Intervention de Jean-Luc Harousseau

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Rapport annuel de la has — Audition de M. Jean-Luc Harousseau président du collège de la haute autorité de santé has

Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de santé :

Notre intervention portera sur le rapport annuel et deux rapports particuliers, ceux des commissions réglementées que sont la commission de la transparence et la Cnedimts, qui vous seront présentés par leurs présidents respectifs.

En 2013, nous avons publié sur notre site le projet stratégique de la HAS pour 2013-2016. Un slogan le résume : la HAS souhaite participer à la régulation des soins par la promotion de leur qualité et de leur efficience. Qualité des soins et sécurité des patients font en effet partie de nos missions historiques. Nous ne souhaitons cependant pas nous contenter de délivrer des avis et recommandations sur l'état de l'art, nous voulons aider les décideurs à réguler le système. Nos recommandations doivent donc être rédigées de telle sorte qu'elles soient suivies d'effets. La recherche de l'efficience s'impose dans un contexte budgétaire contraint. Chacune de nos décisions reposera sur le calcul d'un rapport coût-efficacité. Nous avons depuis 2008 des missions d'évaluation des stratégies de santé publique ; depuis 2012, nous sommes tenus d'évaluer l'efficience des produits de santé. Chaque loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) nous confère une nouvelle mission d'évaluation...

Nos dépenses de fonctionnement s'élèvent à 55 millions d'euros. Ce budget est en baisse constante depuis 2011. Cela suppose des efforts de notre part. Remplissant nos nouvelles missions avec des effectifs en baisse, nous avons dû adapter notre organisation interne.

Notre première mission est d'évaluer les médicaments et les dispositifs médicaux. Nous évaluons en outre les actes professionnels et les technologies de santé. Nous avons par exemple formulé de strictes recommandations - peut-être trop strictes d'ailleurs, d'après l'Académie de médecine et les professionnels - sur le recours au dosage de la vitamine D, souvent excessif. L'efficience est en tout cas au coeur de nos préoccupations. Nous avons également émis une recommandation technologique sur le diagnostic précoce du chikungunya et de la dengue.

Nos évaluations médico-économiques et de santé publique ont notamment porté en 2013 sur les sartans, molécules nouvelles utilisées pour traiter l'hypertension artérielle. Celles-ci sont efficaces mais coûteuses, donc faiblement efficientes. Nous avons recommandé une baisse de leur prix. Autre exemple dont nous avons eu à connaître : les contraceptifs, à la suite des polémiques entourant les pilules de troisième génération.

Aux termes de la LFSS de 2012, nous préparons des avis d'efficience sur les médicaments et dispositifs médicaux. En lien avec le comité économique des produits de santé (CEPS) et l'industrie pharmaceutique, nous avons défini les règles, médicaments et dispositifs médicaux qui pourraient en faire l'objet : sont concernés les produits pour lesquels les industriels revendiquent une amélioration du service médical rendu importante, de niveau I, II ou III, et qui ont un impact significatif sur les dépenses de l'assurance maladie, c'est-à-dire dont le chiffre d'affaires prévisionnel atteint 20 millions d'euros après deux années de commercialisation. Les premiers avis d'efficience seront rendus à compter de cette année.

La recommandation de bonnes pratiques professionnelles est une activité classique de la HAS. En matière de contraception par exemple, nous avons publié huit fiches très simples à l'attention des professionnels, ainsi que des femmes qui y recourent. Notre stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 a eu un fort impact : elle promeut, à rebours des médicaments nouveaux et plus chers généralement mis en première ligne, des médicaments moins chers et plus anciens.

La HAS certifie en outre les établissements de santé, mission qui préoccupe parfois les élus. La procédure dite V2010, lancée il y a quatre ans, prendra fin cette année. Elle concerne 2 700 établissements publics et privés, en psychiatrie, médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique et soins de suite et de réadaptation. En 2013, 18 % des 2 000 établissements alors contrôlés ont été certifiés sans remarques, 35 % avec recommandations, 36 % avec réserves et un sursis à certification a été décidé dans 11 % des cas. Ce taux de sursis a étonné les inspecteurs de l'International accreditation program, chargés d'évaluer les organismes certificateurs ; il est en effet plus faible dans de nombreux autres pays où les organismes certificateurs ne sont pas indépendants. La certification est un outil d'amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients. Les recommandations qui accompagnent la certification portent tantôt sur les procédures, tantôt sur l'activité même des établissements : bloc opératoire, dossiers des patients, prise en charge médicamenteuse, etc.

Pour préparer la vague de certification à venir, dite V2014, nous nous appuyons sur les enquêtes réalisées sur les suites données par une soixante d'établissements-témoins aux précédentes certifications. Beaucoup donnent le coup de collier nécessaire à l'approche de leur inspection, et relâche leurs efforts ensuite. Notre compte qualité 2014, sorte de contrôle continu des établissements, entend y remédier en lissant la procédure dans le temps et en produisant un rapport tous les deux ans. Seconde innovation de 2014 : le suivi d'un « patient traceur » tout au long de son hospitalisation, afin de remettre le patient et le parcours de soins au centre de nos préoccupations. Les profils de risques des établissements seront ainsi affinés.

