Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel — Réunion du 1er juillet 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Najat Vallaud-belkacem ministre des droits des femmes de la ville de la jeunesse et des sports

Najat Vallaud-Belkacem, ministre :

Non, le texte n'a pas vocation à tout régler du jour au lendemain, aucune loi n'a d'ailleurs cette prétention. Il s'agit avant tout d'une rupture. Notre regard doit changer : les personnes prostituées sont enfermées dans la misère, elles ont souvent été obligées de se prostituer alors qu'elles étaient encore mineures et qu'elles avaient été victimes de violences sexuelles de la part de leur entourage familial. À 90 %, elles dépendent de réseaux de traite. Et ce sont ces femmes à la vie inimaginable, que l'on poursuit ? Pourquoi ne pas s'interroger sur la responsabilité des clients ? Ils ne peuvent prétendre ignorer ce qui se passe.

Le rapport de l'Igas de décembre 2012 rappelle que l'espérance de vie des personnes prostituées est 40 % inférieure à celle de la moyenne de la population française, identique à celle des sans domicile fixe (SDF). N'est-il pas temps de proposer à ces personnes un parcours de sortie de la prostitution ? Pour cela, affirmons que cette activité n'est pas normale.

Notre pays affirme depuis longtemps une position humaniste : avec cette proposition de loi, nous avons l'occasion de faire un nouveau pas en avant en précisant les responsabilités des clients et en définissant quelles sont les personnes à protéger. Parfois, celles-ci estiment que leur choix a été fait à défaut de mieux. Mettons-nous à leur place : si jamais je me retrouvais seule avec mes enfants, sans aucun revenu, j'aimerais qu'une loi empêche les hommes de recourir à mes services tarifés et me propose une autre issue. Lorsque nous aurons gravé dans le marbre de la loi ce qui n'est pas acceptable, notre culture évoluera et l'acte sexuel tarifé ne sera plus banalisé, surtout chez les jeunes.

Les clients pauvres ne risquent-ils pas d'être plus sanctionnés que les autres, avez-vous demandé ? Dans la lutte contre les trafics de drogue, les petits dealers risquent plus de se faire arrêter que les gros trafiquants, mais faut-il pour autant ne pas sanctionner ? Certes, des clients passeront au travers des mailles du filet, mais ce qui importe, c'est d'énoncer un principe clair et compréhensible pour tous afin, entre autres, de mener des campagnes grand public.

Actuellement, la loi punit le client ayant recours à une personne prostituée mineure ou vulnérable. Cette proposition de loi étend ce dispositif à toutes les femmes, car la prostitution ne peut pas être un projet de vie.

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