EDF, de par son importance dans notre histoire commune et dans notre économie, doit anticiper les évolutions. Nous sommes responsables, dans la durée, de cet outil de compétitivité dont la France a su se doter et qu'il nous revient de faire fructifier. L'Europe de l'énergie n'existe pas et la compétition fait rage entre États, entre opérateurs. Or la France dispose d'un atout majeur, qu'elle peut préserver plutôt que de le disperser : la solidarité n'oblige pas à partager notre avantage, nous sommes jalousés dans le domaine électrique, à nous de nous montrer à la hauteur. Commençons donc par conforter la France de l'énergie, c'est déterminant pour notre emploi et pour la compétitivité de notre territoire.
Les énergies renouvelables doivent être sollicitées dès lors que leur localisation est rationnelle. Les exemples abondent où les subventions ont facilité la construction d'éoliennes sur des sites peu venteux, d'unités photovoltaïques dans des régions particulièrement peu ensoleillées ; les subventions faussent la rationalité des choix, il faut y prendre garde et rétablir le bon sens, jouer avec les facteurs géographiques plutôt qu'essayer de répondre aux aléas politiques.
Les collectivités territoriales ont un rôle déterminant à jouer dans les économies d'énergie, ce sont leurs responsables qui connaissent le mieux les patrimoines publics, le parc de logements, les gisements d'économies possibles. Il faut donc rapprocher la décision des territoires, en veillant à la cohérence des actions entre les différents échelons.
Je crois, ensuite, à l'efficacité des systèmes intégrés, incluant l'amont et l'aval, la production et les services énergétiques. La séparation de la production et du transport de l'électricité, avec la création de Réseau de transport d'électricité (RTE), me paraît une source d'inefficacité : nous avons dû, à EDF, recréer des compétences liées au transport et, de son côté, RTE n'atteint pas la taille critique. Du reste, la réglementation imposant un délai de cinq ans aux membres du conseil d'administration de RTE pour pouvoir intégrer EDF, notre filiale aura bientôt du mal à recruter ses dirigeants, une fois passée la génération des « historiques » qui sont aujourd'hui aux commandes, parce que plus aucun grand électricien ne voudra se condamner à devoir rester dans une filiale plutôt que d'inscrire sa carrière à l'échelle du groupe... Mais, on le voit aussi avec le ferroviaire, les erreurs démontrées ont la vie dure, elles sont parfois dupliquées, réitérées, choisies plutôt que des solutions de bon sens, ce doit être l'un de nos talents collectifs...
Sur la recherche, il n'est pas inutile de rappeler que nos métiers ont un besoin constant d'innovation, tous secteurs confondus, et que nous regardons loin, puisque les équipements que nous programmons desservent notre avenir pour des décennies : nous devons faire des arbitrages très concrets, qui engagent des milliards d'euros d'investissements, parfois pour cinquante ou même cent ans.
Enfin, nous connaissons le coût de l'électricité nucléaire, mais pas du démantèlement ni du stockage, pour lesquels nous provisionnons des sommes conséquentes. Je n'ai pas parlé des tarifs mais des coûts, les premiers relevant d'un ensemble de facteurs, en particulier politiques, qui dépassent largement l'action de l'entreprise. Cependant, il est légitime que l'entreprise demande que les tarifs couvrent au moins les coûts, ce qui ne nous empêche pas de continuer à faire des efforts pour gagner en productivité.