Intervention de Georges Othily

Réunion du 12 novembre 2007 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit la création d'une participation forfaitaire supplémentaire qui aura pour objet de contribuer au financement de trois chantiers : la recherche contre la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs et le plan cancer. Je me réserve d'intervenir sur l'une de ces principales innovations : la mise en place du plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer, retenue comme grande cause nationale par le Président de la République.

Jeudi dernier, la commission présidée par le professeur Ménard a remis au chef de l'État un rapport dans lequel figurent dix objectifs, vingt-huit recommandations et quarante-huit mesures, pour accélérer la recherche et pour une prise en charge digne des malades. Ces recommandations serviront de base à l'élaboration du plan Alzheimer 2008-2012, qui sera mis en place dès le 1er janvier de l'année prochaine.

En effet, l'urgence est incontestable dans notre pays. Les chiffres sont alarmants : 850 000 malades, 225 000 nouveaux cas chaque année, 1, 3 million de personnes atteintes en 2020 et 2, 1 millions en 2040. Ce fléau est la quatrième cause de mortalité dans notre pays.

Nous ne pouvons décemment laisser l'allongement de la durée de vie s'accompagner de la certitude d'être atteint de cette maladie irréversible. Si la cause de cette maladie reste encore inconnue, de brillants chercheurs - qui font un travail remarquable - ont pu dresser une liste de quelques facteurs aggravants : les personnes ayant du diabète et dont la tension et le taux de cholestérol sont élevés présentent des risques beaucoup plus grands d'être atteintes par la maladie d'Alzheimer en vieillissant.

C'est la raison pour laquelle il est essentiel d'adapter au plus vite notre système de santé à cette maladie, de rendre le diagnostic et la prise en charge plus précoces, tant dans l'hexagone que dans les départements et territoires d'outre-mer, où les cas d'hypertension, de diabète et de cholestérol ne cessent de croître de façon préoccupante. Mais il convient aussi de redéfinir les critères de base de la bonne alimentation pour tous.

Il me faut ici rendre hommage à l'ASGUAL, l'association Guyane Alzheimer, présidée par Mme Marie-Laure Phinera, qui fait un travail remarquable afin d'améliorer le sort de ceux qui sont atteints par cette maladie et de leurs proches.

La commune de Macouria, non loin de Cayenne, grâce à la bienveillance de son maire, a proposé à l'ASGUAL un terrain de deux hectares, dédié à la construction d'un centre d'accueil de jour et d'une unité de vie Alzheimer.

Cet établissement sera composé d'un centre de trente-six lits d'accueil temporaire - trois unités de douze lits -, de quatre lits « long séjour/unité de vie », de deux lits d'urgence et d'une unité d'hébergement de douze logements - dix logements postopératoires et deux logements pour les familles en visite. La surface utile du programme est de 3 400 mètres carrés. Le coût global de l'opération est de 835 000 euros. Il reste à trouver le financement et nous venons ici demander au Gouvernement la participation de l'État. Nous espérons être entendus.

La maladie d'Alzheimer, dont l'évocation fait toujours frémir, est un drame familial et social. Elle brise des milliers de vies - pour ceux qui en sont atteints - et des milliers de familles qui sont confrontées à cet enfermement de l'esprit et qui sont désarmées devant cette terrible maladie pour laquelle, un siècle après sa découverte par Aloïs Alzheimer en 1906, il n'existe malheureusement encore aucun outil de diagnostic ni aucun traitement.

L'une des principales questions qui préoccupe les familles confrontées à cette maladie est celle de la définition d'une ambitieuse politique de prise en charge des patients et de leur famille par des professionnels, spécifiquement formés pour intervenir auprès de ces malades et aider leur entourage proche.

Tout d'abord, s'agissant du diagnostic, moment tragique pour le patient et son entourage, qui voient leur vie s'effondrer en l'espace de quelques secondes et qui ont, plus que jamais, besoin d'aide et d'assistance, il est indispensable que médecins et équipes médicales soient formés à entourer cette annonce de mille précautions.

Car le diagnostic précède un terrible choc. Les questions s'entrechoquent : l'être aimé, l'être chéri est-il toujours présent dans ce corps qui ne me reconnaît pas ? Les gestes d'amour et de tendresse ont-ils toujours le même sens si ce corps que je cajole me perçoit comme un étranger ?

Dans un second temps, lorsque les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer vivent à leur domicile, c'est la famille proche qui prend en charge le malade. L'aidant joue alors un rôle très important car c'est sur lui que repose la qualité de l'environnement dont dépend le bien-être du malade. En effet, celui-ci reste attaché aux choses qui l'ont rendu heureux et l'ont satisfait toute sa vie. Il a besoin de rester en contact avec sa famille et ses amis, de se sentir bien, en sécurité, de se repérer.

Or ces personnes doivent faire face à des situations difficiles. Elles sont confrontées au désapprentissage, à l'isolement, à un sentiment de « mort sans mort ». Prendre soin d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est un travail exigeant, qui demande beaucoup de temps, d'énergie morale et physique. Cette activité ne s'exerce pas sans de profondes modifications dans la vie quotidienne, pour l'équilibre familial et les relations avec le malade ; elle risque d'engendrer un épuisement physique et psychologique ou d'avoir des répercussions sur l'état de santé de l'aidant. Enfin, l'accompagnement des malades et de leur famille est essentiel lors de l'entrée en institution, lorsque le maintien à domicile n'est plus possible. Cette décision est en effet difficile et très douloureuse.

Dès à présent, il est essentiel que les professionnels soient bien formés pour agir dans l'intérêt des patients et de leur famille afin de préserver leur dignité. Les progrès de la recherche ouvrent de nouvelles perspectives quant à l'accompagnement thérapeutique et social des malades. Aussi me paraît-il important de réfléchir également aux différents métiers qui devront se développer pour redonner aux malades toute leur dignité et leur place à nos côtés : soignants à domicile, rééducateurs de la mémoire, accompagnateurs du quotidien. Ces nouveaux métiers devront être solidement encadrés par une éthique nouvelle. Comment préserver le libre arbitre d'un patient sans le remodeler ? Comment rééduquer la mémoire tout en préservant l'intimité de l'entourage ?

Madame le ministre, monsieur le ministre, les franchises médicales que vous proposez d'instaurer à l'article 35 et qui serviront à financer les soins palliatifs, la lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer devraient rapporter 850 millions d'euros. Malheureusement, cette somme ne suffira pas pour engager une véritable action. Vous proposez de créer, à partir de 2007 et en 2008, 6 000 places nouvelles par an en services de soins infirmiers à domicile ainsi que des places nouvelles en accueil de jour et en hébergement temporaire, pour faciliter la tâche des aidants familiaux.

Vous envisagez également de financer 7 500 places nouvelles en maisons de retraite. Si toutes ces mesures sont louables, je ne peux que vous alerter sur leur insuffisance. Par ailleurs, je souhaiterais savoir combien de places seront attribuées à l'outre-mer.

Il n'est plus possible de rattraper notre retard mais il est nécessaire d'anticiper l'accompagnement de cette maladie. Le combat que nous devons mener ne fait que commencer. Cette terrible maladie va toucher de plus en plus de familles et des personnes de plus en plus jeunes. Aussi, je forme le voeu que la mise en oeuvre de ce plan apporte des réponses aux enjeux que ce fléau majeur représente pour notre société française et, encore plus, pour notre société d'outre-mer.

Nous avons raison d'espérer, c'est même un devoir. Je serai à vos côtés.

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