Intervention de André Lardeux

Réunion du 12 novembre 2007 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'année dernière, je ne pouvais que déplorer avec vous la quatrième année consécutive de déficit de la branche famille. Cette année, enfin, je peux me réjouir du retour à l'équilibre prévu pour 2008.

Cette satisfaction est d'autant plus grande que l'équilibre n'a pas été obtenu au prix d'abandons de services, de suppressions de prestations ou de réductions d'allocations. Tout au contraire, c'est la fin de la montée en charge d'une nouvelle mesure, la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, qui explique l'essentiel de ce rétablissement.

Des comptes équilibrés, des dépenses maîtrisées, des recettes dynamiques : il n'y aurait pas grand-chose à dire sur la situation des comptes de la branche si la Cour des comptes avait pu les certifier. Comme nous avons eu l'occasion de le dire au président et au directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, l'impossibilité de certifier les comptes jette un doute sur leur fiabilité, ce qui est inacceptable. La branche famille est la seule dans ce cas, ce qui est d'autant plus inquiétant. La CNAF doit donc entreprendre toutes les démarches nécessaires pour remédier à la situation. C'est ce qu'elle a commencé à faire, et je ne doute pas qu'elle y parvienne.

Je voudrais, dans cette discussion générale, évoquer les deux questions qui me semblent les plus marquantes, cette année, pour la branche famille : les mesures nouvelles et l'utilisation des excédents potentiels des prochaines années.

J'évoquerai, tout d'abord, les mesures nouvelles.

J'en vois deux principales : la mise en place d'un droit d'option entre le complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'AEEH, et la modulation de l'allocation de rentrée scolaire, l'ARS, selon l'âge de l'enfant.

L'ouverture de la prestation de compensation du handicap, la PCH, aux enfants était un engagement pris dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée, du 11 février 2005. Nous avions trois ans pour agir. Ces trois ans sont passés, et l'engagement est tenu, mais partiellement, parce que la PCH sera ouverte non pas à tous les enfants, mais seulement à ceux qui bénéficient aujourd'hui du complément d'AEEH, soit 72 000 sur les 200 000 enfants handicapés.

Je ne vous demande pas, madame la secrétaire d'État, pourquoi vous avez pris cette décision restrictive, car ce choix difficile me paraît être le bon. Ouvrir la PCH à tous les enfants handicapés dès 2008 aurait, en effet, été une double erreur : une erreur politique d'abord, car les critères d'accès à l'AEEH et à la PCH sont encore loin d'être identiques et que des parents d'enfants bénéficiaires de l'AEEH ne comprendraient pas qu'on leur refuse la PCH ; une erreur technique, ensuite, parce que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui traitent ces demandes d'allocations, ne sont pas en mesure, aujourd'hui, de faire face à un afflux massif de demandes.

Je comprends donc parfaitement cette décision difficile, madame la secrétaire d'État.

Je la comprendrais encore mieux si vous pouviez m'ôter d'un doute. La PCH sera ouverte dès le 1er avril 2008 aux enfants les plus lourdement handicapés. Actuellement, il n'existe pas de guide d'utilisation de la prestation adapté aux enfants. Or, nous le savons, le handicap d'un enfant ne peut être évalué comme celui d'un adulte : l'autonomie s'apprécie de façon différente dans les deux cas, et le handicap d'un enfant est souvent beaucoup plus évolutif. Appliquer aux enfants le seul guide existant pour les adultes pourrait donc conduire à prescrire aux enfants des aides inadaptées. Je voudrais donc être certain qu'un guide adapté aux problématiques spécifiques des enfants sera prêt au printemps prochain.

J'en viens à la deuxième mesure nouvelle de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : la modulation de l'allocation de rentrée scolaire selon l'âge de l'enfant. Quoi de plus légitime, puisque le coût de la scolarité d'un enfant augmente avec l'avancement de ses études, et donc de son âge ? Je suppose que cette modulation se fera à l'âge de onze ans et de seize ans, c'est-à-dire aux âges habituels d'entrée au collège et au lycée.

Nous sommes parfaitement convaincus du bien-fondé de cette réforme. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je m'interroge sur l'opportunité d'un changement qui est annoncé en marge du projet de loi de financement et qui relève du domaine réglementaire, échappant ainsi à notre intervention directe : la suppression des deux majorations, à onze ans et à seize ans, des allocations familiales et leur remplacement par une majoration unique à quatorze ans.

Certes, c'est une idée de la Cour des comptes, ce qui lui confère un a priori favorable. Certes, cette mesure permettrait d'économiser 80 millions d'euros, ce qui la rend sûrement digne d'être étudiée. Mais elle me paraît en contradiction avec votre souhait légitime de moduler l'ARS en fonction de l'âge de l'enfant. En effet, dans un cas, celui de l'ARS, vous considérez que le coût d'un enfant est lié à son niveau de scolarisation, et, dans l'autre, celui de la réforme des allocations familiales, vous semblez faire comme si cet aspect des choses n'avait aucune influence, puisque vous envisagez de remplacer les majorations aux âges d'entrée au collège et au lycée par une majoration unique à quatorze ans, qui ne correspond à aucun cycle scolaire.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous expliquer l'articulation de ces deux réformes et la façon dont vous veillerez à ce qu'elles ne soient pas contradictoires ?

S'agissant des mesures nouvelles prévues pour 2008, ce sont de bonnes réformes, qui ne pourront cependant réussir qu'à certaines conditions dont je veux m'assurer.

Je souhaite maintenant ouvrir la discussion sur l'utilisation des excédents potentiels de la branche famille dans les années à venir.

Le contrôle des dépenses et la bonne tenue des recettes laissent en effet espérer un solde positif non seulement pour 2008, mais aussi pour les années suivantes. Les prévisions tablent sur des ordres de grandeur de 3 milliards d'euros d'excédents en 2010, 4 milliards d'euros en 2011 et 5 milliards d'euros en 2012. En cette période de dégradation des comptes de la sécurité sociale, ces recettes ne manqueront pas de susciter la convoitise, comme l'expérience l'a déjà abondamment montré.

Aussi, pour anticiper d'éventuelles mauvaises surprises, je voudrais que nous réfléchissions dès maintenant à la manière la plus judicieuse d'utiliser ces excédents potentiels.

Trois pistes sont d'ores et déjà explorées, et je ne doute pas que d'autres viendront par la suite.

La première piste résulte d'une promesse de campagne du Président de la République. Il s'agit du versement des allocations familiales dès le premier enfant. Le coût de cette mesure est estimé à 2, 6 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.

Je dirai franchement que je n'y suis pas personnellement favorable, non seulement pour des motifs financiers, mais aussi pour une raison de principe. En effet, les allocations familiales ne constituent pas un droit des parents attaché à la naissance d'un enfant ; elles ont été conçues comme un soutien apporté aux familles nombreuses, comme une reconnaissance de la part supplémentaire que ces familles prennent à l'avenir de la nation.

La preuve en est que ces allocations croissent plus que proportionnellement avec le rang de naissance de l'enfant. Je ne crois donc pas opportun de revenir sur cet aspect fondamental des choses, et, s'il fallait envisager d'améliorer le niveau des allocations familiales, je plaiderais plutôt en faveur de l'augmentation des montants accordés aux familles ayant plus de deux enfants.

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