Le rapport de M. Gallois a montré que nous avions perdu, en l’espace de vingt ans, plus de 2 millions d’emplois industriels et près d’un tiers de la valeur ajoutée de notre industrie sur les dix dernières années.
On peut en déduire différentes conséquences. La nécessité de jouer la carte de la compétitivité par la baisse des cotisations sociales est une hypothèse, certes, mais qui est avancée surtout parce que l’on a renoncé à jouer la carte du soutien à l’activité économique et de la relance européenne.
Je comprends que le Gouvernement veuille s’engager dans cette voie, puisqu’il n’a manifestement pas voulu, ou n’a pas été capable de trouver d’autres options. Je voudrais tout de même souligner la faiblesse de cette démarche.
En effet, la plupart de ceux qui examinent la situation sur les dix dernières années nous expliquent que nos difficultés industrielles sont moins liées à un problème de compétitivité qu’au fait que, dans une zone monétaire unique, l’essentiel de l’activité industrielle a tendance à se concentrer là où se situe déjà la puissance industrielle. Autrement dit, la force industrielle attire la force industrielle, sauf si vous mettez en œuvre des politiques sectorielles et régionales à l’échelle de la zone. Or ce sont ces politiques que précisément nous n’avons pas.
C’est pourquoi j’indiquais que la seule piste véritablement raisonnable sur laquelle nous pourrions nous engager serait de travailler à la consolidation de la zone euro. C’est la vraie réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, qui traduirait à la fois la nature de notre engagement dans cette zone et notre volonté d’en faire un outil de solidarité, et pas seulement l’outil d’une compétition où la loi du plus fort finirait par s’imposer.
Nous devons définir une convergence de nos politiques économiques, mettre en place un outil politique de gestion de ces convergences et de nos politiques budgétaires, et donner une priorité à la relance par l’investissement. Autant de choix politiques.
Quand j’entends que nous n’aurions pas d’autres politiques que celle que nous faisons, je comprends en effet que nous n’en avons pas d’autres si nous renonçons à nous battre pour défendre les valeurs qui sont les nôtres et les engagements que nous avons pris.
Mais dès lors que nous faisons partie d’une entité, l’Union européenne, qui s’est construite autour d’un principe de solidarité, la logique serait que le Gouvernement français, plutôt que d’expliquer aux ménages, comme à l’instant sur le quotient familial, qu’il ne peut pas faire d’efforts supplémentaires – je peux le comprendre –, explique surtout qu’il est en train de se battre pour que l’Europe redevienne un îlot de prospérité et de croissance, et non une zone au sein de laquelle la seule logique serait celle de la rigueur et de l’austérité, au détriment des emplois industriels de nations comme la nôtre, qui n’ont pas d’avantages majeurs dans ce domaine.
Je suis vraiment désolé que nous ne puissions pas avoir ce débat, d’autant que le Gouvernement ne s’explique pas sur ses orientations.
Il faudrait au moins que l’on sache pourquoi cette option n’a pas été défendue dernièrement à Bruxelles. On nous explique que c’est l’Allemagne qui décide. J’ai un très grand respect pour notre voisin, qui a accompli des réformes significatives expliquant en partie sa situation. Toutefois, l’Allemagne ne constitue pas un modèle, ni pour l’économie ni pour la politique françaises. C’est à nous de définir quels sont nos intérêts et comment nous voulons les défendre. Qui plus est, nos intérêts vont dans le sens d’une coopération européenne renforcée.
On ne peut pas faire l’euro, c'est-à-dire la solidarité à travers une monnaie unique, si l’on ne bâtit pas aussi la solidarité à travers des politiques régionales sectorielles et industrielles.
À défaut de nous engager sur ce chemin, nous sommes en train de préparer le repli national, comme nous l’avons déjà constaté aux dernières élections européennes. Si l’on ne va pas jusqu’au bout de la logique de la zone euro, les tenants du repli national auront tous les arguments en main, puisque les partisans de l’intégration européenne à l’intérieur de la zone euro auront renoncé à construire cette entité comme ils l’auraient dû.
C’est un moment de responsabilité extrêmement fort que nous vivons, mes chers collègues, et cela dépasse de loin la question de la discipline de vote au sein des groupes politiques. Ce sont les intérêts du pays qui sont en jeu, et les engagements que nous avons pris depuis un certain nombre d’années.
Si les résultats des dernières échéances électorales ne suffisent pas à éclairer la majorité et le Gouvernement sur ce qu’il convient de faire…