La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 7 juillet prennent effet.
J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remplacement de Mme Laurence Rossignol, dont le mandat sénatorial a cessé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du mercredi 9 juillet 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 41-4 du code de procédure pénale (n° 406–2014 QPC).
Acte est donné de cette communication.
J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (n° 689, 2013–2014), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire (projet n° 650, texte de la commission n° 682, rapport n° 681, avis n° 652) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de la SNCF (proposition n° 651, texte de la commission n° 683, rapport n° 681).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le 30 octobre 2012, alors que la SNCF célébrait ses soixante-quinze ans d’existence, le constat que nous faisions était celui d’un système ferroviaire en crise, tant dans le fonctionnement entre la SNCF et Réseau ferré de France, RFF, qu’en termes financiers, constat aussi exprimé par nos concitoyens, et qui s’est parfois illustré dramatiquement par des accidents – je pense notamment au terrible accident de Brétigny-sur-Orge qui s’est produit il y a près d’un an. Aussi, nous devons mesurer la responsabilité qui est la nôtre lorsque nous évoquons la réforme du système ferroviaire et son indispensable modernisation, ainsi que l’enjeu que représente le ferroviaire pour notre nation. À l’époque, j’annonçais la nécessité d’une vaste réforme du système ferroviaire lui redonnant du souffle, de la clarté et de l’efficacité.
Fruit d’une large concertation durant de nombreux mois avec l’ensemble des parties prenantes, le projet de loi fut présenté en conseil des ministres le 16 octobre dernier. Il a été adopté par l’Assemblée nationale le 24 juin après des échanges intenses et constructifs, alors que l’actualité n’était pas moins intense. Je sais combien le débat ici même en séance publique – ce fut le cas en commission – sera très riche, afin de nous permettre d’améliorer encore le texte. Je souhaite que, grâce à l’amélioration du dispositif voté par l’Assemblée nationale et au travers de nos échanges, nous puissions adresser un message de confiance en notre système ferroviaire et d’espoir en son avenir, et dessiner un projet ambitieux pour le système ferroviaire français mais aussi pour nos territoires.
Ambitieux, parce qu’il exige de la nation qu’elle s’empare de l’enjeu ferroviaire, qu’elle se réapproprie les enjeux d’aménagement du territoire – je sais combien vous êtes sensibles à cette question majeure –, de cohésion sociale et de développement économique et industriel sur nos territoires. C’est aussi cela le défi du ferroviaire ; c’est aussi cela le patrimoine ferroviaire national.
C’est une réforme qui peut paraître technique, même si elle fut largement vulgarisée ces dernières semaines, mais qui n’en est pas moins une réforme de progrès, moderne et qui vise à atteindre cinq objectifs.
Le premier est l’affirmation d’un service public renforcé, mieux piloté, avec un État qui donne des impulsions, qui agit sous le contrôle de la nation et de ses représentants, lesquels seront désormais associés.
Le deuxième objectif est la mise en place d’un gestionnaire d’infrastructure unifié et la création d’un groupe public industriel intégré – la nouvelle SNCF – qui sera un acteur majeur et puissant du ferroviaire en Europe et dans le monde, et une véritable vitrine du savoir-faire industriel du ferroviaire français.
Le troisième objectif est la mise en place d’un pacte national pour assurer à terme l’équilibre financier du système ferroviaire. Je sais, là aussi, combien vous y êtes sensibles.
Le quatrième objectif est la nécessité, parce que le monde ferroviaire évolue, d’assurer la construction d’un cadre social commun à l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire, en maintenant le statut des cheminots et en unifiant la famille cheminote. Nous devons aussi avoir à l’esprit aujourd’hui que le paysage ferroviaire évolue, que plus d’une dizaine d’opérateurs agissent dans le ferroviaire et qu’il ne saurait plus y avoir de règles disparates, synonymes d’une concurrence déloyale et faussée ; j’y reviendrai.
Enfin, cinquième objectif, il faut, parce que nous avons un grand groupe intégré, renforcer le rôle du régulateur, afin de garantir l’impartialité dans l’accès au réseau.
Je vous propose de revenir sur chacun de ces cinq objectifs, mais sans trop entrer dans le détail puisque les débats nous permettront d’approfondir les propos tenus dans cette discussion générale.
Concernant tout d’abord le premier axe de la réforme, renforcer le service public est une nécessité.
Il faut redonner du contenu à la notion même de service public ferroviaire, car le paysage ferroviaire a beaucoup évolué. Le service public ne se limite pas à la seule mise en œuvre des conventions de service public. Ce sont aussi, et surtout, la sécurité, la sûreté, la qualité et la continuité du service public. C’est ce qu’attendent nos concitoyens et usagers.
Il faut aussi faire respecter par tous les exigences de ce service public ferroviaire : il nous faut favoriser la coordination entre les différentes autorités organisatrices, l’État mais aussi les régions, et veiller à la qualité de service, à la sécurité, à l’efficacité de tous les acteurs du ferroviaire, et pas à la seule SNCF. Il faut redonner une stratégie ferroviaire à notre pays, en finir avec des décisions d’opportunités dictées par une vision à court terme.
Le projet de loi crée plusieurs outils pour mettre en œuvre cette stratégie, elle illustrera le retour de l’État et plus largement de la puissance publique.
Ce sera la fonction du Haut Comité du ferroviaire. Ce lieu n’existe pas aujourd’hui et nous manque, car il permet l’association des élus, des régions, des entreprises et des organisations syndicales, bref, de tous les acteurs qui contribuent à la structuration, à l’orientation de l’avenir même de notre système ferroviaire.
En effet, ce n’est pas au seul groupe SNCF, certes historique et dont le monopole est avéré, de déterminer ce qui est un enjeu pour la nation tout entière. Remettons les enjeux d’efficacité économique, d’équité territoriale et de puissance industrielle, qui sont stratégiques pour le pays, au cœur même des lieux de décision.
Le Parlement – vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs –, trop longtemps tenu à distance, pourra ainsi se saisir, s’il le souhaite, de ces enjeux d’avenir. Le texte le prévoit. Il doit pouvoir être amené à prendre position régulièrement, par le biais d’une surveillance, sur les enjeux financiers, les enjeux d’aménagement du territoire et les enjeux environnementaux et sociaux du système ferroviaire.
L’État fixera enfin les objectifs du groupe public SNCF – j’y reviendrai – à travers des contrats qui seront conclus. C’est l’État qui dressera les perspectives et enclenchera la dynamique.
L’Assemblée nationale a souhaité renforcer ces aspects, et je sais pouvoir compter sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour contribuer au renforcement de la nation et de l’État.
Le deuxième axe de la réforme consiste en la mise en place d’un gestionnaire d’infrastructure unifié et la création d’un groupe public industriel intégré, réunifiant la famille cheminote.
Ce constat est dressé par tous, nous assistons à une forme d’atomisation des fonctions, d’éclatement des structures, des rôles, des missions... Aujourd’hui, RFF comme la SNCF souffrent de ce manque de cohésion, laquelle est pourtant gage d’efficacité. Le dialogue existe peu ou n’existe plus, les synergies sont à recréer. Il est indispensable pour la France de pouvoir disposer d’un acteur public majeur sur le plan national mais aussi au niveau européen et mondial.
Je vous propose de créer ce groupe public puissant, rassemblant les fonctions en son sein, les fonctions liées à l’infrastructure d’une part, réunies au sein de SNCF Réseau, et les missions de l’exploitation, d’autre part, rassemblées au sein de SNCF Mobilités.
Il s’agira, je le redis, d’un groupe intégré, parce que nous avons besoin que la famille cheminote vise les mêmes objectifs, associe ses forces, ses ambitions, ses volontés.
Nous voulons en finir avec ce séparatisme stérile et souvent très pénalisant. L’intégration permettra de gagner en efficacité, qu’il s’agisse de l’efficacité technique, de l’efficacité des investissements, de la mutualisation des coûts. L’impulsion de la dynamique ferroviaire viendra de l’établissement public de tête qui assurera le contrôle et le pilotage stratégique, et désignera une partie importante des membres du conseil d’administration du transporteur – SNCF Mobilités – et du gestionnaire d’infrastructure – SNCF Réseau.
Ce groupe public sera contrôlé par l’État, ou plus précisément l’État reprendra la place qui doit être la sienne dans une stratégie nationale. La SNCF sera dirigée par un directoire composé des présidents de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. Ces deux dirigeants seront nommés par l’État et placés sous l’autorité d’un conseil de surveillance dont le président lui-même sera choisi par l’État.
Parce que l’œuvre ferroviaire est une œuvre collective, chacun doit y trouver sa place. Bien sûr, d’autres représentants doivent siéger au sein de ces instances. Leur présence est prévue par les textes que je soumets à votre approbation. Je songe aux délégués des régions. Le rôle de ces collectivités s’est considérablement accru au cours des dernières années, dans la structuration de l’offre ferroviaire de proximité. Je songe également aux représentants des salariés. Quant à l’État, il doit reprendre la main face aux défis du ferroviaire.
S’y ajoute un signal fort pour l’efficacité économique et industrielle : avec SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure sera enfin unifié.
Aujourd’hui, les agents de la direction de la circulation ferroviaire, la DCF, de SNCF Infra ou encore de RFF sont tous chargés, chacun dans leur entité, de la gestion de l’infrastructure. Ils sont séparés les uns des autres, répartis en services éclatés. Je le répète, cette séparation entrave la convergence des volontés communes. Je peux même dire que ces services ont été, à l’occasion, opposés.
Vous en conviendrez, ce n’est pas en séparant ceux qui doivent travailler ensemble, ceux qui gèrent l’infrastructure de ceux qui l’utilisent, que nous donnerons les gages d’une plus grande efficacité. Bien au contraire, nous devons les rassembler ! L’actualité nous en a, là aussi, donné une illustration flagrante. §Nous y reviendrons dans nos débats.
Je le disais, cette entreprise que nous proposons, c’est un groupe unifié qui permettra de fédérer toutes les énergies, de faciliter – c’est important – les mobilités internes et de garantir la cohérence entre les investissements et le service. Nous devons veiller à conjuguer les investissements et l’utilisation des infrastructures.
Le troisième axe de la réforme, c’est la conclusion d’un pacte national pour sauver et assurer la pérennité financière de ce qui est, pour nous, un modèle de service public ferroviaire national.
Nous devons en avoir conscience : chaque année, le système actuel produit plus de 1, 5 milliard d’euros de dette supplémentaire. Ce chiffre est même plus élevé si l’on intègre la construction en cours des quatre lignes à grande vitesse, ou LGV, financées par RFF via l’impôt.
Nous sommes placés face à un défi : le financement d’un certain nombre d’infrastructures a engagé l’avenir même du secteur ferroviaire. Avec ce projet de loi, le Gouvernement propose de stopper l’alourdissement du fardeau de la dette. À cette fin, un certain nombre de dispositions nécessiteront la contribution de tous et l’engagement de la nation.
Tout d’abord, il faut cesser de faire financer les grands travaux par des emprunts de RFF dont nous ne pouvons affirmer s’ils pourront, oui ou non, être remboursés. Il faut rappeler ce constat : au cours des dernières années, l’État s’est déchargé sur RFF du financement des LGV.
M. Michel Teston, rapporteur de
Quelle en est la conséquence ? De moindres financements pour l’entretien et la modernisation de nos lignes de train du quotidien !
Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous, sur son territoire, en est le témoin. Chacun d’entre vous m’alerte concernant telle ou telle remise à niveau nécessaire. L’expertise qui m’a été remise lors de ma prise de fonctions, il y a plus de deux ans, par l’École polytechnique de Lausanne, sur le niveau de dégradation de notre réseau ferroviaire, en a fourni un constat supplémentaire.
Nous devons assurer, selon les cas, la modernisation, le renouvellement et le maintien au niveau du réseau ferré.
Il ne faut pas reléguer cette réalité au second plan. Il s’agit d’un patrimoine national, qui doit être préservé, développé et modernisé. Avec ce texte, nous souhaitons résolument mettre un terme à cette politique de la course en avant, qui s’est affranchie de toute obligation de financement et qui a laissé reposer sur les générations futures une dette aujourd’hui lestée de plus de 40 milliards d’euros.
Depuis deux ans, sous l’autorité des Premiers ministres Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls, j’ai tenu à redéfinir clairement les orientations en matière de politique de transports. Priorité a été donnée au transport du quotidien !
Deux exemples l’illustrent. Le premier, c’est la redéfinition du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, avec le célèbre rapport Duron. Le second, qui nous concerne ici en priorité, c’est la mise en place d’un plan ambitieux de modernisation du réseau ferroviaire. Je le précise à ce propos, ce document n’a de sens que si nous portons un regard d’ensemble sur ce sujet, si nous restructurons le système ferroviaire tout entier, si nous avons le souci de l’efficacité économique, pour mettre en place une véritable stratégie d’investissement pour l’ensemble du système.
Nous devons également optimiser le savoir-faire, la capacité et la compétence. Nous devons faire en sorte que cette ingénierie, cette capacité de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre des agents de RFF et de la SNCF soient réunies, coordonnées, optimisées, et rendent enfin sa fierté à la famille cheminote.
Ensuite, l’État prendra part à cet effort financier. Certains de nos concitoyens l’ignorent, car cette information n’est pas très répandue. Il faut pourtant l’avoir à l’esprit : à l’heure actuelle, l’État perçoit des dividendes sur le secteur ferroviaire, alors même que ce dernier est endetté de plus de 40 milliards d’euros ! Il faut retrouver de la logique.
Il faut se montrer responsable. Nous proposons donc le reversement de dividendes du transporteur vers le gestionnaire d’infrastructure et, parallèlement, la compensation fiscale, au sein du groupe, des excédents et des déficits. Le transporteur et le gestionnaire d’infrastructure concourront à cet effort via des mesures d’optimisation, d’efficacité et de meilleure organisation du travail.
Enfin, nous vous proposons une règle : que le rétablissement des équilibres financiers fasse l’objet d’un contrat avec l’État. Ce pacte national n’a ni pour objectif ni pour effet, comme je l’ai entendu ces dernières semaines, de dégrader les conditions de travail ou le niveau de rémunération des cheminots. Il ne remet nullement en cause le statut de ces derniers. Cette contrevérité a été propagée à des fins de mobilisation, alors que le pacte national a précisément pour ambition de préserver, de renforcer et de développer le système ferroviaire français.
Le projet de loi donne ainsi les instruments au futur groupe pour stabiliser en dix ans son endettement. Cet effort est indispensable. Il ne supprimera pas le fardeau de la dette historique, j’en conviens, mais, vous le savez, l’État n’a pas aujourd’hui les moyens de prendre à son compte une partie de cette dette.
Au reste, je remarque qu’il s’agit d’une question de méthode : il n’y aurait aucun sens, pour l’État, à reprendre une partie de la dette sans avoir au préalable replacé le système dans une logique vertueuse. C’est précisément ce que garantit ce projet de loi, en prévoyant que le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport sur les moyens pour traiter la question de l’évolution de la dette historique. Monsieur le rapporteur, cher Michel Teston, je sais que vous êtes sensible à cet enjeu. §En commission, vous avez d’ailleurs souhaité que l’on aille plus loin en la matière, et je salue cette position.
Le quatrième axe de la réforme, c’est le volet social.
Dans ce domaine également, que n’ai-je entendu au cours des dernières semaines ? J’ai conscience des inquiétudes exprimées, parfois même véhiculées, voire instrumentalisées. Certains ont fait dire au projet de loi ce qu’il ne disait pas. Cette lecture ici même me permettra d’y revenir et de vous le démontrer, mesdames, messieurs les sénateurs.
Cela étant, je n’ignore pas ces inquiétudes. C’est précisément parce qu’elles existent que nous souhaitons y répondre. La France ne peut s’engager sans conséquence dans une bataille sociale du rail. D’ailleurs, depuis deux ans, l’esprit de dialogue s’est imposé. Il est marqué par la volonté de travailler avec l’ensemble des organisations syndicales, et avec les groupes parlementaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en avez été les acteurs, les témoins ! C’est ce souci du dialogue social qui a animé mon travail et celui mon équipe, ce dans le seul but de faire réussir le ferroviaire français du quotidien.
À ce propos, je réaffirme avec force ma conviction, et je rappelle ma méthode, fondée sur le dialogue social, pour accompagner les changements dont la SNCF a besoin. Ce mouvement est indispensable : chacun en a conscience, les usagers bien sûr, mais aussi les professionnels du ferroviaire. La nécessité de réformer fait l’unanimité.
Je le dis avec beaucoup de conviction et de solennité : j’ai pu mesurer l’esprit de responsabilité qui était à l’œuvre, et je le salue. Je remercie les organisations syndicales représentatives qui ont accepté de s’engager, par la signature des accords de modernisation du 13 juin dernier.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Monsieur Karoutchi, vous vous trompez : certains syndicats s’engagent, négocient et signent les accords, ce afin de prévenir des conflits sociaux préjudiciables aux usagers. Je le répète, je rends hommage à cet esprit de responsabilité. Je suis persuadé que vous n’avez pas bien perçu le sens de ma formule, faute de quoi vous auriez approuvé mes propos !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Les accords conclus se sont traduits par des avancées adoptées et complétées par l’Assemblée nationale. Elles portent notamment sur les modes d’intégration sociale du futur groupe. Celui-ci disposera d’instances représentatives du personnel centralisées et de délégués syndicaux centraux assurant la négociation sociale au niveau transversal.
