Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Christiane Taubira :

Je veux remercier les oratrices et les orateurs de cette discussion générale, dont les interventions ont permis de clarifier la teneur de certaines dispositions du projet de loi et, surtout, d’ouvrir des pistes de réflexion en vue de l’examen des articles.

Plus particulièrement, je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs de la majorité d’avoir rappelé posément – avec équanimité, allais-je dire, car il y a tout de même un certain mérite à rester pondéré sur ces questions –, en se fondant sur des éléments précis, tangibles, mesurables et vérifiables, l’état des lieux, la réalité sur laquelle nous essayons d’agir, la situation que nous avons la responsabilité de traiter.

On nous adresse constamment le reproche de faire des choix dogmatiques, fondés sur l’idéologie… Ce sont là des mises en cause, et non des démonstrations étayées.

Je répondrai à quelques questions précises que vous avez posées et, d’une façon transversale, à une préoccupation qui a été formulée par plusieurs d’entre vous, appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition.

Madame Klès, vous avez évoqué, à partir d’un cas précis, un vrai sujet. Par une circulaire d’octobre 2012, j’ai demandé que les personnels des établissements pénitentiaires procèdent à la détection des détenus dépourvus de pièce d’identité. Ce travail d’évaluation de la situation est en cours.

Monsieur Antiste, vous savez, pour suivre de très près ces questions, que le rapport du groupe de travail parlementaire sur les prisons outre-mer sera rendu très prochainement. La situation dans les outre-mer est très inquiétante : le taux de suroccupation carcérale y atteint 328 %. Le Gouvernement a décidé de préserver les constructions prévues. Concernant Mayotte, monsieur Mohamed Soilihi, le nouveau centre de détention sera livré très prochainement, et la maison d’arrêt dans quelques mois.

Monsieur Lecerf, vous avez rappelé le contenu du rapport que vous aviez rédigé avec Mme Borvo Cohen-Seat et souligné à juste titre qu’il faut renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation. L’étude d’impact de la loi pénitentiaire avait estimé à un millier les besoins en termes de personnels supplémentaires : nous entendons précisément créer 1 000 postes en trois ans. Si la période avait été plus facile en matière de finances publiques, nous aurions fait davantage encore, mais je puis en tout cas affirmer que l’engagement pris sera tenu : d’ores et déjà, 63 conseillers d’insertion et de probation ont été recrutés en 2013 et 400 le seront en 2014, leur formation étant assurée par l’École nationale de l’administration pénitentiaire. C’est un effort considérable : je rappelle que ce corps est composé de 4 000 fonctionnaires ; aussi, lorsque nous créons 1 000 emplois nouveaux en trois ans, nous augmentons son effectif de 25 %. C’est sans précédent dans la fonction publique ! §

Voilà qui est de nature à répondre à vos interrogations sur la mise en place des effectifs et des moyens nécessaires, monsieur Lecerf, d’autant que nous avons aussi créé 120 postes de juge de l’application des peines ou de greffier en 2013 et que nous en créerons encore 50 en 2014. Nous veillons à ne pas renouveler l’erreur, parfois commise dans le passé, de créer des postes de magistrat sans les accompagner des postes de greffier correspondants.

Cependant, renforcer les effectifs ne suffit pas. Vous le savez, monsieur Lecerf, vous qui travaillez depuis longtemps sur ces questions pénitentiaires. J’ai donc institué en octobre 2012 un groupe de travail sur les profils de recrutement des conseillers d’insertion et de probation, car il nous faut mêler les métiers et les cultures professionnelles. Nous travaillons également sur les méthodes de prise en charge et les outils d’évaluation. Par conséquent, notre action ne porte pas seulement sur l’aspect quantitatif, elle comporte aussi une dimension qualitative. En effet, il est important que ce métier de conseiller d’insertion et de probation qui s’est en quelque sorte construit en marchant ait une identité cohérente sur l’ensemble du territoire, issue de la pratique professionnelle.

Pardonnez-moi de m’exprimer de façon un peu désordonnée, mais il faut dire que j’ai entendu des arguments eux-mêmes assez désordonnés…

Je ne répondrai pas à votre mise en cause générale, monsieur Charon, car elle ne le mérite pas. Vous avez bien sûr parfaitement le droit de vous exprimer en ces termes, mais vos accusations ne sont absolument pas fondées.

Vous affirmez savoir ce que veulent les Français. Or la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités est la résultante de dix années de politiques pénale et carcérale menées par la précédente majorité ! Vous dites que nous avons abandonné le plan de construction de 24 000 places de prison, mais pas un seul euro, monsieur le sénateur, n’avait été inscrit au budget pour financer sa réalisation, dont le coût était de 3, 5 milliards d’euros. On ne peut pas abandonner ce qui n’existe pas ! §

Nous préférons dire la vérité aux Français. Pour notre part, nous nous sommes engagés à créer 6 300 places de prison. Leur livraison a déjà commencé et nous tiendrons les délais prévus, sachant que nous sommes de surcroît parfois obligés de fermer des établissements vétustes et de les remplacer.

Vous nous reprochez, avec d’autres intervenants, d’avoir engagé la procédure accélérée. Je vais devoir rafraîchir certaines mémoires…

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