fond. Dans le projet de loi, nous ne touchons pas à l’échelle des peines. Or un certain désordre a été introduit dans le code pénal.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vois que vous en convenez.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il faut y remédier. Je suis sûre que nous parviendrons à nous entendre sur le principe que l’échelle des peines doit correspondre à l’échelle des valeurs de la démocratie et de la République. Aujourd'hui, du fait du désordre créé par des modifications successives sans lien les unes avec les autres, certaines atteintes aux biens sont punies plus sévèrement que des atteintes aux personnes. Je pense que personne ici n’est très à l’aise avec cet état de fait.

La révision de l’échelle des peines doit permettre de la faire correspondre à notre échelle de valeurs. Pour nous, les atteintes aux personnes sont plus graves que les atteintes aux biens.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’État a bien évidemment le devoir de protéger les biens des citoyens, mais c’est la protection des personnes qui doit primer. Tel est le message que nous devons adresser, y compris à travers le code pénal.

Ce travail de refonte du droit des peines est donc indispensable. J’ai installé, en mars 2014, une mission dirigée par Bruno Cotte. Actuellement président de chambre à la Cour pénale internationale, ce dernier a été, par le passé, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il s’agit d’un magistrat hors pair, absolument incontestable et incontesté. Avec une douzaine de personnalités – magistrats, avocats, directeurs d’établissement pénitentiaire, universitaires –, il est chargé de réfléchir sur l’échelle des peines, les longues peines, les mesures de sûreté. Cette mission devra remettre son rapport à la fin de 2015 et nous dire s’il y a simplement lieu de modifier notre droit des peines ou si nous devons écrire un code de l’exécution des peines. Elle s’est déjà mise à l’ouvrage et ses conclusions seront susceptibles de nourrir une réforme dense sur le fondement du triptyque amende-contrainte pénale-incarcération.

Avant de conclure, je voudrais encore m’adresser à M. Hyest…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’en ai fait tout un citronnier, monsieur Hyest !

Nouveaux sourires. –M. Philippe Bas applaudit.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

M. Mézard, parmi d’autres intervenants, a évoqué l’exécution des peines. Ce sujet est double.

Tout d’abord, il est erroné de dire qu’il existe un stock de peines non exécutées. Ce n’est pas la réalité : il y a un flux de peines.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, ce n’est pas la même chose. M. Bas est d’ailleurs d’accord avec moi.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Les juridictions prononcent des peines tous les jours. Par exemple, en 2012, pour 129 000 peines d’incarcération ferme prononcées, 128 000 environ ont été mises à exécution. Il y a donc une production continue de peines et, parallèlement, une exécution continue des peines, selon un délai moyen de neuf mois, sachant toutefois que, en fait, la moitié des peines sont exécutées en quatre mois et 36 % le sont en un mois. Au passage, permettez-moi de saluer le travail des juges de l’application des peines. Par ailleurs, 74 % des peines sont mises à exécution en douze mois et 83 % en dix-huit mois. Les peines sont donc bien exécutées.

J’en viens au second sujet. Comme vous le savez, la loi pénitentiaire dispose que, pour une peine inférieure à deux années d’incarcération ferme, s’il n’y a pas mandat de dépôt, la peine est susceptible d’être aménagée. C’est non pas une obligation, mais une option, une possibilité. Le juge de l’application des peines doit donc examiner les faits, la personnalité de l’auteur de ceux-ci, les conditions dans lesquelles il peut éventuellement prononcer un aménagement de la peine. Chaque année, 83 000 peines prononcées sont ainsi susceptibles de faire l’objet d’un aménagement, mais cette procédure prend du temps, car le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, puis le juge de l’application des peines, doivent étudier les éléments que j’évoquais avant la prise de décision.

Avec la contrainte pénale, nous échapperons à ces délais, car elle sera exécutoire par provision. Dès le prononcé à l’audience, le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation devra être en mesure de présenter les éléments qui permettront au juge de l’application des peines de prononcer les obligations et interdictions.

Je terminerai avec M. Hyest : chose promise, chose due ! §

(Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Disons alors que vous avez reproché à la loi d’être bavarde !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous nous avez reproché, monsieur Hyest, d’être bavards ; nous ne le sommes pas. §

Monsieur Hyest, vous avez indiqué ne pas percevoir la différence entre finalité et fonction de la peine. La finalité de la peine concerne la société et se conçoit à sa hauteur : le corps social doit rappeler l’existence de ce que Durkheim appelait « les états forts et définis de la conscience collective », c’est-à-dire tout un corpus de principes, de valeurs, de règles qui nous permettent de « faire société ». La peine rappelle la gravité de leur transgression. Quant à la fonction de la peine, elle a trait au condamné, dont la réinsertion doit être préparée pendant l’exécution de sa peine. Telle est, monsieur Hyest, la distinction que nous faisons entre finalité et fonction de la peine. Cette fois, j’en ai vraiment terminé ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi, par MM. Bas, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales (642, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Philippe Bas, pour la motion. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la réforme dont nous débattons fait partie de celles dont l’inspiration peut paraître cohérente, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… tandis que, malheureusement, les modalités de sa mise en œuvre se révèlent dangereusement sources de confusion et de contradictions.

Elle repose sur un système de pensée auquel nous ne pouvons adhérer que partiellement, s’agissant d’un domaine particulièrement sensible, celui de la lutte contre la violence et l’insécurité, dans lequel notre société a besoin de fermeté, de détermination et de continuité dans l’action.

Pour les auteurs de ce projet de loi, tout doit être tenté afin d’éviter la prison aux délinquants. Ceux qui ne voudraient pas partager entièrement ce point de vue et seraient tentés de le nuancer sont soupçonnés d’être partisans du « tout carcéral ».

Nous sommes pourtant nombreux à ne vouloir ni du « tout carcéral » ni du « tout sauf la prison », formule qui pourrait résumer la philosophie de ce texte. Notre but principal est non pas de faire dans l’absolu un choix théorique, idéologique ou philosophique entre l’incarcération et les alternatives à l’emprisonnement, mais de permettre aux juges de prononcer et d’exécuter effectivement des peines appropriées à la sanction des crimes et des délits, en ayant la possibilité de recourir à la palette la plus large possible de sanctions, les peines ne s’excluant pas a priori les unes les autres. C’est ainsi que le principe d’individualisation des peines, auquel nous sommes tous attachés, peut recevoir sa pleine application.

Madame le garde des sceaux, vous ne trouverez pas, au sein du groupe UMP, de sénateurs hostiles au développement des peines alternatives à la prison et à l’aménagement des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous rappelle d’ailleurs que c’est nous qui avons inventé les centres éducatifs fermés, dont François Hollande s’était engagé à doubler le nombre pour le porter à quatre-vingts : encore un engagement oublié !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est également nous qui avons considérablement développé le recours au bracelet électronique. Ces deux mesures furent inscrites dans les lois de 2002 et de 2009.

Entre 2005 et 2012, le nombre de personnes purgeant une peine aménagée a augmenté de 345 % ! Le nombre de personnes bénéficiant d’une surveillance électronique avoisine aujourd’hui les 10 000, après avoir augmenté de 50 % pour la seule année 2011. Depuis, il a baissé.

Cependant, nous pensons que les alternatives à la prison et l’aménagement des peines ont une portée d’autant plus grande, à l’égard du délinquant, que la menace de la prison continue à exister. C’est d’ailleurs si vrai que notre rapporteur, après avoir proposé de supprimer la possibilité de prononcer des peines de prison, même avec sursis, pour certains délits, au bénéfice de la contrainte pénale, s’est empressé de proposer la création d’un délit de non-observation des obligations décidées dans le cadre de la contrainte pénale, pour que le tribunal puisse placer en détention le délinquant qui manquerait auxdites obligations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous nous opposons donc aussi fermement à la doctrine du « tout sauf la prison » qu’à celle du « tout carcéral », parce qu’elle est constitutive d’une politique pénale délibérément moins sévère, dont la mise en œuvre contribuerait à affaiblir la lutte contre la violence. Une telle politique pénale est à contre-courant des attentes profondes de nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Si notre rapporteur s’est efforcé de l’embellir en la qualifiant d’« humaniste », elle peut aussi se voir reprocher une certaine naïveté, au sens où le Premier ministre Lionel Jospin avait employé ce mot pour regretter les insuffisances de sa politique en matière de lutte contre l’insécurité.

Sachez que nous nous proclamons nous aussi humanistes. C’est cet humanisme qui nous pousse à vouloir une société plus sûre pour chacun de ses membres, alors qu’elle est de plus en plus violente.

Ce qui doit inspirer la politique pénale, c’est la nécessité de mettre à la disposition des magistrats des sanctions qui rendent la punition certaine, effective, immédiate ou, du moins, rapide, connue à l’avance, dissuasive et légitime parce que proportionnée à la faute. C’est pourquoi tout ce qui contribue à la confusion de l’échelle des peines, à l’incertitude dans le quantum des sanctions, au retard dans l’exécution des condamnations et rend aléatoire la punition met en péril l’autorité de l’État et diffuse le sentiment de l’impunité.

On ne mettra pas fin au scandale – je pèse mes mots – des peines non exécutées en regroupant sous le vocable de « contrainte pénale » des alternatives à la prison et des aménagements de peines qui existent déjà. On y mettra fin en se donnant les moyens de rendre ces dispositifs effectifs et d’adapter les capacités de nos centres de détention, notoirement insuffisantes.

Nous n’avons pas de surcapacité carcérale en France : nous disposons de 84 places de prison pour 100 000 habitants, tandis que la moyenne, pour les pays membres du Conseil de l’Europe, s’établit à 138 places pour 100 000 habitants. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que notre densité carcérale soit en même temps de 15 % supérieure à la moyenne de ces pays et que nous détenions le record européen en matière de taux d’inexécution des condamnations. Madame le garde des sceaux, vous ne changerez pas cette situation d’un trait de plume législatif ; c’est un leurre que de le croire !

À nos yeux, c’est une faute d’avoir abandonné le programme de création de 24 000 places de prison supplémentaires que nous avions adopté au début de 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Loin d’être incompatible avec la volonté d’amplifier le recours aux alternatives à l’enfermement, il était au contraire complémentaire de cette politique. Nous avons besoin de ces deux outils et nous devons pouvoir jouer sur tout l’éventail des sanctions pour faire reculer la délinquance.

Puisque vous vous prévalez de votre humanisme, sachez que nous ne demandons pas mieux que de le voir à l’œuvre dans un effort exceptionnel de mise à niveau des conditions de détention, trop souvent indignes encore aujourd’hui, et dans de nouvelles dispositions permettant de préparer la réinsertion des condamnés pendant leur détention, cet aspect étant curieusement absent du projet de loi dont nous sommes saisis.

Si mon groupe a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… ce n’est pourtant pas parce que ce texte ne comporterait que de mauvaises mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous sommes d’accord avec la généralisation de la présence des bureaux de l’exécution des peines dans les tribunaux de grande instance.

Nous sommes satisfaits quand, en matière d’aménagement des peines, la commission des lois, sur proposition de son rapporteur, rétablit la nécessaire distinction entre récidiviste et non-récidiviste.

Nous sommes aussi favorables à l’obligation de soins en cas d’altération du discernement du délinquant au moment de la commission de l’infraction. Ces dispositions sur l’atténuation de responsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental font enfin droit à l’excellente proposition de loi de Jean-René Lecerf votée par le Sénat en janvier 2011.

Nous apprécions également l’effort d’acclimatation de la justice dite « restaurative » et nous accueillons positivement l’ouverture de la possibilité que le condamné fasse un versement au fonds de garantie des victimes.

Enfin, nous reconnaissons volontiers que le chapitre III du titre II du projet de loi sur les missions du service public pénitentiaire en matière de suivi et de contrôle des personnes condamnées comporte des propositions intéressantes.

Nous allons même jusqu’à reconnaître un certain nombre d’apports positifs de la commission des lois, introduits sur l’initiative de son rapporteur pour améliorer plusieurs dispositions du texte voté par l’Assemblée nationale, qui comportait des surenchères dangereuses de notre point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ainsi, le parquet pourrait demander la révocation du sursis d’un condamné quand un tribunal aura prononcé une seconde condamnation sans avoir eu connaissance de la première. De même, il ne serait pas possible de convertir en contraintes pénales des peines de prison prononcées avant le vote de la réforme. Les modalités d’exécution de la contrainte pénale seraient simplifiées par rapport au texte voté par l’Assemblée nationale, en renforçant le pouvoir du juge de l’application des peines. Enfin, la loi ne déléguerait aucune responsabilité du procureur de la République aux officiers de police judiciaire, contrairement à ce que voulait le Gouvernement.

Si le projet de loi n’avait comporté que ces dispositions, nous n’aurions pas eu à déposer cette motion tendant à opposer la question préalable, mais, hélas, il en contient d’autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Certaines sont inutiles ou de pur affichage, d’autres nous paraissent réellement nuisibles, voire toxiques, d’autres encore risquent de provoquer de graves confusions dans la politique pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faut en parler au moment de la discussion de cette motion tendant à opposer la question préalable, monsieur le président de la commission, vous avez tout à fait raison !

Est inutile, tout d’abord, le nouvel article 130-1 du code pénal, définissant la fonction de la peine dans un jargon que l’on rencontre encore rarement, heureusement, dans notre code pénal. Cet article inscrit d’entrée de jeu le texte dans un droit proclamatoire, où transparaît surtout la volonté de mettre en forme juridique un discours politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Pis encore, l’article 2 du projet de loi, parce qu’il enfonce une porte ouverte en disposant que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée », est tout à fait incantatoire et inutile. Aurions-nous vécu, jusqu’à aujourd’hui, sous un régime d’automaticité des peines ? Chacun sait que non, car le principe de l’individualisation des peines est depuis longtemps un principe de valeur constitutionnelle, auquel le législateur ne saurait porter atteinte. Cette sorte de profession de foi légale que vous avez inscrite dans votre projet de loi, madame le garde des sceaux, est le point d’ancrage d’un discours accusatoire qui, de mon point de vue, est fondamentalement erroné, parce qu’il voudrait que les peines planchers, puisque ce sont surtout elles que vous visez, soient des peines automatiques, alors qu’il appartient au magistrat de les écarter chaque fois que la situation du délinquant le justifie à ses yeux.

Il n’y a pas plus d’automaticité dans les peines planchers que le projet de loi, dans sa rédaction initiale, n’en mettait dans la contrainte pénale, puisque le Gouvernement avait souhaité inscrire le recours à celle-ci comme une simple possibilité ajoutée à la gamme des sanctions, et non comme une peine excluant la possibilité de l’emprisonnement.

Aucune disposition pénale d’aucune sorte n’autorise actuellement les juridictions à renoncer à leur obligation d’appréciation des faits et de la situation du délinquant.

Plus préoccupantes encore sont les dispositions qui, prises isolément, nous paraîtraient déjà critiquables, mais qui, mises bout à bout, dégagent par leur convergence et par touches impressionnistes la physionomie d’ensemble du texte. Celui-ci repose sur la volonté de dissuader autant qu’il est possible les magistrats de prononcer des peines de prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les peines planchers seraient supprimées. Les peines d’emprisonnement devraient être motivées, mais non pas la contrainte pénale. La révocation des sursis en cas de récidive ne serait plus automatique. Une même peine pourrait donner lieu à plusieurs révocations partielles sans révocation définitive. Le régime des récidivistes serait aligné sur celui des primo-délinquants en matière de révocation de sursis. Les tribunaux correctionnels pour mineurs seraient abandonnés, la rétention de sûreté supprimée.

L’ensemble de ces mesures éclaire le contexte dans lequel s’inscrit la création de la nouvelle contrainte pénale. Nous pourrions sans doute n’opposer à cette peine qu’une relative indifférence, voire lui témoigner une certaine bienveillance, en considérant qu’elle ne comporte pas d’innovation fondamentale par rapport aux très nombreuses alternatives à l’emprisonnement et aux nombreux systèmes d’aménagements de peines que comporte déjà notre code pénal : amendes, sursis, travaux d’intérêt général, stages de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droits, sanctions complémentaires, sanction-réparation, orientation du mineur vers un centre éducatif fermé, personnalisation des peines, avec la semi-liberté, le placement à l’extérieur, le placement sous surveillance électronique, le fractionnement de peine, la dispense de peine, l’ajournement. Ce bref inventaire souligne la très grande richesse du régime des peines, tel qu’il a été construit par le législateur au fil des décennies.

