Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 12 novembre 2007 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

... soit dix fois plus que ce qu'on nous propose aujourd'hui.

Vous l'aurez compris, quelques mesures cosmétiques ne suffiront pas à dissiper nos craintes. Les incertitudes qui planent sur vos prévisions sont très lourdes et les rendent inconsistantes.

De plus, les mesures que vous nous proposez sont nettement insuffisantes. Elles pénalisent le plus grand nombre sans rassurer personne. Aussi voudrais-je, pour conclure, vous interroger sur vos intentions réelles à court et à moyen termes.

J'en viens pour cela à la dernière continuité, celle de vos décisions inspirées de la politique du pire.

Vous avez en réalité deux problèmes : le stock de dette accumulé et les mécanismes de formation de la dette.

En ce qui concerne le stock de dette, pour gérer les écarts de trésorerie, vous n'aurez d'autre choix que de relever le plafond des autorisations d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, ce qui signifie que les dépenses à crédit s'envolent littéralement. D'ailleurs, tout à l'heure, M. Woerth l'a pratiquement dit ! Nous étions à 12, 5 milliards d'euros à la fin de 2006, nous constaterons le double en 2007 et l'on nous annonce un plafond de 36 milliards d'euros pour 2008 !

À ce niveau-là, on comprend très bien que l'ACOSS est désormais une CADES bis.

Les autorisations de découvert se sont muées en une dette cachée, mais bien réelle ! Cette dette discrète se convertira prochainement en une dette officielle.

Nous comprenons bien en effet entre les lignes, du fait de l'absence de réponse à nos questions sur le rééquilibrage financier, qu'à terme vous augmenterez la dette sociale en rouvrant la CADES. Vous ajouterez 30 milliards ou 35 milliards d'euros aux amortissements que la caisse doit encore assumer et qui s'élèvent aujourd'hui à près de 75 milliards d'euros, ce qui portera la dette totale au niveau monumental de 105 milliards ou de 110 milliards d'euros.

Comme tout transfert de dette à la CADES est accompagné d'un transfert correspondant de recettes, vous augmenterez la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et le tour de passe-passe sera joué.

Quel signal calamiteux à l'heure où les jeunes actifs doutent de la pertinence du système de solidarité entre les générations ! La sécurité sociale des vivants payée par les générations à venir : quel pacte social est-ce là ?

Je dirai également un mot sur la formation de la dette.

Une fois dégagés de la responsabilité des impayés, vous engagerez un train de réformes drastiques pour limiter le creusement des déficits. Ce sera inévitable en matière d'assurance vieillesse : la loi Fillon prévoyait un déficit à 1 milliard d'euros en 2008 ; nous serons au-delà de 4 milliards d'euros, et les années suivantes seront à l'avenant !

Aussi vous faudra-t-il réagir : vous renierez les promesses du Président de la République en matière de minimum vieillesse et de pensions de réversion ; vous chercherez de nouvelles économies au détriment de toutes les catégories d'assurés, pas seulement dans les régimes spéciaux dont vous nous parlez abondamment et dont la réforme rapportera bien peu au regard des besoins ; vous renoncerez aux négociations prévues en matière de pénibilité des métiers, certains l'évoquent déjà ; vous renchérirez les possibilités de rachat des années d'études et de cotisations incomplètes ; vous reviendrez même peut-être sur le dispositif des carrières longues, volet social de la réforme Fillon de 2003.

Voilà pour la retraite, mais il y aura aussi la santé : vous alourdirez les franchises ou développerez des participations systématiques aux dépenses ; vous réformerez le mode de financement des établissements hospitaliers dans le sens de la suppression des établissements ruraux ; vous créerez les remboursements à périmètre limité - le fameux panier de soins ; vous durcirez une fois encore les conditions d'admission en affections de longue durée, ALD.

Cependant, tout cela ne suffira pas ; il vous faudra aussi trouver de nouvelles recettes par les cotisations, la CSG ou la TVA.

Cette purge, vous nous l'administrerez après les élections municipales, bien entendu ! En attendant, nous aurons droit au traditionnel optimisme de circonstance et aux discours rassurants. Mais, au bout de tout cela, il y aura la politique du pire.

Vous avez été élus pour réformer, disiez-vous. Mais qu'attendez-vous pour le faire ?

Pour réformer durablement, il vous faudra d'abord résoudre l'antinomie fondamentale entre l'exercice libéral de la médecine et le financement socialisé. Or vous ne voulez pas vous y attaquer !

Aurez-vous assez de courage politique face à un certain lobby médical qui a érigé la politique de l'autruche en dogme de gouvernance ?

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