Cette intégration sera également garantie par la réforme de la gestion des ressources humaines, laquelle sera pilotée au niveau de l’EPIC de tête, avec – c’est essentiel – la gestion coordonnée des parcours et de la mobilité au sein même de cette grande entreprise, de ce grand groupe public.
Il s’agit tout simplement de traduire en faits la volonté du Gouvernement, que j’ai rappelée à plusieurs reprises : permettre à chaque cheminot de dessiner son propre parcours par la mobilité professionnelle ; de disposer de possibilités de progression, de formations, qu’il s’agisse d’apprendre ou d’apporter une expérience ; de changer de métier s’il le souhaite, pour donner de nouvelles perspectives à sa carrière. La découverte d’autres métiers va de pair avec la modernisation, la progression individuelle et professionnelle. Cela est garanti par ce texte.
Il s’agit d’accompagner à la fois l’ambition collective du futur groupe public SNCF et les aspirations légitimes de chacun de ses salariés.
En outre, ce volet social est important en ce qu’il représente l’avenir du service public, lequel ne peut se concevoir sans l’existence d’un cadre social commun à l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire.
Vous le savez, depuis un certain nombre d’années déjà, la branche « fret » de ce secteur est ouverte à la concurrence. §Las, faute d’avoir pris un certain nombre de précautions, les promoteurs de cette ouverture à la concurrence ont conduit à la déstabilisation du fret. Il fallait garantir une concurrence non faussée. Il fallait éviter que des règles disparates ne s’appliquent à chacun des acteurs. Aujourd’hui, il faut donc instaurer des règles sociales communes, ne laissant pas les charges au secteur public et les profits au secteur privé !
Les erreurs commises lors de la libéralisation du fret ne doivent pas être reproduites.
Tout d’abord, un calendrier européen sera suivi – nous y reviendrons. Pour défendre un service public, nous devons le moderniser et le préparer pour les rendez-vous qui conditionneront son existence et son avenir. On ne peut donc pas laisser la libre concurrence s’exercer sans imposer à tous un minimum de règles.
C’est à cette condition que nous pourrons mener une véritable politique publique ferroviaire respectueuse des impératifs de sécurité comme des nécessités d’aménagement du territoire et appuyée sur une ambition partagée de développement industriel et économique.
Par ailleurs, et là encore je répondrai certainement à des interrogations qui ne manqueront pas d’être formulées, je n’ai pas souhaité, et je l’ai dit dès les premiers jours de ma prise de fonctions, devancer une mise en concurrence, car il fallait auparavant permettre à l’entreprise nationale d’être efficace et compétitive. §Il ne faut pas ouvrir le marché sans qu’un certain nombre de garde-fous ne s’appliquent à chacun. C’est ma méthode. Voilà pourquoi, dans ce projet de loi, je n’ai donc pas souhaité anticiper un calendrier européen, d’ailleurs fort incertain. On m’indiquait, lors de ma première prise de fonctions, que celui-ci nous était opposable, or tel n’est pas le cas. À preuve, nous ne connaissons toujours pas de façon certaine les dates de l’ensemble de la libéralisation du secteur.
Durant d’autres périodes, une certaine absence de vigilance de l’État, du Gouvernement de la France, au niveau européen, a pu être perceptible. Désormais, lorsque nous engageons des négociations avec le commissaire européen, en faisant valoir nos exigences au niveau européen, nous n’envisageons pas de reculer, nous voulons au contraire faire triompher notre vision. Nous refusons donc d’anticiper des réformes qui nous seraient imposées sans même que nous fassions valoir certains des principes que j’expose devant vous.
L’objectif de ce projet de loi, n’en déplaise aux esprits pétris du dogme libéral, n’est donc pas de devancer des échéances
Exclamations sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas s’exclame également.
Je veux que des règles protectrices soient appliquées par tous. Nous proposons donc de construire un cadre social commun. Chacun s’accorde sur la concurrence : elle doit se mettre en place entre acteurs appliquant des règles identiques. Encore faut-il nous mettre en situation de les imposer à tous. Il ne faudrait pas, une fois encore, prendre prétexte d’une certaine aversion envers le secteur public pour le condamner à assumer seul le coût du service public, en abandonnant les lignes bénéficiaires à une libre concurrence devenue soudain vertueuse. Je le dis d’autant plus solennellement devant les sénateurs que ces questions touchent à la réalité des territoires, à la sécurité et aux attentes des usagers en termes d’équilibre du territoire.
Ce cadre social commun doit porter sur l’organisation du travail et être compatible avec le maintien du statut des cheminots. Nous devons saisir ces enjeux majeurs pour ne pas laisser place aux partisans d’un libéralisme européen, ne pas sacrifier l’équilibre des territoires à des logiques purement financières.
La bataille du rail est désormais économique §et se joue au niveau européen. Le projet de loi constitue, je le dis et je l’assume, une réelle avancée contre les velléités de concurrence déchaînée que j’entends à chacun des Conseils des ministres européens, comme, parfois, dans le cadre national. Ce texte c’est une forme de protection, de renforcement, c’est l’armature d’un édifice public sécurisé, prêt à affronter les défis de l’avenir et qui, loin de toute nostalgie, devra assurer la modernisation du ferroviaire.
Cinquième et dernier axe, il nous faudra assurer que le cadre de la régulation s’applique – nous y reviendrons en débattant de certains amendements –, grâce à un régulateur extérieur – puisque nous appelons de nos vœux un groupe public intégré et puissant –, qui garantira l’accès au réseau dans des conditions transparentes. Le régulateur a un rôle central dans le nouveau dispositif. Il devra prévenir d’éventuelles dérives du système et sera attentif au respect scrupuleux de la stratégie financière.
Je suis également attaché à son indépendance. C’est pourquoi j’ai, par exemple, soutenu à l’Assemblée nationale des initiatives tendant à exiger un avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, non seulement sur les péages mais aussi sur les redevances gare.
L’existence d’un régulateur fort est la contrepartie nécessaire à la mise en place d’un groupe ferroviaire fort.
Pour clore mon propos, je tiens à dire ici que je suis conscient de mon rôle : défendre notre héritage commun, issu de la grande histoire humaine du ferroviaire et intimement lié au patrimoine de notre nation, à sa réalité, à ses territoires, mais également refuser que cette histoire ne soit cantonnée dans le passé, afin de lui permettre de se poursuivre et de s’amplifier.
Notre histoire est marquée par la symbolique du ferroviaire, jusque dans la réalité de notre pays : il a été structuré par le chemin de fer, illustration du progrès initié durant la première partie du XIXe siècle. Aujourd’hui n’est plus le temps des fondations, mais d’un nouveau tournant, d’une refondation, dans le contexte européen et mondial.
Dans notre rôle d’État stratège, nous devons soutenir l’industrie ferroviaire française, cette grande richesse, en nous assurant que notre vision lui confère une impulsion. Soyons conscients de la réalité à laquelle nous sommes confrontés en matière de lignes nationales et de trains d’équilibre du territoire : l’industrie ferroviaire n’ayant pas anticipé l’enjeu stratégique de l’organisation des réseaux et de la complémentarité entre train régional, train national et grande vitesse, il n’existait pas de trains susceptibles de remplacer dans leurs missions les Corails, les fameux trains Intercités. Sur ce point, nos débats s’enrichiront sans doute de vos expériences.
Il faut donc une impulsion, nous lui offrons un cadre.
Je remercie d’ailleurs Arnaud Montebourg d’avoir présidé à plusieurs reprises, à mes côtés, le comité stratégique ferroviaire, et d’avoir accordé les budgets nécessaires. M. Louis Nègre ne pourra pas méconnaître cette réalité. §Il ne pourra pas nous priver des discours qu’il tient dans le cadre d’autres responsabilités…
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … qu’il exerce
M. Louis Nègre en convient également.
Certes, nous ne sommes pas parfaits…
… et nous pouvons encore progresser. Pour la première fois, une véritable impulsion a été donnée. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait exprimé la volonté, confirmée par Manuel Valls, de faire voter, pour la première fois depuis trente ans, les financements des commandes de renouvellement de l’ensemble des trains d’équilibre du territoire à perspective de 2025. Cela se fera en cohésion avec les acteurs économiques, avec lesquels nous discutons. Il n’y a pas eu la moindre commande, le moindre renouvellement de matériel roulant en trente ans !
Aujourd’hui, le lancement des grandes autoroutes ferroviaires, dans une stratégie qui vise à accompagner le développement industriel des territoires qui les entourent, contribue à sauver l’industrie ferroviaire.
J’aurai l’occasion, dans les tout prochains jours, de visiter les industries Lohr, entièrement dépendantes de la commande publique. En impulsant une démarche nouvelle, en honorant nos engagements, nous y avons sauvé l’emploi.
Par la création d’un fonds dédié sur le modèle de l’aéronautique, nous permettons aux grands acteurs d’accompagner les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, afin de donner naissance à un véritable cluster des activités ferroviaires.
Nous sommes parmi les leaders mondiaux, en ce qui concerne les infrastructures, les cœurs de voies ou le matériel roulant. Il y a quelques jours encore, de grands marchés ferroviaires étrangers, urbains ou non, ont été remportés par les opérateurs français.
Cette position nous engage à poursuivre nos efforts afin d’offrir une chance supplémentaire au système ferroviaire. Nous le plaçons donc avec conviction non pas hors de son temps, comme je regrette de l’avoir parfois entendu, mais bien au cœur des défis d’avenir, en respectant la compétence de ceux qui se mettent à la disposition de cette industrie et de ses acteurs.
Nous l’avons emporté dans la discussion européenne, alors même que certains nous mettaient en garde quant à d’éventuelles incompatibilités avec des textes européens qui, eux-mêmes, n’étaient pas opposables à la volonté de la France ! Nous devons peser de tout notre poids à l’échelon européen afin de permettre à notre vision du ferroviaire de dominer. Telle est notre responsabilité de grande nation ferroviaire européenne.
Nous sommes opposés à un modèle unique, avec des règles uniques, souvent destructrices, qui nous contraindraient à nous affranchir de la réalité du patrimoine ferroviaire. Nous souhaitons à l’inverse conjuguer compétitivité, réalité économique et filière industrielle tout en conservant, au niveau européen, notre capacité à organiser la gouvernance du système ferroviaire, quand d’autres prétendaient nous imposer un système d’organisation unique.
La France, trop longtemps absente de ces enjeux ces dernières années, a, je crois pouvoir le dire, retrouvé sa place dans les discussions européennes. Encore fallait-il qu’elle l’occupe, qu’elle soit présente et exigeante, qu’elle sache nouer les alliances nécessaires avec les grandes nations ferroviaires, en particulier nos amis allemands, avec lesquels nous avons réussi à travailler sur notre vision des différents paquets ferroviaires comme de l’organisation de la gouvernance européenne. Nous avons fait reculer ce qui devait s’imposer à l’Europe du ferroviaire : une vision unique, fruit d’un libéralisme que j’ai qualifié tout à l'heure. Voilà le message que je tiens à porter devant la représentation nationale.
Je souhaite que nous puissions refonder le système ferroviaire, redonner force, vigueur, vertu, mais aussi confiance, au service public. Nous devons aujourd’hui tracer des perspectives de progrès et assurer à la France le maillage nécessaire, tant industriel et économique qu’humain, que le service public peut apporter à chacun de nos territoires.
Tel est l’enjeu de ce projet de réforme ferroviaire, qui va nous occuper de longues heures, de longues journées, dans un climat que je souhaite apaisé, parce qu’il l’est : le débat et le dialogue social l’ont emporté.
Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, mes chers collègues, la réforme ferroviaire est nécessaire et urgente :…
… elle assure la cohérence du système ferroviaire tout en étant eurocompatible.
Comment, en effet, ne pas replacer cette réforme dans son contexte européen ? Des discussions sont en cours autour d’un « quatrième paquet ferroviaire », avec de nouvelles étapes d’ouverture à la concurrence. Ce projet de loi n’a pas pour objet d’anticiper ces étapes, que, à titre personnel, je n’appelle pas forcément de mes vœux ! §Cela étant, nous devons nous préparer à cette échéance, faute de quoi la SNCF risque de connaître les mêmes déconvenues que sa filiale Fret SNCF lors de la libéralisation du fret.
Pour cela, nous devons faire disparaître les trois handicaps dont souffre notre système ferroviaire.
Premier handicap : la séparation de la gestion de l’infrastructure entre deux entités, RFF et la SNCF, ainsi que l’a prévue la loi de 1997.
Cette séparation, inédite dans le monde, n’est aujourd’hui plus défendue par personne, comme l’ont montré les conclusions des Assises du ferroviaire organisées à l’automne 2011. Elle a été à l’origine de nombreux dysfonctionnements dans l’entretien du réseau : surcoûts de gestion, manque de réactivité, dilution des responsabilités, etc.
Deuxième handicap : une dette colossale pèse sur notre système ferroviaire. Elle atteint aujourd’hui 44 milliards d’euros au total, dont 37 milliards pour RFF.
La réforme de 1997 a laissé ce problème sans solution, puisque RFF a été considéré, dès le départ, comme une structure de défaisance de la dette. L’État, qui cherchait à maîtriser son endettement pour satisfaire aux critères de Maastricht, n’avait alors pas souhaité reprendre une partie de la dette de la SNCF, contrairement à ce qui avait été fait en Allemagne quelques années auparavant pour la Deutsche Bahn.
Réseau ferré de France s’est donc retrouvé avec plus de 20 milliards d’euros de dette issus de la SNCF, sans qu’aucune mesure structurelle n’ait été prise pour réduire sa progression.
Par la suite, la double dérive des coûts de gestion du réseau existant et de développement de nouvelles lignes a conduit à l’emballement de la dette que nous connaissons aujourd’hui. Si l’on ne fait rien, la dette du réseau pourrait atteindre près de 70 milliards d’euros en 2025 ! Cette situation n’est pas soutenable !
Troisième handicap : notre système ferroviaire a souffert d’une insuffisante préparation à l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire. En l’absence d’un cadre social homogène, cette impréparation a conduit à un rapide effondrement de l’activité de Fret SNCF.
Ces handicaps ont été d’autant plus dommageables que l’État n’a pas su, ou pas pu, jouer le rôle d’arbitre qui aurait dû être le sien dans les conflits entre la SNCF et RFF. Il s’est peu impliqué dans les questions stratégiques, laissant ainsi d’importantes marges de manœuvre aux deux établissements...
Ces éléments de contexte doivent suffire à démontrer l’absolue nécessité de cette réforme et l’urgence qu’il y a à agir.
Le présent projet de loi apporte des réponses concrètes aux difficultés que je viens d’évoquer. Il marque le retour de l’État stratège. Il crée un gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, qui rassemble en son sein les activités aujourd’hui exercées par RFF, la Direction de la circulation ferroviaire – la DCF – et SNCF Infra.
Il insère le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, et l’exploitant des services de transport ferroviaire, SNCF Mobilités, dans un même « groupe public ferroviaire » : la SNCF. Dans le jargon européen, on parle d’une « structure verticalement intégrée ». Il s’agit, en quelque sorte, de mettre en place une « holding » ferroviaire à la française, tout en conservant le statut d’EPIC de ses différentes composantes.
L’expérience passée et la réalité du terrain ont en effet montré que seul un système intégré pouvait être réellement efficace : pour un fonctionnement optimal du réseau, les problématiques d’entretien du réseau et les contraintes d’exploitation ne peuvent pas être systématiquement dissociées. C’est d’ailleurs une organisation similaire qu’a choisie la Deutsche Bahn.
Ce modèle intégré, qui a pourtant fait ses preuves, n’a pas eu, dans un premier temps, les faveurs de la Commission européenne, qui voulait aller jusqu’à l’interdire. Fort heureusement, vous avez su démontrer, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agissait d’un modèle pertinent, face au modèle opposé d’une séparation intégrale entre la gestion de l’infrastructure, d’une part, et l’exploitation des services de transport, d’autre part. Il nous revient désormais d’appuyer la position que vous avez prise, en adoptant ce texte...
En parallèle de cette intégration, ce texte offre aux concurrents de la SNCF de réelles garanties d’indépendance dans l’exercice des fonctions dites « essentielles », à savoir la tarification et l’allocation des sillons, en conformité avec le droit européen existant. L’ARAF, dont le rôle a été considérablement renforcé, surtout après l’examen du texte à l’Assemblée nationale, contrôlera le respect de ces exigences.
Ce texte comporte également des mesures fortes destinées à mettre fin à la dérive financière du système. Le pilotage du système ferroviaire sera renforcé, puisque le projet de loi organise un retour de l’État stratège et met en place des outils destinés à maîtriser l’endettement du système : les contrats signés entre l’État et les différents EPIC du groupe, ainsi qu’une règle de maîtrise de l’endettement dont la bonne application sera surveillée par l’ARAF. L’Autorité se voit ainsi dotée d’un nouveau rôle, que l’on pourrait qualifier de régulateur économique du système.
Enfin, ce projet de loi pose les bases d’un cadre social commun à l’ensemble des salariés de la branche ferroviaire, qui sera élaboré pour l’essentiel par les partenaires sociaux sur la base d’un décret-socle.
L’Assemblée nationale a substantiellement et utilement complété ce projet de loi, sous l’impulsion de son rapporteur, Gilles Savary, dont je voudrais souligner devant vous la compétence et l’engagement.
La commission du développement durable du Sénat a, de son côté, préservé les équilibres atteints à l’Assemblée nationale, tout en complétant le texte sur plusieurs points.
