On croise en effet de plus en plus d'enfants, le plus souvent avec une femme seule. La présence de réseaux n'est pas le seul facteur explicatif mais elle est réelle. Lors d'une maraude à laquelle j'ai participé avec lui, l'ancien président du Samu social, Eric Molinié, m'a expliqué que si nous n'agissions pas, les trottoirs de Paris ressembleraient à ceux de Manille d'ici quelques années. C'est pour cette raison que j'insiste sur la nécessité de mettre en place un « 115 enfants ». Le 115 effectue un travail remarquable mais il est aujourd'hui surchargé.
Certains dispositifs d'aide doivent être repensés globalement. Cela implique en parallèle de revoir la formation des travailleurs sociaux. Le poids du secret professionnel empêche parfois la mise en relation entre les structures d'aide, ce qui freine l'accompagnement. Il serait préférable de parler de « discrétion professionnelle ».
S'agissant des comparaisons avec l'Allemagne, n'oublions pas que le prix des logements n'a pas du tout suivi la même évolution dans ces deux pays au cours des dix dernières années. Comme je vous l'ai indiqué, en France, ceux-ci ont quasiment doublé alors que, dans le même temps, le niveau des aides diminuait.
S'agissant du versement des prestations, il faut faire davantage confiance. Prévoir des contrôles a posteriori et non plus a priori serait bénéfique, non seulement pour les bénéficiaires des aides, mais également pour les deniers publics car les contrôles seraient simplifiés. La mise en place d'un correspondant unique serait, elle aussi, source d'économies. Cela suppose de clarifier le rôle de chacune des structures amenée à intervenir auprès des personnes en situation de pauvreté.
En ce qui concerne les allocations familiales, je trouve en effet injuste qu'un couple aisé ayant deux enfants touche les allocations familiales quand une femme seule avec un enfant n'y a pas droit. Il faut remettre les choses à plat en tenant compte des évolutions sociétales intervenues depuis 1945, par exemple de la part plus importante des divorces et séparations et de leurs conséquences financières.
Le phénomène des travailleurs pauvres s'est développé depuis vingt à trente ans. S'y ajoutent aujourd'hui des retraités pauvres. Ces phénomènes doivent conduire à se poser la question centrale de la juste répartition de la richesse nationale. Entre 2008 et 2011, les 10 % les plus pauvres ont vu leur pouvoir d'achat diminuer de 3,4 % tandis que celui des 5 % les plus riches augmentait de 3,5 %. En pleine crise économique dans les années 1930, le président Roosevelt avait mis en place une tranche d'imposition à 95 %. En 1985, en France, il existait une tranche d'imposition à 85 %. Ces exemples historiques montrent que, au-delà de la taxation du capital, il faut également se poser la question de la création de tranches d'impositions supplémentaires pour les revenus les plus élevés.
Quelles seront les suites données à mon rapport ? Je souhaite tout d'abord le présenter à un maximum d'interlocuteurs. Je me suis par exemple rendu devant le CNLE ainsi qu'auprès de Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge de la lutte contre les exclusions. J'ai également alerté notre président afin que le Sénat participe à la journée mondiale de la misère qui se tiendra le 17 octobre prochain. Toutes ces actions visent à permettre une prise de conscience réelle chez les élus. Les sujets traités dans le rapport concernent toutes les commissions du Sénat. Il faudra qu'elles se les approprient et que, année après année, nous nous assurions que les enjeux soulevés sont bien pris en compte.