La réunion est ouverte à 10h35.
Nous sommes très heureux d'accueillir le président Jean-Ludovic Silicani, au terme d'un cycle d'auditions sur le secteur des télécoms et ses enjeux en matière de développement économique, de concurrence et de couverture du territoire, que ce soit en 3G, en 4G ou en très haut débit. Je ne désespère pas de convaincre que la solution serait peut-être d'utiliser la 4G pour combler les zones blanches et assurer partout le haut débit, voire le très haut débit.
Nous avons entendu les quatre opérateurs, le ministre de l'économie et la secrétaire d'État en charge du numérique. Ces auditions ont eu lieu dans la même période que le rachat de SFR par Altice Numericable, après le rejet de l'offre concurrente de Bouygues Telecom, ce qui va restructurer le secteur et induire d'autres rapprochements. Comment envisagez-vous la perspective d'un marché à trois opérateurs ? Quelles conséquences cette mutation aurait-elle pour l'emploi, la profitabilité et la concurrence dans ce secteur ? L'introduction d'un quatrième opérateur a apparemment bénéficié aux consommateurs, mais pas à l'emploi. Le plan annoncé par Bouygues Telecom semble le confirmer.
Quel est l'objectif de l'enquête administrative ouverte par l'Arcep sur les quatre opérateurs et sur le déploiement de leur réseau mobile? Free est accusé par certains de ne pas contribuer au financement des zones blanches et de bénéficier d'un mode de vérification de sa couverture mobile par l'Arcep qui l'avantagerait. Qu'en est-il réellement? Que pensez-vous de la disparition progressive de l'itinérance de Free sur le réseau Orange, recommandée par l'Autorité de la concurrence ?
Pensez-vous que le plan France Très Haut Débit, qui vise à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit à l'horizon 2020 doive être remanié pour tenir compte des engagements particuliers d'Orange et de la tentation, qui pourrait l'animer, de concurrencer Numericable sur les sites les plus denses, au détriment des zones rurales ? Les engagements des opérateurs, notamment à l'égard de ces zones, seront-ils tenus ? Comment les inciter à utiliser les réseaux d'initiative publique (RIP) financés par les collectivités territoriales avec l'aide de l'État ? Quel mix technologique convient-il de favoriser ?
À l'heure de l'internet et de l'essor de la télévision connectée, une réflexion s'impose : envisagez-vous une évolution institutionnelle de l'autorité que vous présidez, voire son rapprochement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui exerce des responsabilités analogues aux siennes pour la télévision hertzienne ?
Je vous remercie de votre invitation, qui coïncide avec un moment très important pour un secteur toujours en mouvement. Nous venons en outre de rendre public notre rapport d'activité, que je suis heureux de vous remettre.
Le marché français des télécoms est extrêmement contrasté. Il connaît une forte croissance en volume - le nombre d'abonnés a augmenté de 5 % par an pour les services mobiles, un record en Europe ; la consommation de données échangées a progressé de plus de 60 % en 2013. La 4G connaît également une croissance bien plus rapide que prévue.
Cette forte dynamique du marché mobile s'accompagne d'une croissance remarquable du marché fixe : le nombre d'abonnés au haut ou au très haut débit a augmenté de 4 %, le nombre des foyers éligibles au très haut débit a dépassé onze millions au 31 décembre (un foyer sur trois), tandis que le taux d'abonnement passait de 10 % à 20 % en un an. Nos concitoyens manifestent pour le très haut débit fixe une appétence qui ouvre un cercle vertueux : la croissance des abonnements apporte des revenus qui génèrent des services, qui eux-mêmes suscitent des abonnements.
Nous assistons parallèlement à une baisse des revenus des opérateurs, du fait de celle des prix des services mobiles. Les prix de détail des offres grand public ont baissé de 40 % entre 2011 et 2013. Alors que, jusqu'à la fin des années 2000, le panier mobile moyen français était de 25 % supérieur à celui des pays européens comparables, il est désormais un peu inférieur à leur moyenne, quoique toujours légèrement supérieur à celui de Grande-Bretagne.