Rien n’empêche d’enrichir encore ce double arsenal des alternatives aux peines de prison et des aménagements de peines, mais le projet de loi se borne à donner la possibilité au juge d’inscrire sous le régime de la contrainte pénale tout ou partie des mesures qui sont déjà à sa disposition. Ce faisant, il rend aussi applicables sous le régime de la contrainte pénale des mesures qui relèvent aujourd’hui non pas du prononcé de la sanction, mais de son exécution, avec toutes sortes d’obligations, d’interdictions ou de systèmes d’autorisation qui s’imposent au condamné.

Dans ces conditions, il apparaît clairement que l’originalité de la contrainte pénale tient non pas aux mesures qu’elle peut comporter, mais à la combinaison de ces mesures et à la procédure applicable pour sa mise en œuvre. Une partie des prérogatives confiées, jusqu’à présent, au juge de l’application des peines remonterait à la juridiction de jugement. Mais cette nouvelle répartition n’est pas réaliste : elle augmenterait considérablement la charge pesant sur les juridictions et retarderait les jugements, en prolongeant, dans bien des cas, la détention préventive.

De plus, la contrainte pénale est une peine floue, à géométrie variable, faiblement dissuasive. C’est d’ailleurs son essence même ! Au principe fondamental de la légalité des peines, vous opposez non pas seulement l’individualisation des peines, dont vous vous réclamez, mais aussi l’incertitude sur le contenu réel de la peine.

Il y a plus, car l’amendement de notre rapporteur visant à interdire que des peines de prison, fussent-elles assorties du sursis, soient prononcées pour un certain nombre de délits altère encore ce texte par rapport aux arbitrages gouvernementaux si difficiles qui avaient été arrêtés pour concilier les positions du ministre de l’intérieur et celles de la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

À moins, monsieur le rapporteur, que ces arbitrages gouvernementaux n’aient dénaturé le texte initial du projet de loi de Mme le garde des sceaux, et que vous ayez seulement voulu aller à la rencontre de ses attentes !

Chaque année, 50 000 condamnations à des peines de prison, avec ou sans sursis, sont prononcées à l’encontre d’auteurs de délits contre lesquels les juridictions ne pourraient plus recourir à la prison, si cet article était adopté. Sachez que ces peines de prison ne sont pas prononcées faute de mieux par les magistrats, puisque ceux-ci déposent déjà de tout un éventail de peines alternatives. S’ils ne recourent pas à ces peines de substitution, c’est qu’ils considèrent que la peine de prison est la sanction la plus appropriée dans les cas où ils décident de la prononcer.

À l’évidence, cette réforme ne peut lever aucun des obstacles qui ont jusqu’à présent entravé le développement des alternatives à la prison et des aménagements de peines. La contrainte pénale est d’abord une contrainte exercée sur les magistrats eux-mêmes. Vous allez les placer devant une double impasse : celle de la surpopulation carcérale, qui empêche, si rien n’est fait, de mettre en œuvre les peines de prison, et, désormais, celle d’une sanction globale, difficile à décider pour la juridiction, longue à élaborer et qui ne se développera pas davantage que les obligations éparses dont elle est constituée ne sont aujourd’hui appliquées.

Voulue par l’Assemblée nationale, la généralisation dans deux ans du système de la contrainte pénale à toutes les infractions passibles de peines allant jusqu’à dix ans de prison relève d’une utopie dangereuse que nous devons aussi dénoncer. Un dispositif prévoyant une expérimentation suivie d’une évaluation avant toute extension aurait seul été raisonnable, mais une véritable fuite en avant s’est enclenchée, contre toute prudence. Les deux assemblées sont tentées d’y participer, sous le regard bienveillant du Gouvernement, qui ne tient pas à préserver les équilibres du texte adopté par le conseil des ministres. Notre rôle n’est pas d’y contribuer par de nouvelles surenchères, mais de nous y opposer.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je demande à notre assemblée de décider qu’il n’y a pas lieu, en l’état, de délibérer.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous rassurer : contrairement à M. Bas, dont les arguments m’ont beaucoup étonné, je ne parlerai pas dix-neuf minutes et j’essaierai d’aller à l’essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Bas a en effet déposé une motion tendant à opposer la question préalable pour nous expliquer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce projet de loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

… puisque tout est déjà prévu par la loi pénitentiaire et qu’il suffit d’appliquer celle-ci. Selon lui, nous n’avons donc pas à modifier le droit existant et le présent texte est parfaitement inutile.

On l’a bien vu, son intervention témoigne en fait surtout de la volonté du groupe UMP de disposer de dix-neuf minutes de temps de parole supplémentaires pour répéter en boucle les arguments qui fondent son opposition à ce projet de loi. J’y vois un détournement de la procédure de la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Pour reprendre la formule utilisée hier soir, lors de la discussion générale, par M. Lecerf, je dirai que le présent projet de loi s’inscrit dans l’« étroite continuité » de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Les débats en commission, la discussion générale et les réponses apportées par Christiane Taubira, garde des sceaux, montrent qu’il s’agit ici d’un texte important, qui va modifier en profondeur notre politique pénale. Je n’en citerai que les points les plus importants : abandon des peines planchers –c’était un engagement du candidat François Hollande –, création de la contrainte pénale, que des amendements de notre excellent rapporteur ont renforcée pour en faire une peine autonome, suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, fin de la rétention de sûreté, mise en place de dispositions nouvelles pour les condamnés atteints de troubles mentaux.

On le voit, ce texte apporte des réponses pragmatiques à de nombreuses questions qui se posent aujourd’hui : cela justifie amplement que le Gouvernement nous le soumette !

On nous explique que tout irait bien dans le meilleur des mondes et qu’il n’y aurait donc pas lieu de légiférer. Dire cela, c’est faire complètement fi de l’évolution de la délinquance depuis l’adoption de la loi pénitentiaire de 2009. La délinquance n’a malheureusement pas reculé sous les deux précédents quinquennats, bien au contraire, et la dégradation de la situation a été maquillée un temps par une politique du chiffre d’ailleurs largement dénoncée dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure. Remis en juillet 2013, ce rapport a révélé de très nombreuses défaillances et anomalies dans l’enregistrement des crimes et délits par les policiers et les gendarmes durant le précédent quinquennat. L’objectif était de faire de la communication politicienne, mais nos concitoyens constatent aujourd’hui avec nous, à la lumière de la réalité, que la politique menée pendant dix ans en matière de lutte contre la délinquance et la récidive a été un échec.

Le Gouvernement s’est attelé à remédier à cette situation. Afin d’appréhender au mieux les problématiques, il a organisé une large concertation, sous la forme novatrice d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive. Je veux féliciter Christiane Taubira d’avoir pris cette initiative et d’avoir su défendre avec détermination, jusqu’au bout, une vision humaniste.

Principalement axé sur l’individualisation des peines, la césure du procès pénal, le renforcement de la lutte contre la récidive et l’amélioration de la prise en charge des auteurs d’infractions, le texte qui nous est présenté apporte des solutions pragmatiques. Il inclut également un volet consacré à la protection des victimes et à leurs droits tout au long de l’exécution des peines.

Nous considérons que ce projet de loi s’inscrit complètement dans la continuité de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il comporte plusieurs dispositions tendant à décliner le principe d’individualisation des peines tout au long de la procédure judiciaire : ainsi, il énonce les finalités et les fonctions de la peine devant guider le juge tout au long du procès pénal, réaffirme le principe d’individualisation au stade du prononcé des peines et décline la mise en œuvre de ce principe au stade de l’exécution des peines.

Une innovation majeure résulte de l’instauration d’un ajournement du prononcé de la sanction par la juridiction de jugement aux fins d’investigations complémentaires sur la personnalité de l’auteur des faits. Cette disposition répond aux attentes des juridictions correctionnelles, qui déplorent trop souvent le manque d’éléments sur la personnalité du prévenu au moment du jugement.

S’agissant de la contrainte pénale, répondant à une attente forte des professionnels et de nombreuses personnalités que nous avons auditionnées, notre rapporteur a présenté des amendements visant à en faire une peine autonome, sans lien ni référence à l’emprisonnement, pour certains délits. Ce choix aura l’avantage de contribuer à changer les consciences et les représentations et rapprochera la France de ses voisins européens.

Je me félicite également du choix de supprimer, conformément à l’un des engagements du candidat François Hollande, les tribunaux correctionnels pour mineurs, dont la création allait clairement à l’encontre de l’ordonnance de 1945. De même, je salue la suppression de la rétention de sûreté pour les majeurs et les mineurs.

Par ailleurs, le texte reconnaît l’altération du discernement comme un facteur d’atténuation de la peine, tout en renforçant les garanties concernant l’obligation de soins pendant et après la détention. Un large consensus semble se dessiner sur ce point dans notre hémicycle, et je m’en réjouis !

On le voit, il est pour le moins surprenant que l’on puisse nous expliquer qu’il ne faut pas débattre de ce texte, au motif qu’il n’apporterait rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous voulons au contraire approfondir la discussion, la reporter !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Si le Sénat vote la motion tendant à opposer la question préalable, la discussion s’arrêtera, mes chers collègues ! Ce serait tout de même dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce que nous proposons, c’est de remettre l’ouvrage sur le métier !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

En tout état de cause, le dépôt de cette motion vous aura surtout permis de disposer de dix-neuf minutes supplémentaires pour exposer une nouvelle fois vos arguments : chacun appréciera !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Permettez tout de même que nous vous répondions !

Aujourd’hui, en dépit des modes de réponses pénales et du principe fondamental, réaffirmé par la loi pénitentiaire, selon lequel le recours à l’emprisonnement doit être strictement justifié, notre système pénal demeure profondément structuré autour de la peine de prison, qui continue à être considérée comme la sanction de référence.

Comme l’a justement rappelé Robert Badinter lors des auditions, en janvier 2002, on comptait en France 42 000 détenus, et 67 000 dix ans plus tard, soit une augmentation de 38 % : la délinquance n’a donc pas baissé durant cette période, bien au contraire ! Ce taux a continué à augmenter après 2012 : au 1er mai 2014, on comptait 68 645 personnes détenues – un record ! – pour 57 631 places de prison, soit un taux d’occupation de 119 %, sachant que, au 1er avril 2014, plus de 11 000 personnes étaient placées sous bracelet électronique. Sans ce dispositif, la surpopulation carcérale serait encore plus grande ! Or, nous le savons tous pertinemment, surpopulation carcérale et récidive sont directement liées.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique et les courtes peines ne permettent pas de mettre en place les mesures d’accompagnement destinées à préparer la réinsertion. Ces courtes peines conduisent naturellement vers des sorties « sèches », qui induisent de grands risques de récidive. C’est bien la preuve que la loi pénitentiaire ne suffit pas pour lutter contre la récidive et qu’il fallait un nouveau texte ! D’ailleurs, notre éminent collègue de l’UMP Jean-Jacques Hyest, auquel Mme la ministre a rendu plusieurs fois hommage, l’a reconnu en déclarant que les courtes peines sont plus souvent sources de récidive que d’exemplarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Bien sûr ! Je l’ai toujours dit et je le maintiens !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Nous sommes complètement d’accord sur ce point, monsieur Hyest, mais tous vos collègues de l’UMP ne sont pas forcément de votre avis ! Mettons en avant ce qui nous rapproche !

Alors que notre système pénal demeure largement structuré par la peine de prison, la promotion de la probation part du constat de la nocivité des courtes peines d’emprisonnement en termes de prévention de la récidive et de leur caractère particulièrement désocialisant.

En effet, à l’heure actuelle, 98 % des personnes condamnées à une peine de moins de six mois et 84 % des personnes condamnées à une peine de six mois à un an sortent de prison sans bénéficier d’un accompagnement destiné à préparer leur réinsertion. Si l’on veut lutter contre la récidive, remédier à cette situation est un enjeu fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Voilà quatre fois, madame la garde des sceaux, que vous répétez dans cet hémicycle qu’il y aura des moyens, que des postes de magistrat et de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ont été créés ou le seront, mais, malheureusement, certains sénateurs de l’UMP semblent avoir du mal à vous entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Dans son rapport, le député Raimbourg relevait que 40 % des peines de prison ne sont jamais exécutées, notamment en raison de la surpopulation carcérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Près de 100 000 personnes condamnées à de la prison ferme n’ont pas, à ce jour, encore purgé leur peine. Comme l’a dit hier dans cet hémicycle le président de la commission des lois, « le véritable laxisme se situe bien là ». Les gouvernements qui se sont succédé entre 2002 et 2012 sont largement responsables de cette situation ! Vous nous reprochez le manque de places de prison, mais vous n’aviez pas prévu le moindre début d’un financement pour la réalisation du plan de constructions que vous aviez mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Ce projet de loi s’inscrit bien dans la continuité de la loi pénitentiaire de 2009. Il donne à la justice de nouveaux moyens de prévenir la récidive. Bien sûr, les sénateurs socialistes souhaitent que le débat se poursuive, que les amendements soient discutés et que, in fine, le texte soit adopté. Par conséquent, ils ne voteront pas cette motion tendant à opposer la question préalable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission a statué sur la question préalable et émis un avis défavorable. En effet, elle a consacré vingt heures à des auditions publiques, au cours desquelles nous avons longuement débattu du présent texte, jusque dans ses détails – dont certains étaient, d’ailleurs, superflus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je pense que si certains des membres de la commission avaient voulu ne point délibérer, ils n’auraient pas participé à ces débats avec l’esprit constructif et passionné qui a été le leur !

Enfin, le plaidoyer de M. Bas m’a vraiment convaincu. En effet, il était tellement attaché à souligner les points d’accord, ceux qu’il fallait approfondir, ceux dont il fallait discuter que, pendant dix-neuf minutes, il a défendu avec force la nécessité de délibérer !

J’en conclus que nous sommes pour la délibération, exercice que nous avons pratiqué jusqu’ici, trouvant depuis toujours que c’est une bonne et belle chose. Vous avez encore apporté encore un peu d’eau à notre moulin, mon cher collègue, ce dont je vous remercie très sincèrement ! §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bas, je tiens à répondre à votre observation sur la création des centres éducatifs fermés.

Depuis 2012, nous en avons déjà créé huit. Je précise qu’il s’agit de créations nettes : auparavant, les trois quarts des nouveaux centres éducatifs fermés venaient se substituer à des foyers classiques. Ce n’est pas cette voie que nous avons choisie.

Je profite de cette occasion pour souligner que, pour les placements en foyer classique, en milieu ouvert, le taux de récidive est beaucoup plus faible que pour les autres solutions, telles que les placements en centre éducatif fermé ou l’incarcération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce ne sont pas non plus les mêmes délinquants !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Sur le plan de la théorie, vous avez raison, monsieur le sénateur, mais, en pratique, il n’en est malheureusement pas ainsi !

Les trois quarts des centres éducatifs fermés sont gérés par le secteur associatif habilité. Or les modes de gouvernance sont différents. Nous réorganisons donc le système dans le but de les réunifier. Non seulement nous avons créé des centres éducatifs fermés, mais nous travaillons à harmoniser leur gouvernance, à les évaluer – songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’aucune évaluation n’a jamais été réalisée – et à inscrire ces centres dans l’ensemble des solutions qui sont mises à la disposition des tribunaux pour enfants et qui peuvent prendre place dans le parcours des jeunes pris en charge par la justice.

Comme votre motion, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, est un peu hors sujet, je me suis permis de vous faire une réponse elle aussi un peu hors sujet…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il m’a en effet paru important de vous éclairer sur la question des centres éducatifs fermés, dont peut-être nous ne reparlerons plus dans ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

La motion tendant à opposer la question préalable mérite débat, tout comme votre projet de loi, madame la garde des sceaux. C’est d’ailleurs là toute la question !

Il est vrai que la loi pénitentiaire de 2009 prévoit des outils qui concourent à la prévention de la récidive et instaure des peines alternatives à la prison. Les auteurs de la motion nous invitent à mettre en œuvre de véritables moyens pour assurer son application effective. Ils soutiennent que, réellement appliquée, cette loi serait suffisante et qu’il ne faudrait pas aller plus loin ; le présent projet de loi ne serait donc pas justifié.

Face à eux, le Gouvernement et la majorité souhaitent, au contraire, aller plus loin.

Le groupe UDI-UC considère que le débat d’ensemble est légitime, autant sur l’opportunité de s’en tenir à la loi de 2009 que sur l’ampleur des changements qu’il convient d’opérer, si l’on pense qu’il en faut. Ce débat n’est pas tabou, non plus que celui sur la construction de prisons.

Des arguments plaident pour qu’un pas supplémentaire soit franchi. Autant reconnaître, néanmoins, que ce pas est dans la continuité de la loi de 2009.

Mme la garde des sceaux nous a rappelé hier avec brio la tradition humaniste du Sénat. Cette tradition, nous y souscrivons, en ayant à l’esprit que l’humanisme et la compassion doivent s’appliquer d’abord aux victimes.

