La semaine dernière, les députés ont affiché la même crainte que vous d'un risque de fracture numérique du territoire. Depuis 2009 au moins, l'Arcep a toujours veillé à défendre les obligations de déploiement territorial. Vos collègues, MM. Bruno Retailleau et Hervé Maurey, avec qui nous avons travaillé sur certains projets, peuvent en témoigner. Nous n'avons pas toujours été écoutés, car les opérateurs, comme toute entreprise, privilégient les investissements les plus rentables.
Un fonds de péréquation sur le très haut débit subventionne les territoires les moins denses. Outre cet outil, peut-être insuffisant, les opérateurs de téléphonie mobile doivent solliciter une autorisation pour utiliser le réseau public hertzien ; en contrepartie, l'État leur impose des obligations. L'Arcep préconise d'en renforcer les exigences, en imposant par exemple pour la 4G une obligation minimale de 95 % par département. L'Arcep a également proposé de créer une zone prioritaire où les réseaux seraient mutualisés pour une meilleure qualité de service.
Ces mesures vont dans le bon sens, même si elles doivent être complétées. Les pouvoirs publics auront des choix importants à effectuer sur la bande des 700 MHz, transférée de l'audiovisuel vers les télécoms. Son attribution pourrait être l'occasion de réfléchir à de nouvelles obligations d'aménagement du territoire pour les opérateurs. Le Parlement s'exprimera s'il le souhaite - une étude d'impact sur le modèle économique du déploiement serait utile.
À l'été 2013, une décision du Conseil constitutionnel a privé l'Arcep de son pouvoir de sanction. Nous attendons depuis des mois le décret d'application de la nouvelle loi, pourtant très simple à rédiger, qui le rétablira concrètement. Dans l'intervalle, l'Arcep a peu de recours pour obliger les opérateurs à déployer leur réseau et à respecter leurs obligations. Elle a cependant ouvert cinq enquêtes administratives, qui constituent autant de mesures préparatoires à d'éventuelles mises en demeure. Trois concernent la 3G : l'une contrôle le déploiement du réseau de Free, avec un rendez-vous réglementaire fixé à janvier 2015 ; la deuxième concerne la troisième phase de rattrapage du déploiement de la 3G par SFR ; la troisième vise à relancer le déploiement du réseau mutualisé dans les zones blanches, auquel les opérateurs semblent avoir délibérément mis un terme depuis deux ans. Nous voulons faire la clarté dans les prochaines semaines. Pour les obliger à reprendre la couverture complète des zones blanches, l'Arcep, quand elle aura récupéré son pouvoir de sanction, engagera des procédures judiciaires à l'encontre des opérateurs en défaut, ou bien substituera à l'accord passé entre les quatre opérateurs une décision prescriptive avec menace de sanctions.
L'Arcep, qui restera extrêmement vigilante, dispose d'un certain pouvoir pour la téléphonie mobile, alors que la téléphonie fixe est soumise à la législation européenne. Si les informations que les opérateurs diffusent sur leurs offres et les conventions qu'ils signent avec les collectivités locales n'ont pas de valeur prescriptive, elles ont une valeur politique, morale et déontologique. Je ne vois pas comment un opérateur pourrait ne pas respecter ses engagements de déploiement. Les pouvoirs publics veilleront à ce qu'ils soient respectés.
Le plan France Très Haut Débit relancera la dynamique du câble, dont l'utilisation pour assurer l'accès au très haut débit a été trop longtemps négligée. Le rapprochement entre SFR et Numericable laisse néanmoins craindre des effets de bord, car les opérateurs risquent de modifier à la baisse leurs investissements. Le Gouvernement, qui est actionnaire d'Orange et qui finance le plan, devra être vigilant. Il ne faut ni surestimer ni sous-estimer ces effets de bord, qui concernent 2 % des 20 milliards de l'investissement global mobilisé pour le déploiement de la fibre optique. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, Hervé Maurey.