Intervention de Loïc Guillevin

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Rapport annuel de la has — Audition de M. Jean-Luc Harousseau président du collège de la haute autorité de santé has

Loïc Guillevin, président de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé :

Je préside la commission de la transparence de la HAS depuis le début de l'année. Le circuit du médicament est assez complexe : enregistré au niveau européen, il doit ensuite faire l'objet, de la part de l'ANSM, d'une autorisation de mise sur le marché français - peu de médicaments suivent une procédure strictement française. La commission de la transparence donne ensuite un avis qui servira au CEPS à évaluer le prix du produit, et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) son taux de remboursement - la décision finale appartenant aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Les critères de décision reposent sur les caractéristiques des malades, le degré de gravité de la pathologie et une analyse exhaustive de la littérature - dont une partie est fournie par l'industriel lui-même. Le bien-fondé de notre avis dépend du service médical rendu (SMR) par le produit, et de l'amélioration de celui-ci (ASMR). Les effets des médicaments s'inscrivent dans une stratégie thérapeutique qui va au-delà de la simple approbation médicale. La notion de service médical rendu est relativement simple : elle rend compte de l'efficacité du médicament. Depuis 2012, les laboratoires sont tenus de fournir des données de morbidité et de mortalité. Selon que le service médical rendu est important, modéré ou faible, le remboursement proposé par l'Uncam sera de 65 %, 30 % ou 15 %. S'il est insuffisant, son déremboursement peut être recommandé. Dans un système comme le nôtre, une telle décision équivaut à tuer un produit.

La notion d'amélioration du service rendu situe le médicament par rapport à un comparateur. Cet indicateur se décline en cinq niveaux, l'ASMR de niveau V indiquant une amélioration inexistante, soit la majorité des cas. Ce n'est pas infâmant : cela implique simplement que le produit est proche des molécules existantes. Cet indicateur pèse davantage sur le prix du produit que sur son taux de remboursement. Lorsqu'il est bon, le CEPS est fondé à proposer un prix supérieur à ceux des comparateurs. Un produit dont l'ASMR est de niveau V n'est inscrit que s'il est moins cher que les autres. Pour figurer dans la liste des médicaments pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation, son ASMR doit être au moins de niveau IV.

Est également pris en compte l'intérêt pour la santé publique : l'effet individuel n'est plus seul pris en compte ; l'impact sur la population générale l'est aussi. Les données épidémiologiques ne sont pas toujours faciles à obtenir. Nous ne sommes pas tenus de suivre les chiffres fournis par les industriels. Nous raisonnons sur une population cible, en estimant le nombre de patients. S'agissant du traitement de l'hépatite C, le calcul de cette population cible sera au coeur des débats. Nous nous appuyons en outre sur la littérature existante, et l'avis d'un certain nombre d'experts.

Des affaires récentes ont en effet révélé que certaines molécules pouvaient avoir des effets indésirables à long terme. C'est pourquoi nous demandons parfois des études postérieurement à l'inscription des médicaments. Le CEPS dispose aussi de cette faculté. Les industriels sont alors tenus de nous les fournir dans le délai qui leur est imparti.

En 2013, nous avons procédé à 209 premières inscriptions et 48 extensions d'indication. Nous rappelons en effet tous les médicaments au bout de cinq ans, plus tôt si nécessaire, par exemple si le remboursement d'un médicament coûte plus cher que prévu. Certains sont radiés : 92 en 2013. Il s'agit de ceux dont l'ASMR est de niveau V notamment, mais aussi des produits ayant rencontré des problèmes de conditionnement, ou dont nous avons été saisis par le ministre de la santé. Nous pouvons néanmoins nous autosaisir sur un médicament ou une famille de médicaments - nous l'avons fait pour les benzodiazépines - ou pour réévaluer un SMR ou une ASMR. Nous avons reçu 761 dossiers en 2013, dont 671 ont été analysés, les autres ayant fait l'objet d'un rejet immédiat. Nous sommes tenus de nous prononcer en 90 jours et ce délai a été respecté dans 90 % des cas. Le délai moyen est aujourd'hui de 102 jours, car les industriels peuvent faire appel de nos décisions. Nous atteindrons les 90 jours dès 2014.

Toutes les nouvelles molécules sont accompagnées de documents de synthèse - 69 fiches de bon usage en 2013. Nous les diffusons largement, et les actualisons au fur et à mesure.

La piètre qualité de certains dossiers nous étonne parfois. C'est pourquoi nous programmons des rendez-vous anticipés, à l'occasion desquels nous donnons aux industriels les orientations utiles. Pour autant, nous ne faisons pas office de conseil.

Pour 2014, nous ambitionnons d'abord d'étudier davantage de dossiers - entre 700 et 800 -, de rendre davantage d'avis, de respecter le délai cible de 90 jours. Ensuite, nous avons engagé une réflexion sur la convergence des indicateurs SMR et ASMR, afin de rendre nos décisions plus lisibles et plus aisément reproductibles. Nos voisins ont souvent un indice unique. Enfin, nous projetons d'ajouter aux avis de la commission, souvent très techniques, des recommandations et des stratégies de traitement. Les comparateurs sont légion, et de nouvelles molécules ne manqueront pas de bouleverser les pratiques. Nous sommes tenus d'aider autant que nous le pouvons les praticiens et les pouvoirs publics à prendre les bonnes décisions, d'autant que les durées de traitement sont souvent mal définies.

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