Cette carte est un leurre. On joue au puzzle alors que les enjeux essentiels sont ailleurs ! Cette réforme a deux générations de retard. M. Jean-Marie Miossec a montré, dans son très beau livre Géohistoire de la régionalisation en France, que la réforme régionale est un sujet qui a suscité de nombreuses propositions de réformes depuis un siècle. Ce texte n'est plus du tout d'actualité : dans une société en réseau, la cohérence et la pertinence ne coïncident pas avec les périmètres définis. Les opérateurs de réseaux, qu'ils soient publics ou privés, ont mis la main sur les biens communs, comme les réseaux numériques, environnementaux ou de transport, et leur gouvernance est complexe.
Je n'ai pas grand-chose à dire sur la carte : elle est destinée à occuper le débat public. De ce point de vue, l'objectif politique est parfaitement atteint. Du point de vue scientifique en revanche, il s'agit d'une comédie, signe d'un retour en arrière dans la compréhension des mécanismes à l'oeuvre : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». La question fiscale n'est pas traitée, ni celle du contrat démocratique, à repenser de façon post-territoriale, ni celle de la maîtrise des réseaux. Mais nous adorons discuter sans fin de la composition de l'équipe de France de football et de la carte des régions...
La réussite de la réforme n'est pas affaire de taille critique, de fusions, de cohérence ; elle dépend plutôt de la mise en place des outils qui permettent aux territoires, à tous les échelons, de coopérer, nouer des alliances, travailler en réseaux, exercer des compétences partagées, éventuellement dans des cadres transfrontaliers. La fusion pour constituer de grandes firmes, c'est le siècle passé. L'avenir est aux réseaux et aux clusters. Mieux vaut changer les règles que la carte !