Intervention de Annie David

Réunion du 12 novembre 2007 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Exception d'irrecevabilité

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous assistons depuis peu à une grande entreprise de destruction.

Transformés en experts de la casse, vous voilà attelés à des chantiers bien dangereux : casse des solidarités, destruction de la protection sociale, anéantissement du code du travail. Ces chantiers n'ont qu'un objectif : l'avènement d'un nouveau contrat antisocial, résolument tourné vers le chacun pour soi et la course au profit.

Dans votre empressement à tout détruire, vous en oubliez même qu'il existe encore quelques principes fondamentaux qui viennent, ne vous en déplaise, contrecarrer vos projets.

C'est ce qui vous est arrivé, par exemple, avec le contrat première embauche, que vous avez défendu envers et contre tous les jeunes, mais qu'une décision de justice a considéré comme contraire à la résolution 158 de l'Organisation internationale du travail, en raison de la longue période d'essai de deux ans durant laquelle le salarié ainsi embauché aurait pu être licencié sans motif.

Je vous rappellerai également la décision du Conseil constitutionnel, qui a depuis longtemps, en matière de protection des droits fondamentaux, posé le principe dit du « cliquet » empêchant tout retour en arrière. Il s'agit de la décision DC 86-210 du 29 juillet 1986 qui précise : « s'il est à tout moment loisible au législateur statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution de modifier des textes anciens ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions [...], l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. »

C'est pourtant bien de cela qu'il est question aujourd'hui.

Depuis la décision du Conseil constitutionnel dite « liberté d'association », et en raison de son intégration dans ce qu'il est convenu d'appeler le bloc de constitutionnalité, le préambule de la Constitution de 1946, créateur de nombreux droits sociaux, a valeur constitutionnelle. Il résulte de cette décision que les principes qu'il énonce revêtent un caractère fondamental, garanti par la Constitution, et qu'une simple loi, fût-elle voulue par le président Sarkozy, ne peut venir les amputer.

Ainsi, le droit à la santé, inscrit au onzième alinéa du préambule de la constitution de 1946, s'est vu reconnaître une valeur constitutionnelle.

Dans l'esprit des constitutionnalistes de l'après-guerre, il s'agissait de donner à tous l'accès à une médecine qui ne distinguerait plus ses bénéficiaires en raison de l'appartenance sociale ou des ressources.

Ce principe a été régulièrement confirmé par de nombreuses décisions. Ainsi, et sans en détailler le contenu, je vous rappelle la décision du Conseil constitutionnel du 27 janvier 1990, qui énonce que l'action du législateur doit « fixer des règles appropriées tendant à la réalisation de l'objectif » - il s'agit de la protection de la santé - « défini par le préambule », ou encore celle du 12 décembre 2002, relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui énonçait que le tarif forfaitaire de responsabilité de la sécurité sociale devait être fixé « de telle façon que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ».

Or, en voulant imposer vos franchises médicales contre l'avis de la majorité de la population, vous contrevenez précisément à ce onzième alinéa en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé.

La sécurité sociale, outil au service de cet ambitieux projet de société, pose ces principes forts : la participation à raison de ses revenus et la satisfaction en fonction de ses besoins.

Or, en ajoutant une franchise prétendument fixée à 50 euros - prétendument puisqu'elle ne figure tout simplement pas dans votre projet de loi -, vous faites payer cher au malade sa situation. La conséquence sera, pour de nombreuses personnes, particulièrement dans les familles les plus modestes, un éloignement du dispositif de santé.

Un euro par visite, cinquante centimes par boîte de médicaments, sans compter le reste à charge et les dépassements d'honoraires pratiqués par des professionnels de santé indélicats, particulièrement dans certaines régions où il n'y a pour ainsi dire que des médecins conventionnés en zone II ou des médecins hors convention, ce qui leur permet de pratiquer leurs actes à des coûts importants. Cette pratique est pour le moins éloignée de la notion de « tact » pourtant inscrite dans le code de déontologie médicale.

Ce phénomène va s'accroître avec le passage à 100 % du financement des hôpitaux à l'activité. Vous le savez, les cliniques privées se refusent à pratiquer certains actes insuffisamment rentables, voire déficitaires. Ces actes sont, fort heureusement, pratiqués à l'hôpital. Mais demain, une fois que la T2A aura été imposée, cela sera-t-il encore le cas ?

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