Intervention de Daniel Béhar

Commission spéciale sur la délimitation des régions — Réunion du 24 juin 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Daniel Béhar géographe professeur à l'institut d'urbanisme de paris M. Gérard-François duMont recteur professeur à l'université de paris-sorbonne paris iv M. Hervé Le bras directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales M. Patrick Le lidec chargé de recherche au cnrs M. Jacques Lévy professeur de géographie et d'aménagement de l'espace à l'école polytechnique fédérale de lausanne M. Romain Pasquier directeur de recherche au cnrs M. Philippe Subra professeur des universités université paris 8-vincennes-saint-denis et M. Martin Vanier professeur en géographie et aménagement à l'université joseph fourier grenoble i

Daniel Béhar, géographe, professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris :

Je m'intéresserai aux conséquences liées à la création de grandes régions sur l'action publique. Depuis la décentralisation, les régions, à l'image de la Bretagne, se sont constituées comme des nations, des espaces politiques fondés sur un sentiment d'identité. Elles ont toutes fabriqué des patriotismes régionaux, ce qui complique parfois l'action publique. Peut-on, en effet, discerner une économie des Pays-de-la-Loire ? Je distingue une économie du Grand-Ouest, une économie du Choletais ou une économie de la Vendée, mais pas celle des Pays-de-la-Loire !

Les régions étaient de petites nations ; en accroissant leur taille, la réforme va les étatiser. La suppression de la clause de compétence générale renforcera encore le processus. Elles deviendront des instances de fabrication des politiques publiques. Les contrats de plan État-région (CPER) ont toujours constitué un instrument de sous-traitance des politiques publiques au service de l'État. Désormais, les régions étatisées devront contribuer davantage à la conception des politiques publiques, à l'image des pactes conclus entre l'État fédéral allemand et les Länder. Il conviendra aussi de renforcer les coopérations interrégionales. Par exemple, le Grand-Est, collaboration entre l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté, fait sens au regard du système productif.

L'autre question est celle du rapport entre les régions et les villes. Depuis les années 60, le couple régions-villes est perçu comme l'instrument de la modernisation du territoire. Mais cela ne fonctionne pas ainsi. Récemment, on a confondu la notion de métropole ou de puissance urbaine avec celle de capitale régionale. Amiens métropole... Les villes s'affirment d'un point de vue socio-économique, mais entrent en concurrence avec la région. La mésentente notoire entre le président de la région Rhône-Alpes et le président du Grand Lyon en est l'illustration. Avec de plus grandes régions, le couple région-réseau métropolitain se substituera au couple région-capitale régionale. Ainsi, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, le président du conseil régional aura face à lui trois métropoles, si l'on inclut la région genevoise ; dans le même temps, le système métropolitain lyonnais se déploiera jusqu'à Clermont-Ferrand. La spécialisation des pouvoirs s'accroîtra et deviendra plus fine. Cette carte laisse sceptique mais elle ouvre des chantiers nouveaux, qui ne relèvent ni de la puissance, ni de la pertinence.

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