L’article 8 ter vise à faire de la contrainte pénale une nouvelle peine autonome. Celle-ci ne serait donc plus, aux termes de cette disposition, un aménagement de peine. Elle remplacerait purement et simplement les peines de prison pour un certain nombre de délits, à savoir, sous réserve de ce que nous dira tout à l’heure M. le rapporteur : le vol simple et le recel de vol simple ; la filouterie ; la destruction, la dégradation ou la détérioration ne présentant pas de danger pour les personnes ; le délit de fuite ; le délit d’usage de stupéfiants ; le délit d’occupation des halls d’immeuble ; les délits prévus par le code de la route.
Je le dis d’emblée, le groupe UMP est très défavorable à cette disposition, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous sommes saisis de cet article 8 ter à la suite de l’adoption d’un amendement de M. le rapporteur par la commission des lois à une voix de majorité. Or cet article très important pour le dispositif pénal pris dans sa globalité n’a manifestement pas fait l’objet d’une réflexion suffisante pour que nous puissions décider de nous engager dans la voie proposée.
Par ailleurs, en remplaçant la peine de prison pour certains délits faisant encourir à leurs auteurs jusqu’à trois ans d’emprisonnement, quel signal donnons-nous aux délinquants et à nos concitoyens ? Dès lors que la contrainte pénale apparaît comme un concept flou – certains ont parlé tout à l’heure de « sanction à géométrie variable » –, c’est un signal d’impunité que l’on envoie aux délinquants !
Alors même qu’il faut restaurer la confiance de nos concitoyens envers leurs institutions, est-ce bien le moment de nous engager dans une voie qu’ils ne comprendront pas, et pour cause, puisqu’elle n’est pas claire ?
Qu’on le veuille ou non, dans notre pays, la peine de prison structure le système pénal. Elle est un symbole qui imprime dans l’esprit de chacun la gravité de l’acte violant la loi.
En abaissant, comme le prévoit l’article 8 ter, l’échelle des peines, on manifeste une sorte de renoncement et on touche à la structure de l’échelle des peines, laquelle n’en a pas franchement besoin !
Je rappelle que Mme la garde des sceaux a précisément confié une mission à M. Cotte pour revoir l’échelle des peines. Est-il opportun d’anticiper sur les conclusions de ces travaux ?
Ce que demande la société, c’est une sanction adaptée à la faute et s’inscrivant dans une échelle des peines juste et compréhensible. Dans cette échelle, la prison trouve, bien entendu, encore sa place.
Pour autant, au groupe UMP, nous ne sommes pas arc-boutés sur le tout-carcéral et nous encourageons vivement le recours aux aménagements de peine, quand cela est possible. Celui-ci est d’ailleurs devenu beaucoup plus systématique ces dernières années, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Jacques Hyest au cours de la discussion générale. Mais il nous semble que ces aménagements de peine doivent s’associer à la crainte d’une peine privative de liberté, qui en constitue le préalable. Le prévenu peut se voir condamné à une peine de prison qu’il pourra voir ensuite transformée, avec ou sans délai, en un aménagement de peine, si le magistrat l’estime souhaitable.
À cet égard, on peut même considérer que la contrainte pénale instaurée en peine autonome constitue en fait une vraie contrainte imposée aux magistrats, qui ne pourront plus apprécier la personnalité du délinquant dans le contexte de la faute qu’il a commise.
Enfin, pourra-t-on, avec cette nouvelle sanction pénale, mettre fin à ce que Jean-Jacques Hyest appelait tout à l’heure le « scandale de l’inexécution des peines » ? Empêchera-t-on sérieusement la récidive ? La freinera-t-on même seulement ? On sait bien que les deux phénomènes, inexécution des peines et récidive, sont dus pour l’essentiel à l’absence de moyens. On ne fait pas assez, dans ce pays, pour la probation et la réinsertion !
Or des moyens, cette contrainte pénale, ajoutée aux aménagements de peine qui vont encore se développer, va en nécessiter beaucoup ! Mme la garde des sceaux nous a indiqué l’ampleur de ceux qu’elle comptait mobiliser pour accompagner ce projet de loi. Acceptons-en l’augure ! Mais je crains fort que, de la même façon que la grande loi pénitentiaire de 2009 n’a pas trouvé les financements adéquats pour permettre sa pleine et entière application, il n’en soit de même avec ce nouveau texte que vous vous apprêtez à voter.
La situation des finances publiques, mes chers collègues, s’impose à tous, que l’on soit de droite ou de gauche, et ce n’est pas à la veille de l’examen du projet de loi de finances rectificative que je dois le rappeler dans cet hémicycle !
Pour toutes ces raisons, je considère qu’il ne faut pas voter cet article 8 ter, et je vous remercie, mes chers collègues, de votre soutien à cet égard. §