Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur les crédits de la défense, car le sort qui leur est réservé est emblématique du décalage auquel le Gouvernement nous a habitués, entre le discours et les actes.
Depuis de longs mois, on nous promet à tous les niveaux du pouvoir que la défense ne sera pas l’éternelle variable d’ajustement budgétaire des comptes publics, dont le déficit ne cesse de se creuser. Or la réalité est que la défense supporte à elle seule 60 % de l’ensemble des suppressions d’emplois dans la fonction publique, à l’heure où elle est engagée dans plusieurs crises majeures.
On ne peut pas, d’un côté, se féliciter du professionnalisme et de la bravoure de nos militaires, dont on multiplie les opérations extérieures, les OPEX, en prétendant les soutenir au nom de la République et des droits de l’homme et, de l’autre côté, cautionner les rabots déguisés et autres tours de passe-passe auxquels se livrent les comptables de Bercy.
Pourtant, que n’avons-nous pas entendu ?
Le 8 janvier dernier, dans ses vœux aux armées, le Président de la République s’était engagé à préserver la toute nouvelle loi de programmation militaire. Le ministre de la défense, quant à lui, déclarait au quotidien La Tribune le 22 novembre dernier, en des termes militaires : « L’ensemble de la loi de programmation militaire est blindé ! » Mais les faits sont là.
L’article 4 du présent collectif budgétaire conduit à annuler purement et simplement des crédits de la défense, à hauteur de 350 millions d’euros. Cette coupe budgétaire contrevient totalement aux promesses de la majorité, que je viens de rappeler. Ces crédits serviront à financer la réserve de précaution et donc, indirectement, le surcoût des OPEX. Dès l’origine, nous avions pointé que les 450 millions d’euros prévus au titre du budget de 2014 se révéleraient vite très insuffisants compte tenu des opérations engagées.
Quoi qu’il en soit, le ministère de la défense va donc financer en partie les OPEX, en totale contradiction avec les promesses faites lors du vote de la loi de programmation militaire comme avec les engagements pris par le ministre de la défense et le Président de la République lui-même.
La Cour des comptes évalue à 20 %, soit 110 millions d’euros, la charge du surcoût des OPEX financé par le budget de la défense. Encore faudrait-il que le chiffrage annoncé soit sincère ! À cet égard, je tiens à saluer l’initiative, prise par la commission de la défense du Sénat, d’un contrôle sur pièces et sur place pour examiner ce dossier de plus près. D’ores et déjà, tout laisse à penser que nous sommes une nouvelle fois placés face à des chiffres pour le moins fantaisistes.
Rappelons que, en janvier 2014, 488 millions d’euros, sur le total de 1, 5 milliard d’euros que compte le programme d’investissements d’avenir, le PIA, prévu pour la défense, avaient déjà été utilisés pour payer une fraction de la subvention au Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, au titre de 2013. Or cette fraction de subvention ne concerne pas en totalité les missions liées à nos armées. Parallèlement, 650 millions d’euros de crédits du budget de la défense avaient déjà été annulés à la fin de l’année dernière. La Cour des comptes avait alors dénoncé le fait que, « si cette opération a permis de diminuer les restes à payer de la mission, elle a réduit d’autant les crédits disponibles pour 2014 ».
Monsieur le secrétaire d’État, 250 millions d’euros de crédits du PIA vont certes compenser, en partie, les 350 millions d’euros annulés. Mais cette mesure relève de l’entourloupe.