Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Le conseil national d’aide aux victimes est placé sous la responsabilité du garde des sceaux, qui a le devoir d’organiser ses réunions à la Chancellerie. Ses membres avaient pris l’initiative de se réunir entre eux, mais il n’avait pas été réuni officiellement depuis 2010. Là encore, je ne suis pas allée le clamer sur les toits.

Nous avons pris l’initiative de créer une journée en faveur des droits des victimes, sous la responsabilité de la Chancellerie. La première s’est tenue en novembre 2013 ; la prochaine aura lieu en novembre 2014.

Nous avons également pris un certain nombre d’autres initiatives. Par exemple, nous appliquons par anticipation, sans attendre leur transposition dans notre droit – le délai court jusqu’en novembre 2015 –, les dispositions de la directive européenne sur les droits des victimes de la criminalité qui permettent un suivi individualisé des victimes. J’ai décidé de lancer une expérimentation dans huit tribunaux de grande instance. Cette expérimentation a commencé en janvier.

En plus d’avoir réécrit l’article 707 du code de procédure pénale, en plus d’avoir rassemblé les droits des victimes, qui étaient jusque-là dispersés dans le code, en plus d’avoir renforcé ces droits, notamment pour garantir la tranquillité et la sûreté des victimes pendant la période d’exécution de la peine, nous avons introduit dans le projet de loi un article relatif à la justice restaurative, parce que nous pensons qu’il faut aider la victime à se rétablir. Pour cela, il existe des méthodes qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Nous les introduisons avec précaution ; nous en sommes déjà à la deuxième expérimentation, très encadrée.

Je rappelle que, en France, le droit pénal s’est construit contre la victime. Celle-ci avait bien entendu droit à des dédommagements civils, mais elle n’a fait son entrée dans le procès pénal qu’avec la loi Badinter de 1983, visant à protéger les victimes d’infractions. Cette loi a été consolidée en 2000 par Élisabeth Guigou, qui a renforcé la protection des victimes.

Historiquement, je le redis, le système pénal français s’est construit non seulement sans la victime, mais même contre elle. Aujourd'hui encore, dans la plupart des pays anglo-saxons, la victime n’a aucune place dans le procès pénal. Pour notre part, nous suivons une logique complètement différente. Pas à pas, mais en faisant tout de même de belles enjambées, nous construisons un accompagnement des victimes, parce que nous estimons qu’elles ont besoin de réparation. Cela correspond d’ailleurs à l’esprit du rapport rédigé par Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu.

Nous voulons aussi améliorer les procédures d’indemnisation, car nous savons bien que, à l’heure actuelle, elles ne donnent pas entière satisfaction. L’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM, nous a remis quarante propositions. Nous avons déjà repris certaines d’entre elles dans une circulaire qui sera adressée à tous les tribunaux de grande instance, afin d’homogénéiser les pratiques en matière d’aide aux victimes.

Excusez-moi de m’être exprimée un peu longuement sur l’aide aux victimes, mais cela me paraissait indispensable. On ne peut pas continuer à nous faire des procès sur ce sujet alors que nous avons tant fait en deux ans. J’ajoute que le projet de loi prévoit deux sources de financement de l’aide aux victimes, que vous souhaitez, me semble-t-il, améliorer.

Nous avons inscrit dans le texte une obligation d’évaluer les effets de son dispositif au bout de deux ans. Notre volonté est de prendre en compte la réalité telle qu’elle se présente et de la corriger. Nous voulons que nos dispositions soient efficaces, et nous ne craignons pas de prendre rendez-vous dans deux ans pour vous présenter les résultats de cette évaluation.

Accomplir ce travail d’évaluation nécessite bien entendu des outils. Nous avons déjà engagé la réforme de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, sur la base notamment du rapport de M. Le Bouillonnec et en lien avec le ministère de l’intérieur, qui a créé en janvier 2014 son propre système statistique. Celui de la Chancellerie existe depuis 1973. Dorénavant, l’ONDRP effectuera un travail transversal, à partir de sources multiples, pour étudier et analyser les phénomènes de délinquance sur l’ensemble du territoire.

Nous créons par ailleurs, sur le fondement de l’article 7 de la loi pénitentiaire, un observatoire de la récidive et de la désistance, qui échappera à l’emprise du ministère de la justice. Pour l’heure, en effet, les statistiques publiées font régulièrement l’objet de contestations. On accuse le ministère de l’intérieur ou – moins souvent – le ministère de la justice de manipuler les chiffres. C'est pourquoi il est important que les outils statistiques ne soient pas soumis à la tutelle des ministères. Le casier judiciaire national, parmi d’autres sources, alimentera cet observatoire, qui étudiera de façon transversale les trajectoires de délinquance et les facteurs de désistance. Nous avons besoin non seulement de mesurer le plus précisément possible l’évolution des diverses formes de délinquance, mais également de connaître les facteurs de désistance et l’effet des différents types de peines en matière de prévention de la récidive.

Tout à l'heure, lors de l’examen des articles, nous débattrons très probablement des catégories de peines. Il y a une logique, une cohérence à penser la peine en fonction du triptyque amende-contrainte pénale-incarcération. Cela apportera davantage de clarté et de lisibilité pour les magistrats, ainsi que pour tous les intervenants dans l’exécution des peines.

Il s’agit cependant d’un travail de fond. Dans le projet de loi, nous ne touchons pas à l’échelle des peines. Or un certain désordre a été introduit dans le code pénal.

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