De l’auteur d’une infraction, nous attendons qu’il s’amende, puis qu’il se réinsère. Nous ne pouvons pas ignorer que, dans la sanction, il y a une part de reconstruction, y compris pour la victime, dont il s’agit de reconnaître la souffrance. Certes, la société reconnaît le préjudice subi par la victime par d’autres voies, dont celle de l’indemnisation, mais il faut reconnaître que, pour nos concitoyens, la sanction concourt aussi à la réparation. Or la sanction, dans l’esprit de beaucoup, c’est la prison, qui a une valeur dissuasive.

C’est donc un équilibre qu’il nous faut rechercher, très fragile, entre la tradition humaniste que vous avez rappelée à juste titre, madame la garde des sceaux, et une logique plus répressive. Entre ces deux traditions, il y a sans doute un point de rencontre : la logique de responsabilité.

Faire preuve de responsabilité, c’est d’abord être pragmatique. Or, à l’évidence, une question majeure se pose : celle de la récidive, sur laquelle de nombreux orateurs ont insisté. Penser que la contrainte pénale évitera la récidive, c’est peut-être un raccourci.

Mme la garde des sceaux nous invite, en adoptant ce projet de loi, à franchir avec confiance un pas supplémentaire par rapport à la loi pénitentiaire. Ce pas s’accompagne de la suppression de plusieurs dispositifs actuellement en vigueur, comme les peines planchers ; de là vient la tonalité d’ensemble du projet de loi, que d’aucuns qualifieront de permissif.

L’équilibre entre la tradition d’humanisme pénal et une tradition plus répressive s’en trouve-t-il durablement compromis ? La question vaut d’être posée. Personnellement, j’incline à y répondre par l’affirmative.

M. le rapporteur propose d’aller plus loin encore que les dispositions proposées par le Gouvernement en rendant la contrainte pénale obligatoire pour une série de délits, alors que Mme la garde des sceaux concevait cette mesure comme optionnelle. M. Yves Détraigne a exprimé, hier soir, notre opposition claire à cette démarche. Le débat a rebondi ce matin en commission ; je laisse à M. le rapporteur le soin d’expliquer au Sénat, le moment venu, en quoi il a évolué.

Au bout du compte, même s’ils sont très critiques à l’égard du projet de loi, les membres du groupe UDI-UC souhaitent que le débat ait lieu ; c’est pourquoi ils s’abstiendront sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Kaltenbach doit manquer de mémoire : lorsque le groupe socialiste était dans l’opposition, on avait droit à toute la série des motions, et pas seulement à la question préalable. D’ailleurs, M. Sueur était un artiste du genre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je pense qu’il doit être un peu frustré aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Notre motion aura au moins permis à M. Kaltenbach d’avoir un temps de parole, même si je n’ai pas le sentiment qu’il ait apporté grand-chose de neuf au débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si on avait appliqué la loi pénitentiaire, il n’y aurait pas besoin, comme nous l’avons démontré, de prendre de nouvelles mesures, et surtout pas celles qui nous sont proposées, qui compliquent et obscurcissent encore plus le problème.

Je me souviens que, pour la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, on avait annoncé mille postes. Aujourd’hui, bizarrement, on nous parle aussi de mille postes, qu’on prétend créés alors qu’on va les créer !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce qui est fait est fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sans doute, madame le garde des sceaux, seulement, le retard est tel que les nouveaux postes seront vite absorbés.

Le problème, c’est qu’on ne donne pas suffisamment de moyens aux services d’insertion et de probation. C’est bien joli de faire de nouvelles lois, mais si on oublie de faire marcher la maison justice, cela ne sert strictement à rien ! Voilà pourquoi nous estimons qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre le débat.

On se bat sur de grands principes, certains nous accusent d’être des répressifs et se flattent d’être des humanistes, mais à quoi tout cela rime-t-il ? À rien du tout, sinon à se faire plaisir ! Regardons plutôt le nombre de peines prononcées par les juridictions qui ne sont pas exécutées.

La justice est depuis longtemps dans une situation catastrophique, et le projet de loi ne permettra pas de restaurer la confiance de nos concitoyens dans sa capacité à prononcer la légitime sanction tout en assurant la réinsertion de ceux qui auront été condamnés. Nous allons donc manquer notre cible. Procédons plutôt à une évaluation, comme Jean-René Lecerf et notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat l’ont fait avec la loi pénitentiaire dans leur rapport d’information. Appliquons les lois qui sont bonnes et abstenons-nous de légiférer de nouveau ; cela est totalement inutile et ne donnera pas de meilleurs résultats que les lois précédentes !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris d’apprendre que les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas la motion tendant à opposer la question préalable. Je vais mettre tout le monde d’accord : tous orateurs confondus, elle n’a rien apporté à notre débat ; elle l’a seulement allongé.

En réponse à M. Bas, je veux souligner que la contrainte pénale, telle qu’elle est conçue dans le projet de loi, concerne seulement les délits. Aussi, chers collègues de l’opposition, arrêtez de semer la peur et la panique dans l’opinion publique : il ne s’agit pas de l’appliquer pour les crimes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

… encore moins de dispenser les criminels de toute punition. Il s’agit simplement de faire le constat que, pour un certain nombre de délits, la prison n’est pas la solution. Dire cela, ce n’est pas dire que les auteurs de délits, quels que soient ceux-ci, bénéficieront de l’impunité et pourront rentrer chez eux tranquillement, sans avoir de comptes à rendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Dans le dispositif proposé, la sanction existe ; simplement, elle n’est pas purgée en milieu fermé, mais en milieu ouvert.

De fait, vous le savez très bien, pour un certain nombre de petits délits, qui appellent de petites peines, la sanction purgée en milieu ouvert est parfois plus pénible, plus contraignante – pour reprendre votre vocabulaire – que quelques mois passés en prison.

Quant à la valeur dissuasive de la peine de prison, permettez-moi d’en douter. On a augmenté et augmenté encore les peines de prison, or le nombre de délits n’a jamais baissé, non plus que la récidive elle-même ; les statistiques montrent même le contraire !

Monsieur Hyest, je crois en effet qu’on se fait plaisir, qu’on se donne bonne conscience lorsqu’on défend la peine de prison en évacuant les personnes, sans jamais réellement résoudre les maux de la société ni ceux des auteurs de délits. Il est vrai qu’il s’agit d’un choix de société : nous pensons, nous, qu’il faut essayer de changer la situation.

Enfin, mes chers collègues, je ne résiste pas à la tentation de revenir sur l’argument financier que M. Hyest a soulevé. En effet, les postes promis n’ont pas été créés. Aujourd’hui, un engagement est pris dans ce domaine ; je souhaite qu’il soit tenu, mais, comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois.

Reste que cet argument me fait un peu sourire. Car s’il y a un groupe de notre assemblée qui ne se fait pas faute de dénoncer les politiques de rigueur et l’acceptation des réductions drastiques de la dépense publique, c’est bien le nôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Dans quelques jours, les questions financières seront à l’ordre du jour de nos travaux. De deux choses l’une : soit nous décidons ensemble de prendre le problème à bras-le-corps et nous dégageons des moyens nouveaux, soit nous prenons acte de l’incapacité des parlementaires, dans un contexte de difficultés financières, à changer la donne. Seulement, si, sur chaque sujet, on fait valoir qu’il n’y a pas de moyens, je crois que nous ne voterons pas beaucoup de lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Le problème financier que vous avez soulevé, monsieur Hyest, est bien réel. En effet, pour réussir l’application de la loi, des moyens devront être trouvés, par des redéploiements internes et par la création de postes nouveaux. C’est pourquoi, après avoir voté le projet de loi, nous nous battrons pour que les moyens nécessaires soient réellement mis en œuvre pour l’appliquer. En tout état de cause, les difficultés financières ne peuvent pas justifier qu’on ne vote pas ce texte, qui met en place une alternative au tout-carcéral pour certains délits.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je ne vous surprendrai pas, mes chers collègues, en vous annonçant que le groupe écologiste votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, nous attendons ce projet de loi depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Notre impatience était justifiée notamment par l’échec patent de la politique pénale menée par la droite pendant dix ans. Je trouve d’ailleurs une certaine ironie au dépôt par le groupe UMP d’une motion défendue en ces termes : « Les auteurs de cette motion considèrent que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est un fondement suffisant et nécessaire pour lutter contre la récidive. »

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Discours étrange, quand on se rappelle que, entre 2002 et 2012, ce ne sont pas moins de 37 lois de procédure et 63 lois de fond qui ont été adoptées, souvent au gré de faits divers et avec des orientations parfois contradictoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est vrai que ce n’est pas une bonne pratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Pour une fois, mon cher collègue, vous voilà d’accord avec moi !

Par exemple, la loi du 10 août 2007 instituant les peines planchers enjoignait les magistrats d’incarcérer toujours plus, tandis que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 incitait à l’aménagement des peines. De surcroît, alors que les peines planchers étaient supposées dissuader les récidivistes potentiels, il s’est avéré que le taux de récidive a été multiplié par plus de deux entre 2002 et 2011, passant de 6, 4 % à 14, 7 %. C’est dire si la loi de 2007 a été inefficace ! Ce constat n’est pas contestable.

Soyons donc constructifs et débattons sereinement de ce projet de loi, qui a pour commencer l’immense mérite de remettre à plat le millefeuille législatif inventé par l’ancienne majorité ; un millefeuille qui n’a montré qu’une seule chose : son inefficacité !

Par ailleurs, arrêtons d’instrumentaliser les victimes : non seulement cela ne sert à rien, mais cela n’est pas éthique. Les victimes ont leur place dans cette loi, comme dans toutes les lois pénales. Je ne comprends donc pas pourquoi on les instrumentalise.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Si, vous criez au laxisme ! Or vous n’arrivez pas à nous expliquer ce qu’est ce laxisme qui vous fait tant peur et qui va vous faire perdre des voix…

Pour une fois que nous avons une loi humaniste, qui change notre philosophie de la justice, essayons d’aller jusqu’au bout ! Ce qui tue ce pays, c'est de mettre en avant ses intérêts politiques avant ceux des Français.

Je vous appelle donc solennellement à nous concentrer sur les intérêts de la justice de notre pays. Elle le mérite !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. Parce que les heures de débat consacrées à ce projet de loi, tant durant la conférence de consensus qu’à l’Assemblée nationale ou ici même sous la houlette de notre rapporteur, ne se comptent plus, parce que la masse du travail effectué et le nombre d’opinions exprimées se matérialisent par la hauteur des dossiers que l’on trouve sur certaines tables, le groupe socialiste ne votera pas la motion présentée par nos collègues du groupe UMP. Nous avons vraiment hâte d’entrer dans le concret, d’avoir un débat utile et efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Comme nous souhaitons nous aussi que le débat ait lieu, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici le résultat du scrutin n° 202 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre IEr

DISPOSITIONS VISANT À ASSURER LE PRONONCÉ DE PEINES EFFICACES ET ADAPTÉES

Chapitre Ier

Principes généraux concernant les peines encourues et le prononcé des peines

Au début du titre III du livre Ier du code pénal, il est ajouté un article 130-1 ainsi rédigé :

« Art. 130 -1. – Afin d’assurer la protection effective de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime, la peine a pour fonctions :

« 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;

« 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Hyest, Bas, Buffet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’article 1er ajoute au code pénal un article visant à définir à la fois la nature et le sens de la peine. Malgré le caractère très synthétique que lui ont imprimé ses auteurs, on y trouve les intérêts de la société, ceux de la victime, la nécessité de la réinsertion du délinquant et encore beaucoup d’autres choses… Bref, on y ménage la chèvre et le chou. Tout le monde peut y trouver son compte !

Il s'agit non pas d’une disposition ayant force de loi, mais d’une explication de texte, d’une sorte d’exposé des motifs. En réalité, c’est une disposition proclamatoire, sinon déclamatoire.

Mes chers collègues, ne prenons pas l’habitude d’introduire dans le code pénal des articles ne fixant aucune règle et ne prévoyant aucune sanction, même s’il s’agit d’évoquer des sanctions et le sens de la peine.

Le dispositif prévu par le Gouvernement ne se trouverait nullement affecté de la suppression de l’article 1er puisque ce dernier n’a aucune portée. C’est pour nous une question de principe : la loi ne doit pas se laisser aller à des bavardages, aussi intéressants soient-ils. Par ailleurs, nous sommes loin, ici, de l’élégance stylistique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. Vincent Capo-Canellas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’article 132-24 du code pénal, introduit par la loi pénitentiaire de 2009, précise déjà que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Dans ces conditions, l’article 1er n’apporte rien et est inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il nous paraît utile de fixer la ligne du projet de loi dès le début. C’est pourquoi il convient de maintenir la définition du sens de la peine à cet endroit du texte.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je suis étonnée par les arguments que je viens d’entendre, car nous nous référons justement à la partie de la loi pénitentiaire qui a été codifiée, cette dernière ne l’ayant pas été totalement. Or, comme vous l’avez rappelé, monsieur Détraigne, l’article 132-24 du code pénal relève de cette partie codifiée de la loi pénitentiaire.

Monsieur Bas, vous affirmez que cette disposition n’est pas normative, qu’il s’agit juste de bavardage. Elle est bien normative, c’est incontestable, puisqu’elle renvoie à un autre article !

L’article 1er distingue deux questions fondamentales : d’une part, celle des finalités des fonctions de la peine ; d’autre part, celle de l’individualisation de la peine. Dans ce cas, il y a un renvoi de l’article 130-1 à l’article 132-1 du code pénal, ce qui prouve bien qu’il s’agit d’une disposition normative. Des personnes plus savantes que moi sauraient peut-être mieux vous en faire la démonstration…

Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas évoqué de conflit entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. Vous avez seulement déclaré que l’article 1er n’était pas nécessaire parce qu’il était dépourvu de fondement normatif. J’affirme, au contraire, que tel n’est pas le cas dans la mesure où il renvoie à un autre article du code pénal.

De plus, cet article permet de concilier des objectifs qui avaient été définis dans la loi pénitentiaire. Ce texte avait à la fois affirmé la nécessité de sanctionner et de réinsérer. Nous estimons que la peine a ces deux fonctions – je l’ai expliqué précédemment au sujet de la différence entre la finalité et la fonction de la peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

J’ai bien entendu les explications de Mme la garde des sceaux, mais il me semble que l’on ne peut pas adopter cet article sans opérer au minimum une coordination avec l’article du code pénal dont j’ai donné lecture. À défaut, la loi serait bavarde puisque nous aurions deux articles qui viseraient à dire la même chose, mais en utilisant des expressions parfois différentes. Il y a là un risque de confusion.

Certes, cette disposition n’est pas normative. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas faire du très bon travail législatif que d’introduire dans un article du code pénal une définition figurant déjà dans un autre article du même code, la première recoupant la seconde, mais avec des nuances ou quelques différences. Nous ferions mieux de nous en tenir à ce qui existe déjà. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130 -1. – Afin d’assurer la protection de la société et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Comme le Conseil d’État a eu l’occasion de le rappeler, dans son arrêt du 19 juillet 2011, le procès pénal n’est pas un procès privé, mais « a pour objet de permettre à l’État, par la manifestation de la vérité et le prononcé d’une peine, d’assurer la rétribution de la faute commise par l’auteur de l’infraction et le rétablissement de la paix sociale ». Dans ces conditions, il n’apparaît pas opportun de parler de « droits reconnus » à la victime afin de ne pas ouvrir une nouvelle brèche préjudiciable dans le procès pénal. La victime ne peut en aucun cas se voir reconnaître le droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine. Le présent amendement a ainsi pour objet de substituer la notion d’« intérêts » à celle de « droits » de la victime.

Il ne s’agit pas de nier l’importance de prendre en compte la victime dans le déroulement du procès pénal, mais la loi du 9 septembre 2002 comme celles du 18 mars 2003, du 9 mars 2004, du 12 décembre 2005 et du 5 mars 2007 ont eu le souci de rendre le plus effectif possible son information, son accompagnement et la réparation des dommages qu’elle a subis. La victime est davantage encore associée à toutes les phases du procès pénal, y compris lors de l’exécution des peines, au prix de son instrumentalisation parfois, à des fins d’aggravation de la situation de l’auteur de l’infraction.

La justice pénale ne peut répondre de manière satisfaisante aux attentes des victimes en matière de soutien psychologique ou d’effacement de la souffrance. C’est ce constat qui amène à développer d’autres solutions comme la justice restaurative.