La baisse des prix a provoqué celle des revenus dégagés par ces services, et en général celle des revenus de détail des opérateurs. Il importe de veiller à ne pas entamer leur capacité d'investissement. Leur situation n'a pas été mauvaise en 2013, puisque leur marge rapportée à leur chiffre d'affaires est restée stable, autour de 30% : si elle paraît élevée, elle est indispensable à un secteur capitalistique qui nécessite des investissements importants. Ceux-ci se sont maintenus en 2013 au niveau de 2011 et 2012, soit 7 milliards d'euros - un record hors achats de fréquences. C'est, selon les opérateurs, la Fédération française des télécoms (FFT), l'Arcep et le ministère compétent, l'ordre de grandeur adéquat pour moderniser les réseaux existants et en développer de nouveaux.
Ces évolutions se sont accompagnées de la reprise de la baisse importante de l'emploi dans le secteur, à raison de 2 500 à 3 000 par an. C'est le résultat des gains de productivité massifs accomplis par les technologies des télécoms : aux États-Unis, 500 000 emplois ont été détruits en dix ans. Cette baisse, qui s'était interrompue entre 2010 et 2012, du fait de moindres baisses d'effectifs chez Orange, est liée à des départs non remplacés.
La convergence entre fixe et mobile - demain, les réseaux seront essentiellement fixes et les usages essentiellement mobiles - induit des gains d'efficacité considérables, encouragés d'ailleurs par la loi française qui requiert des investissements efficaces, pour reprendre les termes de la loi. Parallèlement, le modèle économique des opérateurs, qui était fondé sur la voix, repose désormais sur l'échange des données. Les opérateurs doivent accélérer la transformation de leurs offres tarifaires en fonction de la bande passante.
Tandis qu'en 2008 et 2009, un quatrième opérateur mobile était nécessaire pour mettre fin à ce que le ministre Arnaud Montebourg a appelé la rente des opérateurs existants, une concentration du marché est maintenant envisageable. Elle est uniquement conditionnée par la nécessité de préserver les acquis de la baisse des prix obtenue grâce à l'arrivée du quatrième opérateur, comme le souligne le ministre de l'économie.
Un rapprochement entre Numericable et SFR est en cours, et un autre est envisageable pour Bouygues Telecom, le plus petit des opérateurs. Je suivrai toutefois la recommandation du Premier ministre de ne pas commenter de rumeurs. Bouygues Telecom a expliqué il y a quinze jours, par la voix de son président M. Olivier Roussat, son choix de demeurer indépendant. Cela n'exclut pas un rapprochement futur avec Orange, dont le projet serait alors soumis à la Direction générale de la concurrence.
La consolidation dynamique du marché stabilisera le balancier en un juste milieu entre la baisse des prix - déjà nettement ralentie au second semestre 2013, et en passe de s'amortir d'ici la fin de l'année - et la préservation des revenus des opérateurs. Première mesure susceptible d'y contribuer, les entreprises du secteur doivent continuer à se moderniser, afin d'assurer non seulement leur efficacité propre, mais celle de l'économie numérique et, à terme, de l'ensemble de l'économie : elles sont emboîtés comme des poupées russes. On ne peut que se féliciter de la décision conjointe d'Orange, Alcatel et de Thales de présenter à la Commission européenne un projet commun sur la 5G, afin que l'Europe redevienne un lieu d'innovation.
Deuxièmement, il importe que soient rééquilibrés, dans le comportement des opérateurs comme des consommateurs, les deux principaux critères qui président au choix d'une offre : le prix est aujourd'hui privilégié par rapport à la qualité du service rendu. C'est pourquoi nous avons rendu publique hier une photographie très complète des niveaux de qualité de service des différents opérateurs en 3G et 4G. Ceux-ci ont maintenant compris que la consolidation du secteur ne dépendait pas uniquement de leur concurrence sur les prix, mais que la transparence contribuerait au bon fonctionnement des marchés.
Troisièmement, la mutualisation des réseaux rendra possibles des économies d'investissement dans le domaine du fixe comme dans celui du mobile ; le lancement de la 4G s'accompagnait notamment d'un encouragement à la mutualisation dans les zones les moins denses. Nous veillerons à ce qu'elle ne se développe pas uniquement dans les zones urbaines, ce qui répond à votre voeu, monsieur le Président, de la voir servir de palliatif à l'arrivée tardive du très haut débit fixe dans les zones rurales. Enfin, une concentration accrue du marché est enfin envisageable, pourvu que les conditions en soient réunies.