À l’article 1er, les députés ont largement pris en compte les aspirations des cheminots, en renforçant l’intégration du groupe public ferroviaire. Ce travail important a été salué par la commission du développement durable du Sénat. Il est essentiel que nous conservions les gages obtenus en termes de réunification de la famille cheminote.
Les députés ont aussi complété les dispositions du texte relatives à la gouvernance, en ajoutant au Haut Comité du système de transport ferroviaire un Comité des opérateurs du réseau, composé des clients de SNCF Réseau.
Dans ce domaine, notre commission a prévu la participation des associations de protection de l’environnement agréées au Haut Comité du système de transport ferroviaire. Elle a aussi prévu, à l’article 2, que le Haut Comité délibère annuellement sur des recommandations d’actions et des propositions d’évolutions au contrat signé entre SNCF Réseau et l’État.
Notre commission a salué les différentes mesures visant à renforcer l’information et le contrôle du Parlement sur le système de transport ferroviaire, telles que la transmission systématique au Parlement des projets de contrat signés entre l’État et les établissements du groupe public ferroviaire, ou la mise en place d’un schéma national des services de transport. Nous y avons ajouté la présence d’un député et d’un sénateur au conseil de surveillance de la SNCF.
À l’article 2, l’Assemblée nationale a précisé la règle de maîtrise de l’endettement du réseau, en distinguant, d’une part, les investissements liés à la maintenance du réseau, c’est-à-dire les investissements de renouvellement, et, d’autre part, les investissements de développement du réseau.
Notre commission a adopté plusieurs amendements de clarification rédactionnelle, dont deux, importants, présentés par François Patriat, au nom de la commission des finances.
Au même article 2, notre commission a adopté un amendement identifiant SNCF Réseau comme le propriétaire unique de l’ensemble des lignes du réseau ferré national. Il nous a semblé nécessaire d’écarter toute perspective de démantèlement du réseau ferré national même si certaines délégations, strictement encadrées, sont possibles.
Dans le même esprit, nous avons accepté les articles 2 bis A et 2 bis B, qui ouvrent la possibilité aux régions de racheter certaines petites lignes d’intérêt purement local, afin de ne pas les laisser se détériorer, et qui permettent aux régions de créer ou d’exploiter des lignes d’intérêt régional. Sont aussi réglés certains cas ponctuels, comme celui de la ligne Digne-Nice dont la région PACA, Provence-Alpes-Côte d’Azur, pourra devenir gestionnaire de pleine compétence. Comme le précédent, cet article ne remet pas en cause l’unicité du réseau national, puisque seules des infrastructures d’intérêt purement local sont visées.
L’article 2 ter prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les solutions à mettre en œuvre pour traiter de l’évolution de la dette historique du système ferroviaire. Notre commission a souhaité inclure explicitement dans ce rapport l’examen d’une reprise, par l’État, de tout ou partie de la dette de SNCF Réseau. Le portage par SNCF Réseau d’une dette qu’il ne peut amortir, et dont l’État est de facto le garant, n’est en effet pas légitime. Cette dette représente chaque année des charges financières considérables, qui gagneraient à être investies dans l’entretien et la régénération du réseau.
À l’article 4, les pouvoirs de l’ARAF ont été sensiblement étendus par l’Assemblée nationale. Son avis conforme sur les redevances d’infrastructures a été rétabli, et étendu aux redevances des gares et relatives à l’accès aux infrastructures de services. L’Autorité sera en outre chargée de veiller à ce que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau dans l’exercice des fonctions « essentielles ».
Nous n’avons pas modifié les dispositions relatives au collège de l’ARAF, qui conservera sept membres, comme aujourd’hui, trois d’entre eux, le président et deux vice-présidents nommés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, exerçant leurs fonctions à temps plein.
Notre commission du développement durable a par ailleurs inscrit dans la loi le principe de la publicité de l’ensemble des propositions, avis et décisions de l’ARAF, en conformité avec la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen.
À l’article 5, qui traite de SNCF Mobilités, les députés ont notamment prévu une décomposition par ligne de comptes TER. En commission, nous avons précisé que cette décomposition sera définie pour chaque région, et non dans le cadre d’un référentiel commun. Nous avons aussi précisé que le transport ferroviaire de marchandises doit figurer au nombre des objectifs assignés à SNCF Mobilités dans le cadre de son contrat décennal avec l’État, afin de mieux prendre en compte la situation très préoccupante du fret ferroviaire.
L’article 5 bis constitue un apport important de nos collègues députés. Il répond à un certain nombre de revendications phares des régions en leur confiant un rôle de chef de file en matière d’aménagement des gares d’intérêt régional, en leur octroyant la liberté tarifaire
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Nous avons toutefois souhaité assurer l’effectivité de ces dispositions en introduisant, à l’article 5 ter, une ressource fiscale dédiée au financement de la compétence transport des régions. On observe en effet un décalage croissant entre les compétences confiées aux régions, qui s’accroissent au fur et à mesure des réformes, et leurs ressources propres, lesquelles diminuent fortement depuis la réforme de la taxe professionnelle.
L’option retenue par la commission est celle, proposée notamment par Jean-Jacques Filleul et Roland Ries, d’un versement transport interstitiel, qui ne concerne que les territoires situés hors périmètre de transport urbain – PTU –, et plafonné à 0, 55 % de la masse salariale. Il n’existe pas de solution parfaite en la matière, mais celle-ci nous a semblé moins pénalisante pour la compétitivité des entreprises que celle d’un versement transport additionnel, qui viendrait s’ajouter aux 2 % déjà acquittés dans la plupart des grandes agglomérations.
Nous avons également introduit un nouvel article 6 bis A, qui prévoit la mise en place d’une protection spécifique des circulations ferroviaires contre les effets perturbateurs des ondes émises par les installations radioélectriques tierces. Ce problème, déjà évoqué par le rapporteur Gilles Savary à l’Assemblée nationale, n’a pas pu être traité dans le cadre de la proposition de loi relative à l’exposition aux ondes électromagnétiques. Il est donc important de le régler ici.
Autre point important : le volet sécurité et sûreté ferroviaires. L’article 6 ter A impose une remontée à l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF, des événements mettant en cause la sécurité ferroviaire, et prévoit un mécanisme de sanction en cas de manquement à cette obligation.
Je suis favorable à cette mesure, qui préfigure l’instauration d’une culture du compte rendu, compte tenu de l’importance qui s’attache aux enjeux de la sécurité ferroviaire : après le terrible accident de Brétigny-sur-Orge, il convient de mettre en valeur la mobilisation de l’ensemble des acteurs du système ferroviaire dans ce domaine.
L’article 6 ter énonce le principe du libre accès des forces de l’ordre aux véhicules ferroviaires pour l’exercice de leurs missions de protection de l’ordre public, et l’assortit d’une sanction pénale. Cette mesure vise à faciliter la présence policière à bord des trains nationaux comme étrangers.
À l’article 7, qui rattache la surveillance générale de la SNCF, la SUGE, à l’EPIC de tête, les députés ont prévu que la mobilisation de la SUGE serait systématique pour l’ensemble des opérateurs, dès lors que les tarifs associés à ses prestations sont transparents, non discriminatoires et contrôlés par un avis conforme de l’ARAF. Cette solution me paraît efficiente et de bon sens.
L’article 9 bis a été introduit par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, en coordination avec le dépôt de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF. Il s’agit de prévoir l’audition des deux membres du directoire et du président du conseil de surveillance de la SNCF devant les commissions compétentes du Parlement.
Aux articles 10, 11 et 16, les députés ont considérablement clarifié et sécurisé les opérations de transfert de propriété entre les trois EPIC, à la fois sur les plans juridique, comptable et fiscal ; ce travail technique a encore été amélioré par notre commission.
La question de la gestion des gares de voyageurs a été soulevée par plusieurs d’entre vous. Les députés ont prévu que le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport sur ce sujet, pour présenter les conséquences d’un transfert des gares à SNCF Réseau ou à des autorités organisatrices de transports. Je suis favorable à cette clause de revoyure, dans la mesure où il n’est pas possible de traiter dès aujourd’hui de façon satisfaisante ce sujet éminemment complexe.
Quant à l’article 11 bis, il transfère à SNCF Réseau les terminaux de marchandises appartenant à l’État et gérés par SNCF Mobilités, ainsi que certaines installations de services autres que les gares de voyageurs et les centres d’entretien.
En commission, nous avons adopté une solution de compromis en ce qui concerne la liste servant de référence pour le transfert : en cas de désaccord, le transfert sera automatiquement constaté par le ministre sur la base de l’offre de référence 2013, qui comporte 399 cours fret, au lieu de l’offre de référence 2015, qui en comporte seulement 171. Notre principal souci a été d’assurer la pérennité du patrimoine ferroviaire
M. Louis Nègre opine.
Enfin, à l’article 6, nous avons approuvé l’ouverture aux salariés de RFF qui remplissaient les conditions d’embauche au statut lors de leur recrutement d’un droit d’opter pour le statut des cheminots. À l’article 14, nous nous sommes déclarés favorables au report du 1er juillet 2015 au 1er juillet 2016 de l’échéance fixée pour l’aboutissement de la convention collective, afin de laisser davantage de temps aux partenaires sociaux. Nous avons également entériné l’organisation, dans un délai d’un an à compter de la constitution du groupe public ferroviaire, d’élections professionnelles anticipées.
Au total, la commission du développement durable a estimé que le projet de loi de réforme ferroviaire instaurait des outils pertinents pour renforcer le système ferroviaire et assurer son avenir. Aussi l’avons-nous adopté, ainsi que la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF. Mes chers collègues, je souhaite ardemment que notre assemblée manifeste à son tour un large soutien à cette réforme.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Ronan Dantec applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je m’abstiendrai de répéter ce que M. Teston a excellemment exposé, me contentant de traiter des aspects qui intéressent la commission des finances. Celle-ci s’est saisie pour avis du projet de loi portant réforme ferroviaire compte tenu, notamment, de l’endettement préoccupant du système ferroviaire, dont il a déjà été signalé qu’il atteint plus de 44 milliards d’euros, dont 37 milliards d’euros au titre de l’infrastructure.
Cette dette, mes chers collègues, l’INSEE l’a récemment reconnue partiellement publique. Nous avons donc le devoir de la maîtriser, de la stabiliser et, à terme, de la réduire. Tel est l’un des enjeux, parmi quelques autres non moins importants, du projet de loi soumis à notre examen.
Pour réduire cette dette, une première étape est indispensable : unifier l’infrastructure. En effet, nous ne pouvons plus nous contenter du système existant, dans lequel RFF et la SNCF, même s’ils se coordonnent, n’arrivent pas à trouver un juste équilibre économique et financier entre leurs objectifs contradictoires.
Dans l’organisation actuelle, RFF est confronté à un déficit annuel de 1, 5 milliard d’euros au titre de la maintenance du réseau existant. En outre, il doit lever environ 1, 5 milliard d’euros supplémentaires pour financer le développement de quatre nouvelles lignes qu’il n’est pas besoin de nommer, car chacun ici les connaît.
Si nous voulons faire face aux besoins pour la maintenance du réseau, 15 milliards d’euros devront être investis au cours des dix prochaines années. Organiser cet effort est l’ambition du grand plan de modernisation du réseau. Compte tenu des sommes en jeu, comment pourrions-nous nous satisfaire d’un système sous-optimal ?
L’unification de l’infrastructure au sein de SNCF Réseau répond à une évidence, qu’il était urgent de traduire dans les faits ; elle représente une amélioration fondamentale, dont nous espérons 900 millions d’euros par an de gains de productivité et de mutualisation d’ici à dix ans. Par ailleurs, l’effort consenti par l’État, qui renonce à ses dividendes ainsi qu’à l’impôt sur les sociétés, devrait soutenir SNCF Réseau à hauteur de 500 millions d’euros par an.
Cet équilibre financier repose également sur la mise en œuvre par le nouvel opérateur SNCF Mobilités d’un plan de performances, pour un montant de 1 milliard d’euros.
L’objectif que nous poursuivons, c’est la stabilisation de la dette d’ici à dix ans. Qu’il soit ambitieux, nul ne le conteste, ni les établissements ni le Gouvernement. Il sera formalisé dans des contrats, notamment celui qui sera conclu entre l’État et SNCF Réseau, dont l’article 2 du projet de loi détaille les clauses obligatoires ; en particulier, ce contrat devra fixer la trajectoire financière à dix ans.
Le projet de loi comprend deux garde-fous destinés à éviter que SNCF Réseau ne s’écarte de sa trajectoire financière.
Le premier réside dans l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, qui veillera à la bonne exécution du contrat par SNCF Réseau. Le régulateur émettra un avis sur le projet de budget annuel du gestionnaire d’infrastructure et l’incitera à le corriger en cas d’écart par rapport à la trajectoire arrêtée.
Le second garde-fou prévu par le projet de loi est la règle d’or, ou règle prudentielle, pour le financement des investissements de développement, c’est-à-dire l’ouverture de nouvelles lignes. Cette règle, dont le respect sera surveillé par l’ARAF, évitera que SNCF Réseau ne s’endette de manière inconsidérée, puisque, si l’on doit ouvrir une nouvelle ligne, elle sera financée par les demandeurs, et non plus par le gestionnaire d’infrastructure. En d’autres termes, ce sera aux collectivités territoriales et à l’État, s’ils veulent des lignes, d’en assumer le financement.
L’objectif de stabilisation de la dette est-il réalisable ? Les interlocuteurs que j’ai rencontrés sont restés très prudents sur la cible visée d’ici à 2025 : certains ont évoqué une stabilisation à hauteur de 60 milliards d’euros à cette échéance, d’autres ne se sont pas avancés ; d’autres encore considèrent que l’État ne va pas assez loin, si bien que les comptes ne seront pas équilibrés à horizon de dix ans.
Il est vrai que des contraintes fortes pèsent sur le secteur. De fait, la commission des finances a estimé que le scénario retenu était soumis à des aléas.
Le premier de ces aléas pèse sur les ressources de SNCF Réseau. En effet, les hausses de péages d’infrastructure, fortes ces quatre dernières années, seront limitées au moins jusqu’en 2018, de sorte que SNCF Réseau ne pourra pas augmenter ses recettes en jouant sur les prix. Quant aux subventions publiques, elles seront au mieux maintenues, mais il est peu probable qu’elles augmentent. L’environnement économique sera par conséquent déterminant pour assurer le dynamisme des recettes de SNCF Réseau.
Le second aléa auquel est soumis SNCF Réseau, comme du reste tous les emprunteurs, tient au risque d’augmentation des taux d’intérêt.
Cet établissement devra donc engager des efforts très importants en matière de dépenses. Le président de RFF a assuré les membres de la commission du développement durable qu’un objectif de 10 % de gains de productivité était atteignable : « nous les avons sous le pied », nous a-t-il affirmé. Souhaitons qu’il en soit ainsi ! Nous lui donnons acte de cet engagement et nous jugerons les résultats.
La commission des finances s’est également demandé si nous pouvions aller plus loin pour redonner des marges de manœuvre à SNCF Réseau. Je veux bien évidemment parler de la question, déjà soulevée il y a quelques instants, de la reprise par l’État de tout ou partie de la dette de cet établissement. Cette idée s’appuie notamment sur le fait que l’INSEE, en mai dernier, a requalifié un tiers de la dette de RFF, soit environ 10 milliards d’euros, en dette publique, ce qui est peut-être la fin d’une forme d’hypocrisie consistant à nier le caractère public de cette dette.
Néanmoins, il faut souligner que l’INSEE a aussi reconnu qu’un actif, le réseau, était inscrit face à cette dette, en sorte que le stock de dette publique pris en compte pour le calcul des ratios maastrichtiens n’était pas modifié. Or si l’État venait à reprendre cette dette, aucun actif ne serait plus inscrit en contrepartie : la dette nette augmenterait donc à due concurrence, rendant plus difficile l’ajustement de nos comptes publics.
C’est pourquoi, dans l’état actuel des choses, une telle reprise de dette n’a pas paru souhaitable à la commission des finances, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doive pas être envisagée à terme. En tout état de cause, elle ne nous a pas paru urgente, dans la mesure où RFF reste un emprunteur crédible : sa dette étant considérée par les investisseurs comme une dette de l’État français, elle est jugée peu risquée et la différence de taux d’intérêt entre RFF et l’État est minime.
On pourrait aussi s’interroger sur le caractère vertueux d’une telle reprise de dette, alors que le poids de la dette est aujourd’hui un aiguillon qui pousse SNCF Réseau à se transformer et à se moderniser. Cette dette conduira également l’établissement à choisir avec parcimonie les futurs projets de développement.
Mes chers collègues, je crois que nous devons nous interroger collectivement sur les bons choix à opérer pour notre réseau ferré national.
En particulier, tous les rapports d’expertise font apparaître que le réseau actuel est trop grand et qu’il pourrait être réduit en vue de rationaliser l’utilisation des moyens et de le maintenir dans un état de performance acceptable. Ainsi, le rapport de la commission « Mobilité 21 », rendu public l’année dernière, a souligné que nous devions faire des choix et établir des priorités pour la construction de nouvelles infrastructures.
Des choix, nous devons en faire aussi en ce qui concerne le réseau existant. En effet, si de nouvelles infrastructures sont nécessaires, des anciennes ne le sont peut-être plus. Le problème de la reprise de la dette ne doit pas occulter ces questions fondamentales.
