Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Question préalable

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Pour reprendre la formule utilisée hier soir, lors de la discussion générale, par M. Lecerf, je dirai que le présent projet de loi s’inscrit dans l’« étroite continuité » de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Les débats en commission, la discussion générale et les réponses apportées par Christiane Taubira, garde des sceaux, montrent qu’il s’agit ici d’un texte important, qui va modifier en profondeur notre politique pénale. Je n’en citerai que les points les plus importants : abandon des peines planchers –c’était un engagement du candidat François Hollande –, création de la contrainte pénale, que des amendements de notre excellent rapporteur ont renforcée pour en faire une peine autonome, suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, fin de la rétention de sûreté, mise en place de dispositions nouvelles pour les condamnés atteints de troubles mentaux.

On le voit, ce texte apporte des réponses pragmatiques à de nombreuses questions qui se posent aujourd’hui : cela justifie amplement que le Gouvernement nous le soumette !

On nous explique que tout irait bien dans le meilleur des mondes et qu’il n’y aurait donc pas lieu de légiférer. Dire cela, c’est faire complètement fi de l’évolution de la délinquance depuis l’adoption de la loi pénitentiaire de 2009. La délinquance n’a malheureusement pas reculé sous les deux précédents quinquennats, bien au contraire, et la dégradation de la situation a été maquillée un temps par une politique du chiffre d’ailleurs largement dénoncée dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure. Remis en juillet 2013, ce rapport a révélé de très nombreuses défaillances et anomalies dans l’enregistrement des crimes et délits par les policiers et les gendarmes durant le précédent quinquennat. L’objectif était de faire de la communication politicienne, mais nos concitoyens constatent aujourd’hui avec nous, à la lumière de la réalité, que la politique menée pendant dix ans en matière de lutte contre la délinquance et la récidive a été un échec.

Le Gouvernement s’est attelé à remédier à cette situation. Afin d’appréhender au mieux les problématiques, il a organisé une large concertation, sous la forme novatrice d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive. Je veux féliciter Christiane Taubira d’avoir pris cette initiative et d’avoir su défendre avec détermination, jusqu’au bout, une vision humaniste.

Principalement axé sur l’individualisation des peines, la césure du procès pénal, le renforcement de la lutte contre la récidive et l’amélioration de la prise en charge des auteurs d’infractions, le texte qui nous est présenté apporte des solutions pragmatiques. Il inclut également un volet consacré à la protection des victimes et à leurs droits tout au long de l’exécution des peines.

Nous considérons que ce projet de loi s’inscrit complètement dans la continuité de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il comporte plusieurs dispositions tendant à décliner le principe d’individualisation des peines tout au long de la procédure judiciaire : ainsi, il énonce les finalités et les fonctions de la peine devant guider le juge tout au long du procès pénal, réaffirme le principe d’individualisation au stade du prononcé des peines et décline la mise en œuvre de ce principe au stade de l’exécution des peines.

Une innovation majeure résulte de l’instauration d’un ajournement du prononcé de la sanction par la juridiction de jugement aux fins d’investigations complémentaires sur la personnalité de l’auteur des faits. Cette disposition répond aux attentes des juridictions correctionnelles, qui déplorent trop souvent le manque d’éléments sur la personnalité du prévenu au moment du jugement.

S’agissant de la contrainte pénale, répondant à une attente forte des professionnels et de nombreuses personnalités que nous avons auditionnées, notre rapporteur a présenté des amendements visant à en faire une peine autonome, sans lien ni référence à l’emprisonnement, pour certains délits. Ce choix aura l’avantage de contribuer à changer les consciences et les représentations et rapprochera la France de ses voisins européens.

Je me félicite également du choix de supprimer, conformément à l’un des engagements du candidat François Hollande, les tribunaux correctionnels pour mineurs, dont la création allait clairement à l’encontre de l’ordonnance de 1945. De même, je salue la suppression de la rétention de sûreté pour les majeurs et les mineurs.

Par ailleurs, le texte reconnaît l’altération du discernement comme un facteur d’atténuation de la peine, tout en renforçant les garanties concernant l’obligation de soins pendant et après la détention. Un large consensus semble se dessiner sur ce point dans notre hémicycle, et je m’en réjouis !

On le voit, il est pour le moins surprenant que l’on puisse nous expliquer qu’il ne faut pas débattre de ce texte, au motif qu’il n’apporterait rien…

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