Le présent amendement vise donc à conforter la clarification déjà engagée par le projet de loi initial, qui supprime l’article 132-24 et réécrit ses dispositions pour les placer à l’article 132-1, soit en tête du chapitre du code pénal intitulé « Du régime des peines ». Une nouvelle rédaction allégée est proposée, car, comme nous le savons, en droit pénal, les fioritures stylistiques peuvent être hautement dommageables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je rejoins les auteurs de l’amendement lorsqu’ils affirment que la victime dans le procès pénal n’a pas de droits : par exemple, elle n’a pas celui de demander une peine. En revanche, elle a des intérêts à défendre. J’approuve donc cet amendement, à condition que M. Requier veuille bien réintroduire dans l’alinéa concerné la précision suivante : « de prévenir la commission de nouvelles infractions ». C’est en effet vraiment le but du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je suis d’accord pour rectifier l’amendement en ce sens, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis donc saisi d’un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130 -1. – Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est favorable à l’amendement rectifié. Notre seule réserve était la suppression de la précision qui vient d’être rétablie.

Je salue, monsieur le sénateur, votre perspicacité, qui vous a conduit à vous rendre compte qu’il était prématuré de parler de droits. À notre insu, de façon presque insidieuse et subreptice, nous changions la nature même du procès pénal. Je vous remercie donc de votre vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je ne voterai pas cet amendement, même rectifié. Bien sûr que la victime a des droits dans le procès pénal ! Elle est partie au procès, elle prend un défenseur. Elle n’a pas que des intérêts.

Cet abaissement de la qualification des motifs pour lesquels la victime peut avoir à prendre part au procès est un très mauvais signal. Autant je ne suis pas favorable à ce que l’on inscrive dans la loi des professions de foi mises en forme juridique qui ne présentent aucun d’intérêt pour la fixation d’une règle, autant, si on le fait, il faut procéder avec exactitude ! Or il n’est pas exact de ramener aux seuls intérêts que la victime a à défendre les motivations pouvant permettre d’en faire une partie au procès pénal. Bien sûr que oui, la victime a des droits, on ne peut les lui dénier !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bas, il ne s’agit pas de dénier les droits de la victime. Au contraire, nous les consolidons dans ce texte. Il se trouve juste que la formulation proposée n’était pas exacte du point de vue du droit.

Dans notre procès pénal, la victime n’intervient pas dans le choix de la peine, elle est partie civile, même s’il faut être très attentif au préjudice qu’elle a subi. C’est pour cette raison, par exemple, que nous introduisons dans le texte la possibilité d’une césure du procès pénal. Aujourd’hui, très souvent, des décisions d’ajournement sont prises, car les juridictions estiment qu’elles ne disposent pas des éléments leur permettant de décider. Parce que nous voulons éviter autant que possible d’introduire ce délai qui peut être inutile et préjudiciable à la victime, nous prévoyons, au cours du procès pénal, une première audience, au cours de laquelle la juridiction décide, le cas échéant, de la culpabilité du prévenu et fixe l’indemnisation de la victime, et une seconde audience pour le prononcé de la peine.

Dans notre procès pénal, la victime ne participe pas au prononcé de la peine. C’est à ce stade que nous nous plaçons. Elle n’a pas de droits au sens du droit pénal ; c’est bien pour cela que nous voulons lui prêter toute notre attention à cette étape de la procédure en tenant compte de ses intérêts plutôt que de s’attacher à des droits qui n’existent pas au moment du prononcé de la peine.

La victime n’est pas sacrifiée ; au contraire, nous sommes attentifs à ses intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté : en aucun cas nous ne voulons restreindre les droits de la victime.

En matière pénale, il arrive souvent que les magistrats, voire les conseils des prévenus, reprennent l’avocat de la partie civile si celui-ci se permet de requérir, ce qui n’est pas son rôle. Il faut être clair sur ce point.

Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’il soit reconnu un droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine : ce n’est pas la tradition dans notre droit pénal. Je le répète, il ne s’agit pas pour nous de restreindre les droits de la victime, qui sont reconnus, ce qui est tout à fait normal, mais chacun doit rester à sa place dans le procès pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Les auteurs de l’amendement proposent de remplacer les mots « droits reconnus à la victime » par les mots « intérêts de la victime ». Dont acte ! Cependant, ils ne se contentent pas de cette modification puisqu’ils proposent également de supprimer la référence à une fonction essentielle de la peine, à savoir la prévention de nouvelles infractions.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’amendement a été rectifié !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Au temps pour moi ! C’est un élément essentiel de la peine.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

L’article 132-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée.

« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 4, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’examen de l’article 1er a prouvé que, quand on commence à vouloir tout mettre dans un texte de loi, quand on s’acharne à vouloir tout décrire, cela soulève évidemment des problèmes. Là, c’est pareil : l’individualisation de la peine est déjà un principe constitutionnel et elle est prévue dans d’innombrables textes. C’est tout le sens du code pénal ! Aussi cet article, comme l’article 1er, me paraît-il superflu. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’article 2 améliore la rédaction de dispositions qui figurent déjà à l’article 132-24 du code pénal. Il améliore également leur insertion dans ledit code. La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Hyest, j’entends bien que l’individualisation de la peine est un principe constitutionnel, mais celui-ci n’est pas inscrit de façon explicite dans le code pénal, même si c’est ce que sous-tend l’article 132-24 du code pénal. J’irai même plus loin : en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, M. Bas nous expliquait que les peines planchers ne sont pas des peines automatiques puisque les juridictions peuvent y déroger. Certes, mais que dit la loi ? Elle dit qu’il peut être dérogé à l’incarcération si celles-ci peuvent apporter des garanties exceptionnelles.

Voilà pour le principe, qui est essentiel, car il éclaire, il guide, il fixe le cadre. Reste que nous ne pouvons nous en contenter, car il s’agit de traiter de situations individuelles. Prenons l’exemple d’un sans domicile fixe qui aurait commis plusieurs infractions sans grande gravité au regard du code pénal, sans nécessairement qu’il y ait une victime – la plupart du temps, d’ailleurs, il n’y en a pas –, et qui encourrait une peine plancher : quelles garanties exceptionnelles le magistrat peut-il présenter devant la juridiction pour déroger à la peine minimale ? Aucune ! Précisément parce que cette personne est en rupture sociale.

La contrainte pénale vise à faire en sorte que l’accompagnement et l’ajustement des mesures contribuent à la réinsertion. Nous, nous voulons que le principe de l’individualisation de la peine soit énoncé explicitement dans le code pénal, ce que vous refusez. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que les peines planchers, par exemple, n’étaient pas automatiques : elles étaient incontestablement une entrave à l’individualisation de la peine. Dans les situations où les personnes avaient le plus besoin d’être suivies pour réussir leur réinsertion, les magistrats ne pouvant présenter des garanties exceptionnelles, ils se trouvaient contraints de prononcer cette peine automatique. C’est bien ce qui explique que, pour ces petits délits, les cas dans lesquels des peines minimales ont été prononcées sont passés de 14 % à 44 %.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article 132-19 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre.

« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. » ;

Supprimé

3° L’article 132-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction. » ;

4° L’article 132-24 est ainsi rédigé :

« Art. 132 -24. – Les peines peuvent être personnalisées selon les modalités prévues à la présente section. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « articles », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 362 est ainsi rédigée : « 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal. » ;

2° Au premier alinéa de l’article 495-8, les mots : « dispositions de l’article 132-24 » sont remplacés par les références : « articles 130-1 et 132-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 5, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’article 3 est assez extraordinaire : quand un tribunal prononcera une peine d’emprisonnement, pourtant prévue par le code pénal, il devra motiver sa décision. Je rappelle quand même que, quand nous avons créé les peines planchers, on nous avait reproché d’obliger le juge à motiver sa décision de fixer un quantum de peine différent. Je rappelle également que la Cour de cassation considère que le juge est souverain et que personne ne peut modifier ses décisions.

Quand un tribunal prononce une peine prévue par le code pénal, les juges prennent leurs responsabilités, tiennent compte de la personnalité du prévenu ; ils sont tenus par le principe d’individualisation de la peine. Malgré cela, il faudrait qu’ils motivent leur décision ! On assiste là à un retournement extraordinaire par rapport à ce qu’on a toujours connu dans les juridictions françaises. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission a émis un avis défavorable.

L’obligation de motivation des peines d’emprisonnement fermes non aménagées découle directement des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes desquels la liberté doit être le principe et l’enfermement l’exception. Dès lors, il est légitime de demander au juge d’expliquer les raisons pour lesquelles il prononce une peine d’emprisonnement ferme non aménagée.

Comme je l’ai dit en commission, c’est ce système qui prévaut chez certains de nos voisins, par exemple en Suisse ou en Allemagne. En outre, cet article s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Hyest, il me semble que vous avez travaillé à la rédaction du nouveau code pénal de 1994.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Eh bien, c’est à ce moment-là que le principe que vous dénoncez a été inscrit dans notre droit. Il est vrai que l’obligation de motiver le prononcé des peines de prison ferme a connu une exception avec la loi de décembre 2005, qui l’a supprimée pour les récidivistes.

Nous estimons que l’individualisation de la peine doit conduire le tribunal à regarder de près la situation de l’auteur des faits. C’est la seule modification que nous introduisons.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 23, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine de sursis simple ou d’emprisonnement faisant l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation. » ;

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Par cet amendement, nous entendons conserver peu ou prou le droit actuellement en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission était défavorable à la suppression de l’article 3 ; elle est également défavorable à la suppression de l’un de ses alinéas.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En déposant cet amendement de repli, M. Hyest, qui est très lucide, avait certainement anticipé le rejet de son amendement précédent.

Monsieur Hyest, je vais être d’une grande perfidie avec vous.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne comprends pas que vous qui avez été rapporteur de la loi de codification du livre III du code pénal vous vous opposiez à un texte qui vise à conforter les dispositions introduites alors. Nous ne faisons que placer nos pas dans le large sillon que vous avez tracé lors des travaux auxquels vous avez pris part pour la rédaction du nouveau code pénal.

Pour votre bien et malgré vous, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 59, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l’article 465-1 est supprimé.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 465-1 du code de procédure pénale permet de délivrer un mandat de dépôt à l’encontre d’un prévenu lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, et ce quelle que soit la durée de la peine encourue. Aux termes du second alinéa de cet article, ce mandat de dépôt s’impose pour certains délits, sauf décision spécialement motivée du tribunal.

Cette automaticité nous semble contraire à la logique d’individualisation des peines, d’autant plus que les peines prononcées en cas de récidive par les magistrats sont souvent déjà plus sévères. Aussi, il n’y a pas lieu de durcir les conditions d’exécution de ces peines.

Dans l’esprit du projet de loi, nous proposons donc de supprimer l’automaticité prévue au second alinéa de l’article 465-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cet amendement n’est pas nécessaire, dès lors que l’article 3 du projet de loi rétablit l’obligation de motivation des peines d’emprisonnement, y compris celles relatives à des faits commis en état de récidive légale.

Il ne me paraît pas illégitime que, pour des faits de violence particulièrement graves, l’intéressé soit immédiatement incarcéré, dès lors que la juridiction a expressément estimé qu’une peine d’emprisonnement ferme non aménagée s’imposait.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Benbassa. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La juridiction a quand même le choix de délivrer ou non un mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu. Par ailleurs, il est vrai que, pour des faits de violence graves, on peut comprendre que l’incarcération soit immédiate.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, madame Benbassa.

L'article 3 est adopté.

I. – L’article 709-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 709 -1. – Dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d’appel, il est institué un bureau de l’exécution des peines, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret.

« Ce bureau est notamment chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l’issue de l’audience du tribunal correctionnel un relevé de condamnation pénale, mentionnant les peines qui ont été prononcées. »

(Non modifié) Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi. –

Adopté.

II. – §

Chapitre II

Dispositions visant à assurer le prononcé de peines individualisées

Section 1

Dispositions favorisant l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité ou de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu

I. – La sous-section 6 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par un paragraphe 5 ainsi rétabli :

« Paragraphe 5

« De l’ajournement aux fins d’investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale

« Art. 132 -70 -1. – La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne physique lorsqu’il apparaît nécessaire d’ordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à une personne morale habilitée.

« Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

« La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d’ajournement, sous réserve des délais plus courts prévus au troisième alinéa de l’article 397-3 du code de procédure pénale quand la personne est placée en détention provisoire. Ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois.

« Art. 132 -70 -2. – Lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine, elle peut octroyer immédiatement à la victime des dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif. »

II. – Après l’article 397-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 397-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 397 -3 -1. – Quand il prononce l’ajournement de la peine aux fins d’investigations sur la personnalité en application de l’article 132-70-1 du code pénal, le tribunal peut également placer ou maintenir la personne déclarée coupable sous contrôle judiciaire, en application du premier alinéa de l’article 397-3 du présent code, sous assignation à résidence avec surveillance électronique, en application du premier alinéa de l’article 142-12, ou, dans les cas prévus aux articles 395 et suivants, en détention provisoire, en application du deuxième alinéa de l’article 397-3. La détention provisoire ne peut être décidée que pour l’un des motifs prévus aux 2°, 3° et 6° de l’article 144. Lorsque la personne a été placée ou maintenue en détention, les deux derniers alinéas du même article 397-3 sont applicables. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

sociale,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

confiées, suivant le cas, à des personnes morales habilitées ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vais prendre le temps d’expliquer l’objet de cet amendement, car il a trait à un sujet qui n’est sans doute pas familier à tout le monde : la prise en charge du prévenu, soit par des associations agréées, qui agissent de façon tout à fait professionnelle, soit par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP.

La loi de 2012 avait d’une certaine façon validé et même consolidé un partage des tâches qui s’est construit sur le terrain pendant une quinzaine d’années entre le SPIP, qui est un service de l’administration pénitentiaire et relève donc du service public de la justice – à ce titre, il assure des missions régaliennes –, et les associations agréées. Le premier intervient au stade post-sentenciel et les secondes dans la prise en charge pré-sentencielle, afin de réaliser des enquêtes visant à collecter des éléments d’information sur la personnalité, le parcours, l’environnement social et familial du prévenu aux fins d’éclairer la juridiction.

L’Assemblée nationale a souhaité réintroduire l’action du service pénitentiaire d’insertion et de probation au cours de la phase pré-sentencielle. Je m’y suis opposée en arguant que c’était changer un mode de fonctionnement qui donnait plutôt satisfaction et, surtout, qu’on introduisait une charge de travail supplémentaire pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le Gouvernement souhaite en effet que les SPIP, qui ont accumulé un vrai savoir-faire professionnel dans la prise en charge post-sentencielle, fassent bénéficier le service public de ce savoir-faire en restant dans l’accompagnement et le suivi, notamment dans le cadre de la contrainte pénale. L’Assemblée nationale ne s’est toutefois pas laissée convaincre ou séduire et la commission des lois du Sénat non plus.

Cet amendement vise donc à réintroduire l’action du SPIP au stade pré-sentenciel, comme l’a souhaité l’Assemblée nationale, et à revenir à l’usage du pluriel. Il faut en effet écrire « les personnes morales habilitées » et non « la personne morale habilitée », car il y a plusieurs associations entre lesquelles les magistrats ont le choix. En outre, la mention « les personnes morales habilitées » doit précéder dans la phrase les mots « le service pénitentiaire d’insertion et de probation ». En clair, cela signifie que les magistrats peuvent continuer à désigner une association, mais que, à défaut, comme c’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui, lorsque l’association est débordée, lorsqu’il n’y a pas d’association dans le ressort du tribunal ou lorsque, pour une raison ou pour une autre, une association n’est pas en mesure de mener à bien cette enquête, le parquet désigne le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

En outre, nous précisons « suivant le cas », ce qui permet au parquet de procéder à une désignation à mon avis plus pertinente que ne le permet le texte actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission est défavorable à cet amendement pour des raisons de fond et de forme. Nous parviendrons peut-être à une meilleure rédaction en commission mixte paritaire ou bien le Gouvernement proposera-t-il d’amender le texte de la CMP…

Le présent amendement a pour objet la réalisation des investigations sur la personnalité ordonnées par la juridiction de jugement dans le cadre d’une césure du procès pénal.

La loi du 27 mars 2012, dont le rapporteur était Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, a posé pour principe que les investigations pré-sentencielles sur la personnalité devaient être confiées par priorité au secteur associatif. Le Sénat avait critiqué cette disposition, estimant que, dans certains cas, l’intervention du SPIP peut être justifiée, notamment lorsque l’auteur de l’infraction est déjà suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

En outre, et c’est la question de fond, dans le cas d’une césure, comme c’est le cas ici, le juge se trouve à cheval entre le pré-sentenciel et le post-sentenciel : s’il envisage, par exemple, une contrainte pénale, il peut être justifié de recourir au SPIP, compétent pour suivre l’exécution de la mesure.