Sénateur de Saint-Barthélemy, je viens de de rendre un rapport sur la continuité territoriale, pour la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer (Cnepeom). J'ai entendu tous les opérateurs qui y interviennent.
L'Europe prévoit d'ici la fin de 2015 l'effacement de l'itinérance sur son territoire, sans prendre en compte ceux de l'outre-mer. Nous ne comprenons pas qu'un ultramarin venant en métropole soit en itinérance. Les représentants d'Orange Caraïbe et d'Orange France m'ont assuré que la manipulation nécessaire n'entraînait aucun coût supplémentaire, mais que pour éviter les distorsions de concurrence sur les terminaisons d'appel, le petit opérateur ultramarin faisait appel à celui de la métropole, et inversement : c'est entre eux un échange de bons procédés dont le client supporte les frais. Quelle justification y a-t-il à ce que je ne paye pas le même prix à Saint-Barthélemy et à Paris ? Il appartient à la France d'effacer l'itinérance pour l'outre-mer.
Le très haut débit constitue un atout majeur pour la lutte contre l'isolement insulaire, dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'activité économique en général. Le plan France Très Haut Débit est particulièrement bien suivi en outre-mer, les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (Sdtan) se mettent en place, les régions ont investi dans les câbles. Celui qui va de Trinidad à Porto-Rico, par exemple, est fonctionnel ; les opérateurs y achetaient autrefois la capacité à 387 euros par Mbit, contre 70 euros maintenant, mais 90 centimes en métropole... Ce coût reste élevé à cause de la liaison internationale entre Porto-Rico et Miami, qui assure la transmission des données de la Caraïbe. La France et l'Europe sont-elles en mesure d'intervenir dans les négociations internationales pour que les prix pratiqués sur ce petit tronçon de câble, qui nous lie au reste du monde, ne soient pas prohibitifs ?
Lorsque je me rends de Saint-Barthélemy à Saint-Martin, dont une partie est néerlandaise, et que j'oublie d'éteindre mon téléphone, il bascule - à mes frais - sur l'opérateur néerlandais Tel Sell, dont les niveaux d'émission sont dix à vingt fois supérieurs à ceux d'Orange Caraïbe. Des contrôles ont bien été réalisés pour y remédier, mais la société en était avertie à l'avance. Peut-on espérer une régulation réelle de la concurrence dans ces zones ?
En bientôt six ans de mandat, j'ai vu le paysage évoluer : l'arrivée du quatrième opérateur, sur laquelle j'étais réservé, le plan national très haut débit d'Éric Besson, l'arrivée de la 4 G, l'annonce de la 5G... Tout cela est très beau, mais dans les territoires ruraux, rien ne change. Pire, la fracture s'est accrue au cours des six dernières années. Dans mon département, certaines communes n'ont toujours aucune couverture en haut débit ; la situation n'est pas meilleure pour la téléphonie mobile, d'autant que le département n'a pas signé la convention de résorption des zones blanches il y a dix ans, et que la téléphonie n'est pas comprise dans les actions des collectivités locales pour la couverture numérique. Il faut veiller à ce que la 4G ne se développe pas qu'en zone urbaine ? Il vous incombe, monsieur le Président, d'y remédier : qu'envisagez-vous de faire ?
Aux problèmes des territoires non pourvus, évoqués par mon collègue s'ajoute celui des trajets. Prévoyez-vous des améliorations en vue d'une couverture permanente pour les voyageurs en train ou en voiture ?
Le Sénat lui-même n'est pas à l'abri de ce genre de coupures, y compris sur ses lignes fixes.
La politique de moindre coût pratiquée par Free fait craindre que ses investissements ne soient pas suffisants pour assurer à l'avenir un service de qualité à l'ensemble de nos concitoyens. La marge de 30% à laquelle sont descendus les opérateurs est un minimum si l'on veut qu'ils continuent à investir dans la recherche, le développement et l'innovation.
Je partage la préoccupation d'Hervé Maurey quant à l'extension de la 4G sur l'ensemble des zones rurales. Leur isolement fait peser sur elles une menace de décrochage par rapport aux zones urbaines. Enfin, je souhaiterais que vous nous parliez de la 5G.