Reste qu’un consensus existe pour reconnaître qu’une partie de la dette de SNCF Réseau ne sera pas amortissable par le système ferroviaire. À terme, donc, l’État sera probablement contraint de s’engager davantage. Pour cela, il peut recourir à plusieurs instruments : non seulement la reprise de dette, mais aussi l’augmentation des subventions. Le rapport prévu à l’article 2 ter du projet de loi, au sujet duquel M. Teston a donné tout à l’heure les explications nécessaires, doit nous permettre d’y voir plus clair sur les modalités de traitement de la dette historique.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable sur les articles dont elle s’est saisie, à savoir les articles 1er, 2, 2 ter, 4 et 5, qui comportent des dispositions intéressant plus directement l’équilibre financier de la réforme.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Ronan Dantec applaudissent également.
Madame la présidente, je désire vous faire part, au nom du groupe socialiste, de trois rectifications relatives au scrutin sur l’ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
MM. Roland Courteau, Marcel Rainaud et Jean-Noël Guérini ont été portés comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’ils souhaitaient voter contre.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Louis Nègre.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.
M. Louis Nègre . Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, enfin ! Enfin, monsieur le secrétaire d’État, car le projet de loi que vous nous présentez est issu d’une lente, trop lente maturation.
Mmes Évelyne Didier et Mireille Schurch le contestent.
Murmures sur les travées du groupe CRC.
Le constat est inquiétant : par exemple, malgré les plans qui se sont succédé, l’activité du fret a notablement diminué en France, alors qu’elle progressait dans plusieurs autres pays européens.
Autre alerte, dès 2005, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, le rapport Rivier, suivi en 2012 par le rapport Putallaz et la Cour des comptes, nous confirmaient que le réseau classique était en voie d’effondrement.
Autre clignotant à l’orange qui vire au rouge, le matériel des trains d’équilibre du territoire est obsolète et fatigué, vous l’avez souligné tout à l'heure. Il ne correspond plus au service qu’il doit à sa clientèle. Il est donc urgent que les nouvelles rames arrivent sur le terrain, monsieur le secrétaire d’État.
Il n’est pas jusqu’au TGV qui commence à son tour à avoir des problèmes d’équilibre financier, sans oublier l’accident dramatique de Brétigny-sur-Orge.
Dans ce paysage qui s’assombrit d’année en année, seule l’action déterminée des régions et leurs investissements massifs ont apporté une bouffée d’oxygène au ferroviaire, avec à la clé une très forte augmentation du nombre de passagers. Le rail continue en effet à être un moyen de déplacement des plus moderne et efficace.
Dans cette morosité ambiante, ce dernier exemple montre bien le rôle irremplaçable du ferroviaire pour les transports du quotidien, …
C’est ce constat aigre-doux, cette dégradation lente qui m’avait amené, dès octobre 2010, à réclamer à mon gouvernement, du haut de cette tribune, un « Grenelle du ferroviaire ». Il m’a fallu plus d’un an…
… pour l’obtenir à travers les Assises du ferroviaire.
Aujourd’hui, après des années de tergiversations, vous nous présentez l’aboutissement de ces discussions et réflexions dans le cadre de ce projet de loi « portant réforme ferroviaire ».
Mon analyse de ce texte me conduit à un triple constat.
En premier lieu, je ne peux que me féliciter du fait que les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la DCF, soient unifiées. Cette mesure était attendue et a fait l’unanimité auprès de tous les acteurs. Elle permettra, sans aucun doute, un meilleur fonctionnement du système et une plus grande sécurité.
Vous redonnez à l’État, grâce à ce projet de loi, un rôle d’État stratège bienvenu pour fixer les priorités et la cohérence du système ferroviaire.
J’ai bien noté en ce sens que l’État assurerait également le pilotage de la filière industrielle ferroviaire, dont le plan de charge, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, est en diminution dramatique à court terme. De même, à travers le schéma national des services de transport, les orientations de l’État pourront s’afficher clairement.
Cette démarche s’accompagne par ailleurs d’une mobilisation positive du Parlement, qui aura à connaître les dossiers les plus importants du système ferroviaire, mais a priori, à ma surprise, sans vote.
J’ai donc proposé en commission d’aller plus loin et de voter une grande loi de programmation ferroviaire. Je pense que le Parlement doit en débattre librement et s’engager par un vote. Ainsi, nous pourrons associer toute la nation à la définition des objectifs que doit atteindre le système ferroviaire.
De même, après un impair incompréhensible dans le texte initial, vous avez accepté l’avis conforme de l’ARAF et avez même augmenté fort justement – grâce à l’Assemblée nationale, d’ailleurs – ses possibilités d’intervention.
Dans le cadre que vous avez choisi d’une entreprise intégrée verticalement, un régulateur fort est absolument indispensable ; je suis d’accord, sur ce point, avec le rapporteur.
Enfin, je note avec satisfaction que ce texte devrait permettre de définir des objectifs de performance et de productivité tout en maîtrisant les dépenses à travers une règle d’or. Toutefois, j’ai également entendu le rapporteur pour avis de la commission des finances – qui parlait d’or, c’est le cas de le dire… – indiquer que, si tout va bien, nous n’atteindrons que 60 milliards d’euros de dette en 2025 ! C’est donc un vrai problème.
Ces éléments positifs étant actés, je fais un deuxième constat qui, lui, m’interpelle quant à la lisibilité du système. Sa complexité, telle qu’elle apparaît à travers ce projet de loi, me plonge dans un océan de perplexité. En effet, en dehors des spécialistes, la plupart des interlocuteurs que j’ai rencontrés ont eu des difficultés à comprendre qui faisait quoi.
Au départ, nous avons un EPIC mère avec deux EPIC fille dont l’un dispose d’une entité autonome « Gares & Connexions ». Mais ces établissements sont à leur tour accompagnés par une véritable nébuleuse à travers l’existence d’un conseil de surveillance, lui-même ayant un rôle différent du Haut Comité du système de transport ferroviaire qui ne recouvre pas les missions du comité des opérateurs du réseau…
… dont le rôle est bien sûr différent de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires qui ne doit pas se confondre avec l’Établissement public de sécurité ferroviaire, …
… sans compter, monsieur le secrétaire d’État, la commission des sanctions, la commission de déontologie et le Haut Comité de la qualité de service dans les transports, qui tous concourent, à des degrés divers, au fonctionnement du système ferroviaire français.
Dans le système précédent, après des années, on ne savait toujours pas à qui appartenaient les quais, d’une part, et les bordures de quais, d’autre part ! §Le système actuel n’est malheureusement pas plus lisible.
Cette organisation, qui ressemble fort à une usine à gaz, est difficilement compréhensible pour le commun des mortels.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, je fais un troisième constat qui, lui, est beaucoup plus grave. En effet, il y a toute une série de points sur lesquels je ne partage pas votre philosophie et votre vision de l’avenir. Je me situe même à l’opposé de votre démarche politique, et vous n’en serez pas étonné.
J’en veux pour preuve plusieurs éléments, avec deux séries de réactions de plus en plus négatives de ma part.
Cela ne dure jamais très longtemps…
Je suis un sénateur libre et honnête : je dis ce que je pense. Je souligne les points que je trouve positifs, tout comme ceux qui me paraissent négatifs !
C’est l’honneur de la Haute Assemblée que de pouvoir s’y exprimer ainsi.
Une première série de désaccords porte notamment sur trois points. Le premier concerne le commissaire du Gouvernement auprès de l’ARAF, dont l’utilité m’échappe. En effet, le Gouvernement peut très bien transmettre ses analyses directement à l’ARAF, sans avoir besoin d’un commissaire, qui fait penser plutôt à un commissaire politique…
Nous nous sentons d’autant plus en droit de faire cette remarque, monsieur le secrétaire d’État, que dans le cadre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, en 2011, cette même manie gouvernementale avait été retoquée par la Commission européenne.
Cela paraissait on ne peut plus logique !
Dans le même sens, l’Autorité de la concurrence, dans son avis du 4 octobre 2013, juge elle aussi nécessaire que soit garantie « la neutralité concurrentielle des gares de voyageurs » pour ne pas entraver un développement effectif de la concurrence. Cet avis ne souffre pas d’interprétation. Il est très clair. Je ne peux donc, monsieur le secrétaire d’État, que regretter votre position.
Enfin, le troisième point est relatif aux matériels roulants régionaux. Là encore, monsieur le secrétaire d’État, je suis en totale opposition avec l’article 5 bis de votre projet de loi.
que les régions, qui ont financé avec les deniers publics des contribuables locaux l’intégralité des rames, n’en soient pas propriétaires.
Sur ce point, dans le cadre de la commission du développement durable, grâce à son président et à son rapporteur, nous cheminons vers une solution qui nous paraîtrait plus cohérente.
Je me demande donc pourquoi vous avez inscrit cette mesure aussi étrange qu’illogique, monsieur le secrétaire d’État.
Mais, s’il n’y avait que ces remarques : hélas, trois fois hélas, il y a encore plus grave ! Il s’agit, à mes yeux, de trois points fondamentaux qui ne sont pas traités, au mieux tout juste abordés.
Le premier point porte sur la dette. De l’avis général, la situation est gravissime. Aujourd’hui, elle explose à plus de 40 milliards d’euros ; elle entraîne une charge financière de près de 1, 5 milliard d’euros par an. Ce problème essentiel dans le cadre d’une vraie réforme ferroviaire ne fait l’objet que d’approches qui ne sont pas à la hauteur du problème.
Il est significatif que le Gouvernement n’ait prévu qu’un simple rapport « sur les solutions qui pourraient – au conditionnel – être mises en œuvre », et ce dans deux ans !
Cette situation est ancienne et chaque année un peu plus alarmante. Votre proposition, à la différence des mesures drastiques et douloureuses qu’ont prises les Allemands en leur temps, consiste à repousser à plus tard l’assainissement des comptes.
C’est d’autant plus incompréhensible qu’Eurostat, l’INSEE et la Cour des comptes ont confirmé qu’il était dès aujourd’hui possible de transférer plus de 10 milliards d’euros à l’État, ce qui permettrait en deux ans de soulager le système ferroviaire de 1 milliard d’euros de charges de la dette. Alors qu’il y a le feu à la maison, on regarde ailleurs, et ce problème gravissime plombe l’ensemble du système ferroviaire !
Et je ne reviendrai pas sur l’avis de la commission des finances…
La commission n° 3 des Assises, auxquelles je vous renvoie, a d’ailleurs confirmé cette analyse en son temps en précisant que la seule clé de désendettement du secteur était la résorption du déficit structurel.
Ce qui nous amène à un deuxième point fondamental de votre réforme, à savoir l’absence – je dis bien : l’absence – d’ouverture à la concurrence.
En 2009, mes chers collègues, mon premier amendement déposé à la Haute Assemblée était consacré à une ouverture maîtrisée à la concurrence. Je crois profondément, quant à moi, que ce mécanisme s’avérerait extrêmement bénéfique pour la SNCF et pour les usagers.
Mais, au lieu d’aborder franchement cette question et de passer à l’offensive, nous reculons à nouveau. En effet, la commission n° 1 des Assises du ferroviaire, présidée par Gilles Savary, qui n’était pas encore rapporteur à l’Assemblée nationale, avait déclaré en 2011, il y a quatre ans déjà, que le principe d’une ouverture à la concurrence était acté pour les autorités organisatrices qui le souhaiteraient.
Malheureusement, en 2014, il n’en est toujours rien. Bien au contraire, le texte n’en parle même pas !
À l’image de l’urbain, la concurrence – instaurée, je vous le rappelle, par Michel Sapin en personne – permettrait pourtant de développer l’emploi au sein de la SNCF, d’augmenter l’offre pour les usagers, mais aussi de réaliser des économies substantielles, de l’ordre de 15 % à 20%, ce qui est considérable.
Les 870 millions d’euros par an ainsi économisés permettraient soit de procéder à des investissements supplémentaires, soit de diminuer la charge financière des collectivités et donc des contribuables.
C’est d’autant plus regrettable que la SNCF, libérée à l’international, est tout à fait capable de conquérir, vous l’avez dit, sans aucun dumping social, des parts de marché et de promouvoir avec une grande efficacité la marque « France ».
Enfin, le dernier point, qui s’inscrit dans la logique qui est la vôtre et que je récuse totalement, va entraîner le verrouillage complet du système ferroviaire national.
À travers le caractère indissociable et solidaire des trois entités, à travers la création d’un seul comité central du groupe public, à travers un délégué syndical central, à travers toutes ces dispositions de dernière minute qui fleurent bon le centralisme démocratique, nous en revenons à la SNCF de grand-papa !
C’est un retour en arrière complet. Si l’on ajoute l’intangibilité des statuts et leur inadaptation à un monde qui évolue, si l’on ajoute le décret-socle qui fera disparaître le peu de concurrence qui existait, on aboutit encore une fois au syndrome de la ligne Maginot.
Rester autant sur la défensive, s’enfermer sur les droits acquis, en bref, ne pas bouger, ne pas évoluer, entraînera malheureusement un affaiblissement du système ferroviaire susceptible à terme de mettre en cause son existence même. Votre « modèle », pour reprendre votre terme, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas le nôtre.
Le cas dramatique de la SNCM devrait pourtant nous alerter sur la nécessité pour la France de développer des entreprises compétitives, aptes à gagner la bataille de l’emploi, plutôt que de se recroqueviller sur elle-même.
Vous pouvez en parler de la SNCM ! Vous êtes gonflé !
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi se limite à une réforme institutionnelle. Il ne touche pas les problèmes principaux – j’insiste sur ce qualificatif – qui grèvent l’avenir du rail et ne les traite donc pas au fond.
Comparaison n’est pas raison, mais après l’exemple allemand, je peux aussi citer l’Italie où le président du Conseil, Matteo Renzi, lance une réforme structurelle par mois ! C’est l’opposé de cette approche étriquée et de ce manque de vision.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le système ferroviaire français est constitutif de notre identité.
Il fait, je ne parle pas au passé, la fierté de notre pays, malgré les difficultés. La fierté des cheminots, d’abord, fierté légitime, et celle de nos compatriotes. Nous aimons les chemins de fer. Pour autant, nous devons donner un nouveau départ au modèle ferroviaire français. Ce modèle ferroviaire, c’est une vision de la France, de la mobilité, des territoires. On sait combien cela compte, en particulier ici, au Sénat.
La SNCF, dans l’histoire, nous a montré combien elle savait être au rendez-vous. Nous devons, nous aussi, être au rendez-vous pour franchir une étape indispensable au renouveau du chemin de fer français.
Nous mesurons l’enjeu : permettre au système ferroviaire français d’assurer son avenir. L’enjeu, c’est à partir de cette histoire, de cette tradition française, avec les cheminots, de redonner au système ferroviaire français un cadre clair, qui lui permette de se développer.
Pour perpétuer cette tradition, pour la renouveler, il faut changer. Changer, car la situation actuelle ne peut durer. Changer, car les cheminots eux-mêmes appellent à plus d’efficacité. Il faut redonner au système ferroviaire français une ambition, non pas qu’il en manque aujourd’hui, mais la question posée est celle des moyens.
Je crois que le système ferroviaire français est à un tournant. Ce moment est sans doute un moment clé. Il faut changer, certes : changer pour « mieux » de ferroviaire.
Au départ, il y a plusieurs constats : la complexité du système actuel ; le besoin de modernisation du réseau ; l’impasse financière, qui malheureusement s’accroît. Une question aussi, celle de la hiérarchisation des priorités : quel réseau, comment l’entretenir ?
Face à ces constats, notre ambition est de renouveler le système ferroviaire français. Il est bon que l’État se dote enfin d’une stratégie en matière ferroviaire. Il est inutile de développer plus longuement les maux de notre système, car de nombreux orateurs, comme à l’instant Louis Nègre, les ont soulignés : la spirale de l’endettement ; un réseau vieillissant et dégradé dont de multiples rapports ont fait le constat – nous avons bien évidemment une pensée émue pour les victimes de l’accident de Brétigny-sur-Orge au moment où le rapport consacré à ce drame vient d’être publié – ; un système pas assez compétitif – c’est une réalité qu’il convient de voir en face –, avec un coût supérieur de 30 % à celui de nos voisins, et qui se trouve aujourd’hui concurrencé par d’autres modes de transport.
Le projet de loi élaboré par le Gouvernement, avec les acteurs du ferroviaire – je le dis dans cet ordre, sans malice, croyant ne pas me tromper –, ce projet de loi, gouvernemental, donc, s’inscrit dans le cadre de la réflexion lancée par le précédent gouvernement au travers des Assises du ferroviaire. Il y a une forme de continuité, au moins dans l’intention de départ.
L’équation de départ est simple, les intentions étaient claires : reconstituer un gestionnaire d’infrastructure unifié – ce point faisait et fait toujours consensus –, mais aussi adapter le système ferroviaire français aux exigences d’aujourd’hui, ce qui est plus douloureux. Ça l’a été au départ et ça le sera toujours ; les grèves récentes ont montré l’inquiétude des cheminots et la difficulté de la tâche.
