Monsieur Leconte, le Gouvernement vous remercie d’avoir soulevé cette question ; ce sera l’occasion pour moi de préciser la législation actuellement en vigueur.
Un certain nombre d’événements agitent légitimement l’opinion. Ce ne sont pour l’instant que des soupçons, mais, à tout le moins, ces éléments interpellent. Toujours est-il qu’un candidat à la présidence de la République s’est vu refuser le remboursement de ses frais de campagne. La justice est saisie.
J’ai entendu ou lu un certain nombre de déclarations selon lesquelles cela n’avait rien coûté à l’État. Au contraire ! Compte tenu des nouvelles évolutions du dossier, la question se pose bien du coût pour l’État.
Certes, l’État n’a pas eu à rembourser les frais de campagne du candidat à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel ; néanmoins, il a dû supporter une part significative – à hauteur de 66 % de leur montant – des dons qui ont été versés au parti politique qui s’est substitué, selon des informations aujourd’hui publiques, pour le remboursement des frais de campagne du candidat. C’est donc là un vrai sujet.
Sur le fond, je considère que votre amendement est satisfait. Néanmoins, je mettrai un bémol, qui tient à la date à partir de laquelle un parti politique qui, pour une raison ou pour une autre, n’aurait pas déposé ses comptes dans les délais ou ne les aurait pas fait certifier par deux commissaires aux comptes, perdrait le droit à pouvoir faire bénéficier ses généreux donateurs de la réduction fiscale.
Vous l’avez rappelé, à la suite du vote d’un amendement de votre commission des finances, un article 17 a été inséré dans la loi du 11 octobre 2013 complétant l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. Aux termes de cet article, lorsque la commission constate un manquement aux obligations comptables prévues par cet article – soit les comptes n’ont pas été déposés, soit l’obligation de tenir une comptabilité certifiée n’a pas été respectée –, à compter de l’année suivante, le parti politique ne peut plus faire bénéficier ses donateurs ou ses cotisants de la réduction d’impôt prévue à l’article 200 du code général des impôts.
Vous suggérez que ce soit à partir du moment où la CNCCFP a constaté le manquement de ce parti à ses obligations légales que soit interdit ce droit à réduction d’impôt. Cela pose un problème de rétroactivité, puisque les certificats qui donnent droit à cette réduction sont généralement produits par les partis ou les associations de financement en fin d’année et ne prennent pas en compte le moment du versement. En clair, quand bien même le parti serait « délabellisé » au 1er juillet, le don, qu’il ait été versé avant ou après le 1er juillet, donnera lieu à la délivrance d’un même certificat.
Je ne trahirai aucun secret en précisant que, dans certains cas, les versements se font mensuellement, par prélèvement, et donnent lieu en fin d’année à la délivrance d’un relevé unique qui récapitule l’ensemble des versements effectués au cours de l’année.
Sur le plan technique, votre proposition me paraît donc très difficile à mettre en œuvre.
En outre, elle pose le problème d’une certaine forme de rétroactivité. Clairement, le donateur ne peut ignorer de quoi il retourne puisque, aux termes d’un décret en date du 26 juin 2014, « le reçu délivré par un mandataire d’un parti ou groupement politique au titre des fonds perçus l’année suivant le constat par la commission d’un manquement du parti ou groupement politique concerné aux obligations prévues à l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 susvisée, précise que le don ou la cotisation consentis à son profit ne peut ouvrir droit à la réduction d’impôt prévue au 3 de l’article 200 du code général des impôts ». Ainsi, dans le cas où un manquement serait constaté l’année suivante, les contribuables concernés seraient pleinement informés du fait qu’ils ne peuvent bénéficier d’aucun avantage fiscal.
Votre amendement soulève des problèmes techniques, mais il est satisfait par l’article 17 de la loi du 11 octobre 2013, inséré, je le répète, sur l’initiative de votre commission des finances. Aux termes de celui-ci, l’inéligibilité à la déduction est prononcée dès lors que le manquement est constaté, même si ce n’est que l’année suivante.
Un don qui aurait été fait dans l’ignorance de l’impossibilité de bénéficier d’une déduction fiscale poserait tout de même un problème déontologique. C’est l’effet rétroactif de la mesure que vous proposez.
C’est pourquoi j’estime qu’il y a lieu de s’en tenir aux dispositions en vigueur. Toutefois, par votre amendement, vous faites la démonstration qu’il faut être très rigoureux. Je le répète, il se pourrait bien que les opérations que tout le monde a en tête puissent avoir eu un coût pour l’État. Les investigations en cours montreront si tel est le cas.
Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.