La marge de 30 % diminue les capacités d'investissement des opérateurs. L'État y perd aussi en impôt sur les sociétés.
Les élus nous font souvent part de leur inquiétude au sujet des zones blanches. L'accès au haut débit accentue la fracture numérique du territoire. Les mesures techniques garantissant cet accès ont un coût qu'il faut que les communes puissent assumer. La qualité des services s'améliore-t-elle vraiment ? Il est toujours très difficile d'obtenir rapidement de l'aide de la part des opérateurs, en cas de difficulté technique, notamment pour internet et la téléphonie mobile. Dans votre éditorial, vous annonciez que plus de 11 millions de logements étaient éligibles au très haut débit, à la fin 2013, soit une augmentation de 24 % par an. Cela concerne-t-il les villes ou le milieu rural ?
La Poste est une entreprise qui compte dans les campagnes. En 2013, on a constaté une diminution du marché de distribution du courrier de 4,2 % en revenus et de 5,8 % en volume. Quelles mesures prendre pour assurer la pérennité de la Poste ? Que proposer pour assurer dans les décennies à venir la qualité du service qu'elle apporte à tous nos citoyens?
En tant qu'élu de Basse Normandie, je suis solidaire des propos d'Hervé Maurey, qui représente la Haute Normandie. La future région Normandie devrait bien fonctionner.
Monsieur le président, votre rapport mentionne à la page 108 « l'obligation de développer la 4G de façon prioritaire dans les territoires peu denses ». Cette zone prioritaire concernerait 18 % de la population, répartis sur 63 % du territoire ; elle serait couverte à 40 % d'ici 2017, 90 % d'ici 2022. Vous avez sûrement prévu des garanties pour vous assurer de la réalisation de cette volonté. Les populations ne supportent plus les cartes flatteuses que leur présentent les opérateurs, promettant à l'envi l'accès au haut débit et à la téléphonie mobile. Un contrôle rigoureux devrait encadrer ce type d'engagement. On minimise trop l'importance des zones blanches - seulement 3 % du territoire, dit-on, mais toute une population laissée de côté.
Je confirme tout ce qui a été dit. La fracture numérique est une obsession pour beaucoup d'entre nous. En Pyrénées-Atlantiques, nous avons effectué des travaux considérables pour mettre en place 1 200 kilomètres de fibre. L'équipement numérique est la seule chance des zones rurales pour l'avenir ! Si un intérêt pour ces zones commence à se faire sentir, il se heurte à la tendance naturelle des opérateurs : les impératifs de rentabilité et les coûts d'installation (entre 300 et 2 000 euros selon le raccordement) les incitent à négliger la couverture des zones rurales, d'autant que les collectivités locales voient leurs capacités de financement s'affaiblir. Quels sont les modes opératoires à privilégier pour faciliter la couverture des zones rurales ? Que peuvent-elles espérer en termes d'innovation technologique ? Un bon équipement numérique contribuera à l'équilibre sociétal de notre pays.
La semaine dernière, les députés ont affiché la même crainte que vous d'un risque de fracture numérique du territoire. Depuis 2009 au moins, l'Arcep a toujours veillé à défendre les obligations de déploiement territorial. Vos collègues, MM. Bruno Retailleau et Hervé Maurey, avec qui nous avons travaillé sur certains projets, peuvent en témoigner. Nous n'avons pas toujours été écoutés, car les opérateurs, comme toute entreprise, privilégient les investissements les plus rentables.
Un fonds de péréquation sur le très haut débit subventionne les territoires les moins denses. Outre cet outil, peut-être insuffisant, les opérateurs de téléphonie mobile doivent solliciter une autorisation pour utiliser le réseau public hertzien ; en contrepartie, l'État leur impose des obligations. L'Arcep préconise d'en renforcer les exigences, en imposant par exemple pour la 4G une obligation minimale de 95 % par département. L'Arcep a également proposé de créer une zone prioritaire où les réseaux seraient mutualisés pour une meilleure qualité de service.
Ces mesures vont dans le bon sens, même si elles doivent être complétées. Les pouvoirs publics auront des choix importants à effectuer sur la bande des 700 MHz, transférée de l'audiovisuel vers les télécoms. Son attribution pourrait être l'occasion de réfléchir à de nouvelles obligations d'aménagement du territoire pour les opérateurs. Le Parlement s'exprimera s'il le souhaite - une étude d'impact sur le modèle économique du déploiement serait utile.
