Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a la forme et il y a le fond.
Sur la forme, ce n’est pas la première fois que, au nom d’un gouvernement, un ministre cherche à s’approprier la vérité, la cohérence, la réalité et la raison au service du projet de loi qu’il défend. Pour autant, il est abusif de dénier ces qualités à ceux qui viennent de présenter cette motion référendaire.
Ensuite, je ne partage pas le mépris qui est si souvent exprimé à l’égard de l’utilisation par les groupes parlementaires des moyens de procédure pour défendre leurs positions. La procédure, c’est la garantie d’un État de droit. Il n’y a pas d’État de droit sans respect des procédures.
D’ailleurs le Gouvernement lui-même n’a pas hésité à recourir à tous les artifices que lui offre la procédure en coupant en deux son projet de réforme, lequel forme en réalité un tout, parce que, pressé de retarder les élections, il craint de ne pas y parvenir. Qu’il ne nous reproche donc pas à nous de recourir à toutes les armes de la procédure parlementaire pour défendre notre point de vue !
Sur le fond, le présent projet de loi mérite-t-il un référendum ?
À vrai dire, il ne peut être répondu à cette question à l’emporte-pièce. Habituellement, quand on demande la tenue d’un référendum, c’est pour faire adopter de bonnes lois par le peuple français. Or, là, si nous soutenons cette motion référendaire, c’est pour faire rejeter par celui-ci un mauvais texte. Généralement, on souhaite obtenir un « oui », mais en l’espèce, on espère bien sûr un « non ». Nous nous trouvons donc dans une situation quelque peu paradoxale. Le Gouvernement, qui craint un « non » à la question qui serait posée, refuse le référendum et préfère passer par la voie parlementaire, sachant que, en donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale, il a les meilleures chances de parvenir à ses fins, contre l’assentiment des Français.
J’ajoute que c’est la première fois, depuis 1982, alors que nous discutons de l’évolution des libertés locales, que nous sommes appelés à examiner un texte de recentralisation. Car que seraient ces grandes régions qui accapareraient les pouvoirs de gestion des services à la population des départements si ce n’est des entités recentralisatrices ? Pour la première fois, on éloigne les services des habitants. Ils seront désormais gérés depuis les capitales de région, lesquelles seront encore plus éloignées des habitants que les capitales actuelles puisque les régions seront plus grandes.
Ces grandes régions auront des semelles de plomb et ne pourront pas contribuer au développement économique des territoires en planifiant les infrastructures.
La réforme qui nous est proposée conduira donc à une recentralisation – le centralisme régional n’a rien à envier au centralisme d’État quand il est lesté de compétences de gestion très lourdes –, mais également, du fait du démantèlement des départements, à un éclatement des compétences de proximité et à la mise à mort de la seule collectivité importante qui assure aujourd'hui la mutualisation des moyens sur un territoire. Il s’agit aussi d’une réforme de « démutualisation », alors que l’on prétend le contraire. Et elle produira un effet sur toutes les compétences exercées par les conseils généraux. Cette incidence est très simple à imaginer : une inégalité entre les territoires, alors que le département assure à l’heure actuelle la plus grande harmonie possible grâce à son action péréquatrice. Il en résultera également une inégalité des citoyens en termes de droits sociaux.
Ces nombreuses raisons expliquent qu’il ne faille entamer la discussion ni du présent texte ni du second qui sera présenté ultérieurement. Il faut en réalité les réunir en un seul projet de loi et soumettre ce dernier au référendum. §