Parmi les exigences d’aujourd’hui auxquelles il faut savoir s’adapter, je voudrais citer cinq axes de travail. Premièrement, la qualité de service aux voyageurs : nous la devons aux usagers, elle existe, elle doit s’améliorer pour plus de régularité. Deuxièmement, la sécurité : chacun conviendra de l’importance de cet enjeu, à quelques jours de l’anniversaire de la catastrophe de Brétigny-sur-Orge. Troisièmement, parce qu’il faut voir les problèmes en face, le coût du système aujourd’hui trop élevé est aussi une exigence qu’il faut relever. Quatrièmement, la nécessaire inclusion des chemins de fer dans une stratégie globale de mobilité, avec la concurrence et la complémentarité des autres modes de transport s’impose également à nous. Cinquièmement, enfin, la concurrence, mot tabou mais réalité de demain à laquelle nous devrons nous confronter pour en ressortir vainqueurs, doit être regardée en face. Nier la perspective n’est pas la solution.
Face à ces différents enjeux, le projet de loi soumis à la Haute Assemblée souffre, selon nous, de trois insuffisances.
En premier lieu, le système mis en place est complexe, avec trois EPIC imbriqués. L’eurocompatibilité que vous revendiquez restera à confirmer avec la nouvelle Commission et le nouveau Parlement européen. Attention à l’adoption du « quatrième paquet ». Quelques points majeurs restent à signaler. L’accès équitable au réseau, le rôle du régulateur, la place prépondérante de l’opérateur historique, l’endogamie du système, dans la version initiale du texte, restaient des questions assez mal traitées et demeurent encore à améliorer.
En deuxième lieu, votre réforme me paraît insuffisamment financée et ne traite pas assez de la dette ferroviaire, qui atteint 44 milliards d’euros et progresse de 1, 5 milliard d’euros par an. Elle devrait atteindre 60 milliards d’euros dans quelques années et 70 milliards d’euros en 2025. Une réforme sans la dette est-ce une réforme ?
Enfin, en troisième lieu, le projet de loi se concentrant essentiellement sur les questions de gouvernance, il contourne la question principale de la modernisation du système ferroviaire, de l’amélioration de la qualité de service, de la productivité et de l’adaptation à la concurrence. Cette réalité est pourtant devant nous.
Cela étant dit, le travail de l’Assemblée nationale a permis des avancées.
Un premier pas, trop timide, a été fait en direction des régions, avec plus de transparence des comptes, une liberté tarifaire à peine esquissée, la question du matériel roulant abordée imparfaitement, mais abordée, le chef de filât pour les gares d’intérêt régional. Je crois que les régions seront les moteurs de la rénovation du système. Elles n’en ont pas encore les moyens. Un premier pas a été fait en leur direction. Ce pas est, selon nous, beaucoup trop timoré. La seule avancée notable concerne la transparence des comptes des lignes TER que réclament légitimement les régions. Le chef de filât leur a été reconnu uniquement pour les gares d’intérêt régional. Quant à la question du matériel roulant, elle ne me paraît pas suffisamment bien réglée.
Des améliorations ont été apportées sur la gouvernance et les pouvoirs de l’ARAF, le régulateur. Ce point mérite lui aussi d’être renforcé. Nous estimons que ces améliorations sont encore insuffisantes, et qu’il faut encore renforcer l’étanchéité entre les différents EPIC et assurer l’indépendance de l’autorité de régulation afin de garantir la non-discrimination entre opérateurs.
S’agissant de la dette, la règle prudentielle a été seulement esquissée. En aucun cas les économies d’échelle attendues ne permettront de réduire le stock de dette. Ce point est majeur. Les promesses d’économies ne sont pas des économies. Et il en est ici comme du budget de l’État, malheureusement.
Le cadre social a été complété, certes, pour rassurer les cheminots, qui doivent accompagner la réforme et être les véritables acteurs du changement.
Ces avancées, issues de la discussion à l’Assemblée nationale, on pourrait les résumer en deux temps : une part de réalisme – les régions, l’ARAF –, il s’agit de premiers pas à conforter ; une part de dialogue social renforcé.
Gageons que le cadre social amélioré sera demain un élément positif et non un élément de blocage. Du moins, souhaitons-le !
Cette réforme peut encore être améliorée. Il y a, et j’ai entendu Louis Nègre à l’instant, deux attitudes possibles : ou bien condamner la réforme – mais n’est-ce pas condamner le système ferroviaire ? A-t-on le temps ? – ; ou bien faire le pari du pragmatisme et construire pas à pas, mais en accélérant, donc choisir d’améliorer le texte.
Nous choisirions volontiers le pragmatisme s’il était réciproque. Je crois que faire de ce sujet un combat idéologique, ce ne serait pas un service à rendre au système ferroviaire. Il y a des réalités et des urgences.
La réforme telle qu’elle est proposée aujourd'hui, malgré les travaux de la commission du développement durable, et je salue le président Raymond Vall et le rapporteur Michel Teston, est largement imparfaite. Notre volonté est de regarder comment l’approfondir en allant plus loin dans l’adaptation au quatrième paquet ferroviaire, en préparant progressivement l’ouverture à la concurrence.
Ici, il me faut m’adresser à vous, monsieur le secrétaire d'État : il y a une ambiguïté dans votre réforme et vous devez la lever. Soit c’est la politique de l’autruche et nous connaîtrons pour le trafic voyageurs ce que nous avons connu pour le fret. Soit c’est un pas pour adapter réellement le système ferroviaire aux réalités d’aujourd’hui. Si, comme je le souhaite, la seconde hypothèse est la bonne, vous devez accepter ici de faire bouger les curseurs.
J’entends bien que le cadre social doit être respecté. Je comprends que l’architecture institutionnelle du projet peut difficilement, à ce stade, évoluer considérablement. Mais, je dois ici le rappeler, autant nous sommes d’accord avec la constitution d’un gestionnaire d’infrastructure unifié – c’est d’ailleurs l’une des conclusions des Assises du ferroviaire –, la réforme de 1997 ayant montré ses limites, autant le pôle public intégré nous laisse dubitatif.
Sur les autres points, l’économie, le régulateur, la dette, le pouvoir des régions, il faut, je crois, savoir aller plus loin, franchir le pas qui fera de cette réforme une adaptation nécessaire et utile, plutôt qu’un élément destiné à éviter de voir les réalités.
Notre guide dans la discussion des articles et des amendements sera simple. Nous amenderons sur des points précis. Certains, d’ailleurs, ont été évoqués par Louis Nègre, parce que nous avons bien sûr un certain nombre d’axes communs. Nous viserons plusieurs objectifs. J’en rappellerai rapidement cinq.
Le premier objectif, c’est d’inscrire la stabilisation, voire la diminution, de la dette comme priorité de cette réforme ferroviaire. Encore une fois, une réforme sans la dette, c’est repousser à demain le plus important.
Le deuxième objectif, c’est de préparer le système ferroviaire au « quatrième paquet » et à l’ouverture à la concurrence en permettant, par exemple, aux régions d’expérimenter les délégations de service public.
M. Louis Nègre opine.
Le troisième objectif doit être de renforcer l’indépendance des établissements publics au sein du pôle unifié que vous avez choisi afin de rendre le projet de loi pleinement compatible avec les règles européennes. C’est aussi, d’ailleurs, nécessaire pour garantir un accès équitable au réseau.
Notre quatrième objectif, en concordance avec le précédent, c’est bien sûr de renforcer encore les pouvoirs de l’ARAF comme véritable autorité de régulation indépendante. Louis Nègre a évoqué tout à l’heure la question du commissaire du Gouvernement. C’est d’autant plus nécessaire que votre système peut parfois être considéré comme ambigu, donc remettons de la clarté !
Enfin, nous voulons, c’est notre cinquième objectif, rendre le train plus compétitif et plus attractif. Cela veut dire améliorer la productivité du système, la qualité du service rendu aux usagers, mais aussi revenir à des prix concurrentiels. Tout de même, quand on voit les tarifs sur internet, il y a parfois de quoi désespérer !
M. Louis Nègre opine.
Sur les points que je viens d’énumérer, la réponse du Gouvernement sera déterminante pour ce qui concerne notre vote. Nous avons déposé des amendements et nous aurons l’occasion d’approfondir la discussion.
Votre projet de départ n’est pas le nôtre, monsieur le secrétaire d'État, vous le savez. L’Assemblée nationale l’a amélioré, mais il reste du chemin à faire. Sur le texte initial, nous avions de grandes réserves. Une partie d’entre elles ont été levées. Nous mesurons l’enjeu pour le système ferroviaire et les cheminots. L’enjeu c’est de s’adapter et de se redonner les moyens d’être compétitifs. Repousser la mise en concurrence sans s’y préparer n’est pas la solution. Au contraire c’est l’assurance de réveils douloureux.
Ce texte, s’il était adopté par le Sénat, ce qui ne me paraît pas acquis à cette heure, ne réglera pas tout. Il faudra demain encore aller plus loin dans l’expérimentation des délégations de service public. Gageons que les régions elles-mêmes y viendront. Après tout, le droit européen existe. Il faudra aussi, à court terme, réussir le quatrième paquet ferroviaire avec un Parlement européen et une Commission renouvelés. Ce ne sera pas forcément le plus facile.
La France a trop souvent l’image d’un pays qui ne sait pas se réformer. Si cette réforme devra bien sûr être suivie d’autres, dans ce domaine précis, elle peut malgré tout contribuer à améliorer la situation du chemin de fer français. La discussion mérite en tout cas d’être engagée et c’est dans cet esprit que nous examinerons ce texte.
Je terminerai en évoquant bien sûr les attentes des voyageurs. Monsieur le secrétaire d'État, il est des secteurs où l’exaspération des voyageurs est à son comble – et l’Île-de-France en est un. Hier encore, le RER B était bloqué à la station Luxembourg.
À vingt heures, en plein conseil municipal, j’attendais un certain nombre de mes collègues élus qui étaient encore dans les rames. Il faut répondre à cette attente. La ligne B est celle que je connais le mieux, mais d’autres souffrent tout autant.
Les annonces du procureur d’Évry – forcément légitimes – sur l’état de vétusté du réseau, en particulier en gare de Noisy-le-Sec, interrogent et interpellent nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut rassurer sur les moyens mis en œuvre, car les usagers et le maire de Noisy-le-Sec, en particulier, sont légitimement inquiets du constat qui a été livré à l’opinion.
Tout cela nous rappelle si besoin que la finalité du réseau comme du transporteur, c’est d’être au service des usagers pour les transporter.
En cela, le système ferroviaire répond à une obligation de service public et d’égalité. C’est un beau défi qu’il nous faut relever aujourd’hui encore. Alors je connais le talent de notre rapporteur, Michel Teston, et sa passion pour le ferroviaire…
M. Vincent Capo-Canellas. … et je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes à l’écoute du Parlement. Dans la discussion qui s’engage, nous mettrons en avant quelques idées simples. À l’Assemblée nationale, cette réforme était assez mal engagée, peut-être sur la mauvaise voie, elle a peut-être failli dérailler en raison de la grève, mais vous avez réussi à faire en sorte qu’il n’en soit rien. Après son passage devant les députés, elle a été « réaiguillée » dans un sens plus favorable. Espérons qu’après son examen par le Sénat, elle sera enfin sur de bons rails. Il n’appartient qu’à vous, monsieur le secrétaire d'État, d’orienter ce projet de loi dans le bons sens et de faire arriver cette réforme à quai et à temps.
Mme Françoise Férat applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, maintenance inadaptée, délabrement jamais vu : les mots du procureur chargé de l’accident de Brétigny-sur-Orge sont durs, très durs à entendre pour nous qui aimons le chemin de fer. Ils font cependant écho à ceux des cheminots, qui, depuis plusieurs années, nous alertent sur la dégradation du service public ferroviaire, ainsi qu’au constat unanimement partagé des Assises du ferroviaire.
Cela s’ajoute à la charge médiatique sur les rames de TER inadaptées à la largeur des quais et renforce le sentiment de gâchis et d’insécurité des usagers.
La SNCF est une entreprise publique de service public, caractérisée par certaines valeurs qui cimentent le corps social et le territoire national. Malheureusement, les choix des gouvernements successifs et de la direction ont tendu à l’assimiler à une entreprise comme une autre. Le cloisonnement des métiers et des personnels ainsi que le recours massif à la sous-traitance des activités essentielles mettent à mal la complémentarité et les savoirs multiples, apportant son lot d’inquiétudes, de souffrance et de dysfonctionnements.
Pour notre part, dans une démarche constante et cohérente, nous n’avons jamais cessé de pointer les lacunes de la réforme de 1997, le poids des intérêts divergents de RFF et de la SNCF, la perte d’énergie dans la gestion des relations entre deux entreprises publiques qui devaient logiquement travailler ensemble et la remise en cause de la légitimité des cheminots.
Que ce soit dans notre proposition de loi permettant la relance du secteur public ferroviaire de mai 2012 ou encore notre proposition de résolution tendant à la maîtrise publique du système ferroviaire national de juillet 2013, sans parler de notre résolution demandant une évaluation de la libéralisation du secteur, nous avons été attentifs aux préoccupations des acteurs de terrain et nous avons appelé de nos vœux une réforme du système ferroviaire.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, nous saluons vos efforts pour que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de nos assemblées, d’autant plus qu’une course de vitesse est engagée avec la Commission européenne.
Toutefois, le quatrième paquet ferroviaire, vous l’avez rappelé, n’est pas encore voté et la Commission européenne a déjà dû reculer.
À cet égard, rappelons que le droit positif impose seulement une séparation des fonctions essentielles, à savoir la définition des péages et la répartition des sillons.
De plus, les États – et donc les gouvernements – ne sont pas étrangers à la production législative européenne et ils ont une marge de manœuvre dans la transposition des directives. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, n’utilisez pas l’argument de l’eurocompatibilité ou de la concurrence comme indépassable : il ne peut y avoir de double discours, l’un national, l’autre européen. Le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, – j’ai entendu le Premier ministre – veut être un gouvernement de combat et la France – je reprends vos mots – est une grande nation ferroviaire et européenne qui a un poids certain dans les négociations européennes.
Ce projet de loi est une formidable opportunité pour faire valoir les exigences de la France dans le domaine ferroviaire.
Dès lors, ne reproduisons pas les erreurs passées sous couvert d’un discours d’urgence ou de contraintes réelles ou imaginaires. C’est pourquoi, à travers nos amendements, nous défendrons un modèle unifié autour de l’entreprise publique SNCF, car il a fait ses preuves par le passé. Nous pensons qu’il est seul à même de répondre aux défis du futur, aux exigences d’un service public ferroviaire, fiable et performant au service des usagers et du territoire, un service public qui ne soit pas, comme cela transparaît en filigrane dans le projet de loi, exclusivement orienté vers la gestion de l’infrastructure.
Le service public que nous défendons englobe l’offre de service, la gestion et le déploiement des réseaux, mais aussi la gestion des gares et du patrimoine ferroviaire.
S’il est impératif de mettre fin à l’absence de vision cohérente à long terme sur le système ferroviaire, la question de son financement ne peut être minorée et reportée dans le temps.
À sa création, RFF a hérité de la dette de la SNCF – 20 milliards d’euros au départ, dette qui est devenue colossale aujourd’hui, comme l’a rappelé le rapporteur –, laquelle n’apparaît plus comme de la dette publique.
Pourtant, le désendettement de la SNCF aurait pu être obtenu par le transfert d’une partie de ses dettes à l’État, ce que la directive de 1991 autorisait. D’ailleurs, dans la plupart des autres pays européens, l’État a ainsi repris une grande partie des dettes de l’opérateur ferroviaire historique. Voyez l’exemple allemand.
Pourtant, force est de constater que l’État n’a toujours pas l’intention de désendetter le système ferroviaire. Ce projet de loi, à notre avis, n’apporte pas de réponse satisfaisante à cette question pourtant cruciale.
La seule perspective de ce projet de loi sur le financement du système réside dans ce que vous appelez « des gains de performance dans les organisations et les modes de travail dans l’ensemble du groupe », et dans l’optimisation de l’offre ferroviaire.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, qu’au vu de l’actualité cela crée un certain malaise. Car c’est cette logique de réduction des coûts et des moyens financiers et matériels, de suppressions d’emplois, d’abaissement de la qualité des formations dispensées qui dégrade les conditions de travail des cheminots et la qualité du service public SNCF rendu aux usagers et à la nation.
Cette logique qui encourage un recours toujours plus important à la sous-traitance pour réaliser la maintenance verra peut-être se multiplier les catastrophes comme celle de Brétigny-sur-Orge. §
Car, selon les chiffres annoncés lors des débats à l’Assemblée nationale, pour trouver annuellement 250 millions d’euros, il faudrait réduire les effectifs de 4 330 personnes par an. En cinq ans, ce seraient donc plus de 20 000 salariés en moins.
Reconnaissons-le, les craintes des cheminots ne sont pas dénuées de fondement, monsieur le secrétaire d'État !
De plus, l’optimisation de l’offre ferroviaire, ainsi que la règle prudentielle, prévoit une hiérarchisation des investissements en faveur des projets présentant le meilleur retour d’investissement. À terme, cela se traduira inévitablement par des fermetures de lignes. En effet, le projet de loi prévoit un système de priorisation des projets ferroviaires, c’est-à-dire que les travaux nécessaires à la régénération du réseau ne seront effectués que lorsqu’ils sont jugés « utiles » et si les finances le permettent – pour certaines lignes, l’occasion ne se présentera jamais.
C’est donc le passage de la recherche d’une sécurité maximale à un risque calculé. Il faudra expliquer cela à nos concitoyens, monsieur le secrétaire d'État. Au fond, vous rayez d’un trait de plume les engagements de la commission Mobilité 21.