À l'été 2013, une décision du Conseil constitutionnel a privé l'Arcep de son pouvoir de sanction. Nous attendons depuis des mois le décret d'application de la nouvelle loi, pourtant très simple à rédiger, qui le rétablira concrètement. Dans l'intervalle, l'Arcep a peu de recours pour obliger les opérateurs à déployer leur réseau et à respecter leurs obligations. Elle a cependant ouvert cinq enquêtes administratives, qui constituent autant de mesures préparatoires à d'éventuelles mises en demeure. Trois concernent la 3G : l'une contrôle le déploiement du réseau de Free, avec un rendez-vous réglementaire fixé à janvier 2015 ; la deuxième concerne la troisième phase de rattrapage du déploiement de la 3G par SFR ; la troisième vise à relancer le déploiement du réseau mutualisé dans les zones blanches, auquel les opérateurs semblent avoir délibérément mis un terme depuis deux ans. Nous voulons faire la clarté dans les prochaines semaines. Pour les obliger à reprendre la couverture complète des zones blanches, l'Arcep, quand elle aura récupéré son pouvoir de sanction, engagera des procédures judiciaires à l'encontre des opérateurs en défaut, ou bien substituera à l'accord passé entre les quatre opérateurs une décision prescriptive avec menace de sanctions.
L'Arcep, qui restera extrêmement vigilante, dispose d'un certain pouvoir pour la téléphonie mobile, alors que la téléphonie fixe est soumise à la législation européenne. Si les informations que les opérateurs diffusent sur leurs offres et les conventions qu'ils signent avec les collectivités locales n'ont pas de valeur prescriptive, elles ont une valeur politique, morale et déontologique. Je ne vois pas comment un opérateur pourrait ne pas respecter ses engagements de déploiement. Les pouvoirs publics veilleront à ce qu'ils soient respectés.
Le plan France Très Haut Débit relancera la dynamique du câble, dont l'utilisation pour assurer l'accès au très haut débit a été trop longtemps négligée. Le rapprochement entre SFR et Numericable laisse néanmoins craindre des effets de bord, car les opérateurs risquent de modifier à la baisse leurs investissements. Le Gouvernement, qui est actionnaire d'Orange et qui finance le plan, devra être vigilant. Il ne faut ni surestimer ni sous-estimer ces effets de bord, qui concernent 2 % des 20 milliards de l'investissement global mobilisé pour le déploiement de la fibre optique. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, Hervé Maurey.
L'histoire économique montre que tout progrès crée d'abord des inégalités, les écarts se corrigeant dans la durée. Pour la 3G, les obligations de couverture ont été fixées dans les licences conçues en 2000. L'Arcep a été plus prescriptive pour la 4G, en définissant des zones prioritaires de déploiement et des obligations départementales. Des rendez-vous de contrôle ont été fixés avec les opérateurs. Nous ferons un point cet été sur l'état de la couverture 4G. Quelles zones, quelles communes ont-ils couvertes ? Comment comptent-ils faire pour équiper les zones les moins denses ? L'Arcep réfléchira également aux obligations fixées aux opérateurs en contrepartie de l'attribution de la nouvelle bande 700.
S'agissant de l'outre-mer, je complèterai mes propos par une réponse écrite. Ce ne sont pas les mêmes opérateurs qui interviennent en métropole et outre-mer. J'avais posé la même question à mon arrivée à l'Arcep. L'itinérance est rendue nécessaire par le partage du marché. Cependant, pratiquer des tarifs aussi différents sur le territoire de la République est choquant. Le cadre communautaire va changer la pratique de l'itinérance entre les pays européens. Il serait logique d'opérer au moins les mêmes changements entre la métropole et l'outre-mer. Les pouvoirs publics pourront le faire, avec l'appui technique de l'Agence nationale des fréquences (Anfr). Utiliser la fréquence d'un opérateur néerlandais sur le territoire français est illégal ; il incombe à l'Anfr de prendre les mesures appropriées.