Quant à la forme, la portée juridique des termes « suivant le cas » est incertaine – je dirais même que cette expression n’a pas grand sens. Par ailleurs, il faut écrire les mots « personne morale habilitée » au singulier.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois est totalement défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Totalement ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 22, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le projet de loi prévoit que, en cas de césure du procès, « la décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d’ajournement » et précise que « ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois ». Cependant, je rappelle que, aux termes de l’article 397-3 du code de procédure pénale, « lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal ». Or on ne sait pas si le délai supplémentaire de quatre mois s’appliquera aux deux mois prévus par l’article cité ou si, d’une manière générale, on peut prolonger le délai de quatre mois, sans d’ailleurs expliquer comment ni pourquoi. De toute façon, la phrase visée est fort mal rédigée.

Notre souhait, c’est qu’on ne prolonge pas indéfiniment le temps entre la comparution et le prononcé de la peine. Ce n’est pas œuvrer en faveur de la rapidité de la justice, qui est une nécessité, que d’accorder un délai supplémentaire de quatre mois. Naturellement, nous ne sommes pas hostiles à ce qu’on procède à des vérifications complémentaires sur la personnalité du prévenu, mais il faut fixer des délais.

Du surcroît, dans les cas de comparution immédiate, si les juges demandent beaucoup de précisions complémentaires, les juridictions risquent d’être embouteillées à un point qu’on n’imagine pas. Je crains que, si une telle possibilité était utilisée à plein et s’il n’y avait pas diligence de la part soit des associations, soit des SPIP, on n’assiste à une embolie totale des juridictions.

Madame le garde des sceaux, vous le savez, nous nous sommes battus pour que la détention provisoire ne dure pas indéfiniment. Eh bien, c’est exactement la même chose dans le cas présent : il faut que les peines soient prononcées dans des délais raisonnables ! À cet égard, quatre mois me paraissent largement suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission a émis un avis défavorable.

L’article 4 du projet de loi prévoit que, en cas de césure pour investigations sur la personnalité, la juridiction devra se prononcer sur la peine au bout de quatre mois. Les députés ont prévu que ce délai pourrait être renouvelé de quatre mois supplémentaires.

La faculté de renouveler la décision d’ajournement pour quatre mois supplémentaires a été saluée, notamment par l’Union syndicale des magistrats. Pour une fois que l’USM est d’accord avec moi et ne me traite pas de tous les noms d’oiseaux, c’est une raison de plus pour être favorable à cette prolongation. Je conviens néanmoins qu’elle est un peu longue. Ne pourrait-on pas prolonger le délai de deux mois seulement, madame la garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’entends le principe énoncé par M. Hyest de diligence de la justice. C’est précisément pour cette raison que nous avons introduit la césure du procès pénal : il y a des décisions qui doivent être prises rapidement, sans quoi on perd confiance en la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En fait, monsieur Hyest, votre proposition consiste à revenir au texte du Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pouvez de temps en temps vous faire violence lorsqu’il y a convergence d’intelligence – je dis cela pour la rime.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Lorsque nous avons eu ce débat à l’Assemblée nationale, où cette disposition a été introduite, j’ai fait valoir un point de vue pratique. Certes, on comprend qu’il y ait des situations où il est nécessaire de proroger l’enquête. Simplement, la difficulté que je vois en tant que garde des sceaux, et cela rejoint votre propos, c’est la charge de travail supplémentaire pour les juridictions que cette prorogation entraînerait. En effet, au final, on aura trois audiences, puisque l’une d’elles sera nécessaire pour décider de la prorogation du délai. Cela étant, je reconnais que les difficultés matérielles ne doivent pas être opposées aux principes, mais si on les évacue complètement on fragilise le principe en se mettant dans l’impossibilité de le concrétiser.

Quoi qu’il en soit, j’entends le principal argument que vous avancez, monsieur Hyest : deux fois quatre mois, c’est long ; mais la décision de justice peut intervenir avant quatre mois.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il y a de très nombreux cas où l’enquête est bouclée en moins de quatre mois et d’autres, très nombreux aussi, où, en cas de nécessité de prorogation, seul un mois supplémentaire est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais ce délai supplémentaire de quatre mois n’incite pas à la diligence !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Apparemment, il y aurait un compromis possible. La commission pourrait peut-être plafonner le délai, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La question pourra être examinée plus avant lors de la commission mixte paritaire. Cette procédure me paraît plus correcte que de modifier ici les amendements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Pris entre deux feux, le Gouvernement, dans sa grande sagesse, s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si l’on accorde des délais supplémentaires, nous savons tous, pour avoir été responsables de juridictions ou de services administratifs, qu’ils seront utilisés en cas de surcharge. Voilà pourquoi il ne faut pas donner un délai trop long.

Pour ma part, je suis prêt à attendre la commission mixte paritaire, mais il serait plus judicieux, si l’on veut pouvoir rediscuter ultérieurement de ce délai avec l’Assemblée nationale et obtenir une petite évolution, de voter dès maintenant cet amendement. Ce serait une meilleure stratégie.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 24, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, mis à part les cas d’atteinte physique volontaire à la personne

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les remises en liberté ou le maintien en milieu ouvert comportent des risques qui diffèrent en fonction du profil de la personne reconnue coupable et des faits qui lui sont imputés. Les critères criminologiques objectifs mettent en évidence les risques de récidive, de représailles et d’intimidation liés aux auteurs de violences physiques volontaires. N’oublions pas la fréquente proximité entre agresseur et victime, qui se connaissent dans la moitié des cas. Les auteurs de ces violences ne peuvent être mis sur un pied d’égalité avec les auteurs d’autres formes de délinquance.

Cet amendement vise non seulement à prendre en compte le préjudice subi par la victime, mais également à reconnaître ce statut indispensable au moment du procès pénal. Cette reconnaissance est la condition sine qua non pour que la victime voie sa dignité réhabilitée, puisse tourner la page et sortir de la situation de victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cet amendement vise à exclure la possibilité d’un ajournement du prononcé de la peine pour investigations sur la personnalité en cas de condamnation de l’auteur pour des violences volontaires contre les personnes. Or, même pour ces délits, des investigations peuvent être utiles si le juge pense que la contrainte pénale aura des effets bénéfiques.

J’ajoute, mais M. Hyest le sait bien, que, si l’infraction est particulièrement grave, le II de cet article tend à prévoir la possibilité de placer l’intéressé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire en attendant que la juridiction de jugement se prononce sur la peine.

Pour tous ces motifs, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Hyest, hier soir – je reviens à votre intervention à la tribune, car, vous le savez, je bois chacune de vos paroles –, …

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… vous nous avez demandé de faire confiance aux magistrats. C’est ce que nous faisons !

Les magistrats sont des personnes responsables. S’ils estiment qu’ils disposent des éléments nécessaires, ils feront immédiatement le nécessaire, sans recourir à un délai inutile. Nous leur donnons la possibilité d’apporter la réponse qui convient le mieux à la situation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame le garde des sceaux, veuillez m’excuser, mais ce sont les arguments de M. le rapporteur qui me convainquent le plus de retirer mon amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est l’intérêt du dialogue parlementaire…

J’admets en effet que le magistrat a des moyens à sa disposition, tels que la détention provisoire. C’est d’ailleurs l’actuel article 397-3 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 24 est retiré.

L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif

par les mots :

dommages-intérêts à titre provisionnel

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le présent amendement a un double objet : en premier lieu, il est rédactionnel ; en second lieu, il vise à revenir sur le caractère définitif des dommages et intérêts lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine. Il apparaît en effet hasardeux de permettre au juge, à ce stade de la procédure, alors que le délai de saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions court toujours, de fixer à titre définitif le montant des dommages et intérêts dont devrait s’acquitter la personne condamnée.

Le délai de saisine de la CIVI, qui est de trois ans à compter de la date de l’infraction, est prolongé d’un an à compter de la date de la dernière décision ayant statué définitivement sur la culpabilité ou sur la demande de dommages et intérêts formée devant la juridiction pénale.

Par ailleurs, alors même que l’on n’est pas encore en mesure de déterminer la sanction qui sera appliquée au coupable, il est prévu de donner définitivement à la victime la possibilité d’être indemnisée. Le parallélisme des formes et l’équilibre du procès pénal ne peuvent s’accommoder de la fixation définitive des dommages et intérêts alloués à la victime, dans cette phase d’ajournement dont le juge décide qu’elle est provisoire, puisqu’il disjoint alors la décision de culpabilité et la décision de sanction pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Si une victime formule des demandes complètes et justifiées et si le tribunal peut se prononcer à titre définitif, pourquoi ne le ferait-il pas ? Du reste, dans la plupart des cas, ce sera à titre provisionnel.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. J’avais d’ailleurs suggéré en commission à M. Mézard de le retirer. Les explications de Mme la garde des sceaux pourraient emporter cette décision aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Pour la victime, il est préférable que l’indemnisation à titre définitif soit possible. Si, comme vient de le dire M. le rapporteur, la juridiction dispose des éléments qui permettent de prononcer l’intégralité de l’indemnisation due à la victime à titre de réparation, il n’y a pas lieu de contraindre la victime à revenir. Nous introduirions une complication dans le dispositif. Par ailleurs, une telle disposition n’aurait pas d’influence sur la décision de la CIVI, puisque celle-ci peut être saisie dans un deuxième temps.

Sous l’éclairage de ces précisions, je vous invite, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 48 rectifié est retiré.

L'amendement n° 104, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 4 est adopté.

(Non modifié)

La sous-section 6 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par un paragraphe 6 ainsi rédigé :

« Paragraphe 6

« De l’ajournement aux fins de consignation d’une somme d’argent

« Art. 132 -70 -3. – La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne en la soumettant à l’obligation de consigner une somme d’argent en vue de garantir le paiement d’une éventuelle peine d’amende. Elle détermine le montant de cette consignation et le délai dans lequel celle-ci doit être déposée au greffe, qui ne saurait être supérieur à un an. Elle peut prévoir que cette consignation est effectuée en plusieurs versements, selon un échéancier qu’elle détermine.

« Elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

« La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai d’un an après la décision d’ajournement. » –

Adopté.

Section 2

Dispositions favorisant le recours aux modes de personnalisation de la peine

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-18-1, 132-19-1 et 132-19-2 sont abrogés ;

bis À la fin de l’article 132-20-1, les mots : « commise en état de récidive légale » sont supprimés ;

Supprimé

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

Supprimé

2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 706-25, le mot : « seizième » est remplacé par le mot : « dernier ».

III. – L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :

1° Les quatorzième et avant-dernier alinéas de l’article 20 sont supprimés ;

2° L’article 20-2 est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Les deuxième à septième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il n’y a pas lieu de faire application du premier alinéa. Cette décision ne peut être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée. » ;

c) Au début du huitième alinéa, les mots : « Pour l’application des articles 132-8 à 132-11, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal et des deux alinéas précédents, » sont supprimés ;

3° À l’article 20-3, les références : « des deuxième à cinquième alinéas » sont remplacées par la référence : « du deuxième alinéa » ;

4° Les douzième et avant-dernier alinéas de l’article 48 sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat et MM. Amoudry, J.L. Dupont, Deneux et Merceron.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Contrairement à ce qu’a dit Mme le garde des sceaux voilà quelques instants, les peines planchers, telles qu’elles ont été définies dans le code pénal, ne mettent pas fin à la liberté d’appréciation des juges et n’empêchent nullement le respect du principe constitutionnel d’individualisation des peines.

Lors des réformes successives du code pénal, nous avons pris l’habitude d’adresser aux juridictions des recommandations pour recourir à telle ou telle forme de peine. Nous avons nous-mêmes contribué à cette évolution. Le texte du Gouvernement n’y met pas fin : les nouvelles dispositions qu’il institue en matière de motivations du prononcé de la peine visent elles-mêmes à donner des orientations sur les préférences du garde des sceaux et du Parlement en matière de politique pénale.

La préférence qui était fermement assignée aux juridictions dans la fixation de peines planchers est remise en cause par l’article 5. C’est un très mauvais signal. Par conséquent, il faut supprimer cet article pour maintenir les peines planchers, étant entendu, comme je l’ai déjà dit, que celles-ci ne sont pas contraires au principe d’individualisation des peines et que le système actuel a le mérite de permettre un traitement équitable des récidivistes et des auteurs de violences graves sur tout le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Si l’on en croit le Gouvernement et la majorité, les peines planchers n’ont eu aucun effet sur la prévention de la récidive et ont uniquement aggravé la surpopulation carcérale. Or les faits montrent qu’il n’en est rien.

L’argument selon lequel l’automaticité constituerait le défaut principal des peines planchers ne tient pas non plus. Les juges peuvent toujours individualiser la peine en écartant la peine plancher ou en prononçant une peine avec sursis. En outre, on s’aperçoit que le nombre de peines planchers prononcées est en diminution, passant de 50 % en 2007 à 37 % en 2011. Les juges se sont donc parfaitement approprié la possibilité nouvelle qui leur était offerte.

Avec l’article 5 et ceux qui vont être examinés ultérieurement, on a le sentiment que, peu importe le dispositif et la manière dont la justice se l’est approprié, dès lors qu’il a été mis en place par la précédente majorité, il faut le supprimer. Eh bien non ! S’il apporte un plus, s’il est utile à la justice – c’est le cas s’agissant des peines planchers –, il ne faut pas le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Les peines planchers, monsieur Détraigne, n’ont pas apporté un plus : elles ont augmenté de façon considérable le prononcé des sursis avec mise à l’épreuve, ce qui a dénaturé totalement ce dispositif et conduit certains SPIP à l’embolie. Supprimer les peines planchers permettra donc de réduire de 5 000 le nombre des sursis avec mise à l’épreuve prononcés et de redéployer un certain nombre de moyens.

Je remarque que le rapporteur de la loi de 2007 n’était autre que M. Zocchetto, qui préside aujourd’hui le groupe auquel vous appartenez. Or M. Zocchetto concédait alors que le dispositif des peines planchers applicable aux récidivistes donnait lieu à de vives critiques, notamment de la part des magistrats et de la Défenseure des enfants.

Au cours des débats, la commission des lois avait alors fait adopter deux amendements tendant à permettre aux juges de prendre en compte cette possibilité à titre exceptionnel. Nous avions donc déjà très fortement encadré le prononcé des peines planchers.

En 2011, lorsque ces peines ont été étendues à certains auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences, en dehors de toute récidive, la commission des lois a manifesté son opposition. Elle a finalement restreint le champ du dispositif aux violences les plus graves. Elle a d’ailleurs estimé qu’il était regrettable de revenir sur des principes énoncés par la loi pénitentiaire de 2009, et ce sur le rapport de notre estimé collègue M. Courtois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. le président. Je vous remercie de citer cet excellent rapport.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En conséquence, il est temps de conduire aujourd’hui le processus à son terme et donc de supprimer ces peines planchers. Cette mesure est du reste en cohérence avec l’individualisation des peines.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Détraigne, vous avez raison, les magistrats ont, dans les toutes premières années, massivement appliqué les peines planchers, puis ils ont fait de gros efforts pour y déroger. L’objectivité avec laquelle ils jugent les a conduits à considérer que, dans bien des cas, l’application de la peine plancher ne convenait pas. Comme M. le rapporteur vient de le rappeler, les magistrats ont parfois eu recours au sursis avec mise à l’épreuve pour éviter le prononcé d’une peine plancher.

Cela étant – je l’ai déjà dit il y a quelques instants –, les peines planchers entravent l’individualisation des peines, dans le principe et dans la pratique. C’est absolument incontestable ! J’en reviens à l’article 132-19-1 du code pénal relatif aux peines planchers, introduit par la loi de 2007, que je cite à l’intention de M. Bas et qui vient aussitôt après le tableau des peines planchers : « Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » Or, je le répète, le public qui est visé par le projet de loi et qui a besoin d’être accompagné ne présente précisément pas ces garanties exceptionnelles.

Souvenons-nous que les peines planchers ont plus que triplé, bondissant de 14 % à 44 % ! Qu’en est-il résulté ? La principale conséquence a été la surpopulation carcérale, au titre des courtes peines. Or, en pareil cas, il est impossible de préparer la sortie de prison, précisément parce que le temps est trop court. Qui plus est, les personnes concernées sont encore plus désocialisées, du fait de leur passage en prison. J’ai déjà cité ces chiffres hier en ouvrant la discussion générale : 7 % des personnes qui entrent en prison sont sans domicile fixe et 14 % des personnes qui en sortent sont sans solution d’hébergement. Il faut tenir compte de cette réalité !

