Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 7 juillet 2014 à 21h45
Loi de finances rectificative pour 2014 — Article liminaire

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, n’ayant pu intervenir dans la discussion générale, je saisis l’opportunité de l’examen de l’article liminaire pour évoquer les questions qui ont été abordées cet après-midi.

Nous sommes confrontés à un problème assez difficile : rétablir l’équilibre de nos comptes publics sans casser les perspectives de croissance.

À cette question économique, me semble-t-il, la réponse est d’abord politique. Je m’interroge toujours sur les raisons qui conduisent, au fond, les uns ou les autres à ne pas traiter cette affaire sur le plan politique qui convient.

La question est économique, je n’ai pas besoin d’insister sur ce point, chacun ici en est conscient. Nous avons à faire en sorte que la situation de nos budgets réponde non seulement aux engagements européens que nous avons pris, mais aussi, de manière plus générale, aux exigences d’équilibre auquel doit se soumettre tout gouvernement. De ce point de vue, il faut saluer l’effort accompli depuis deux ans, qui a permis d’améliorer la situation financière de notre pays, sans pour autant véritablement permettre de relancer l’activité économique, et c’est bien là qu’est la difficulté.

Lors du débat sur le projet de loi de finances initiale, j’avais eu l’occasion de dire, de différente manière, même si je n’avais pas pu, là encore, m’exprimer dans le cadre de la discussion générale, que je ne voyais pas comment on pouvait approuver un budget qui aurait forcément un effet récessif sur l’activité.

En dépit des dispositions qui ont été ajoutées dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis, notamment les aides apportées aux ménages, l’effet récessif de ce budget est encore démontré : nous étions à peu près à un peu plus d’un point de PIB en décembre dernier par rapport aux prévisions budgétaires, nous sommes sans doute à un peu moins d’un point actuellement.

Or le paradoxe dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui, c’est que l’action publique, qui, à entendre mes collègues ainsi que le Gouvernement, est censée se concentrer exclusivement sur la croissance, a, au contraire, pour effet, de freiner cette croissance et de l’embarrasser, au nom des objectifs d’économies, qui sont, comme je l’ai relevé, parfaitement respectables, mais qui aboutissent à la situation que nous connaissons, à savoir une relative stagnation de l’activité – les différentes prévisions dont nous disposons indiquent que la croissance sera probablement de moins d’un point cette année – et, surtout, une augmentation très nette et très forte du chômage.

Dans ces conditions, le Gouvernement a essayé de dégager des solutions nouvelles. Il s’y est engagé au travers du pacte de responsabilité et de solidarité, qui a fait suite au CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il nous est donc demandé de mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros, pour l’essentiel, pour diminuer les cotisations et réduire l’imposition des entreprises.

Après tout, c’est une option, mais elle présente plusieurs inconvénients.

Premièrement, elle ne garantit pas que les entreprises consacreront ce rétablissement des marges au développement économique, faute de perspectives de croissance. Mais, au fond, ce n’est pas là l’essentiel, c’est un pari, que l’on peut comprendre.

Deuxièmement, elle accrédite l’idée, qui me paraît fausse et que j’avais pourfendue lorsque nous étions dans l’opposition – je n’étais pas alors le seul à le dire ! –, selon laquelle ce qui fait la compétitivité c’est non pas la baisse du coût du travail, mais la qualité de ce travail, la qualité de l’investissement et de la formation. En poursuivant cette démarche de baisse des cotisations, nous encourageons des pratiques qui ne sont pas les bonnes pour assurer la compétitivité de notre économie. Même s’il est nécessaire de réduire, pour une part, les cotisations, le faire dans de telles proportions avec, comme unique outil de politique économique, la baisse des cotisations, c’est se préparer à des lendemains qui déchantent.

J’ajoute que, concernant la question touchant directement à l’Europe, c’est, au fond, théoriser, et mettre en pratique ensuite, l’idée que l’Europe est non pas un espace de solidarité, mais un espace de compétition. Puisqu’il s’agit de faire cette compétition par la baisse du coût du travail, comme l’ont fait les Espagnols ou les Italiens, il y aura donc demain des vainqueurs et des vaincus.

L’Europe se construira par conséquent dans le succès pour les uns et dans la défaite, pour les autres, y compris à l’intérieur de la zone euro. Or c’est très exactement cette absence de solidarité et de convergence des objectifs qui a provoqué la crise que nous connaissons aujourd'hui.

Il faut donc chercher une autre réponse, qui consiste, me semble-t-il, à soutenir beaucoup plus fortement l’investissement de manière coordonnée, si possible à l’échelle européenne. Vous me direz : l’Europe n’en veut pas, pas plus que l’Allemagne !

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