Intervention de Henri Proglio

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 24 juin 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique — Audition de M. Henri Proglio président-directeur général d'électricité de france edf

Henri Proglio, président-directeur général d'EDF :

Qu'est-ce que la transition énergétique ? Quels sont les atouts de la France ? Quels besoins énergétiques avons-nous aujourd'hui et aurons-nous demain ? Quel mix énergétique est le plus pertinent, compte tenu de ces facteurs ?

EDF, en quelques chiffres, c'est une capitalisation boursière de 53 milliards d'euros, un chiffre d'affaires de 80 milliards, dont les deux tiers en France, et 265 000 collaborateurs, auxquels il faut ajouter 15 000 collaborateurs de Dalkia qui nous rejoignent dans la première quinzaine de juillet. EDF est le premier électricien, le premier opérateur nucléaire et le plus grand centre de recherche d'électricité nucléaire au monde, le premier opérateur hydraulique et le premier opérateur de réseau en Europe - en somme, l'une des toutes premières références au monde en matière électrique. Nous sommes également le premier investisseur en Europe, avec un plan d'investissement de 200 milliards dans les dix prochaines années, dont 120 milliards en France. Nous sommes aux toutes premières places en Grande-Bretagne, en Italie, en Pologne, en Belgique, nous sommes présents depuis trente ans en Chine, nous sommes au Laos, en Amérique latine, en Amérique du nord, au Moyen-Orient et nous avons des ambitions partout.

La Terre compte 7 milliards d'habitants, contre 1,5 milliard au début du XXe siècle : ce quintuplement de la population malgré les deux guerres mondiales s'est accompagné d'un formidable accroissement des besoins primaires en eau, en énergie, en alimentation, en santé, et ce mouvement va se poursuivre : nous serons 9 milliards dans quinze ans.

Dans ce vaste monde, comment la France se positionne-t-elle et comment nous regarde-t-on ? On nous porte un regard particulier depuis qu'au début des années 1970, comprenant que les chocs pétroliers allaient se multiplier, la France a choisi de se doter d'une plateforme nucléaire qui allait lui assurer une indépendance en énergie électrique et compter dans la compétitivité de son territoire. Trente-cinq ans après, la France est le principal exportateur d'électricité en Europe, nous sommes indépendants pour notre électricité et nous la produisons au coût le plus faible d'Europe, ce qui est un atout considérable pour la compétitivité de notre pays. Lors de la campagne pour la présidence du Medef, les candidats m'ont tous dit l'importance de cet avantage pour « l'entreprise France » où le travail représente 40 % et l'énergie 20 % des coûts globaux : lorsqu'on sait combien il est difficile de diminuer le coût du travail ne serait-ce que d'un point, on mesure l'intérêt que nous avons à conserver cet atout de la production électrique dans notre pays ! Il n'est que de voir, également, comment l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, divisant le prix du gaz par quatre en dix ans, a relancé l'industrie outre-Atlantique, provoquant un véritable rebond, pour comprendre combien l'énergie est stratégique, essentielle à l'économie tout entière.

Enfin, il faut savoir que notre déficit extérieur est quasiment égal à nos importations d'énergies fossiles - ce qui revient à dire que notre balance commerciale serait quasiment à l'équilibre si nous pouvions nous passer de gaz et de pétrole.

Dès lors, la première question à se poser, et la première priorité de la transition énergétique, est celle de savoir comment on peut économiser de l'énergie pour importer moins d'énergies fossiles, où nous n'avons aucun avantage comparatif. C'est aussi de bon sens : lorsqu'on est dépendant, la première chose à faire, c'est d'essayer de sortir de la dépendance.

La deuxième question, c'est de savoir quels seront nos besoins en énergie à l'horizon 2030-2040, pour évaluer quel mix énergétique sera le plus efficace. Or, ce que la démographie nous montre, c'est qu'en 2030 la France aura gagné 6 millions d'habitants par rapport à 2012 : notre pays se distingue en Europe par sa démographie, c'est une différence majeure par rapport à l'Allemagne et à l'Italie, par exemple ; sachant que 70 % de la consommation d'énergie provient des ménages, la demande aura donc nécessairement augmenté et la croissance économique, qui est également nécessaire puisque les Français seront plus nombreux, va elle aussi faire pression sur la demande. Dès lors, même avec 20 % d'économies d'énergie, nos besoins seront plus importants en 2030 qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Comment y répondre le plus efficacement ? Sachant que nous importons toutes les énergies fossiles et que seule l'électricité produite en France présente un avantage compétitif pour notre pays, notre intérêt - économique, autant que stratégique - est de donner à cette électricité produite sur notre territoire le plus de place dans notre mix énergétique. C'est d'autant plus vrai que la demande sociale pour l'électricité va continuer de s'amplifier : c'est bien à l'électricité que fonctionnent les machines que nous utilisons de plus en plus dans les services, dans les nouvelles technologies de l'information, ou encore la « mobilité propre » pour nos villes.

Il me semble donc qu'à l'échelle nationale, nous devons simultanément économiser l'énergie et optimiser notre mix énergétique en y faisant la plus grande part à l'électricité produite sur notre sol. Je suis convaincu qu'à l'horizon 2030, compte tenu de l'augmentation de la demande, l'ensemble du parc nucléaire actuel - y compris Flamanville - suffira à peine à couvrir la moitié des besoins - en escomptant, qui plus est, que les énergies renouvelables auront pris la part qu'on en attend et que nous serons parvenus à faire, globalement, 20 % d'économies d'énergie.

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