Je m'exprime à titre personnel.
Nous débattons d'une motion référendaire sur un sujet qui nous rassemblait tous jusqu'à présent : la décentralisation, les territoires, la France et les Français. Allons-nous dans la bonne direction ? Je ne trouve pas, dans le projet qui nous est proposé, de vision politique globale, lisible, claire. Il n'écrit pas en préambule ce que nous allons faire de la France, dont la République est décentralisée, objet de notre travail de l'automne dernier. Contrairement à d'autres textes, il ne rassemble pas la majorité des groupes politiques du Sénat, sur un sujet d'essence sénatoriale. Selon certains, aucune importance si le Sénat, chambre des territoires, n'est pas d'accord, puisque l'Assemblée nationale aura le dernier mot : c'est difficile à entendre ici, tout de même !
Derrière ce texte se profilent d'autres projets Gouvernementaux, dont l'un nous a été adressé, qui soulève la question des territoires, des communes et des communautés de communes, lesquelles viennent d'être réformées, des départements, jugés indispensables il y a quelques mois et qui doivent à présent disparaître. Nous étudions ce texte dans des conditions assurément spéciales, dans des délais tellement courts qu'il n'est pas possible d'écrire, non pas un contre-projet, mais un projet meilleur. On ne peut pas dessiner la France des nouvelles régions en quelques heures, sur un coin de table. Il ne s'agit pas de mettre tout le monde d'accord, mais de faire converger les positions et cela exige un travail préalable cohérent. J'ajoute que ce projet n'atteindra pas les objectifs économiques qui sont les seuls affichés. La juxtaposition de régimes indemnitaires différents dans une même région n'est pas envisageable : comment justifier de diminuer les indemnités de certains personnels au motif qu'ils proviennent de telle ou telle collectivité ? Il y aura donc des dépenses supplémentaires, tout le monde le sait.
Un projet doit être économique, avant d'être comptable, même si nous devons exercer une vigilance plus que particulière sur les comptes publics. Dans le contexte de baisse des dotations que je comprends et accepte même, en mon for intérieur, car personne ne peut s'exonérer de l'effort de redressement du pays, comment ne pas comprendre que l'incertitude ainsi créée sur l'avenir des collectivités conduira à une chute abyssale des investissements publics et à des arbitrages erratiques ? Je suis très inquiet.
Le projet aurait dû créer huit à dix grandes régions, ainsi que nous en avions délibéré ensemble. Le Gouvernement ne l'ayant pas fait, il appartenait au Sénat d'avancer cette proposition qui nous rassemblait - certes, pas tout le monde, mais la plupart d'entre nous - parce que nous avions un projet politique. La France a perdu la bataille de la mondialisation, nos territoires sont trop petits, sauf deux ou trois peut-être, face aux enjeux d'une économie mondialisée qui est là, que nous le voulions ou non. Huit à dix grandes régions, donc, dotées d'un aéroport international, de l'accès en TGV à des métropoles en nombre réduit, d'autoroutes, du très haut débit, ouvertes sur le monde, accueillant les facteurs de l'économie de demain, la recherche-développement, l'innovation, les investissements... Ne menons pas la bataille de l'arrière, mais celle de l'avant, qui est économique ! Les collectivités ne sont pas des pompiers, elles ne sont pas là pour éteindre les incendies, mais pour accueillir la création de valeur, la préparation de l'avenir, donc les emplois de demain, en liant la compétitivité économique et la politique de l'emploi. Nous ne pourrons plus nous dispenser longtemps de relier cette politique à la formation et à l'accompagnement des entreprises. C'est une question de cohérence ! J'ajoute, toujours à titre personnel, et nous ne l'avons pas réussi collectivement, la santé, domaine de pointe, mais aussi d'inégalités territoriales croissantes. Nous devrions vendre nos atouts technologiques au monde entier. En retrouve-t-on la moindre trace dans ce projet ? Nullement ! Il nous est proposé de faire des régions de super-départements : est-ce cela que nous avons voulu ?