L'État est important, mais l'affectio societatis sur le terrain, c'est ce que le général de Gaulle a retrouvé lorsqu'il a revivifié les circonscriptions d'action régionale. Très souvent, la vitalité des régions dépend de leur cohésion. Pourquoi l'Alsace réussit-elle ? Parce que les Alsaciens sont fiers d'être Alsaciens et heureux de travailler ensemble. Nos régions n'ont eu qu'un demi-siècle d'existence pour se constituer ou se reconstituer. Elles y parviennent, plus ou moins facilement, et n'ont pas envie d'être traitées comme des circonscriptions administratives. Un chef d'entreprise peut réformer librement son réseau de concessions. Mais nous ne sommes pas des concessionnaires ! Notre tâche est de mobiliser des élus, qui sacrifient beaucoup de leur vie personnelle, professionnelle, familiale, pour qu'ils s'impliquent dans la vie locale. Devant le manque de considération de l'État que traduit ce projet, leur tentation est forte de vaquer à leurs propres affaires et de laisser l'État s'occuper de la vie quotidienne que les collectivités ont prise en charge et dont elles seront non pas déchargées, mais découragées.
Ma région est française depuis 1766 : ce n'est pas si long. L'Alsace a été créée en 1048. Le duché de Bar a été rattaché au duché de Lorraine en 1431, peu après la mort de Jeanne d'Arc. Nous ne sommes Français que depuis le traité de Vienne et la mort de Stanislas Leszczynski. L'appartenance de notre région à la France a causé plusieurs invasions, moins cruelles heureusement que la guerre de Trente ans. Metz est française depuis 1552. Fabert disait que Metz protège la France et cela reste vrai. Nancy est restée française, alors que l'Alsace et la Moselle ne l'étaient plus, entre 1870 et 1918, ce qui en fit la capitale intellectuelle de l'Est de la France. Cette histoire, cette tradition existent et il faut en tenir compte. Ne méconnaissez pas les sources de cet attachement à nos régions, n'oubliez pas ce qu'est la France, faite de cette succession de patrimoines accumulés, pas après pas, « un pas à la fois », s'il m'est permis de citer Péguy, à l'instar de François Bayrou.