Quels que soient ses efforts, Hervé Maurey, aucun président de l'Arcep ne répondra à toutes les attentes des élus : quand une nouvelle technologie s'installe, elle bénéficie d'abord aux zones les plus rentables, sauf si la loi intervient pour rétablir l'équilibre - elle ne peut le faire que dans les limites du raisonnable.
Certaines licences fixent des obligations aux opérateurs pour qu'ils assurent la couverture sur le trajet des trains et des autoroutes, Yannick Vaugrenard. Notre enquête a montré des résultats contrastés selon les opérateurs. Nous rappellerons à ceux-ci, ainsi qu'aux sociétés qui gèrent ces réseaux (Sncf, RFF et société d'autoroutes), qu'elles ont obligation d'en ouvrir l'accès aux technologies mobiles.
Michel Bécot, il ne faut pas que les marges tombent en dessous d'une certaine capacité d'investissement. En tant que pouvoirs publics, nous devons prendre nos responsabilités sans nous substituer aux choix ou aux décisions des opérateurs économiques. Ceux qui n'ont pas suffisamment anticipé la convergence entre fixe et mobile ont eu le tort de s'installer dans un confort digne des industries du luxe, avec des marges de 50 % sur la téléphonie mobile fût un temps. Le retard qu'ils ont pris en termes d'innovation est difficile à rattraper.
La 5G prendra la forme d'un ensemble de nouveaux terminaux, d'antennes plus petites, d'une nouvelle architecture. En agrégeant les fréquences, en fusionnant les capacités, elle décuplera la qualité du service. Le très très haut débit mobile sera proche du très haut débit fixe actuel. Tout cela devrait se concrétiser à l'horizon 2020, si les recherches aboutissent.
Oui, La Poste est confrontée à des bouleversements. Ce n'est pas propre à la France, le numérique s'est substitué au papier, provoquant une diminution massive du courrier, de plus de 5 %, et une baisse des recettes de l'entreprise. La Poste aura à opérer des choix, avec l'appui des pouvoirs publics. Si la baisse structurelle des recettes se confirme et si le développement du colis ne compense pas la diminution des courriers commerciaux, elle devra, malgré les excédents de La Banque postale, réduire ses dépenses et trouver des recettes nouvelles, c'est-à-dire diminuer ses effectifs et augmenter ses tarifs. Ce sont des choix difficiles, de nature politique. La Poste est une entreprise qui nous est chère. Il faut lui trouver un nouveau modèle économique.
Je continue à croire que le développement de la 4G devrait être prioritaire dans les zones blanches. Je le dis et l'écris, je persiste et je signe, parce c'est une méthode efficace pour atténuer la fracture numérique.
Des expérimentations sont en cours.
Lors des auditions, nous avons entendu dire que Free était avantagé par votre méthode de vérification. Nous avons également entendu que la mutualisation était un cancer pour les opérateurs.
Des expérimentations sont en cours sur le développement de la 4G dans les zones blanches. Il nous faut trouver un deal avec les opérateurs, un accord équilibré.
Des changements technologiques seront nécessaires. En tout cas, l'idée est bonne.
Quant à la mutualisation, Free a obtenu, en janvier 2010, sa licence, dont le contenu est identique à celles des trois autres opérateurs. Cette quatrième licence était prévue dès 2000 : une clause insérée dans la licence 3G fait obligation aux premiers opérateurs de donner le droit d'itinérance 2G pour une durée de six ans à un quatrième opérateur, le cas échéant. Free a fait valoir le droit créé par cette décision, devenue définitive. Dans un avis de 2010, l'Autorité de la concurrence a indiqué que le nouvel entrant doit aussi disposer de l'itinérance 3G. Free a négocié un accord d'itinérance avec Orange sur la 2G et la 3G, jusqu'en 2018. Un nouvel avis de l'Autorité de la concurrence, en 2013, indique que l'itinérance 3G doit prendre fin entre 2016 et 2018. Le réseau Free, que nous contrôlons très fortement, devra se substituer à l'itinérance, d'abord dans les zones denses, puis moins denses. Un scénario envisageable serait celui d'un contrat de mutualisation entre Orange et Free, comme il y en a un entre Bouygues et SFR. Il s'agit d'un dossier hypersensible qui anime régulièrement les débats entre opérateurs.
Je vous remercie, monsieur le Président, de nous avoir éclairés sur toutes ces questions.
La réunion est levée à 12 heures 05.