En outre, la gestion en temps réel du trafic relève complètement de l’opérationnel, de l’exploitation ferroviaire, et fait partie des fondements de la sécurité et de la qualité des services ferroviaires effectifs, alors que la gestion de l’infrastructure au sens propre a lieu en amont, en temps différé.
Où est donc dans votre projet la construction d’une synergie en temps réel des équipes de terrain, par exemple aiguillage et manœuvre des trains ?
Sur ce terrain, monsieur le secrétaire d'État, votre réforme ne répond pas aux attentes des cheminots en termes d’efficacité.
À cet égard, le nouveau rôle de gendarme financier dévolu à l’ARAF nous interroge. Nous avons toujours contesté ce type de structure dont les missions n’ont, à notre avis, rien à voir avec le service public, puisque l’unique objectif visé est de faire de la place aux nouveaux entrants et donc d’assurer la concurrence. Nous soutenons l’idée que la régulation du système ferroviaire doit être la mission de l’État plutôt que d’une structure prétendument indépendante et loin de la notion de service public.
Eurocompatibilité, ouverture à la concurrence, pérennité de la réforme, mais aussi unicité du système sont les termes que vous utilisez pour décrire votre réforme.
Vous nous dites : efficacité du système. Ainsi, pour remédier à l’éclatement du passé, il faudrait créer trois nouvelles entités : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Par une mathématique opaque, vous affirmez, monsieur le secrétaire d'État, que trois serait plus performant que deux, et plus performant encore que un. Pourtant, les directives européennes n’imposent absolument pas la mise en place de trois EPIC distincts ; elles n’exigent de séparation organique que pour « les fonctions essentielles ».
Pourquoi ne pas avoir simplement externalisé ces fonctions auprès de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, la DGITM, et reconstruit un groupe public ferroviaire autour d’un seul EPIC ? Si l’objectif est la rationalisation et l’efficacité du système, pourquoi n’avoir pas retenu cette solution de bon sens au lieu de multiplier les structures et compétences de coordination, d’arbitrage, de consultation ? D’autant qu’il y a toujours un président de SNCF Réseau et un président de SNCF Mobilités : la complexité est loin d’avoir disparu.
Vous nous dites que cette réforme sera source d’économies ? Pouvez-vous être plus précis au vu de l’empilement de toutes ces nouvelles structures et instances diverses et variées ?
Vous nous dites : pérennité de la réforme. Ce choix des trois EPIC nous interroge. En effet, et vous le savez, l’EPIC est une forme juridique aujourd’hui menacée. La Cour de justice de l’Union européenne nourrit des suspicions sur son régime juridique. À cet égard, l’exemple de La Poste est éclairant – à l’époque, la gauche s’était battue contre le changement de statut de l’entreprise. Il ne faudrait qu’un pas pour que la Cour de justice juge tout simplement les EPIC comme incompatibles avec le marché intérieur.
En outre, par le passé, la séparation en filiales de différentes activités a été le plus sûr chemin vers leur privatisation. C’est pourquoi le schéma proposé n’emporte pas notre conviction, surtout au vu des transferts d’actifs organisés dans les articles 10 et suivant du projet de loi, qui, tout en renforçant SNCF Réseau, apurent en quelque sorte les comptes de SNCF Mobilités.
Vous nous dites : unicité du système et simplification. Depuis plusieurs années, les régions sont désireuses d’affirmer leur rôle d’autorités organisatrices de transport de plein exercice, ce qu’elles ne sont pas. Si le texte initial prévoyait un léger renforcement des régions, son passage à l’Assemblée nationale tend à une véritable « régionalisation » de notre système ferroviaire.
Certes, les députés ont refusé de reconnaître aux régions les prérogatives d’autorités organisatrices de plein exercice. Toutefois, il appartiendra aux régions de définir la politique tarifaire des services d’intérêt régional et elles pourront devenir propriétaires et gestionnaires d’infrastructures, compétence qu’elles sous-traiteront. Nous sommes donc bien loin de l’unité du réseau ; pire, à notre avis, c’est d’un éclatement du réseau qu’il s’agirait.
Avec cette réforme, le risque est grand que subsistent les stratégies concurrentes des différents acteurs ferroviaires. Les simplifications annoncées sont illusoires. La multiplication des structures, la complexification et l’étanchéité des organisations vont renforcer les difficultés de la mutualisation, pourtant nécessaire.
C’est pourquoi nous porterons des amendements allant dans le sens d’une réelle unification du système. La définition d’une nouvelle ambition pour le ferroviaire renvoie à la nécessité de financements renforcés. Nous porterons des amendements en faveur d’une reprise par l’État de la dette ferroviaire – dette colossale, monsieur le rapporteur – afin de développer les capacités de financement des réseaux.
Nous reviendrons sur l’exigence d’unité du réseau et sur la préservation des conditions de travail dans le monde ferroviaire.
Il y a presque un an, dans cet hémicycle, nous vous demandions de clarifier la position du Gouvernement, considérant que libéralisation, régionalisation et maîtrise publique du système ferroviaire n’étaient pas a priori compatibles et que le message envoyé par votre gouvernement était particulièrement brouillé.
Nous demandions des engagements précis sur des financements nouveaux et sur les missions de service public assumées par le groupe public ferroviaire, notamment en matière de rééquilibrage modal.
Nous demandions également que les salariés du secteur ferroviaire soient respectés.
Toutes ces demandes sont restées sans réponse, ou presque. Quant au respect des salariés, le traitement médiatique de la récente grève a été particulièrement violent et lamentable, alors même, et vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, que les salariés du rail défendent, en toute responsabilité et avant tout, le service public.
Nous proposerons donc clairement, par nos amendements, de renforcer ce groupe public ferroviaire, ce qui, vous nous l’accorderez, constitue bien l’enjeu décisif pour le secteur.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà qu’arrive dans notre Haute Assemblée un texte nourri par une actualité forte, ainsi que par plusieurs événements qui ont suscité émotions et interrogations auprès des cheminots, mais aussi auprès de nos concitoyens.
Je mentionnerai volontairement pêle-mêle des événements qui sont d’ordre bien différent : nous avons tous en mémoire le terrible accident de Brétigny-sur-Orge, nous ne pouvons oublier les « embarras » dus aux dernières grèves et nous nous sommes interrogés sur ces quais trop étroits pour accueillir les nouvelles rames de trains modernes…
S’agissant de Brétigny-sur-Orge, monsieur le secrétaire d’État, une enquête a été diligentée à votre demande dont les premières conclusions sont terrifiantes : « coupable négligence », « état de délabrement jamais vu », des mots qui font froid dans le dos, qui heurtent les voyageurs habituels ou simplement occasionnels, des mots aussi qui blessent notre conscience.
L’affaire de la largeur des quais est peu de chose, en vérité, comparée au drame humain que je viens de rappeler. Peut-être n’a-t-on pas assez souligné que le fait était connu et maîtrisé, et que l’on ne saurait faire grief à la SNCF d’avoir voulu moderniser son matériel roulant pour améliorer le confort de ses passagers et le mettre aux normes de l’accessibilité pour handicapés.
La grève des cheminots, enfin, récurrente, visait à alerter : on ne saurait leur en faire le reproche, si l’on veut bien entendre les inquiétudes des personnels concernés. Pour autant, on comprend bien aussi l’agacement des usagers, pris en otage, une nouvelle fois, et insuffisamment informés des raisons de ce blocage.
J’ai moi-même, il y a quelques jours seulement, en Aveyron, reçu une délégation de cheminots venus me faire part de leurs interrogations ; ils se demandaient notamment si la réforme ferroviaire en discussion allait apporter des solutions pérennes à un certain nombre de problèmes.
Je les énumérerai en vrac. La dette, tout d’abord : les cheminots consacreraient un jour de leur activité sur sept à la rembourser ; la durée d’amortissement des investissements, ensuite : dix-ans, est-ce bien raisonnable ? Je citerai encore l’excessif cloisonnement des activités, insuffisamment coordonnées, qui est source parfois de véritables incohérences ; la réduction du nombre d’agents, qui peut avoir des conséquences sur la sécurité en secteur diffus ; l’ouverture à la concurrence, inscrite dans les principes : interviendra-t-elle à court terme ou à moyen terme ? Je citerai également es trains d’équilibre et le vieillissement du matériel remorqué ; les investissements prévus dans le plan rail, etc.
Je ne parle même pas des problèmes d’organisation plus locaux : par exemple, le maintien du train de nuit, si utile, de Rodez à Paris
M. Roger Karoutchi sourit.
Toutes ces questions témoignent d’un véritable désarroi auquel j’ai voulu répondre en soulignant la qualité du dialogue établi entre notre assemblée et votre ministère, monsieur le secrétaire d’État.
J’en profite d’ailleurs pour saluer ici la qualité des travaux de toutes celles et de tous ceux qui ont apporté leur concours à la rédaction du texte de la commission, au premier chef l’excellent rapporteur de la commission du développement durable, Michel Teston, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, François Patriat. Tous deux, par leur questionnement éclairé lors des auditions, ont permis à de nombreux acteurs de s’exprimer en toute spontanéité et dans la transparence.
Ce texte, aujourd’hui, corrige les effets, je dirais même les méfaits de la loi du 13 février 1997. En créant Réseau ferré de France, ou RFF, cette loi a établi une stricte séparation entre les activités de gestion des infrastructures, confiées à la nouvelle entité, et les activités d’exploitation, qui restaient du ressort de la SNCF. Ce faisant, elle avait pour but, plus ou moins avoué, de réduire la dette de la SNCF.
Dix-sept années sont passées, sans que le résultat recherché soit atteint, et tout le monde a pu mesurer le mur d’incompréhension qui s’est élevé entre les deux opérateurs. Placer à nouveau les deux entités dans une même main, sous une même autorité cohérente, un EPIC de tête, relève donc du bon sens, un bon sens encadré par la réglementation européenne, qui contraint à distinguer clairement les missions de définition des sillons des missions de tarification. C’est un point important sur lequel il faut insister.
Je veux dire combien j’ai été convaincue par les propos de M. Pepy et de M. Rapoport, mais aussi par les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, parce que vous êtes allé aussi loin que possible en matière d’intégration, dans le strict respect du droit. Votre projet remet ainsi sur la bonne voie un système de gouvernance devenu complexe et peu efficace.
Comme vous l’avez rappelé, l’État assumera désormais pleinement sa mission de guide stratégique grâce à la majorité dont il disposera au sein du conseil de surveillance de l’EPIC mère. Le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, les règles d’impartialité applicables à ses membres, l’avis qu’elle devra rendre sur l’organisation interne au sein de SNCF Réseau, sont autant de gages de bonne gestion et de bonne administration.
La création d’un Haut comité du ferroviaire – vous en avez longuement parlé, monsieur le secrétaire d’État –, qui permettra de réunir l’ensemble des acteurs, est la traduction de cette belle volonté de fédérer toutes les forces et de chercher ensemble les meilleures solutions aux problèmes structurels qui se posent.
Je ne manquerai pas de souligner les garanties apportées dans le volet social, parce que c’est un point essentiel de notre débat et qui a souvent fait l’objet de discussions entre nous : un cadre social modernisé, des règles de travail ouvertes à tous les salariés et la volonté d’écarter le risque d’un nivellement par le bas des conditions de travail des employés et cheminots de la SNCF. C’était un pari difficile, mais un pari abouti, selon moi.
Il n’en reste pas moins, monsieur le secrétaire d’État, et j’ai bien entendu que vous avez voulu apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées ici ou là, que les préoccupations majeures qui planent sur ce projet de loi tiennent à la question financière, d’une part, à l’ouverture à la concurrence, d’autre part.
Sur la base des analyses réalisées tant par la SNCF que par RFF, nous savons l’ampleur du déficit de la SNCF. Un déficit que vous envisagez de stabiliser, le mot est important, à hauteur de 60 milliards d’euros en 2025. Si l’intention – stabiliser le déficit – est louable, je crains que la réduction projetée ne soit trop ambitieuse, et du coup moins assurée. La question se pose véritablement des moyens, déterminés, persévérants, qui seront mis en œuvre pour tendre à une véritable efficience de notre système.
Nous n’ignorons pas, en effet, les deux aléas auxquels le Gouvernement est soumis.
Le premier aléa, rappelé par M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, est celui de la conjoncture économique : la baisse du trafic diminue les rentrées financières de RFF, malgré les augmentations des tarifs des péages auxquelles il avait été procédé, et la SNCF a été contrainte, pour ses comptes 2013, de déprécier ses actifs TGV pour un montant de 1, 4 milliard d’euros.
Le second aléa est celui des taux d’intérêt : la probable remontée du loyer de l’argent tout comme la persistance inquiétante d’une inflation très modeste ne peuvent pas manquer de nous interroger. M. Pepy lui-même ne disait-il pas devant les membres de la commission du développement durable : « Les taux d’intérêt sont très bas, s’ils remontent nous serons en situation de surendettement » ?
J’en viens maintenant à la seconde préoccupation, celle de l’ouverture à la concurrence, point d’interrogation important dans nos débats. Nous voudrions en connaître d’ores et déjà le calendrier et les modalités.
Pour ma part, dans les circonstances actuelles, je ne crois pas utile de vouloir en définir les contours dès maintenant. Je crois sage, prudent et raisonnable de se préparer à cette ouverture dans le cadre d’un calendrier qui reste à négocier. L’adoption éventuelle, au début de 2015, du « quatrième paquet ferroviaire » par le Parlement européen devrait en être l’occasion, et je suis sûre, monsieur le secrétaire d’État, vous connaissant un peu, que vous mettrez tout en œuvre, dans le cadre de vos réunions avec la Commission européenne, pour maîtriser parfaitement un sujet qui requiert à la fois détermination et conviction, et pour défendre notre modèle français.
Je souhaite enfin saluer l’avancée significative, voire l’achèvement de la régionalisation ferroviaire, qui souffrait jusqu’à maintenant de ressources insuffisantes et d’incohérences manifestes. Personne ici n’ignore les efforts démultipliés qui ont dû être consentis par les régions, notamment pour se substituer à RFF ; je les ai clairement mesurés dans ma région, mais je sais que d’autres se sont tout aussi largement impliquées.
Je ne peux donc que me réjouir des nouvelles dispositions permettant à la région d’acquérir, par transfert de propriété, des infrastructures de transport ferré, voire du matériel roulant. La région trouvera alors toute sa place, elle exercera à plein, en toute responsabilité, l’une de ses compétences majeures : l’aménagement du territoire. Autorité organisatrice de transports, la région sera désormais partie prenante dans l’ensemble des débats.
Monsieur le secrétaire d’État, notre discussion viendra, j’en suis certaine, éclairer encore les avancées de ce texte, dont vous avez longuement développé les cinq axes majeurs.
Mes amis du RDSE, groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir, et moi-même sommes conscients des fragilités qui peuvent demeurer encore, mais nous sommes aussi confiants dans la capacité de tous les partenaires à faire évoluer progressivement le système pour aller vers un meilleur service public. Nous voterons donc en faveur du projet de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Christian Poncelet applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, cher Michel Teston, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme vous le savez, le train et sa gouvernance font toujours l’objet d’une attention particulière de la part des écologistes. Or le présent projet de loi traite de toutes les questions d’avenir en la matière. La discussion qui s’ouvre au Sénat est donc très importante.
Aujourd'hui, nous avons des trains à plusieurs vitesses, et tous les passagers ne bénéficient pas des mêmes qualités de service.
Pour certains, le transport ferroviaire est synonyme de déplacements rapides et confortables. C’est même l’une des incarnations de la modernité et du dynamisme d’un territoire. Mais, pour nombre d’usagers au quotidien des trains de banlieue ou de certaines liaisons régionales, c’est aussi le symbole d’une France délaissée, comme cela se mesure au degré de fatigue due à la modernisation insuffisante du matériel et des réseaux, voire à son usure sévère, pour ne pas utiliser les termes plus durs qui font aujourd'hui débat. En plus, les difficultés anciennes du dialogue social au sein de l’entreprise sont aussi source de difficultés pour les usagers.
Défauts d’entretien ou problèmes d’organisation de la maintenance et de coordination entre la SNCF et RFF – nous en avons tous des exemples concrets –, les difficultés actuelles sont connues et le constat est assez partagé. Certes, dans le cas de l’accident de Brétigny-sur-Orge, qui est évidemment présent à l’esprit de tous aujourd’hui – j’ai d’ailleurs une pensée pour les victimes à cet instant –, c’est bien à la justice de déterminer les responsabilités des uns et des autres.
L’analyse selon laquelle l’organisation n’est pas satisfaisante ne date pas d’hier et appelle des réponses - j’y reviendrai -, mais elle dit également la nécessité de nous réinterroger sur les priorités d’investissement.
Ainsi, si les écologistes se sont opposés, par exemple, à la politique du « tout TGV » et au Lyon-Turin, ce n’était pas pour bloquer le développement du transport ferroviaire ; au contraire, c’était même, et les évolutions récentes ont confirmé la pertinence de leur position, pour le sauver !
Comment garantir et développer aujourd'hui un service public de qualité et accessible à tous ? Sous couvert de course à la vitesse et de développement métropolitain, on nous a « vendu » les nouvelles lignes à grande vitesse, les LGV ; mais, dans une situation de raréfaction de l’argent public disponible, à quel prix pour le réseau existant, celui qui maille les territoires et sert les usagers au quotidien !
En toute cohérence, nous, écologistes, avons donc défendu le train à haut niveau de service, face à des projets parfois pharaoniques. S’il est déjà très rapide, atteignant tout de même 220 kilomètres par heure, il nécessite des investissements beaucoup moins lourds, s’inscrivant ainsi dans une logique qui donne la priorité à la rénovation des lignes existantes et limite l’endettement.