Autrement dit, nous devons nous poser la question suivante : l’objectif affiché, à savoir la lutte contre la récidive, a-t-il été servi par les peines planchers ? Non seulement tel n’a pas été le cas, mais les peines planchers ont eu l’effet inverse, notamment sur les petits délits, punis de moins de trois ans d’emprisonnement. J’ai cité hier le chiffre de 47 %.

Ces peines ont aggravé la surpopulation carcérale et donc entravé la lutte contre la récidive. Voilà pourquoi elles ont eu un effet pervers. Elles ont trahi l’intention du législateur.

Répétons-le, le législateur voulait lutter contre la récidive, mais, en réalité, il a mis en place un dispositif qui, en augmentant considérablement la population carcérale – cette dernière a crû de 35 % en dix ans –, a contrecarré tout ce qui pouvait être fait sur ce front au sein des établissements pénitentiaires.

Voilà pourquoi nous affirmons qu’il est nécessaire de supprimer les peines planchers. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de les abroger purement et simplement. Le présent texte met à la disposition des magistrats un arsenal comprenant notamment la contrainte pénale, qui permettra d’assurer le suivi le plus individualisé possible. Il pourra être adapté, ajusté. À ce jour, nous ne disposons pas, dans le code pénal, d’un semblable instrument.

À l’avenir, ce suivi sera ajusté et évalué – c’est là une obligation. Ainsi, nous instaurons de meilleures assurances pour la réinsertion de personnes que l’on incarcérait précisément faute de pouvoir apporter ces garanties exceptionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cette réforme a pour principe inhérent le retour à une plus grande liberté d’appréciation du juge.

Pour ma part, je craignais fort que la suppression des peines planchers ne s’accompagne, par exemple, de l’instauration d’une règle relative à une libération d’office. Je redoutais que l’on étende la liberté d’appréciation d’un côté tout en la restreignant de l’autre.

Étant donné que le projet de loi présente une cohérence d’ensemble, c’est-à-dire que cette liberté d’appréciation des magistrats se traduit aussi bien par la suppression des peines planchers que par l’absence d’un principe de libération d’office, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

I. –

Non modifié

1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « que, en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37, le sursis pourra être révoqué par la juridiction. » ;

2° À la fin de l’article 132-35, les mots : « sans sursis qui emporte révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » ;

3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :

« Art. 132 -36. – La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation à une peine de réclusion ou à une peine d’emprisonnement sans sursis.

« La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que la réclusion ou l’emprisonnement, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis. » ;

4° À l’article 132-37, les mots : « sans sursis emportant révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis » ;

5° L’article 132-38 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ordonnée par la juridiction » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

6° À l’article 132-39, le mot : « encourue » est remplacé par les mots : « prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;

7° L’article 132-50 est ainsi rédigé :

« Art. 132 -50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, elle peut, par décision spéciale, ordonner que la première peine sera également exécutée. »

II. – L’article 735 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 735. – Lorsque la juridiction de jugement n’a pas statué sur la révocation du sursis en application de l’article 132-36 du code pénal parce qu’elle n’avait pas connaissance de la première condamnation, le procureur de la République peut ultérieurement saisir le tribunal correctionnel d’une requête motivée tendant à sa révocation.

« Le tribunal statue lors d’une audience publique après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »

III

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 7, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le droit en vigueur prévoit la révocation automatique du sursis simple en cas de nouvelle condamnation. C’est la nature même du sursis que de devoir être révoqué en cas de récidive. Or les dispositions du présent article révèlent une nouvelle conception du sursis. Ce dernier ne serait plus automatiquement révoqué en cas de récidive. La révocation du sursis simple demeurerait une simple faculté de la juridiction de jugement, qui pourrait le prononcer ou non en cas de nouvelle condamnation.

C’est pour nous opposer à cette évolution que nous avons déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je fais mienne l’argumentation que vient de développer Jean-René Lecerf : cet article laisse la liberté au juge de révoquer ou non le sursis. Aujourd’hui, l’automaticité de la révocation peut poser des problèmes. Aussi, nous inversons le principe, pour permettre à la juridiction de révoquer le sursis en toute connaissance de cause. À cet égard, cet article a lui aussi pour objet de renforcer l’individualisation des peines prononcées.

L’étude d’impact estime la baisse de la population carcérale attendue de cette mesure à environ 1 700 personnes. Dans le contexte de surpopulation des prisons que nous connaissons, cet effet n’est tout de même pas négligeable.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Ce sont les magistrats eux-mêmes qui ont attiré notre attention sur le fait qu’ils prononcent parfois des peines en ignorant l’existence d’un sursis et que la décision en résultant est contraire à leur intention, eu égard à leur appréciation de la faute et à la sanction qu’ils souhaitent prononcer. En l’état actuel du droit, le sursis est automatiquement révoqué.

Les juges doivent disposer de tous les éléments d’appréciation existants, dont celui-ci. Ils choisiront ainsi de révoquer ou non le sursis. Il ne leur sera pas interdit d’agir en ce sens. Il faudra simplement prononcer la révocation. Autrement dit, il faudra que la volonté du magistrat soit connue, ni plus ni moins. Le magistrat pourra révoquer un sursis tout à fait librement.

Il faut mettre un terme à cette automaticité – car c’en est une – conduisant à ce que des révocations soient prononcées sans que personne l’ait voulu. Je le répète, en découvrant cette mesure, le magistrat qui en est à l’origine la déplore parfois lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame le garde des sceaux, le mot « automaticité » peut renvoyer à des réalités très différentes.

Lorsqu’il est question d’automaticité pour le prononcé d’une peine initiale pour un primo-délinquant, chacun d’entre nous manifeste son opposition au nom de l’individualisation des peines. En revanche, dans le cas d’une peine de prison avec sursis, le juge saisi à l’origine a déjà porté une appréciation individuelle sur le cas du délinquant. Il a déjà décidé l’instauration d’un sursis, pour suspendre en quelque sorte une épée de Damoclès au-dessus de la tête du délinquant, afin de dissuader toute récidive. Si le sursis, prononcé par le juge en toute connaissance de cause, n’est plus automatiquement révoqué en cas de récidive, la notion même de récidive perd presque toute sa portée.

Voilà pourquoi cette évolution nous semble préjudiciable à une politique pénale responsable. Elle permet à des magistrats de remettre en cause une décision fondamentale prise précédemment, par la condamnation avec sursis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

que, en cas

par les mots :

qu’en cas

II. – Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le tribunal statue en audience publique, après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

On le répète souvent, la baisse de la qualité des textes de loi conduit à les remettre sans cesse sur le métier, ici pour corriger une maladresse rédactionnelle, là pour envisager un cas particulier auquel on n’avait pas songé.

Une loi bien rédigée est une loi claire et efficace. Ces exigences sont particulièrement fortes en matière pénale, domaine dans lequel la législation est d’interprétation stricte.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à apporter deux améliorations réelles.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36

par les mots :

ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 ; le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis en cas d’infraction commise dans le délai de cinq ans

II. – Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° À l’article 132-39, les mots : « si la révocation du sursis n’a pas été encourue » sont remplacés par les mots : « si la révocation totale du sursis n'a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence avec une disposition relative au sursis avec mise à l’épreuve.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

Supprimé

2° L’article 132-44 est ainsi modifié :

a) Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout changement d’emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations ; »

b) Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Informer préalablement le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger. » ;

3° L’article 132-45 est ainsi modifié :

a) Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Sous réserve de son accord, s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite ; »

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 20° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger.

« Les obligations prévues aux 1°, 3° et 18° du présent article ne peuvent être prononcées que si la juridiction décide que, en application du second alinéa de l’article 132-42, le sursis ne s’appliquera à l’exécution de l’emprisonnement que pour une partie de celui-ci. » ;

4° L’article 132-52 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis avec mise à l’épreuve dès lors que le manquement ou l’infraction ont été commis avant l’expiration du délai d'épreuve. »

II. – Le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 76, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le dernier alinéa de l’article 132-41 est supprimé ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour le juge, telle qu’adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve sans limitation liée à l’état de récidive légale. Cette mesure s’inscrit dans le processus général de suppression des dispositions spécifiques aux récidivistes et dans la logique du présent texte, que nous avons longuement évoquée, visant à renforcer le principe d’individualisation des peines.

À ce jour, le dernier alinéa de l’article 132-41 du code pénal limite à deux le nombre de sursis auquel une personne en état de récidive légale peut être condamnée. Ce plafond est abaissé à un seul sursis pour les infractions avec violences ou pour les infractions sexuelles commises avec la circonstance aggravante de violences.

Or les processus de sortie de délinquance peuvent inclure des rechutes et des aléas. S’ils sont moins graves que les premiers faits commis ou s’ils surviennent longtemps après eux, ils ne doivent pas nécessairement donner lieu à une peine de prison ferme. Cependant, ils peuvent justifier le prononcé d’une nouvelle peine de sursis pour que le condamné continue à être suivi et pour que ses efforts soient accompagnés.

La suppression du dernier alinéa de l’article 132-41 restaure la pleine capacité d’appréciation du juge, qui pourra soit décider de condamner les personnes en état de récidive à un nouveau sursis, soit les condamner à une peine sans sursis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Comme le Gouvernement à l’Assemblée nationale, il nous a semblé que, dans certains cas, il fallait distinguer entre récidivistes et non-récidivistes.

En outre, dès lors que les sursis avec mise à l'épreuve sont prononcés dans le cadre de peines « mixtes », ils peuvent se cumuler sans restriction, y compris pour les récidivistes.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bosino, le Gouvernement entend votre préoccupation en faveur de l’individualisation des peines. La situation que vous évoquez permet cependant de comprendre, une fois de plus, comment la contrainte pénale va améliorer la prise en charge et l’accompagnement des personnes qui en ont vraiment besoin. Jusqu’à présent, on n’a pas accordé aux magistrats ou, ensuite, aux services de milieu ouvert, les moyens de pratiquer de véritables accompagnements. C’est ce que nous entendons faire par ce texte de loi.

En ce qui concerne les récidivistes, nous sommes absolument convaincus de la nécessité de garantir un accompagnement le plus tôt possible dans le cadre de l’exécution de la peine. L’une des conditions d’efficacité du dispositif est ainsi de faire en sorte que le récidiviste, déjà sanctionné plus lourdement, voit sa situation examinée dans les mêmes délais qu’un non-récidiviste. Je dis le même délai, mais, en réalité, la peine étant plus lourde, les deux tiers d’une peine prononcée à l’encontre d’un récidiviste ne recouvrent pas la même durée que les deux tiers d’une peine plus clémente.

En revanche, il ne nous semble pas nécessairement utile et efficace pour l’auteur de l’infraction d’accumuler de fausses solutions. La multiplication des sursis n’est pas toujours une bonne réponse. Une peine mixte, voire une peine de contrainte pénale, peut être plus efficace.

En observant les parcours de délinquance, on constate que la réitération se produit souvent dans un temps très court. Une situation sociale, ou parfois seulement personnelle, conduit la personne à réitérer. Dans ce cas, une prise en charge, avec un accompagnement et un certain nombre de contraintes et d’obligations est préférable à une accumulation de mesures dénuées d’effet réel et qui n’aident pas à la réinsertion.

Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 105, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

II. - Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

5° À l'article 132-56, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

III. - Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Lors de sa réunion du mercredi 18 juin, la commission des lois s'est prononcée en faveur de l'extension progressive du champ de la contrainte pénale à l'ensemble des délits, quel que soit le quantum de peine encouru, à compter du 1er janvier 2017. Plusieurs intervenants, à gauche comme à droite, ont souhaité que cette extension n'ait pas lieu de façon automatique, ainsi que le prévoit le texte du projet de loi voté à l'Assemblée nationale, mais que le Parlement soit amené à se prononcer expressément sur une telle extension, au vu du premier bilan effectué.

Comme je ne suis pas aussi incontrôlable qu’on le dit, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… je partage ce point de vue. Il me semble que si l’on veut étendre cette contrainte pénale à tous les délits, il faut que le Parlement se prononce au vu des résultats de l’évaluation.

J’ai donc fait adopter ce matin cet amendement, qui vise à rendre obligatoire une nouvelle loi pour étendre ou modifier la contrainte pénale. Il tend par ailleurs à procéder à une mesure de coordination.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vais vous parler très franchement, monsieur le rapporteur. Même si nous avons eu des échanges rapides à ce sujet, je découvre quelque peu cet amendement.

Le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, qui oblige le Gouvernement à présenter au Parlement une évaluation dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, me semble satisfaisant. Ce clapet introduit dans le texte, qui retarde l’extension de la contrainte pénale jusqu’après l’évaluation, me paraît tout à fait raisonnable et sérieux. Si l’on part de l’hypothèse que ces deux qualités sont également celles du Parlement, celui-ci fera le nécessaire si l’évaluation laissait apparaître qu’il convient de ne pas appliquer ces dispositions différées.

Je souhaite que, sur ce point, nous en restions au texte voté à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je ne vais pas retirer cet amendement, car, quel que soit le résultat de l’évaluation présentée au Parlement, le basculement sera automatique en 2017.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais non !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

M. Bas avait raison de dire qu’il ne faut pas utiliser un mot pour un autre. Il n’y a pas d’automaticité, monsieur le rapporteur. Il y a des textes d’application immédiate et d’autres d’application différée.

Voyez la collégialité de l’instruction : adoptée en 2007, le Parlement en a différé l’application à deux reprises. Il faut dire que le texte original n’était pas applicable. Nous l’avons retravaillé, et j’ai présenté un projet de loi en conseil des ministres en avril 2013. Il n’a toujours pas été soumis au Parlement !

Si, le cas échéant, vous voulez reporter l’extension de la contrainte pénale, choisissez plutôt de le faire par amendement, au lieu de supprimer aujourd’hui le dispositif. Cette procédure serait plus simple que d’attendre de trouver une circonstance permettant d’introduire ce qui vous paraîtra juste au terme de l’évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voterai cet amendement.

Lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer la question préalable, j’ai souligné qu’il n’est pas de véritable expérimentation si sa généralisation n’est pas suspendue à une décision postérieure à son évaluation.

Ici, le délai prévu est très court. Nous sommes en juin 2014, et la généralisation du système de la contrainte pénale est prévue au 1er janvier 2017. Cela ne laisse nullement le temps à l’expérimentation de se déployer dans les tribunaux et de prendre le recul nécessaire pour en apprécier la validité.

En outre, madame le garde des sceaux, contrairement à votre interprétation du texte en discussion, l’alinéa 16 de l’article 6 bis dispose que « le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, » – c'est-à-dire les dispositions que nous soumettons à expérimentation – « dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017 ». En droit, le présent de l’indicatif vaut obligation.

Par conséquent, non seulement le délai avant la généralisation est très court, mais, en sus, la généralisation se passera de toute nouvelle disposition législative. Afin que rien ne permette le passage automatique à la généralisation au 1er janvier 2017, je crois souhaitable de supprimer l’alinéa 16 de l’article 6 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, nous avons mis à profit la suspension de séance que vous nous avez accordée pour échanger sur le sujet.

Nos réflexions ont abouti à maintenir la position de la commission, pour la raison suivante : nous sommes toujours ouverts au dialogue et nous savons qu’il y aura une commission mixte paritaire, qui statuera. Toutefois, en l’état actuel des choses, il nous paraît logique de tirer les conséquences de l’évaluation qui sera faite au bout de deux ans. Évaluer une loi nouvelle, c’est d’ailleurs très bien, très moderne !

Comme vous, madame la ministre, nous prenons cette évaluation très au sérieux, et nous souhaitons de tout cœur qu’elle soit positive, parce que nous croyons beaucoup à cette mesure nouvelle que nous nous apprêtons à voter. Cependant, il faut aussi envisager l’éventualité que cette évaluation ne soit pas positive, ou bien, comme le disait Mme Klès, qu’elle aboutisse à proposer des modalités différenciées ou des adaptations.

Il nous paraît donc logique que, une fois cette évaluation réalisée, le Parlement soit saisi, s’il y a lieu, afin de revoir le dispositif. À défaut, cela reviendrait à présupposer que l’évaluation est positive et qu’il n’y a pas de conséquences à en tirer.

Le raisonnement de la commission nous semble logique et nous le soutenons en toute sérénité. Nous maintenons donc l’amendement n° 105, après avoir entendu vos préoccupations, madame la garde des sceaux.

L'amendement est adopté.

L'article 6 bis est adopté.

(Non modifié)

Le 10° de l’article 132-45 du code pénal est complété par les mots : «, et ne pas prendre part à des jeux d’argent et de hasard ». –

Adopté.

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 132-49 du code pénal est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 8, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’article 6 quater concerne la révocation partielle du sursis. À l’heure actuelle, le juge peut décider à titre exceptionnel que la récidive, après une condamnation avec sursis, donnera lieu, non à la levée totale du sursis, mais seulement à sa révocation partielle.

