Je tiens à réagir au mot « impunité », qu’a employé M. Reichardt.
Cher collègue, vous vous êtes exprimé de manière très claire : finalement, selon vous, cette réforme conduira à l’impunité pure et simple ! Nous avons pourtant expliqué je ne sais combien de fois au cours de la discussion générale que nous étions contre l’impunité. Je le répète, nous estimons que tout délit mérite sanction. Cependant, si l’on part du principe selon lequel toute sanction implique une référence à la prison, on aboutit à une impasse. Dès lors, une telle position n’est pas réaliste.
Le chiffre est connu : à ce jour, 99 600 peines de prison ferme sont prononcées mais ne sont pas appliquées. Ce sont autant de personnes qui « se baladent » alors qu’elles ont fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison ferme !
De surcroît, nous le savons bien, pour les délits qui sont visés à l’article 8 ter, les peines de prison qui sont éventuellement prononcées – et continueraient de l’être si cet article n’était pas adopté – sont généralement courtes. Or les courtes peines n’en emportent pas moins de lourdes conséquences.
D’une part, ce sont celles qui bénéficient du moins d’aménagements, celles pour lesquelles la sortie est la moins préparée.
D’autre part, il suffit de visiter une prison pour constater que l’incarcération fournit à un certain nombre de personnes l’opportunité d’entrer dans un milieu délinquant ou criminel et qu’il est donc, dans bien des cas, préférable d’infliger une peine autre que l’emprisonnement.
Tant que l’on aura dans la tête que « peine égale prison », toute autre forme de sanction, telle la contrainte pénale, sera regardée comme n’étant pas une « vraie peine », comme faisant en quelque sorte moins peur, et notre système pénal restera centré sur la prison.
C’est précisément avec cette logique qu’il faut rompre. Ce mouvement a déjà été engagé via la loi pénitentiaire, où la prison est définie comme le dernier recours. En matière correctionnelle, il faut ne recourir à cette solution que si aucune autre n’est possible.
Le débat de ce soir est important, sinon essentiel, car c’est un changement de culture qui est en jeu. Ce changement, pour notre part, nous avons choisi de l’assumer parce que nous mesurons trop les inconvénients du système actuel. On ne peut pas raisonner comme si la situation présente était idyllique, et comme si elle allait soudain se détériorer du fait de la contrainte pénale !
Le Sénat doit se prononcer sur cette importante question.