Permettez-moi de vous présenter tout d'abord ma perception de la situation de l'école aujourd'hui. Si beaucoup de défiance s'exprime à l'égard de l'institution scolaire, c'est que celle-ci ne parvient plus à assurer l'égalité des jeunes citoyens face à la réussite. Nous sommes en effet loin du mythe d'une école qui assurerait l'égalité républicaine ! L'institution scolaire ajoute désormais au déterminisme social une forme de déterminisme scolaire. Il nous faut redonner de la paix et de la sécurité à l'école pour qu'elle accomplisse sa mission fondamentale : assurer la réussite de chacun. Il nous faut une école apaisée pour une France apaisée.
Depuis deux ans, le Gouvernement a consacré les moyens nécessaires à la réussite de cette démarche. 60 000 postes ont été créés afin de pallier partiellement la suppression de 80 000 postes durant la présidence de M. Nicolas Sarkozy et d'assurer la réalisation des objectifs, notamment qualitatifs, de la refondation de l'école initiée dès le début du quinquennat. Près du tiers des nouveaux moyens a été consacré à la formation initiale des enseignants. Le ministère de l'éducation nationale est ainsi devenu, avec près de 22 000 professeurs stagiaires qui partagent leur temps entre la classe dont ils sont responsables et l'apprentissage des techniques pédagogiques et éducatives, le premier employeur par alternance en France. Le contenu de la formation des personnels enseignants et d'éducation a singulièrement évolué depuis ces dernières années et inclut également les relations avec les parents. Mais l'effet d'une telle évolution ne pourra être évalué que dans plusieurs années.
La formation continue des enseignants constitue également une priorité. Un effort est tout particulièrement consacré à l'utilisation des ressources numériques qui permettent, lorsqu'elles sont adossées à des pédagogies efficaces, de lutter contre les inégalités et d'améliorer l'apprentissage des élèves dyslexiques ou dyspraxiques. L'utilisation de ces technologies permet de réaliser l'ambition du Gouvernement que l'école réponde aux intérêts des élèves, à l'instar de la réforme des rythmes éducatifs et scolaires. À ce titre, les dernières décisions du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui annulent les délibérations des conseils municipaux d'Asnières-sur-Seine et de Levallois-Perret de ne pas appliquer la réforme, rappellent que l'organisation du temps scolaire relève de l'État, tandis que celle du temps périscolaire incombe aux collectivités locales. D'ailleurs, pour la rentrée prochaine, un site Internet devrait permettre aux parents de connaître l'organisation des nouveaux temps scolaires dans près de 80 % des établissements publics. Une part croissante des établissements privés sous contrat s'engage dans la réforme et je salue le soutien qu'apportent les responsables de l'enseignement catholique.
Il est vrai que la réforme des rythmes scolaires a quelque peu cannibalisé, dans les médias, la perception de l'ambition éducative globale du Gouvernement, qui vise notamment à recentrer l'école primaire sur les apprentissages fondamentaux que sont la maîtrise du français et des mathématiques. Les récentes études, qui ont démontré que la lecture des enfants ne s'accompagnait pas de la compréhension de ce qu'ils lisaient, se révèlent inquiétantes et des moyens doivent être mobilisés pour corriger une telle situation.
En outre, les enquêtes du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ont souligné que les enfants français demeuraient les champions d'Europe du poids de l'origine sociale dans leur évolution scolaire. Cette situation est d'autant plus paradoxale qu'elle est antinomique avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pourtant affichée dans toutes les écoles de la République. Notre mission doit être d'assurer aux élèves les moyens de s'extraire de leur origine sociale modeste et de réussir. Les principes de la République sont remis en cause par l'inertie sociale du système éducatif. C'est pourquoi une grande réforme pédagogique est nécessaire. En ce sens, le Conseil supérieur des programmes élabore la définition du socle commun de connaissances, de connaissances et de culture, qui sera soumis aux enseignants. Ce travail sera aussi déterminant pour rénover la procédure d'orientation scolaire qui est aujourd'hui trop subie.
J'en viens à présent à l'évaluation qui fait l'objet d'une grande conférence nationale. L'étude PISA a indiqué que les enfants français répondent le moins aux questions posées par leurs enseignants par peur de la sanction infligée en cas d'erreur. Il ne s'agit pas de mettre fin à la notation, mais de l'utiliser à bon escient. L'exemple européen des niveaux d'évaluation en matière d'apprentissage des langues étrangères peut nous inspirer, en ce qu'il permet de mieux appréhender la progression dans l'acquisition des savoirs et la complexité des apprentissages que les critères de notation actuellement en vigueur. La mise en oeuvre de nouvelles méthodes d'évaluation, au service d'une école qui soit à la fois plus exigeante et bienveillante, pourrait du même coup profiter à nos élites que le mode de sélection actuel ne dote pas des outils nécessaires au travail collaboratif qu'il leur faut conduire de plus en plus !
S'agissant de la formation des enseignants, ceux-ci, lorsqu'ils se trouvent face à une classe, se retrouvent la plupart du temps démunis. C'est pourquoi le tronc commun de leur formation devrait être modifié par l'inclusion de nouvelles thématiques comme la laïcité ou encore l'égalité entre filles et garçons et ce, quel que soit le niveau des élèves auxquels ces enseignants s'adressent. Je respecte bien évidemment la liberté pédagogique des enseignants, mais il faut introduire de nouvelles normes et régulations afin que l'école parvienne à se libérer des déterminismes scolaires qui viennent conforter les déterminismes sociaux.
Les zones d'éducation prioritaires devraient, elles aussi, évoluer du fait de l'introduction d'un nouvel indicateur social à l'aune duquel 104 nouveaux réseaux d'éducation prioritaire devraient être identifiés. Cet indicateur repose sur quatre variables, à savoir le nombre d'élèves cumulant un retard en matière d'apprentissage, le nombre de boursiers, la proportion d'entre eux issus de milieux défavorisés et leur localisation dans des zones urbaines sensibles ou des zones rurales isolées. La mise en oeuvre de cette nouvelle carte de France de l'éducation prioritaire ne devrait pas, pour autant, s'avérer trop brutale puisqu'un dispositif d'accompagnement des territoires qui ne seront plus reconnus comme prioritaires dans cette nouvelle cartographie, alors qu'ils l'étaient précédemment, devrait être assuré pendant trois ans.
Cette reconfiguration des réseaux doit aller de pair avec une stabilisation des équipes pédagogiques qui doivent être renforcées par une meilleure rémunération et une formation adaptée. Les enseignants de l'éducation prioritaire devraient également bénéficier d'allègements, à hauteur de 54 heures par an, pour travailler en équipe sur différents progrès pédagogiques. Enfin, une meilleure articulation entre l'école primaire et le collège, dans ces réseaux, devrait être assurée. La loi de refondation de l'école a ouvert la possibilité de constituer des conseils école-collège.
L'ensemble de ces mesures constitue le fondement de la politique éducative du Gouvernement, c'est-à-dire le refus de l'inertie et de l'immobilisme. Notre objectif est de s'attaquer durablement aux blocages qui conduisent trop d'enfants de la République à considérer qu'ils sont voués à l'échec.