Or le projet de loi dont nous débattons, en prévoyant que plusieurs récidives pourraient donner lieu à plusieurs révocations partielles, aboutit à vider encore davantage de son contenu la notion de sursis. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission considère qu’il convient de laisser au JAP, le juge d’appréciation des peines, la faculté d’apprécier au cas par cas, ce qui lui permettra d’adapter la sanction des manquements à l’évolution du condamné et à la gravité de chaque manquement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il est également défavorable, car cet article améliore l’efficacité de la peine.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 quater est adopté.

I. –

Supprimé

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 474 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) La dernière phrase est ainsi rédigée :

« Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 723-15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant leur peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

b) (Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 43, présenté par Mmes Tasca et Klès et MM. Kaltenbach et Madec, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« I. - Le code pénal est ainsi modifié :

« 1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

« a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

« b) À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

« c) À l'avant-dernier alinéa, les mots : «, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

« 2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

« II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

« 1° La dernière phrase du premier alinéa de l'article 474 est ainsi rédigée : « Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

« 2° Le premier alinéa de l'article 723-15 est ainsi modifié :

« a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant leur peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

« b) La seconde phrase est supprimée. »

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Cet amendement vise à rendre possibles des aménagements de peine pour les condamnations inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement, en alignant le régime applicable aux personnes condamnées en état de récidive légale sur celui qui est applicable aux primo-condamnés.

Cette disposition a connu un destin variable. Le projet de loi initial abaissait de deux ans à un an pour les primo-condamnés, et d’un an à six mois pour les récidivistes, les seuils d’emprisonnement permettant d’ordonner une mesure d’aménagement de peine.

L’Assemblée nationale a aligné le régime applicable aux récidivistes sur celui qui est applicable aux primo-condamnés, en prévoyant que les peines d’une durée égale ou inférieure à un an pourraient être aménagées.

L’abaissement du seuil revient sur les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009 et nous a semblé en contradiction avec l’esprit du projet de loi, lequel vise à favoriser les aménagements de peine plutôt qu’à en restreindre la possibilité. C’est en partant de ce constat que la commission des lois est revenue au droit en vigueur, c’est-à-dire à la loi de 2009.

Il est néanmoins nécessaire de conserver les améliorations apportées par l’Assemblée nationale, qui visent à amenuiser les différences entre les régimes applicables aux récidivistes et aux primo-condamnés.

S’il est normal, bien évidemment, que les récidivistes soient condamnés à une peine plus lourde que les primo-délinquants, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Dominique Raimbourg, a relevé qu’il était « contre-productif de limiter l’accès des premiers aux aménagements de peine, qui favorisent l’insertion ou la réinsertion et, par là même, limitent le risque de récidive ».

En ce sens, cet amendement tend à rendre possibles les aménagements de peine concernant les condamnations inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement pour tous les condamnés. Son dispositif est cohérent, par ailleurs, avec la volonté de la commission des lois de maintenir les articles 7 bis et 7 ter, introduits par l’Assemblée nationale, qui alignent les régimes applicables aux récidivistes sur ceux des primo-condamnés en matière de crédits de réduction de peine et d’octroi de la libération conditionnelle.

Sur ce sujet, mes chers collègues, je souhaiterais vous livrer une réflexion de fond. J’appelle votre attention sur le fait que, face à la situation en milieu carcéral et au développement de la récidive, nous sommes devant un mur : les récidivistes sont très souvent de jeunes délinquants, qui glissent progressivement sur une pente fatale. Nous devons donc nous interroger sur la manière dont nous abordons la question des aménagements de peine, eu égard à cette situation.

N’avons-nous pas intérêt, dans un objectif d’efficacité de la lutte contre la récidive, à traiter, sur ce seul point de l’accès aux aménagements de peine, les récidivistes de la même manière que les primo-délinquants ?

Si l’on maintient la distinction entre les deux régimes, on se prive d’un moyen d’accompagnement. Quoi qu’il en soit, la décision reste entre les mains du juge et, pour en revenir au débat antérieur, il ne saurait en aucun cas y avoir d’application automatique.

Néanmoins, alors que nous sommes confrontés à ce problème de la récidive, il serait dommage, en renonçant aux aménagements de peine, de ne pas tendre la main aux jeunes délinquants récidivistes, afin de les arrêter sur cette pente fatale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 119, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A. - Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, elle peut...

le reste sans changement

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

b) À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

c) Après la première occurrence des mots : « égale à », la fin de l'avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « un an. » ;

2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à un an ».

B. - Alinéa 4

Rétablir le a) dans la rédaction suivante :

a) À la première phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés, deux fois, par les mots : « un an » ;

C. - Alinéa 9

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) La seconde phrase est ainsi rédigée :

« En cas de cumul de condamnations, lorsque le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est supérieur à un an mais inférieur à deux ans, le juge de l'application des peines peut, par une décision spécialement motivée, ordonner l'une de ces mesures à l'égard du condamné qui justifie de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir la commission de nouvelles infractions. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La commission des lois du Sénat a modifié une disposition, adoptée à l’Assemblée nationale, qui tend à changer les seuils prévus dans la loi pénitentiaire.

Le Gouvernement souhaite maintenir le texte dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

2° À l’article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Cet amendement vise à aligner le régime applicable aux personnes condamnées en état de récidive légale sur celui des primo-condamnés.

Le projet de loi repose, notamment, sur le postulat que le récidiviste a besoin d’une personnalisation accrue dans le prononcé et l’exécution de la peine. Il est donc paradoxal, et même à rebours des visées du projet de loi, de réduire la possibilité d’aménagement de la peine pour les récidivistes.

Il s’agit de revenir au seuil de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, tout en conservant l’avancée que constitue l’alignement des régimes décidé par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ces trois amendements visent les seuils d’emprisonnement permettant d’ordonner une mesure d’aménagement de peine, un sujet compliqué et technique.

Le texte initial du Gouvernement distinguait entre les primo-délinquants, pour lesquels le seuil était d’un an, et les récidivistes, pour lesquels il était de six mois.

L’Assemblée nationale a prévu un an pour tout le monde.

La commission des lois a proposé, le 18 juin dernier, d’en revenir aux seuils prévus dans la loi pénitentiaire de 2009, lesquels étaient plus favorables, soit deux ans pour les primo-condamnés et un an pour les récidivistes.

Mme Tasca, quant à elle, souhaite instaurer un seuil de deux ans pour tout le monde, ce qui est un peu plus favorable que la proposition de la commission des lois.

Enfin, aujourd’hui, à dix-huit heures trente, le Gouvernement demande que l’on en revienne, non pas à son texte, mais à celui de l’Assemblée nationale !

Je vous propose, pour ma part, d’en rester aux seuils prévus par la commission des lois lors de sa réunion du 18 juin dernier, et qui étaient ceux de la loi pénitentiaire : deux ans pour les primo-délinquants, un an pour les récidivistes.

Mon avis est donc défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Là encore, il y aura une commission mixte paritaire, et nous verrons comment nous pourrons trouver des compromis avec l'Assemblée nationale.

À ce stade du débat, je tiens à dire que la position de la commission des lois est celle qui a été exprimée par le Sénat lors du vote de la loi pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous avons considéré qu’il était juste de prévoir des aménagements de peine de deux ans pour les primo-délinquants et d’un an pour les récidivistes. Ces seuils, que nous avons défendus lors de l’examen de la loi pénitentiaire, ont fait l’objet d’un large accord au sein de la Haute Assemblée.

À cet égard, si vous le permettez, madame la garde des sceaux, j’exprimerai des réserves sur le second paragraphe de l’exposé des motifs de l’amendement n° 119, dont je vous donne lecture : « Cette possibilité qui résulte de la loi pénitentiaire de 2009 constitue en effet une dénaturation du sens de la peine de prison, au demeurant non comprise par la plupart des magistrats eux-mêmes. »

Je veux réagir pour deux raisons.

Premièrement, les magistrats comprennent, me semble-t-il, cet article, qui n’est pas difficile à interpréter.

Deuxièmement, nous plaidons ici – tel est l’esprit du texte qui nous est soumis – pour que la peine de prison soit conçue de telle manière qu’elle permette la sortie et la réinsertion du détenu dans les meilleures conditions possible. Aussi, je comprends mal qu’on considère qu’un aménagement de peine, qui est, d’ailleurs distinct pour les récidivistes et les autres, puisse dénaturer le sens de la peine de prison.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame Tasca, le Gouvernement est malheureusement défavorable à votre amendement n° 43, dont les dispositions, vous en conviendrez, vont plus loin que la rédaction actuelle de la loi pénitentiaire.

Monsieur le rapporteur, je voudrais apporter une nuance concernant le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Les députés, sur l’initiative de leur rapporteur, ont effectivement fixé le seuil d’aménagement des peines à un an pour tous. Néanmoins, ils ont introduit un dispositif dérogatoire de deux ans pour les personnes ayant fait l’objet de condamnations à plusieurs peines de prison, lorsque celles-ci sont inférieures à un an.

Le Gouvernement ayant présenté son propre amendement – j’essaie de ne pas faire de bipolarité ! §, il est également défavorable à l’amendement n° 50 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mon explication de vote vaudra également pour l’amendement n° 50 rectifié, qui subira, me semble-t-il, le même sort que l’amendement n° 43. Je veux insister sur les propos de ma collègue Catherine Tasca.

Les récidivistes sont des délinquants qui, à un moment ou à un autre, pour une raison ou pour une autre, rechutent. Cette rechute les expose à un quantum de peine plus important et elle est inscrite dans leur dossier, qui est accessible au juge. En refusant de leur accorder les mêmes aménagements de peine qu’aux autres personnes, il me semble, une fois de plus, que nous faisons le contraire de ce que nous devrions faire.

En effet, ce sont les multirécidivistes qui ont le plus besoin d’être accompagnés, voire, dans certains cas, encouragés, alors même qu’ils étaient sur le bon chemin. La récidive n’est pas forcément un acte plus grave que le précédent ; elle peut, au contraire, être moins grave. Or ces circonstances ne sont plus prises en compte dès lors que l’on décrète que la récidive implique un seuil d’aménagement de peine différent de celui des autres condamnés, et donc un accompagnement différent.

Même si j’ai peu d’espoir d’être entendue, j’insiste sur la demande que j’ai formulée conjointement avec Mme Tasca et d’autres collègues, à savoir considérer la récidive comme une rechute et donc l’intégrer comme un élément du dossier, qui n’entraîne pas forcément une diminution des droits à l’accompagnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Pour ma part, je voterai également l’amendement n° 43, car j’ai été convaincu par les arguments de mes collègues Catherine Tasca et Virginie Klès.

Il s’agit d’aménager la peine d’emprisonnement, c'est-à-dire, dans l’esprit de la loi, d’aller dans le sens de l’efficacité de la peine, en donnant une chance supplémentaire à la personne condamnée.

Pour cette raison, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre les récidivistes et les non-récidivistes. C’est pourquoi je soutiens cet amendement avec force.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tout d’abord, je dois l’avouer, je n’ai pas compris que l'Assemblée nationale ait abaissé le seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement à un an pour les primo-délinquants. Je ne sais pas pourquoi elle en a décidé ainsi.

Rappelez-vous, mes chers collègues, quelques épisodes historiques : à un certain moment, on a voulu abaisser le seuil à un an, mais le Sénat a tenu bon, en le maintenant à deux ans. Toutefois, vous oubliez de dire en quoi consiste l’aménagement de peine.

Comprenez-le bien, les aménagements de peine n’ont rien à voir avec les peines alternatives. Ils concernent des personnes ayant été condamnées à deux ans de prison ferme ou à une peine avec sursis, dont deux ans fermes. Une personne condamnée à cinq ans, dont deux ans fermes, a la possibilité de bénéficier d’un aménagement de peine.

Honnêtement, on peut dire tout ce que l’on veut, mais les récidivistes et les primo-délinquants, ce n’est quand même pas pareil ! Une personne qui, après avoir déjà été condamnée à une peine de prison, quelquefois aménagée, est de nouveau condamnée à une peine de prison d’un an ferme n’a, veuillez m’excuser, rien à voir avec un primo-délinquant.

Méfiez-vous, mes chers collègues, car nous étions parvenus à un équilibre. Un récidiviste peut être condamné à une autre peine ; vous avez pris un certain nombre de dispositions par ailleurs.

Pour ma part, à l’instar du président de la commission des lois, je m’en tiens au dispositif que nous avons adopté en 2009. Y déroger nous exposerait à des problèmes. Cela serait mal compris.

Madame la garde des sceaux, je regrette, tout comme vous, que toutes les dispositions en vigueur ne soient pas appliquées. On oublie de le dire, mais l’aménagement de peine va quelquefois jusqu’à un travail d’intérêt général, la semi-liberté ou encore, selon les cas, le placement à l’extérieur d’une personne qui a été condamnée à deux ans de prison ferme, ce qui n’est pas rien !

Je vous l’ai dit et je le répète, si toutes les possibilités prévues dans la loi pénitentiaire étaient appliquées, nous nous poserions beaucoup moins de questions. C’est pourquoi je reste fidèle au dispositif que nous avons adopté en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Permettez-moi de retracer très rapidement l’historique, assez étrange, du seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement à deux ans.

Ce seuil avait été effectivement prévu dans le projet de loi pénitentiaire, présenté par Mme Dati, alors garde des sceaux. La loi à peine votée, le précédent gouvernement était intervenu à de nombreuses reprises, par l’intermédiaire de tel ou tel de nos collègues, pour abaisser ce seuil à un an. À chaque fois, le Sénat a effectivement ferraillé et résisté – Jean-Jacques Hyest, le premier, que j’ai essayé d’accompagner – pour maintenir le texte tel qu’il avait été adopté. J’admire la continuité gouvernementale : sur ce point, il semble que, d’un gouvernement à l’autre, les principes ne diffèrent pas !

On a beaucoup reproché au texte qui nous est présenté de vouloir vider les prisons. Je ne pense pas que tel soit son objet, mais je ne souhaite pas non plus qu’il les remplisse ! Or si l’on modifie le seuil d’aménagement des peines, les effets seront plus importants, d’après l’étude d’impact elle-même, que ceux qui découlent de la suppression des peines planchers.

Enfin, concernant la question des primo-délinquants et des récidivistes, j’indique qu’on est primo-délinquant avant d’être récidiviste. Cette personne aura donc une période durant laquelle elle pourra bénéficier du seuil d’aménagement de deux ans.

Par ailleurs, une telle mesure poserait un problème de pédagogie à l’égard de l’opinion publique et d’acceptabilité de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Aussi, j’estime qu’il est sain de maintenir cette distinction entre le récidiviste et le primo-délinquant.

Pour toutes ces raisons, j’approuve sans réserve la position de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mon collègue Jean-René Lecerf a dit beaucoup mieux que moi ce que j’avais l’intention de dire.

Je ne connais pas l’historique de cette question, mais je voulais, moi aussi, parler de l’effet de cette énième réforme pénale sur l’opinion publique, qui a besoin, dans cette période extrêmement troublée, de comprendre les lois que nous adoptons, notamment en matière de prévention.

Lorsque j’ai fait mes études de droit il y a un certain nombre d’années, dans un comité de prévention de la délinquance, où l’on suivait des jeunes en équilibre précaire, on disait : « La prévention, cela dépend aussi de nous. » Je ne sais pas ce qu’on a fait pendant trente ans, mais, à considérer l’augmentation des chiffres de la délinquance, force est de constater que tout ce qu’on a inventé n’a pas vraiment fonctionné.

La loi pénitentiaire qui a été adoptée en 2009 me semble non seulement équilibrée, mais également bien comprise, comme l’a rappelé M. le président de la commission des lois. C’est pourquoi nous suivrons l’avis de la commission des lois et du rapporteur sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je veux dire que je maintiens ma position, qui a d’ailleurs été confirmée lors des auditions que nous avons réalisées par d’éminentes personnalités, telles que Mme Tulkens et M. Badinter.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 60, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 395 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « ans », sont insérés les mots : «, sans excéder sept ans » ;

2° Au deuxième alinéa, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « sans excéder sept ans ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 61, dont les dispositions portent, elles aussi, sur la comparution immédiate.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 61, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, et qui est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 397-4 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par les mots : « une peine d’au moins une année d’ ».

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Une recherche menée par la Ligue des droits de l’homme sur une centaine d’audiences de comparution immédiate a abouti à un constat alarmant sur ce qui peut s’apparenter à une justice d’abattage.