D'après l'étude réalisée en 2013, 60 % des réserves exprimées lors de la certification dite V2006 ne l'ont plus été à l'occasion de la V2010. La certification s'appuie sur des indicateurs de qualité et de sécurité des soins recueillis avec l'aide de la direction générale de l'organisation des soins (DGOS). En 2013, nous avons publié 53 indicateurs pour 13 thèmes. Ils concernent désormais moins les procédures que les actes de prise en charge clinique : des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus du myocarde, des insuffisances rénales traitées par hémodialyse, ou des hémorragies du post-partum par exemple. Ces indicateurs sont amenés à évoluer ; nous travaillons avec la DGOS à mieux évaluer la sécurité des patients au moyen d'indicateurs de morbidité et de mortalité, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de comparaison en fonction des facteurs de gravité.

L'amélioration par les établissements de leurs indicateurs peut être stimulée de diverses manières. D'une part, en récompensant les efforts fournis. Le projet « Ifaq » de la DGOS et la HAS calcule pour chaque établissement un score composite destiné à récompenser l'excellence par la rémunération à la qualité. D'autre part, en comparant les établissements entre eux : c'est l'objet du site Scope Santé, qui rend publics les indicateurs d'activité des établissements. Ce site, lancé le 28 novembre 2013 et en évolution perpétuelle, géolocalise le service hospitalier le plus proche et le compare à tous ceux du territoire régional et national. Principalement utilisé par les professionnels, il a vocation à intéresser plus largement les usagers, conformément à la mission que nous a confiée la LFSS de 2012.

Nous accréditons également les professionnels de santé dont l'exercice comporte des risques, comme les chirurgiens ou les obstétriciens. Les événements porteurs de risques doivent nous être déclarés. Ce système fonctionne bien, mais la liste de ces événements pourrait être actualisée. Les médecins accrédités bénéficient d'une aide au financement de leur responsabilité civile et professionnelle. Nous travaillons sur l'hypothèse d'une accréditation en équipe, au moyen de notre programme d'amélioration continue du travail en équipe, déployé à titre expérimental en anesthésie et en obstétrique.

La loi nous a également donné pour mission de certifier les moyens d'information médicale. S'agissant des sites Internet, notre partenariat avec l'organisation suisse Health on the net a fait place, face à la multitude de sites à contrôler, à des actions plus ciblées. Nous avons traduit en 2013 un manuel remarqué de l'Organisation mondiale de la santé sur les méthodes et pistes d'amélioration des visites médicales. Nous avons contribué à l'élaboration d'une charte qualité de la presse médicale, ainsi que sur les questions de transparence, d'indépendante et d'éthique professionnelle. Sous la responsabilité de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), nous avons alimenté la base de données du médicament au moyen des synthèses rendues par la commission de la transparence. Nous certifions enfin les logiciels d'aide à la prescription - 35 ont été certifiés en 2013 - et à la dispensation.

Afin d'améliorer la qualité des soins, nous encourageons la mise en place du développement professionnel continu. Notre rôle est ici limité : nous précisons les méthodes, rédigeons des fiches, organisons des réunions d'information, qui sont autant d'occasions d'obtenir des retours d'expérience, sur la césarienne programmée par exemple.

L'article 51 de la loi HPST nous donne mission de faciliter la coopération entre professionnels de santé. Nous nous heurtons en la matière à la dissémination des initiatives locales, et à la nécessité de former le personnel à qui sont délégués des actes médicaux. En pratique, les professionnels transmettent leurs protocoles à l'agence régionale de santé, puis à la HAS, qui vérifie le bénéfice apporté à la qualité des soins et s'assure de l'absence de risque.

Nous continuons à travailler sur les questions de pertinence des soins. Certains problèmes ont été réglés par des notes spécifiques, comme en matière de bronchiolite ou d'hospitalisation pour bronchopneumopathie chronique.

Nous rédigeons des guides précisant les parcours de soins, notamment pour les affections de longue durée. Les professionnels souhaitaient que cette action soit plus opérationnelle. Nous produisons désormais davantage de fiches « points clés et solutions » sur les conduites à tenir et les problèmes organisationnels posés par certaines maladies chroniques ; nous avons en outre créé des programmes personnalisés de soins, notamment pour les personnes proches de la perte d'autonomie, et réalisé une grille d'évaluation des protocoles pluri-professionnels. Nous souhaitons donner les outils utiles aux professionnels sur le terrain, en tenant compte des nécessaires adaptations locales, en lien avec les ARS.

Un mot enfin sur trois volets importants de notre action. D'abord, nous travaillons beaucoup à l'échelle européenne et internationale. Nous avons été en 2013 moteurs de la création du réseau European network for health technologies assessment, à l'origine de recommandations sur l'évaluation des médicaments et dispositifs médicaux, et sommes leaders de la stratégie pour la sécurité des patients de l'Union européenne. Ensuite, notre action est fortement tournée vers les usagers, qui jouissent désormais du même statut que les experts dans nos commissions, sauf au sein des deux commissions réglementées : nous souhaitons évoluer sur ce point. Enfin, nous accordons beaucoup d'importance à notre mission d'information générale, à destination des professionnels et du grand public. Notre site a été refondu en 2013, le moteur de recherche amélioré, et nous encourageons l'essor des rencontres inter-régionales de professionnels. En 2013 se sont tenus à Paris des événements sur l'innovation en matière de dispositifs médicaux - au Sénat - et la politique d'indicateurs.

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