Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi sur le prix unique du livre du 10 août 1981 a permis à notre pays de maintenir un réseau dense de librairies sur tout le territoire et d’assurer la diversité de la création littéraire.
Elle a permis de protéger les librairies indépendantes menacées par la concurrence des grandes surfaces qui vendent des livres à moindre coût.
Reposant sur l’idée juste que la concurrence par les prix déboucherait sur un amoindrissement de l’offre culturelle, cette loi a créé le principe d’un prix unique fixé par l’éditeur s’imposant à tous les détaillants.
Le maximum de rabais autorisé sur les livres est ainsi fixé à 5 % du prix déterminé par l’éditeur.
Cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale, tend à préserver la loi sur le prix unique du livre en l’adaptant à la vente de livres en ligne qui se développe très rapidement.
Or, le prix unique du livre est aujourd’hui contourné et remis en cause par les pratiques commerciales des grandes multinationales d’e-commerce, pratiques qui relèvent d’une concurrence déloyale. Ces grands groupes, dont le plus emblématique est Amazon, offrent en effet les frais de port et accordent en plus 5 % de réduction sur le prix des livres, relançant ainsi une concurrence par les prix.
Cette proposition de loi interdit donc l’application de la remise commerciale de 5 % pour les livres commandés en ligne et livrés à domicile, ainsi que la gratuité des frais de port. Nous l’avons soutenue d’emblée et nous allons continuer à le faire avec vous, car c’est la préservation de l’exception et de la diversité culturelles qui est en jeu.
Ce texte vise à protéger la culture, à limiter les effets pervers provoqués par les pratiques de vente en ligne de livres ; ce faisant, il contribuera à la pérennité du réseau de librairies indépendantes sur notre territoire, déjà tellement fragilisé, et par là même à la diversité éditoriale.
S’agissant de l’amendement présenté par le Gouvernement en première lecture, qui autorise à modifier par ordonnance des dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, telles que prévues par l’accord-cadre sur le contrat d’édition du 21 mars 2013, je ne peux que souligner à nouveau, comme nous l’avons fait en première lecture, notre désaccord avec cette manière de procéder. La voie de l’ordonnance est une procédure qui tend à déposséder le Parlement de ses droits et amoindrit donc la démocratie.
Pour autant, nous voterons cette proposition de loi.
Enfin, nous saluons l’attitude de fermeté de Mme la rapporteur et de la commission des affaires culturelles qui, par une position unanime, a refusé de céder aux menaces de la Commission européenne. Cette dernière, estimant que l’interdiction de la gratuité des frais de port portée par cette proposition de loi « serait disproportionnée », menace la France de contentieux avec un risque de condamnation.
Ne nous laissons pas impressionner ! Félicitons-nous, au contraire, que la France soit porteuse d’une décision courageuse et agisse au niveau européen pour maintenir et pour défendre le principe d’exception culturelle. Elle l’a déjà fait sur la TVA sur le livre et la presse en ligne, malgré les oppositions de Bruxelles, ce qui a permis a posteriori de faire évoluer l’attitude de la Commission, aucune condamnation n’ayant été prise.
En parlant de l’Europe et du livre, je voudrais conclure mon intervention en rappelant la nécessité d’une grande réforme fiscale, car les entreprises dont nous parlons, les pure-players établies dans des paradis fiscaux, ne s’acquittent pas du paiement de la TVA et ne sont pas soumises aux mêmes taux d’imposition sur les bénéfices qu’en France !
Selon la Fédération française des télécommunications, Google, Amazon, Facebook et Apple dégageraient de 2, 2 à 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, mais ne verseraient chacune en moyenne que 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés.
Il est donc urgent d’avancer sur ces questions. J’appelle le Gouvernement à œuvrer pour que l’Europe se saisisse enfin de cette question du dumping social, afin que ces entreprises ne puissent plus poursuivre leur stratégie d’accroissement des profits au mépris du droit, de la fiscalité, et bien sûr de la culture.
Enfin, puisque c’est sans doute la dernière fois avant les prochaines élections sénatoriales que la commission des affaires culturelles a à intervenir en séance publique, je tiens à adresser tous mes remerciements à Mme la présidente de la commission pour la manière dont elle a conduit nos travaux et à l’assurer de toute mon amitié. §