Intervention de Benoît Hamon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 juin 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Hamon ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Benoît Hamon, ministre :

Il est vrai qu'un grand nombre d'enseignants constate la précarisation de leur métier dans une école dont il faut changer la structure. Un tel sentiment, je vous l'accorde, n'est pas sans nourrir une certaine forme d'anxiété. Les instruments de formation continue et les référentiels des métiers, ont cependant évolué, comme jamais, depuis ces deux dernières années. La crise des vocations - même s'il faut demeurer prudent en la matière - semble s'être enrayée, comme en témoigne l'augmentation du nombre de candidats aux concours, de plus de vingt mille entre 2013 et 2014, y compris dans les disciplines considérées comme sensibles. L'attractivité de la carrière nous préoccupe toujours, mais la restauration de la formation dans les ÉSPÉ nous semble de nature à l'améliorer.

S'agissant de la notation, vous faisiez référence aux travaux du Professeur Antibi qui visent à faciliter la réussite des élèves en préconisant une nouvelle forme de notation. Il est certain que ses recherches seront prises en considération par le jury de la conférence nationale qui sera présidé par le Professeur Étienne Klein, dont la double culture philosophique et scientifique en fait la personne idoine pour assumer de telles fonctions. La composition de ce jury fera également l'objet d'un appel à candidatures et rassemblera trente personnes issues du monde de l'éducation et d'autres secteurs d'activités. Ce comité devrait remettre ses conclusions d'ici au 30 décembre prochain.

Cette réforme ne peut aboutir que si elle repose sur un consensus. Nous sommes responsables du changement d'une situation qui nous arrange par ailleurs, car nous faisons partie de ceux qui connaissent les codes de la réussite et les clefs de l'école, que nous pouvons transmettre à nos enfants. Ce n'est pas un mince défi que de convaincre les élites de modifier, elles-mêmes, le système dont elles sont issues. C'est pourquoi il nous faut nous concentrer sur les freins qui préviennent, ou retardent, cette évolution.

S'agissant du Conseil supérieur des programmes, dont je salue deux représentants dans cette salle, la démission de son président n'est nullement la conséquence de l'installation de la conférence nationale sur l'évaluation des élèves, qui a pour vocation de trouver de nouvelles perspectives sur cette question. La définition du socle commun devra, avant tout, être conduite par son successeur. Il est vrai que ma démarche profite de ma méconnaissance de certaines chasses gardées au sein du ministère ; j'ignore d'autant plus facilement les totems susceptibles de freiner le déroulement de la réforme. Mais si ma démarche ne suscite pas le consensus nécessaire, je prendrai mes responsabilités.

La coopération et la coordination des actions avec le ministère des affaires étrangères, dont l'AEFE assure la gestion du réseau, fort de 488 établissements qui rassemblent quelque 319 000 élèves, sont le gage de la promotion du français et du rayonnement culturel de notre pays en dehors de ses frontières. Nous devons cependant être particulièrement vigilants lorsque ces établissements, qui assurent la formation des enfants d'expatriés et des élites étrangères qui sont appelés à devenir les décideurs de demain, sont situés dans certains territoires en proie à l'instabilité politique.

S'agissant de la carte scolaire, une première expérimentation s'est déroulée dans le département du Cantal, en relation avec le rectorat, l'inspection académique, et les élus pour permettre de jeter les bases d'une méthode qui ne heurte pas les territoires. Car la fermeture d'une classe, voire d'une école, peut apparaître aux élus comme l'acte de décès de territoires déjà en proie à la désertification. Ceci implique un travail collectif de coopération sur trois ans au moins.

La réforme des rythmes constitue un plus et donne des opportunités nouvelles pour l'éducation artistique qui, à mes yeux, doit cependant conserver toute sa place dans le socle des programmes.

La conduite de la réforme des rythmes scolaires a fait l'objet d'une évaluation sur quatre mille communes dans huit séminaires inter-académiques. Une telle démarche a entraîné, notamment pour les femmes enseignantes, en raison de la suppression des congés du mercredi, des bouleversements sur la vie tant professionnelle que personnelle. Cependant, cette réforme a conduit à trois avancées significatives. D'abord, une matinée de plus c'est une chance de plus de réussir. Ensuite, les écoles, qui ont mis en oeuvre la réforme, ont pris de l'avance sur leur programme et ont permis d'aborder des matières parfois délaissées, ou d'insister sur les apprentissages fondamentaux avec certains élèves en difficulté. Enfin, les projets éducatifs conduits au niveau local ont bénéficié de la réforme, qui a permis d'améliorer les contenus des activités périscolaires au bénéfice des écoliers. Mais une telle démarche s'inscrit sur la durée et il est difficile, à l'échéance d'une seule année, d'en évaluer la portée !

La pérennisation du fond d'amorçage, destiné à aider les communes à l'application de cette réforme, devrait être assurée pour une année supplémentaire et je ne m'interdis pas de revoir son attribution par l'introduction de critère de ressources. Je suis ouvert à des propositions de modulation des sommes allouées par le fonds. Il fallait veiller que la mise en oeuvre de cette réforme des rythmes scolaires ne conduise pas à créer de nouvelles inégalités entre les communes. Elle ne doit pas non plus nourrir une certaine conception consumériste de l'établissement scolaire. C'est pourquoi, la réaffirmation du rôle de l'État, comme l'illustrent les deux décisions des juridictions administratives que j'ai évoquées, me paraît une bonne chose.

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