Intervention de Jacques Belghiti

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Rapport annuel de la has — Audition de M. Jean-Luc Harousseau président du collège de la haute autorité de santé has

Jacques Belghiti, président de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité de santé :

Les dispositifs médicaux sont nombreux : abaisse-langue, canne, matelas anti-escarres, prothèses orthopédiques, valves cardiaques, stents glissés dans les artères...

Contrairement aux médicaments, aucun filtre ne précède le marquage CE. Ce dernier garantit que le produit correspond aux exigences des offices compétents de chaque Etat membre - certains pays, comme l'Allemagne, en comptent quatre ou cinq, la France un seul. Tous les dispositifs médicaux sont ensuite étudiés par la Cnedimts, qui évalue l'opportunité de leur remboursement. Certains sont liés à des actes médicaux : la commission donne alors son avis sur l'inscription de celui-ci dans la nomenclature. La prise en charge de certains produits innovants est désormais possible à titre dérogatoire : la commission décide de son opportunité et du niveau de service attendu. Est pour cela exigée la démonstration d'un intérêt notable du produit, défini par la modification de l'évolution spontanée d'une maladie, d'un handicap ou d'un symptôme ou le changement notable de sa prise en charge.

Les éléments de preuve à la disposition de la HAS pour évaluer l'intérêt des médicaments ne sont pas toujours disponibles pour les dispositifs médicaux. En la matière, la littérature est mince. Parfois, les études comparatives sont impossibles à réaliser. La gravité de la maladie et l'importance de la population concernée sont d'autres critères d'appréciation.

En 2013, nous avons rendu 163 avis. Ceux-ci ont été positifs dans trois quarts des cas. Le niveau général d'amélioration du service médical rendu est assez faible : aucune ASMR de niveau I ou II n'a été enregistrée en 2013, contrairement aux années précédentes. Les valves cardiaques implantées par voie intra-artérielle, amélioration de première importance, s'étaient vues attribuer une ASMR de niveau II. Les délais d'instruction baissent : 75 % des demandes sont traitées dans les 90 jours.

Nos objectifs sont désormais quadruples. D'abord, développer les rencontres précoces avec les industriels, afin d'améliorer la qualité des dossiers présentés. Ensuite, accélérer le processus de décision. La France est leader dans ce secteur technologique, et compte de nombreuses entreprises innovantes : ne freinons pas leur développement. Nous devons en outre renforcer l'évaluation sur des critères académiques, et surmonter les obstacles posés par la lutte contre les conflits d'intérêts : l'expertise peut-elle se passer de travaux en lien avec l'industrie médicale ? Il y a là un arbitrage bénéfices-risques à effectuer. Il vaut parfois mieux se passer d'expert plutôt que de recourir à un expert dépourvu d'expérience pratique. Nous pourrions faire appel à des experts européens, ou équilibrer les critères de décision, entre littérature et parties prenantes.

Quatrième objectif : donner toute leur place aux études post-inscription. Elles n'étaient à l'origine conçues que pour les produits ayant fait l'objet d'études pré-inscription jugées médiocres. Les études post-inscription leur sont en réalité complémentaires. Le registre relatif aux valves cardiaques intra-artérielles était d'une telle qualité qu'il a été publié dans le New England Journal of Medicine. C'est un cas à part : l'attitude des industriels est parfois si désinvolte que leurs dispositifs médicaux sont moins bien suivis que certaines voitures ou machines à laver. Le suivi s'impose aussi aux équipes médicales, qui ignorent parfois ce que deviennent leurs malades, parce qu'elles n'en ont pas l'exigence, les moyens, ou la culture. Promouvoir cette culture du suivi ne peut être que positif pour la recherche clinique en France. Je rêve en outre qu'un jour, les malades équipés d'un dispositif médical participent à leur évaluation en donnant leur avis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion