Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le 30 octobre 2012, alors que la SNCF célébrait ses soixante-quinze ans d’existence, le constat que nous faisions était celui d’un système ferroviaire en crise, tant dans le fonctionnement entre la SNCF et Réseau ferré de France, RFF, qu’en termes financiers, constat aussi exprimé par nos concitoyens, et qui s’est parfois illustré dramatiquement par des accidents – je pense notamment au terrible accident de Brétigny-sur-Orge qui s’est produit il y a près d’un an. Aussi, nous devons mesurer la responsabilité qui est la nôtre lorsque nous évoquons la réforme du système ferroviaire et son indispensable modernisation, ainsi que l’enjeu que représente le ferroviaire pour notre nation. À l’époque, j’annonçais la nécessité d’une vaste réforme du système ferroviaire lui redonnant du souffle, de la clarté et de l’efficacité.
Fruit d’une large concertation durant de nombreux mois avec l’ensemble des parties prenantes, le projet de loi fut présenté en conseil des ministres le 16 octobre dernier. Il a été adopté par l’Assemblée nationale le 24 juin après des échanges intenses et constructifs, alors que l’actualité n’était pas moins intense. Je sais combien le débat ici même en séance publique – ce fut le cas en commission – sera très riche, afin de nous permettre d’améliorer encore le texte. Je souhaite que, grâce à l’amélioration du dispositif voté par l’Assemblée nationale et au travers de nos échanges, nous puissions adresser un message de confiance en notre système ferroviaire et d’espoir en son avenir, et dessiner un projet ambitieux pour le système ferroviaire français mais aussi pour nos territoires.
Ambitieux, parce qu’il exige de la nation qu’elle s’empare de l’enjeu ferroviaire, qu’elle se réapproprie les enjeux d’aménagement du territoire – je sais combien vous êtes sensibles à cette question majeure –, de cohésion sociale et de développement économique et industriel sur nos territoires. C’est aussi cela le défi du ferroviaire ; c’est aussi cela le patrimoine ferroviaire national.
C’est une réforme qui peut paraître technique, même si elle fut largement vulgarisée ces dernières semaines, mais qui n’en est pas moins une réforme de progrès, moderne et qui vise à atteindre cinq objectifs.
Le premier est l’affirmation d’un service public renforcé, mieux piloté, avec un État qui donne des impulsions, qui agit sous le contrôle de la nation et de ses représentants, lesquels seront désormais associés.
Le deuxième objectif est la mise en place d’un gestionnaire d’infrastructure unifié et la création d’un groupe public industriel intégré – la nouvelle SNCF – qui sera un acteur majeur et puissant du ferroviaire en Europe et dans le monde, et une véritable vitrine du savoir-faire industriel du ferroviaire français.
Le troisième objectif est la mise en place d’un pacte national pour assurer à terme l’équilibre financier du système ferroviaire. Je sais, là aussi, combien vous y êtes sensibles.
Le quatrième objectif est la nécessité, parce que le monde ferroviaire évolue, d’assurer la construction d’un cadre social commun à l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire, en maintenant le statut des cheminots et en unifiant la famille cheminote. Nous devons aussi avoir à l’esprit aujourd’hui que le paysage ferroviaire évolue, que plus d’une dizaine d’opérateurs agissent dans le ferroviaire et qu’il ne saurait plus y avoir de règles disparates, synonymes d’une concurrence déloyale et faussée ; j’y reviendrai.
Enfin, cinquième objectif, il faut, parce que nous avons un grand groupe intégré, renforcer le rôle du régulateur, afin de garantir l’impartialité dans l’accès au réseau.
Je vous propose de revenir sur chacun de ces cinq objectifs, mais sans trop entrer dans le détail puisque les débats nous permettront d’approfondir les propos tenus dans cette discussion générale.
Concernant tout d’abord le premier axe de la réforme, renforcer le service public est une nécessité.
Il faut redonner du contenu à la notion même de service public ferroviaire, car le paysage ferroviaire a beaucoup évolué. Le service public ne se limite pas à la seule mise en œuvre des conventions de service public. Ce sont aussi, et surtout, la sécurité, la sûreté, la qualité et la continuité du service public. C’est ce qu’attendent nos concitoyens et usagers.
Il faut aussi faire respecter par tous les exigences de ce service public ferroviaire : il nous faut favoriser la coordination entre les différentes autorités organisatrices, l’État mais aussi les régions, et veiller à la qualité de service, à la sécurité, à l’efficacité de tous les acteurs du ferroviaire, et pas à la seule SNCF. Il faut redonner une stratégie ferroviaire à notre pays, en finir avec des décisions d’opportunités dictées par une vision à court terme.
Le projet de loi crée plusieurs outils pour mettre en œuvre cette stratégie, elle illustrera le retour de l’État et plus largement de la puissance publique.
Ce sera la fonction du Haut Comité du ferroviaire. Ce lieu n’existe pas aujourd’hui et nous manque, car il permet l’association des élus, des régions, des entreprises et des organisations syndicales, bref, de tous les acteurs qui contribuent à la structuration, à l’orientation de l’avenir même de notre système ferroviaire.
En effet, ce n’est pas au seul groupe SNCF, certes historique et dont le monopole est avéré, de déterminer ce qui est un enjeu pour la nation tout entière. Remettons les enjeux d’efficacité économique, d’équité territoriale et de puissance industrielle, qui sont stratégiques pour le pays, au cœur même des lieux de décision.
Le Parlement – vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs –, trop longtemps tenu à distance, pourra ainsi se saisir, s’il le souhaite, de ces enjeux d’avenir. Le texte le prévoit. Il doit pouvoir être amené à prendre position régulièrement, par le biais d’une surveillance, sur les enjeux financiers, les enjeux d’aménagement du territoire et les enjeux environnementaux et sociaux du système ferroviaire.
L’État fixera enfin les objectifs du groupe public SNCF – j’y reviendrai – à travers des contrats qui seront conclus. C’est l’État qui dressera les perspectives et enclenchera la dynamique.
L’Assemblée nationale a souhaité renforcer ces aspects, et je sais pouvoir compter sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour contribuer au renforcement de la nation et de l’État.
Le deuxième axe de la réforme consiste en la mise en place d’un gestionnaire d’infrastructure unifié et la création d’un groupe public industriel intégré, réunifiant la famille cheminote.
Ce constat est dressé par tous, nous assistons à une forme d’atomisation des fonctions, d’éclatement des structures, des rôles, des missions... Aujourd’hui, RFF comme la SNCF souffrent de ce manque de cohésion, laquelle est pourtant gage d’efficacité. Le dialogue existe peu ou n’existe plus, les synergies sont à recréer. Il est indispensable pour la France de pouvoir disposer d’un acteur public majeur sur le plan national mais aussi au niveau européen et mondial.
Je vous propose de créer ce groupe public puissant, rassemblant les fonctions en son sein, les fonctions liées à l’infrastructure d’une part, réunies au sein de SNCF Réseau, et les missions de l’exploitation, d’autre part, rassemblées au sein de SNCF Mobilités.
Il s’agira, je le redis, d’un groupe intégré, parce que nous avons besoin que la famille cheminote vise les mêmes objectifs, associe ses forces, ses ambitions, ses volontés.
Nous voulons en finir avec ce séparatisme stérile et souvent très pénalisant. L’intégration permettra de gagner en efficacité, qu’il s’agisse de l’efficacité technique, de l’efficacité des investissements, de la mutualisation des coûts. L’impulsion de la dynamique ferroviaire viendra de l’établissement public de tête qui assurera le contrôle et le pilotage stratégique, et désignera une partie importante des membres du conseil d’administration du transporteur – SNCF Mobilités – et du gestionnaire d’infrastructure – SNCF Réseau.
Ce groupe public sera contrôlé par l’État, ou plus précisément l’État reprendra la place qui doit être la sienne dans une stratégie nationale. La SNCF sera dirigée par un directoire composé des présidents de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. Ces deux dirigeants seront nommés par l’État et placés sous l’autorité d’un conseil de surveillance dont le président lui-même sera choisi par l’État.
Parce que l’œuvre ferroviaire est une œuvre collective, chacun doit y trouver sa place. Bien sûr, d’autres représentants doivent siéger au sein de ces instances. Leur présence est prévue par les textes que je soumets à votre approbation. Je songe aux délégués des régions. Le rôle de ces collectivités s’est considérablement accru au cours des dernières années, dans la structuration de l’offre ferroviaire de proximité. Je songe également aux représentants des salariés. Quant à l’État, il doit reprendre la main face aux défis du ferroviaire.
S’y ajoute un signal fort pour l’efficacité économique et industrielle : avec SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure sera enfin unifié.
Aujourd’hui, les agents de la direction de la circulation ferroviaire, la DCF, de SNCF Infra ou encore de RFF sont tous chargés, chacun dans leur entité, de la gestion de l’infrastructure. Ils sont séparés les uns des autres, répartis en services éclatés. Je le répète, cette séparation entrave la convergence des volontés communes. Je peux même dire que ces services ont été, à l’occasion, opposés.
Vous en conviendrez, ce n’est pas en séparant ceux qui doivent travailler ensemble, ceux qui gèrent l’infrastructure de ceux qui l’utilisent, que nous donnerons les gages d’une plus grande efficacité. Bien au contraire, nous devons les rassembler ! L’actualité nous en a, là aussi, donné une illustration flagrante. §Nous y reviendrons dans nos débats.
Je le disais, cette entreprise que nous proposons, c’est un groupe unifié qui permettra de fédérer toutes les énergies, de faciliter – c’est important – les mobilités internes et de garantir la cohérence entre les investissements et le service. Nous devons veiller à conjuguer les investissements et l’utilisation des infrastructures.
Le troisième axe de la réforme, c’est la conclusion d’un pacte national pour sauver et assurer la pérennité financière de ce qui est, pour nous, un modèle de service public ferroviaire national.
Nous devons en avoir conscience : chaque année, le système actuel produit plus de 1, 5 milliard d’euros de dette supplémentaire. Ce chiffre est même plus élevé si l’on intègre la construction en cours des quatre lignes à grande vitesse, ou LGV, financées par RFF via l’impôt.
Nous sommes placés face à un défi : le financement d’un certain nombre d’infrastructures a engagé l’avenir même du secteur ferroviaire. Avec ce projet de loi, le Gouvernement propose de stopper l’alourdissement du fardeau de la dette. À cette fin, un certain nombre de dispositions nécessiteront la contribution de tous et l’engagement de la nation.
Tout d’abord, il faut cesser de faire financer les grands travaux par des emprunts de RFF dont nous ne pouvons affirmer s’ils pourront, oui ou non, être remboursés. Il faut rappeler ce constat : au cours des dernières années, l’État s’est déchargé sur RFF du financement des LGV.