En effet, la dette historique de SNCF-RFF, même si elle n’est pas comptabilisée dans celle de l’État au sens des critères de Maastricht, ne peut plus être occultée. Ainsi que d’autres orateurs l’ont rappelé, elle atteint aujourd'hui une quarantaine de milliards d’euros, en hausse moyenne de 1, 5 milliard d’euros par an, mais de 2, 2 milliards d’euros en 2013, l’objectif gouvernemental étant de la contenir autour de 60 milliards d’euros à l’horizon 2025. Voilà qui donne un peu le vertige !
Comment éviter la paralysie du système, avec une dette aussi lourde, d’autant que l’activité ferroviaire a ralenti en 2013, avec une baisse de 2 % pour le transport de voyageurs – c’est un signal assez alarmant – et de 3 % pour le fret, et que les LGV lancées par le gouvernement précédent plombent les comptes de l’entreprise ? D’ailleurs, Gilles Savary, rapporteur du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, a déclaré : « Les lignes à grande vitesse sont un joujou français qui ne fonctionne qu’en dégradant les comptes de la SNCF et en endettant RFF. » À méditer !
Aussi, face à de tels projets, et compte tenu de la situation budgétaire critique qui est la nôtre, les écologistes réaffirment l’importance de flécher en priorité les financements vers l’aménagement et la rénovation des lignes existantes plutôt que vers le déploiement de nouvelles lignes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné à juste titre le plan de modernisation doté de 410 millions d’euros qui vient d’être lancé. Mais nous craignons tout de même que cela ne soit insuffisant. Nous ne pouvons que faire la comparaison avec les sommes allouées, par exemple, à ce fameux tunnel Lyon-Turin : plus de 14 milliards d’euros ! Cela ne nous semble pas raisonnable aujourd'hui.
La même logique s’applique au fret ferroviaire. L’absence de rénovation des réseaux capillaires et le caractère insuffisant des investissements de la part de l’État, de la SNCF ou de RFF nous empêchent de développer une véritable stratégie de report modal, stratégie pourtant à la fois présente dans tous les discours et nécessaire pour répondre aux grands enjeux climatiques liés aux transports.
Si la France adore souligner qu’elle émet assez peu de gaz à effet de serre dans sa production d’électricité – nous connaissons l’histoire –, elle omet de préciser que le bilan de ses émissions dans les transports est tout à fait désastreux et ne s’est pas amélioré au cours des dernières années.
M. Jean Desessard acquiesce.
Il faut donc des financements innovants pour les transports. Si vous me pardonnez ces bien mauvais jeux de mots, je dirai que le péage poids lourds est en train d’être remis sur les rails.
Sourires.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes déjà partants pour augmenter le réseau taxable. Si nous avons gardé le système, nous n’avons préservé que 4 000 ou 5 000 kilomètres taxables. Il sera assez simple d’étendre le réseau taxable, et relativement rapidement ; il y a déjà des propositions en ce sens dans un certain nombre de régions.
Alors que le budget de l’État est contraint, et cela concerne particulièrement les transports, nous considérons également que les régions doivent obtenir les moyens de leurs politiques. C’est ainsi que nous appelons à donner aux régions une plus grande autonomie fiscale.
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Ainsi, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous avons déposé des amendements tendant à la création d’une part régionale de taxe sur le transit poids lourds. Nous n’avons pas pu les défendre jusqu’au bout, pour les raisons que chacun sait, mais nous sommes toujours disposés à en discuter dans la perspective de la prochaine loi de finances.
À mon sens, dans le contexte actuel, et avec le transfert aux régions de nouvelles compétences en matière de transport, nous devons absolument leur trouver de nouvelles recettes, et en préservant le système actuel. Avec la participation de l’État à Ecomouv’, il ne sera pas très compliqué d’ajouter une part taxable pour le réseau routier relevant de la responsabilité des régions pour l’aménagement, l’investissement et l’entretien. Il faudra, me semble-t-il, avoir cette discussion.
Sur le présent projet de loi, notre commission a adopté un amendement, sur l’initiative notamment de Roland Ries, visant à la création d’une part régionale de versement transport interstitiel. Nous vous inviterons à aller plus loin en ajoutant une part de VT additionnelle à un taux maîtrisé – nous avons proposé 0, 2 % – et dans le cadre, j’insiste sur ce point, du maintien d’un plafond à 2 %.
Nous le savons tous, il y a là une véritable difficulté : une part des habitants des agglomérations bénéficient des étoiles ferroviaires. Il serait donc logique que les agglomérations participent à ce financement. Certes, j’entends les objections liées à la nécessité de ne pas augmenter le taux de VT ou aux difficultés de négociation entre les agglomérations et les régions, mais je crois qu’il y a là une vraie question et qu’il faudra rechercher des solutions.
Au demeurant, il est d’autant plus justifié de donner des marges de manœuvre budgétaires aux régions que celles-ci sont appelées à prendre plus d’importance dans l’organisation de l’ensemble des politiques de transports avec la loi Lebranchu.
Mireille Schurch a parlé à l’instant de « régionalisation » du transport ferroviaire. C’est, me semble-t-il, un peu exagéré.
M. Ronan Dantec. Mais, et j’aimerais insister sur ce point, régionalisation ne rime pas avec démembrement du service public ; c’est aussi un renforcement de l’action publique ! Ce n’est pas parce que nous nous situons à l’échelon régional, et pas à l’échelon étatique, que nous ne sommes pas dans le service public et dans l’action publique !
Mme Mireille Schurch manifeste son scepticisme.
C’est aussi pourquoi les écologistes veulent renforcer la place des régions dans la gouvernance de la future entité SNCF à l’occasion de ce projet de loi. Nous avons un peu gagné à l’Assemblée nationale à cet égard. Je le rappelle, les régions assurent aujourd'hui les deux tiers du financement public du système ferroviaire. Il nous semblerait utile et raisonnable d’avoir trois représentants des régions au conseil de surveillance de la SNCF. Nous savons déjà qu’il y aura un représentant de la région parisienne ; il ne serait pas absurde d’avoir en plus deux représentants issus de régions autres que l’Île-de-France, compte tenu du rôle des régions dans le financement et de leur engagement sur ces dossiers.
Je sais qu’il y a en arrière-plan des calculs sur les équilibres au sein du conseil de surveillance, mais je pense que nous pouvons trouver une solution.
En parallèle, nous soutenons très clairement le fait que l’État soit conforté dans son rôle stratégique au sein du futur groupe ferroviaire réunifié.
La planification des investissements, le pilotage stratégique et cohérent des politiques de mobilité sont essentiels, dans un moment, je l’ai indiqué, où nous avons des choix déterminants à opérer, sur la résorption de la dette, la hiérarchisation des investissements, la réponse aux enjeux écologiques.
Au vu de l’importance de tels sujets, nous croyons que la représentation nationale a aussi un rôle à jouer dans la définition des objectifs à moyen et à long terme : il nous semble important qu’une loi d’orientation quinquennale en matière de mobilité soit soumise au Parlement. Nous avons été plusieurs à déposer des amendements en ce sens.
Et, s’il n’est pas possible d’adopter un tel texte législatif, nous pourrions nous inspirer du schéma retenu pour la loi relative à la transition énergétique, même si elle n’a pas encore été votée : le Parlement validerait une programmation pluriannuelle qui s’imposerait à l’opérateur historique. Cette programmation concernerait non seulement le ferroviaire, mais, plus généralement, la mobilité, comprise comme un ensemble de politiques publiques convergentes.
Réintégrer le rail dans la problématique plus large de la mobilité est aujourd'hui un enjeu essentiel. En effet, la proximité des problématiques, qu’il s’agisse de l’environnement ou de la nécessité de hiérarchiser finement les investissements au vu des masses financières concernées, devrait nous inciter, lorsque nous évoquons la transition énergétique, à parler aussi de « transition des mobilités ».
Je souhaite également aborder le dialogue social au sein de l’entreprise.
Nous serons nombreux ici, me semble-t-il, à considérer que la SNCF est un socle du service public à la française, que la conscience de cette mission de service public est très forte parmi les cheminots et les personnels et que cette forme de patrimoine français ne doit pas se dégrader au rythme du matériel roulant ou des voies. Tout cela est totalement lié.
J’ai apprécié les propos de Mireille Schurch sur les « valeurs qui cimentent » le territoire. Je partage cette idée forte, encore que j’aurais préféré que l’on parle de « mieux irriguer » le territoire plutôt que de le « cimenter »...
Sourires.
Nous serons vigilants. Il faut à tout prix éviter que l’ouverture à la concurrence ne s’effectue sur la base d’un dumping social ; l’exemple du transport routier nous en rappelle aujourd'hui les risques. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’entreprise soit condamnée à l’immobilisme. Nous avons déjà souligné qu’il y avait des gains de productivité à réaliser.
Aujourd'hui, la première concurrence, c’est celle du transport routier. C’est là que se joue l’avenir du fret ferroviaire et de la SNCF. Il faut donc à la fois réaliser des gains de productivité et éviter le dumping social, y compris dans le transport routier, pour l’avenir de la SNCF comme du système ferroviaire français.
De mon point de vue, le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale a permis d’apporter un certain nombre de garanties aux personnels et à leurs syndicats quant à leur participation à la gestion de la nouvelle structure. Les députés ont fait un travail important, allant même plus vite que prévu. Reste qu’il était essentiel de donner des assurances à cet égard.
Puisque nous parlons de gestion collective, il est aussi très important de laisser une place aux usagers et aux associations de protection de l’environnement, à côté de l’État, des salariés et des régions. L’article L. 141–2 du code de l’environnement prévoit la participation des « associations de protection de l’environnement » à « l’action des organismes publics concernant l’environnement. » Je pense qu’il serait utile de s’en inspirer s’agissant de la SNCF.
Le présent projet de loi portant réforme ferroviaire est donc bienvenu ; une réforme en profondeur du système ferroviaire était devenue plus que nécessaire. Nous voterons en faveur de ce texte. Toutefois, pour nous, des marges d’amélioration existent encore. Espérons que le débat qui s’ouvre permettra d’avancer en ce sens.
Enfin, je souhaitais rendre hommage à Michel Teston, dans ce moment symbolique – c’est probablement l’un de ses derniers rapports –, car notre collègue a réalisé un gros travail pour améliorer le texte du projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du RDSE.
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, à la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de quatre parlementaires du groupe d’amitié Éthiopie-France de la Chambre des représentants de la République d’Éthiopie, conduite par son président, son excellence M. Bashir Ali Mahdi.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, se lèvent .
Cette délégation est accompagnée par les membres du groupe d’amitié France-Pays de la Corne de l’Afrique, présidé par notre collègue Louis Duvernois.
La délégation est en France jusqu’au 14 juillet, pour une visite d’étude centrée sur le développement des transports ferroviaires et urbains et les politiques applicables à la gestion des ressources en eau.
La délégation a rencontré hier certains de nos collègues de la commission du développement durable sur ces sujets. Elle a également effectué une visite des équipements des sociétés Aéroports de Paris et RATP Dev.
À la fin de la semaine, la délégation se rendra dans le Var, à l’invitation de nos collègues Pierre-Yves Collombat et François Trucy, pour découvrir l’expertise française dans le domaine de la gestion des ressources en eau de la Société du Canal de Provence.
Le Sénat français entretient d’excellentes relations de confiance et d’amitié avec la Chambre des représentants d’Éthiopie, qui a accueilli à plusieurs reprises des délégations sénatoriales pour des sessions d’échanges interparlementaires.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement éthiopien, en votre nom à tous et en mon nom personnel, une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour.
Applaudissements.
J’informe le Sénat que, saisie conformément à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission des lois a, d’une part, émis un avis favorable - 16 voix pour, 14 voix contre, 5 bulletins blancs - sur le projet de nomination de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits et, d’autre part, émis un avis favorable - 18 voix pour, 13 voix contre, 4 bulletins blancs - sur le projet de nomination de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite « loi FATCA », déposé sur le bureau du Sénat le 9 juillet 2014, et du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2014.
Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Hélène Conway-Mouret membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, dont le mandat sénatorial a cessé.
Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme ferroviaire a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 juin dernier.
Dans un contexte social compliqué, nos collègues députés, et particulièrement le rapporteur, M. Gilles Savary, ont largement couvert - et adapté - le champ législatif du texte gouvernemental.
Au Sénat, sous la conduite de notre rapporteur, Michel Teston, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a pris tout le temps nécessaire pour améliorer le dispositif, et poursuivre ainsi la construction d’un texte majeur pour l’avenir du transport par fer dans notre pays.
Je veux saluer l’important engagement de Michel Teston, ainsi que la qualité de son intervention devant notre Haute Assemblée. Ce n’était pas facile, dans la suite des débats de l’Assemblée nationale, d’apporter sa patte à un document déjà bien pourvu. Notre rapporteur y est parvenu, en intégrant les amendements qu’il vient de nous exposer.
François Patriat, excellent rapporteur pour avis de la commission des finances, a précisé le projet de stabilité financière et la règle d’or, pour atteindre un objectif majeur, que nous partageons, celui de ne pas augmenter le déficit de SNCF Réseau. C’est une orientation que j’approuve, tant le poids de la dette accumulée entrave l’évolution du système ferroviaire de notre pays.
Stabiliser la dette à une échéance proche de 2020, oui, monsieur le secrétaire d’État, nous vous suivons aussi sur ce point primordial de la réforme. Toutefois, c’est un objectif a minima que nous agréons dans la situation actuelle de l’économie. À cet égard, j’ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à fournir « l’opportunité de créer une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire ». Son adoption représenterait un pas important, un signe fort de reprise par l’État de tout ou partie de la dette historique. Je pense notamment aux 10, 8 milliards d’euros que l’INSEE propose de requalifier en dette publique.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, oui, cette réforme est essentielle. En prenant le parti de réunifier RFF et la SNCF au sein d’un groupe public verticalement intégré, le Gouvernement opte pour un modèle intelligent, eurocompatible et qui, je l’espère, sera efficace.
Nous revenons pourtant de loin ! Aujourd’hui, la séparation orchestrée par la loi du 13 février 1997 n’a plus d’avocat. Beaucoup, sur les travées de notre assemblée, en ont accepté le principe et la réalité.
Est-il utile de rappeler que cette séparation institutionnelle entre le gestionnaire d’infrastructure et l’entreprise ferroviaire allait bien au-delà des directives européennes de l’époque, notamment de la directive 91/440/CEE ? Elle était alors la déclinaison nationale d’une vague de réformes ferroviaires libérales touchant la plupart des États européens. L’exemple anglais est le plus emblématique à cet égard.
Cette loi Pons de 1997 mettait en cause, à terme, l’unicité du ferroviaire, et ouvrait peut-être même la voie à une privatisation. C’était dans l’air. N’oublions pas qu’à cette époque l’objectif des dirigeants allemands de la DB était d’introduire leur société à la bourse de Francfort. Nous savons ce qu’il est advenu, mais, en contrepartie, la dette allemande a été épongée. Le gouvernement de l’époque ne l’ignorait pas.
Malgré la qualité et les technicités développées par les différents personnels de RFF et de la SNCF, chacun sait combien la séparation du système ferroviaire en deux EPIC, sans intégration, a affecté son efficacité et n’a pas résolu positivement les situations rencontrées. Une telle organisation n’existe dans aucun autre secteur d’activité. Elle était ambiguë dès son acte de naissance, forcément coûteuse, et privait le système ferroviaire d’une indispensable unité de management.
Quatre ans après, en 2001, on pouvait lire, dans le document d’évaluation de la réforme lancée par votre prédécesseur, M. Jean Claude Gayssot : « La répartition des rôles entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre n’est pas claire dans les faits ; la SNCF et RFF ne s’expriment pas toujours d’une même voix vis-à-vis des autorités organisatrices de transport, ce dont la collectivité risque de pâtir. Cette “double expertise” permet d’améliorer la qualité des projets, mais l’expérience montre aussi que le processus consomme encore beaucoup de temps et d’énergie. Le vécu est difficile de part et d’autre, le climat social peut en être affecté dans certains métiers. »
Depuis 2001, ces constats ont été largement confirmés. C’est que le rail n’est pas un moyen de communication comme un autre : il se caractérise par une forte intégration entre l’infrastructure et le mobile, indispensable à une sécurité de haut niveau. Le TGV aurait-il pu voir le jour dans le cadre d’une organisation éclatée ? Beaucoup s’interrogent à ce sujet. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes vous-même interrogé publiquement au moment du drame de Brétigny-sur-Orge. Ayons en cet instant une pensée pour les victimes et pour leurs proches.
L’entreprise intégrée permettra de définir des responsabilités précises, ce qui conduira l’entreprise publique à parler d’une même voix, se fixant des objectifs qu’elle devra tenir.
Pour conclure sur ce point, je ne résiste pas à la tentation de citer les cinq recommandations issues de l’évaluation de la loi de 1997, réalisée par le Conseil supérieur du service public ferroviaire en 2001, sur commande du ministre des transports.