Selon cette enquête, les affaires sont jugées en moyenne en trente-six minutes. Seulement 2 % des affaires jugées font l’objet d’une relaxe, alors que 57 % d’entre elles aboutissent à une peine de prison ferme. Dans 80 % des cas, les juges suivent les réquisitions du parquet.

Nous considérons que de trop nombreux délits sont couverts par la comparution immédiate. Il est indispensable que les affaires les plus graves puissent être jugées dans les meilleures conditions possible.

Aussi, par l’amendement n° 60, nous proposons de revenir à la situation antérieure à la loi de 2002, en limitant la comparution immédiate aux délits pour lesquels la peine encourue est inférieure à sept ans de prison.

L’amendement n° 61 a pour objet, quant à lui, d’aligner les conditions d’incarcération des personnes condamnées en comparution immédiate sur le droit commun : un mandat de dépôt, hors récidive, ne pourra être délivré que pour les peines d’au moins un an de prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

S’agissant de l’amendement n° 60, je partage évidemment, depuis très longtemps, les réticences de Mme Benbassa sur la procédure de comparution immédiate, auparavant appelée « procédure de flagrant délit », qui aboutit très souvent à prononcer des peines de prison.

Toutefois, l’adoption de cet amendement pourrait avoir des effets inopportuns, en interdisant notamment de juger sur-le-champ un auteur d’agression sexuelle sur mineur ou de vol avec violences. La personne poursuivie pourrait alors être mise en détention provisoire pendant plusieurs mois et, dans ce cas, il est encore préférable qu’elle puisse être jugée en comparution immédiate.

Si Mme Benbassa ne retirait pas cet amendement – mais je ne doute pas qu’elle le fera, avec le bon sens qui la caractérise ! –, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.

L’amendement n° 61 vise pour sa part à limiter la possibilité pour la juridiction de jugement d’ordonner le placement en détention de la personne condamnée à une peine de moins d’un an de prison dans le cadre d’une comparution immédiate. En l’état du droit, il s’agit d’une simple faculté pour la juridiction, qui doit spécialement motiver sa décision d’après les éléments de l’espèce. Il n’y a donc là rien d’automatique.

En outre, l’article 3 du projet de loi, précédemment examiné, renforce l’obligation pour le juge de motiver les peines d’emprisonnement sans sursis, et l’article 5 abroge les peines planchers.

C’est pourquoi, là encore, si le bon sens de Mme Benbassa ne prévalait pas, je devrais également être défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ces amendements.

Le Gouvernement est malheureusement défavorable à l’amendement n° 60, dont l’adoption pourrait avoir des effets pervers.

Je comprends les crispations suscitées par la procédure de comparution immédiate, que certaines juridictions ont utilisée de manière abusive ces dernières années, alors même qu’il s’agit d’une procédure lourde à mettre en œuvre, les jugements devant être rendus par une formation collégiale. Il n’en demeure pas moins que cette procédure se justifie dans certaines situations.

Quant à vouloir l’interdire pour des faits passibles d’une peine de prison supérieure à sept ans, même si je comprends l’esprit d’une telle mesure – pour des faits aussi graves, il faut souvent du temps pour mener l’enquête, et il est préférable d’éviter une audience trop rapide –, je voudrais apporter deux précisions.

Tout d’abord, les juridictions usent désormais avec plus de discernement de la comparution immédiate, conformément à la circulaire de politique pénale que j’ai adressée aux parquets généraux le 19 septembre 2012.

Ensuite, nous sommes en train de transposer les dispositions des directives dites « B » et « C » – nous avons encore dix-huit mois pour cette dernière – qui autorisent, en cas de comparution immédiate, la présence de l’avocat lors du déferrement devant le procureur de la République.

Compte tenu de ces aménagements, je vous suggère donc de retirer l’amendement n° 60, madame Benbassa, d’autant que la mesure que vous proposez aurait pour conséquence d’exclure de la procédure de comparution immédiate des infractions graves qui justifieraient d’en relever.

Je vous propose aussi de retirer l’amendement n° 61, en raison surtout du risque d’effets pervers que ses dispositions comportent. Le seuil d’une peine d’un an d’emprisonnement pourrait en effet inciter un magistrat à prononcer cette peine pour pouvoir ordonner simultanément un mandat de dépôt, alors qu’il aurait sans doute prononcé une peine inférieure sans cet effet de seuil. Là encore, faisons confiance aux magistrats et considérons qu’ils n’ordonneront pas de mandat de dépôt sans raison.

(Non modifié)

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 721 est ainsi modifié :

a) Les deuxième et quatrième alinéas sont supprimés ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou du deuxième » sont supprimés et le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 721-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « excéder », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année. » ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

c) À la dernière phrase, les mots : « ou, si elle est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois » sont supprimés.

II. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 9, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le rapporteur de l’Assemblée nationale a justifié cet article en expliquant que, pour éviter la récidive, il fallait aligner le régime des réductions de peines des récidivistes sur celui des primo-délinquants.

Toutefois, il oublie que ces personnes ont déjà récidivé ! Nous ne souhaitons pas abolir toute distinction entre ces deux catégories de détenus et nous pensons que le système actuel est largement suffisant, sauf à faire totalement disparaître la récidive d’un certain nombre de dispositifs.

J’aurais également souhaité que l’on avance des preuves avant de proposer de telles modifications. Or aucune étude n’a été menée.

Depuis toujours, les récidivistes sont soumis à un régime de diminution de peine différent des primo-délinquants. Je trouve curieux de vouloir aligner ces deux régimes et je vois dans l’argumentation de M. le rapporteur un paradoxe.

Il a fait allusion à la réitération et souligne que la notion de récidive légale n’est pas complètement pertinente. Nous pouvons en convenir, mais nous proposons pour notre part d’en rester au système actuel.

Je précise que cet argumentaire vaudra défense de l’amendement n° 10, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Les peines prononcées à l’encontre des récidivistes peuvent déjà être plus lourdes. Dès lors, il nous semble préférable d’aligner leur régime de réduction de peine sur celui des primo-délinquants.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42, présenté par Mmes Klès et Tasca et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale, après le mot : « qui » sont insérés les mots : «, entrés illettrés en détention ont mis à profit cette dernière pour apprendre à lire et à écrire ou ».

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cet amendement tend à affirmer très clairement la nécessité de lutter contre l’illettrisme pour mieux lutter contre la délinquance.

En effet, beaucoup de détenus sont totalement illettrés à leur entrée en prison. Et si le code pénal mentionne aujourd’hui clairement des formations diplômantes ou la fréquentation de la bibliothèque, ces actions paraissent inconcevables et hors de portée pour un détenu illettré.

C’est pourquoi il nous semble important de viser très clairement les personnes qui vont faire l’effort, en prison, d’apprendre à lire et à écrire. C’est en effet le b.a.-ba, la première marche vers des formations diplômantes ou professionnalisantes, mais aussi vers l’estime de soi, autant d’éléments extrêmement importants en matière de lutte contre la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 120, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale, après les mots : « ou d’une formation, » sont insérés les mots : « en s’investissant dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, en participant à des activités culturelles et notamment de lecture, ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce sujet est apparu lors du débat à l’Assemblée nationale, et j’y ai été sensible.

Malheureusement, la rédaction de l’amendement présenté par le député UMP Jean-Frédéric Poisson n’était pas satisfaisante.

Nous avons donc travaillé sur ce thème entre les deux lectures de façon à compléter l’article 721-1 du code de procédure pénale, pour intégrer les efforts du détenu en matière de lecture et de calcul dans le décompte du calcul des réductions de peine.

Je rappelle simplement que le taux d’illettrisme est de 7 % à l'échelon national, contre 27, 8 % dans les établissements pénitentiaires. Nous avons donc des progrès à faire. Nous avons déjà signé une convention avec l’éducation nationale pour qu’elle effectue des interventions plus fortes et plus continues dans les établissements pénitentiaires. Cependant, il me paraît pertinent d’inciter aussi les détenus à s’impliquer.

Enfin, si les amendements n° 42 et 120 ont le même esprit, le Gouvernement a la faiblesse de préférer le sien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mme la ministre sera contente, car, à titre personnel, j’ai aussi une faiblesse pour l’amendement du Gouvernement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission avait accepté l’amendement de Mme Klès, considérant que cette disposition méritait de figurer dans le texte.

Je considère pour ma part que l’amendement du Gouvernement est plus complet, sous réserve toutefois de supprimer les mots « et notamment de la lecture », qui apparaissent redondants.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais on peut s’investir dans l’apprentissage de la lecture, puis participer à des groupes de lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame la garde des sceaux, je vous propose de renvoyer à plus tard les détails de rédaction.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, et je demande à Mme Klès de bien vouloir retirer le sien.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je demande moi aussi le retrait de l'amendement n° 42, au profit de l'amendement n° 120 que j’ai présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. En espérant faire plaisir aussi bien à M. le rapporteur qu’à Mme la garde des sceaux

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 42 est retiré.

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 120.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Pour ma part, j’avais une faiblesse pour l’amendement de Mme Klès.

En effet, autant les choses sont claires quand il s’agit d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, autant elles deviennent beaucoup plus évanescentes lorsque l’on parle de participation à des activités culturelles. Et dans ce cas, quid des activités sportives ? Autant les termes « lecture, écriture et calcul » me semblent concrets et objectifs, autant les termes « activités culturelles » me semblent relever d’une appréciation très discrétionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Comme je l’ai dit en commission, je tiens vraiment à ce que la formulation reste celle de l’amendement n° 42. Il ne s’agit pas de récompenser la participation à des activités culturelles comme le football, la couture ou la broderie.

L’illettrisme n’a rien à voir avec la culture. Il s’agit pour les détenus illettrés d’apprendre à lire et à écrire. « Activités culturelles », excusez-moi, cela fait un peu Club Med ! Nous avons des problèmes d’illettrisme en prison et nous devons nous atteler à les résoudre.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7 bis.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Vial, Béchu, Milon et Ferrand, Mme Duchêne et MM. Grosdidier, Beaumont et Hérisson, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 721-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 721-1-… ainsi rédigé :

« Art. 721-1-… – En application de l’article 721-1 du code de procédure pénale, une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée à toute personne condamnée, quel que soit son niveau d’éducation ou de français, qui lit un livre et en fait un compte rendu écrit selon des modalités définies par décret d’application. Cette réduction, accordée par le juge de l'application des peines après avis de la commission de l'application des peines, est de cinq jours par livre lu et par mois d’incarcération. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

Supprimé

2° Le huitième alinéa de l’article 729 est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est supprimée ;

b) À la dernière phrase, les mots : « les cas prévus » sont remplacés par les mots : « le cas prévu » ;

3° Après le mot : « mineur », la fin du second alinéa de l’article 729-3 est supprimée. –

Adopté.

Après l’article 723-17 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-17-1 ainsi rédigé :

« Art. 723 -17 -1. – Lorsqu’une condamnation mentionnée à l’article 723-15 n’a pas été mise à exécution dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, le condamné, s’il n’est pas incarcéré ou s’il exécute une peine aménagée, est convoqué devant le juge de l’application des peines, préalablement à la mise à exécution de la condamnation, afin de déterminer les modalités d’exécution de sa peine les mieux adaptées aux circonstances, à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale. Cette convocation suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.

« Il peut être dérogé aux dispositions du présent article dans les cas prévus par l’article 723-16. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 10, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous souhaitons supprimer l’article 7 quater, qui prévoit que, lorsqu’une peine de prison ferme inférieure à cinq ans n’a pas été mise à exécution dans les trois ans suivant le jugement, le juge d’application des peines peut en modifier les modalités d’exécution. En d’autres termes, le juge de l’application des peines choisira les modalités d’exécution de ces peines : incarcération, aménagement ou même dispense de l’exécution sous certaines conditions.

L’Assemblée nationale a défini l’appréciation à laquelle doit se livrer le juge quant aux modalités d’exécution d’une peine n’ayant pas été exécutée dans un délai de trois ans.

Pour notre part, nous estimons qu'il n'est pas concevable de modifier les règles en cours de mise à exécution, au motif que la justice aurait été défaillante puisqu’elle n’aurait pas été en mesure de faire appliquer une décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’article 7 quater vise à supprimer certains cas quelque peu absurdes dans lesquels la peine est mise à exécution au bout de plusieurs années, alors que la personne concernée, par exemple, n’a pas reçu la convocation du juge d’application des peines, car elle était sans domicile fixe ou a déménagé, et alors même qu’elle n’a pas réitéré depuis sa condamnation et qu’elle s’est réinsérée.

Si le juge estime qu’il n’y a pas lieu d’aménager la peine, la personne condamnée sera bel et bien incarcérée, le juge conservant la possibilité de mettre la peine à exécution.

La commission est donc défavorable à la suppression de l’article 7 quater.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’article 7 quater permettra de mettre un terme à un certain nombre de situations absurdes ayant pour effets pervers de rendre l’insertion ou la réinsertion plus difficile, parfois même d’y mettre fin.

Les situations telles que celles que vient d’évoquer M. le rapporteur sont fréquentes. Pour ma part, je me suis déplacée dans de nombreux établissements, où j’ai consulté les registres des greffes, comme l’ont du reste également fait certains d’entre vous, ainsi que des députés. Or ces registres montrent que certaines mises à exécution ont lieu plusieurs années après la condamnation, alors que la situation sociale, professionnelle et familiale de la personne condamnée a changé.

Il est donc bon que le juge d’application des peines puisse prendre connaissance de ces situations, les étudier et décider qu’une mesure autre que l’incarcération doit être mise en œuvre, s’agissant d’une condamnation à deux mois d’emprisonnement intervenant au bout de plusieurs années, comme c’est parfois le cas. La personne condamnée a alors un emploi, une vie familiale, et on l’incarcère en mettant à exécution une peine de deux mois !

Vous avez certainement entendu récemment les représentants des personnels pénitentiaires expliquer qu’ils voient parfois arriver dans les établissements des personnes ayant été condamnées à deux mois d’emprisonnement pour le non-paiement d’une pension alimentaire et dont la peine a été prononcée il y a trois ou quatre ans. Pensez-vous réellement que cela contribue à l’insertion ou à la réinsertion ?

Le juge d’application des peines sera appelé à porter une appréciation sur ces situations. Il pourra alors confirmer l’exécution de la peine, donc l’incarcération, ou décider qu’elle doit être exécutée sous une autre forme.

Pour ces raisons, nous souhaitons maintenir l’article 7 quater, et je suis donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il est vrai que ces cas existent, madame la garde des sceaux, mais ce qui me gêne, c’est que le juge d’application des peines soit appelé à prendre de telles décisions tout seul. Il s’agit tout de même de l’exécution de peines !

Ensuite, je rappelle qu’il y a un risque que se pose un problème d’égalité entre les citoyens sur le territoire. Ainsi, dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, des services de police sont affectés à l’exécution des peines.

Par ailleurs, le quantum de la peine n’est pas précisé. De même, il n’est pas indiqué non plus si le condamné s’est soustrait ou non à l’exécution.

Pour ma part, je suis d’accord pour qu’une peine de deux mois ne soit pas exécutée. Je pense que, effectivement, il faut faire quelque chose dans les cas que vous avez évoqués, madame la garde des sceaux, mais pas ainsi, pas d’une manière systématique et obligatoire. Franchement, je suis un peu surpris par ce qui nous est proposé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

J’abonde dans le sens de M. Hyest. Le problème n’est pas que le juge puisse s’adapter à la situation de la personne condamnée. On peut parfaitement comprendre les cas que vous avez évoqués, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur.

Le problème est que ce système concernera des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à cinq ans. Cela signifie-t-il qu’il s’appliquera, par exemple, à une peine de trois ans de prison dont l’exécution n’est pas intervenue pour des raisons, peut-être, de négligence du système judiciaire ? Ce cas est différent de celui d’une peine de trois mois fermes prononcée pour un délit plus simple. On peut alors comprendre que la condamnation ayant été prononcée il y a longtemps et que la peine n’ayant pas été exécutée, on puisse trouver une autre solution.

Il faudrait préciser que le juge d’application des peines, ou une autre formation, ne peut modifier l’exécution de la peine qu’à la condition que le quantum soit acceptable. Tel doit être l’objet de notre discussion sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’entends vos interrogations, messieurs les sénateurs, mais la peine ne sera pas systématiquement modifiée, car le procureur pourra décider de ne pas déférer le condamné devant le juge d’application des peines.

Cette disposition n’est pas un couperet. Elle permettra juste d’examiner certaines situations et de ne pas aggraver les problèmes de certains condamnés, problèmes qu’on retrouverait malheureusement à l’issue des deux mois d’incarcération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je mets aux voix l'amendement n° 10.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici le résultat du scrutin n° 203 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.