Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 12 novembre 2007 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Faut-il continuer à adopter des mesures contestables, au coup par coup, sans en évaluer les effets pervers à moyen ou long terme ? C'est le cas de la généralisation de la tarification à l'activité à l'hôpital, dont vous sous-estimez l'impact inflationniste sur le nombre des actes, comme sur leur nature.

Faut-il refuser de mettre en place des mesures à coup sûr efficaces, comme l'extension, préconisée par la Cour des comptes, des cotisations sociales aux stocks-options à un taux suffisant, ce qui permettrait de réduire le déficit de 3 milliards d'euros ?

Faut-il se résigner, sans y remédier, à l'enlisement du chantier du dossier médical personnel, dont on plébiscite le principe sans mobiliser les moyens sollicités par le groupement d'intérêt public, sans résister aux pressions de lobbies industriels, qui ne voient dans cette belle idée qu'un marché à se partager ?

Je ne crois pas au conte que vous nous racontez, et je ne suis pas la seule. J''ai noté que la plupart des partenaires européens de la France n'y accordent pas le moindre crédit non plus, en dépit du plaidoyer du Président de la République devant le conseil Ecofin cet été à Bruxelles. En effet, le Gouvernement se fonde sur des hypothèses qui sont, une fois de plus, tout sauf crédibles : une prévision de croissance des dépenses limitée à 1, 5 % alors qu'elles ont progressé de 3, 5 % en 2007 ; une croissance du PIB de 2, 5 % ; une croissance de la masse salariale de 4, 4 % ; une inflation contenue à 1, 6 %.

Je ne crois pas à votre conte, parce que les mesures structurelles permettant d'accompagner le changement des comportements que vous appelez de vos voeux n'ont pas été prises et que celles qui relèvent des conditions de vie ne porteraient leurs fruits qu'à moyen ou long terme.

Restaurer la qualité de l'air ; limiter de façon drastique l'usage des pesticides et de façon générale des perturbateurs endocriniens, des produits cytotoxiques et reprotoxiques ; réduire la consommation de sel, de sucres rapides, de graisses saturées ; améliorer les conditions de travail, qu'il s'agisse de l'ergonomie des postes de travail, de l'intensité des rythmes de travail ou du stress ; faire reculer l'habitat insalubre ou indigne... Voilà ce qui changerait la donne !

Je ne crois pas à votre conte et je pense même que vous ne le racontez que pour endormir la méfiance des citoyens à quelques mois des élections municipales. C'est un secret de polichinelle : des mesures lourdes seront prises au lendemain de ce rendez-vous. Elles seront, espérez-vous, d'autant plus faciles à imposer à une population traumatisée par l'ampleur des déficits que la situation apparaîtra irrémédiablement dégradée. Votre objectif est de tourner le dos aux systèmes publics de solidarité et de confier notre sort aux assurances privées, présumées meilleures gestionnaires.

Il faut regarder de près ce qui se passe dans les pays qui, comme les États-Unis ou les Pays-Bas, ont fait ce choix. Si la protection reste excellente pour ceux qui peuvent la financer, elle est médiocre ou inexistante pour des millions d'autres.

La croissance des dépenses de santé est-elle inéluctable ? Le vieillissement de la population l'explique en partie, mais en partie seulement. Il nous préoccupe moins que l'envolée des maladies chroniques. Les affections de longue durée, les maladies cardio-vasculaires, les cancers, le diabète, l'obésité, les pathologies neuro-dégénératives représentent aujourd'hui 60 % des dépenses de santé. Or, ces affections ont en commun d'être fortement liées aux conditions de vie, au sens large.

Sommes-nous condamnés à déplorer, année après année, que les Français soient les premiers consommateurs de psychotropes d'Europe, à constater qu'il reste presque impossible d'imaginer qu'une consultation médicale ne se traduise pas par la remise d'une ordonnance, au prix d'accidents iatrogènes plus fréquents et plus graves qu'ailleurs ?

Des économistes de santé ont calculé que, si la France revenait au niveau de prescription moyen de la Finlande, qui n'est pas à proprement parler un pays sous-développé, on pourrait économiser 10 milliards d'euros chaque année. Et cela sans mettre en péril la santé des citoyens, grâce à un engagement massif contre le tabagisme, pour un meilleur équilibre alimentaire et pour une activité physique régulière.

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