Il s’agissait, premièrement, d’assurer une meilleure intégration du système ferroviaire, celle-ci étant considérée comme une nécessité vitale ; deuxièmement, d’apurer la dette accumulée, à hauteur, à l’époque, de 15 milliards d’euros, et de mobiliser, pour le développement, un flux moyen annuel de 5 milliards d’euros d’investissements ; troisièmement, de rétablir des relations contractuelles entre l’État et le système ferroviaire sous la forme d’un contrat de plan à cinq ans, d’une programmation glissante à dix ans des projets de services et des besoins d’infrastructures, et d’un plan stratégique à vingt ans de développement du mode ferroviaire ; quatrièmement, d’harmoniser les conditions de concurrence au sein du secteur des transports, dans les domaines économique, environnemental et social ; cinquièmement, enfin, de mettre en place une instance d’arbitrage et de décision chargée des choix d’investissements multimodaux, placée sous le contrôle du Parlement.
Sans s’inspirer totalement de ces recommandations, dont une bonne partie est toujours d’actualité, je me réjouis que la politique du Gouvernement ait contribué à modifier l’état d’esprit et, plus fondamentalement, l’orientation du système ferroviaire de notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer particulièrement, comme d’autres l’ont fait, mais peut-être pas assez cet après-midi, le combat complexe mais décisif que vous avez mené pour faire valoir l’entreprise intégrée devant la Commission européenne, toujours réticente. Il ne s’agit pas du modèle allemand ; vous avez conçu notre modèle français, et nous espérons bien que le futur paquet ferroviaire en tiendra compte.
La nouvelle architecture à trois EPIC au caractère indissociable et solidaire – SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau – renforce à l’évidence les moyens du gestionnaire d’infrastructure, tout en permettant une gestion et une organisation plus rationnelles.
Les moyens d’intervention de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, contribuent pour beaucoup à crédibiliser le projet qui nous est soumis, d’un point de vue tant juridique qu’économique : il s’agira d’un régulateur puissant.
J’apprécie aussi l’engagement pris par le Gouvernement de fournir sous deux ans un rapport sur les conditions de reprise de tout ou partie de la dette, ainsi que sur les conditions qui pourraient être mises en œuvre pour traiter l’évolution de sa part historique. Je suis persuadé que cette réforme permettra à la SNCF, entreprise qui appartient à notre patrimoine national, d’entamer la mutation qui lui permettra de faire face aux nouvelles exigences du secteur ferroviaire et, demain, en 2019 ou en 2023, à la concurrence dans le domaine du transport de voyageurs.
Cette réforme est engagée pour améliorer la vie des voyageurs et des chargeurs. Rendre un meilleur service public ferroviaire : ne perdons jamais de vue l’objectif.
Dix-sept ans après avoir bataillé contre la loi Pons, j’ai beaucoup d’émotion et de plaisir à croire que ce projet de loi permettra de renforcer le service public ferroviaire. En effet, dans une organisation verticalement intégrée, il impose un pilotage stratégique unique, une cohérence économique et une politique unifiée des ressources humaines pour l’ensemble du groupe.
J’apprécie que le Parlement soit consulté et intervienne sur les contrats d’objectifs assignés au groupe public et, je l’espère aussi, au sein du Haut Comité du système de transport ferroviaire créé par ce projet de loi. J’ai déposé un amendement en ce sens. Je me réjouis également de la création, auprès de SNCF Réseau, d’un comité des opérateurs.
Notre commission a adopté un amendement sur le VT interstitiel, dont je me félicite, après d’autres ici, puisqu’il permettra, une fois la loi votée définitivement, d’apporter aux régions des moyens nouveaux, certes modestes, mais c’est un pas dans le bon sens.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste votera résolument, et avec enthousiasme, le projet de loi de réforme ferroviaire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.
Merci !
Monsieur le secrétaire d’État, que de courage ! Car il fallait beaucoup de courage pour entreprendre une réforme que beaucoup de Français attendaient, mais sans aucun moyen, qui plus est dans un climat social et politique difficile – à gauche comme à droite –, et dans un contexte national et international compliqué.
Cela veut dire que votre réforme n’est probablement pas la révolution des transports que chacun pouvait attendre. Je ne prétends pas que la droite l’ait fait. La droite comme la gauche, depuis vingt-cinq ans, n’ont jamais voulu prendre les vraies décisions ni faire les vrais choix en matière de transports publics.
On a laissé un temps la SNCF concurrencer à l’époque Air Inter, quitte à développer à tout prix les TGV comme atout essentiel pour le financement de la SNCF dans cette compétition avec le transport aérien. Résultat : on a endetté la SNCF, on a réduit la capacité d’Air Inter, qui a disparu depuis, et on a rendu difficile la vie d’Air France. Parfait !
On n’a pas fait les vrais choix en matière autoroutière et routière. Et aujourd’hui, on parle encore et encore de réforme des transports publics en ne faisant pas, en réalité, les choix qui s’imposent
Mon collègue Louis Nègre a excellemment détaillé les raisons pour lesquelles nous allons voter contre ce projet de loi. Il est évident que vous n’avez pas pu, monsieur le secrétaire d’État entrer plus avant dans la concurrence, même si, de vous-même, vous auriez souhaité aller plus loin. Il y avait ces réglementations européennes qui allaient s’imposer alors que, finalement, ce n’est aujourd’hui pas le cas. Mais le quatrième paquet ferroviaire va bien finir, d’une manière ou d’une autre, par arriver et, si l’on commence par dire que nous ne voulons pas nous y préparer, cela fera comme pour le fret, ce sera brutal, difficile, et extrêmement ravageur pour l’ensemble du système.
Et, après tout, pourquoi ne pas regrouper les deux entités ? Peut-être le texte de 1997 n’était-il pas si pertinent que cela. Peut-être faut-il les regrouper d’ailleurs plus du fait des mauvaises relations constantes ces dernières années entre RFF et la SNCF que du fait de l’échec de l’une ou de l’autre dans l’exercice de leurs missions respectives.
En réalité, je ne vois pas pourquoi SNCF Réseau, qui n’a, dans le fond, pas plus de ressources que n’en avait RFF, parviendrait à un meilleur équilibre, à une meilleure situation que RFF en son temps, sinon par des concours de la maison mère. Mais, sincèrement, je doute que celle-ci en ait les moyens. Par conséquent, les difficultés financières persisteront.
Certains ont dit – et pas seulement dans mon camp – que, si cette réforme était intervenue à un moment où la situation financière du pays avait été meilleure, il aurait fallu que l’État reprenne une partie de la dette pour alléger la charge et permettre les investissements. Ce n’est pas le cas. Mais, en l’état actuel de nos finances, il est certain que la réforme se fait a minima, étant donné que vous ne vous donnez pas de moyens nouveaux, monsieur le secrétaire d’État.
Vous ne faites pas non plus le choix d’une vraie régionalisation et, comme le soulignait le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous n’allez pas au bout de la logique, car il faudrait alors donner aux régions le pouvoir en matière de tarification.
Je passe sur ce que disait Louis Nègre sur le matériel. On n’a pas donné la capacité aux régions de tenter un peu d’expérimentation, d’ouvrir le système à un peu de concurrence.
Nous en restons donc à un système très contraint, très réglementé, et sans moyens supplémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, moi, je soutiens, avec difficulté parfois – y compris dans mon propre camp – que le service public doit être défendu, modernisé, adapté. Le vrai souci, le vrai débat est de savoir si la défense du service public interdit de modifier le statut et les règles ou d’alléger les contraintes permanentes au nom de ce que vous appelez le « patrimoine », c'est-à-dire ce que représente en effet le rail pour la Nation.
Moi, j’ai été formé, comme beaucoup ici, par les parcours en train, avec tout le respect dû à une SNCF qui était, voilà encore quelques décennies, en Europe et dans le monde, le modèle de la régularité, du confort et de la modernité. Mais ce n’est plus le cas, et ce n’est pas de votre fait, monsieur le secrétaire d’État. On peut se dire, et se le répéter comme une incantation, que, par respect pour le passé, il ne faut pas trop toucher au système, mais, en réalité, la situation n’est plus la même aujourd’hui.
Jugez-en : pas de vraie ouverture à la concurrence, pas de pouvoir suffisant donné à l’ARAF, pas de véritables ressources supplémentaires pour SNCF Réseau, pas de transfert d’une partie de la dette, pas de modification du statut des personnels, pas de remise en cause de la relation entre SNCF Mobilité et SNCF Réseau. Bref, l’affaire est entendue !
M. le secrétaire d'État proteste.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai tout de même le droit d’avoir un avis !
Vous avez pris les choses en main. Je reconnais bien volontiers que vous avez, à Bruxelles, plutôt bien négocié. Mais vous êtes dans un système très contraint, étant donné que l’État n’a pas d’argent, pas de moyens financiers, et que le climat social actuel est difficile. Comment le Gouvernement pourra-t-il, dans ces conditions, faire bouger les lignes ? Je ne dis pas que cette réforme va dans le mauvais sens, mais je pense, comme Louis Nègre, qu’elle est tellement contrainte que l’on est en droit de se demander s’il était judicieux de la faire maintenant, de cette façon et dans ces conditions.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, je ne voudrais pas vous laisser sur votre faim et aborderai maintenant la question de l’Île-de-France…
L’Île-de-France représente, bien modestement, 60 % du trafic voyageurs ! J’entends bien la question qui est posée : comment trouver des moyens pour les régions ? Par le VT interstitiel ? Permettez-moi de vous dire que, si les régions parviennent à moderniser le réseau par le VT interstitiel, cela voudra dire que les élus régionaux auront fait des miracles !
Mais, en Île-de-France, sincèrement, on n’en peut plus, monsieur le secrétaire d’État !
J’ai écouté vos commentaires, après les conclusions de l’enquête sur le drame de Brétigny-sur-Orge. J’ai beaucoup d’estime pour le président Guillaume Pepy. Je dois avouer qu’il y a une dizaine d’années, lors des réunions du Syndicat des transports d’Île-de-France, je hurlais déjà sur le précédent président de la SNCF en lui reprochant de se moquer de nous : il faut dire qu’aucun investissement n’était réalisé en Île-de-France et même l’amortissement du matériel roulant de l’Île-de-France était transféré sur les TGV !
Cela signifie que nous n’avions, nous, plus rien, sinon les fameux « petits gris », …
… qui existent encore sur certaines lignes, en effet. Le réseau francilien transporte 60 % de l’ensemble des usagers à bord de trains tellement improbables, …
… dans des conditions tellement inhumaines et avec une irrégularité telle que, oui, cela en devient insupportable !
Vous n’y êtes pour rien, monsieur le secrétaire d’État, mais il est vrai que les présidents de la SNCF qui se sont succédé, sous divers gouvernements de gauche et de droite pendant vingt ans, n’ont pas investi en Île-de-France, préférant financer le TGV.
Résultat des courses : lorsque M. Pepy veut rassurer tout le monde sur l’état réel du réseau en Île-de-France, je trouve qu’il prend un risque considérable. Certes, il n’est pour rien dans la situation ; il a décidé, lui, depuis cinq ans, des investissements qui n’existaient pas il y a quinze, vingt ou vingt-cinq ans. Mais, ce qui est vrai, c’est que nous avons pris un retard considérable et que si, aujourd’hui, on ne change rien dans le système francilien, un nouveau drame risque de se produire.
Monsieur le secrétaire d’État, je le répète – en sachant bien que je prêche un peu dans le désert, y compris au sein de mon propre camp, je vous rassure –, si vous ne faites rien pour rapprocher la RATP de la SNCF, pour unifier la gestion des RER, qui pourrait être confiée à la RATP en laissant l’ensemble du Transilien à la SNCF, nous aurons encore et toujours des problèmes, des incidents, des retards, voire – je ne le souhaite pas – des accidents comme celui de Brétigny-sur-Orge. Il faut vraiment que les choses bougent !
C’est à regret que je ne voterai pas ce texte. Je reconnais bien volontiers votre tentative de rationalisation. Je déplore cependant que l’absence de moyens financiers et un climat social compliqué – qui expliquent que nous ne puissions aller jusqu’au bout –….
M. Roger Karoutchi. … vous empêchent de faire cette réforme, qui va dans le bon sens. Il faudra, après 2017, mon cher Louis Nègre, que nous la reprenions afin de la parfaire, grâce, peut-être, à d’autres moyens financiers…
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous verrons, le moment venu et en temps opportun !
Mes chers collègues, ce projet de loi sur la gouvernance du ferroviaire va enfin pouvoir être discuté dans notre assemblée, directement concernée par ce sujet, puisqu’elle représente les collectivités locales, donc les régions, compétentes, comme vous le savez, en matière de transport ferroviaire régional.
Je dis « enfin », car nous parlons de la nécessité de ce texte depuis de nombreuses années, au-delà des deux années et demie qui viennent de s’écouler, et nous n’avons pas pu, jusqu’à maintenant, en discuter vraiment au niveau parlementaire ; je me réjouis donc que ce projet de loi vienne en discussion au Sénat.
Jean-Louis Bianco et Jacques Auxiette ont remis leurs rapports voilà déjà plus d’un an, en avril 2013. De plus, l’actualité sur les suites de l’accident de Brétigny-sur-Orge montre, à l’évidence, l’urgence de cette réforme.
Enfin, et peut-être surtout, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la présidence italienne de l’Union européenne souhaite accélérer les négociations du quatrième paquet ferroviaire, qui comporte une date « couperet » au-delà de laquelle nous ne pourrions plus réformer notre système ferroviaire, notre système de gouvernance comme nous le souhaitons aujourd'hui, j’y reviendrai.
Le statu quo ante, la situation telle que nous la connaissons, n’est pas durable, n’est plus possible. La distinction radicale, cette « muraille de Chine », entre RFF et SNCF est génératrice de surcoûts, d’insuffisances dans la gestion, tous les orateurs l’ont relevé.
Le texte qui nous est proposé vise à régler la question de la gouvernance. C’était un élément de consensus qui a été mis en évidence lors des Assises du ferroviaire. Tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de réunifier les fonctions de gestionnaire d’infrastructure au sein d’une structure unique. Ce texte le prévoit.
Le projet de loi prévoit en ce sens la création d’un groupe public ferroviaire, « verticalement intégré », comme on dit en patois bruxellois, constitué de trois EPIC.
L’EPIC de tête, SNCF, assure l’unité du groupe – c’est très important ! –, la mutualisation de certaines fonctions et la consolidation financière de l’ensemble. L’EPIC dit « SNCF Réseau » regroupe les métiers de l’infrastructure et l’EPIC dit « SNCF Mobilités » exploite les services ferroviaires.
Lors de la récente grève de certains syndicats à la SNCF, nous avons bien compris que la crainte exprimée était qu’à terme l’EPIC de tête, seul garant de l’unité de la structure verticalement intégrée, c'est-à-dire de la holding, soit à l’avenir purement et simplement supprimé, par exemple en cas d’alternance politique. Ce chiffon rouge a été largement agité avec, en arrière-plan, la peur d’ouvrir la porte à une concurrence sauvage et dérégulée.
Or, d’une part, la concurrence ne figure pas telle quelle dans le projet de loi et, d’autre part, je suis convaincu que, si mise en concurrence des opérateurs ferroviaires il doit y avoir – et tel sera le cas en 2019 ou en 2022 –, celle-ci ne peut se concevoir que strictement encadrée et régulée, je le dis clairement.
De mon point de vue, et c’est plutôt le président du GART qui s’exprime ici, on n’a pas suffisamment exploré la voie qui a fait ses preuves pour ce qui est des transports urbains. Depuis la LOTI, la loi d’orientation des transports intérieurs, le transport urbain fonctionne sur la base d’une concurrence régulée : il existe une distinction claire entre autorités organisatrices, en général les intercommunalités, …
… et opérateurs de transport. L’autorité organisatrice de transport a d’ailleurs la possibilité de choisir le système de régie – c'est le cas pour une vingtaine d’adhérents du GART. À mes yeux, cette concurrence régulée de l’urbain fonctionne bien. Elle n’est pas transposable telle quelle au ferroviaire, mais mutatis mutandis, comme on disait à l’époque où l’on faisait de la rhétorique, c’est-à-dire en changeant ce qui doit être changé, elle peut être utile pour la gouvernance future du système ferroviaire français.
Le projet de loi s’attaque ensuite à la question de la dette.
Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez tout comme nous, il n’y a pas de solution miracle en ce domaine : dire qu’en 2017 on trouvera les ressources nécessaires pour absorber cette dette considérable, de 44 milliards d’euros environ, ne me paraît pas très réaliste eu égard à la situation que nous connaissons aujourd’hui ! Une telle somme n’est en effet pas facile à amortir. Mais, la première chose à faire, c’est d’éviter des dérives supplémentaires, c’est-à-dire de mettre en œuvre la règle d’or qui est prévue dans le texte.
Cette règle, quelle est-elle ? Elle consiste à ne pas décider d’investissements supplémentaires d’extension du réseau, comme un TGV, qui ne seraient pas adossés à des recettes prévisionnelles. Si des recettes sont envisagées, que ce soit sur dix, quinze ou vingt ans, il est possible d’amortir l’investissement ; si tel n’est pas le cas, on ne ferait évidemment qu’aggraver le déficit et la dette.
Je le redis, la première mesure à prendre, c’est celle qui figure dans ce projet de loi : ne plus décider d’investissements qui ne soient pas adossés à cette règle prudentielle relative aux investissements de développement de la SNCF. Je me réjouis que cette disposition ait été introduite à l’Assemblée nationale.
Enfin, la question sociale n’est pas éludée. Elle est évidemment centrale et très importante pour les personnels de la SNCF.
Le projet de loi pose en effet les bases d’un cadre social uniforme pour l’ensemble des cheminots, sans remettre en cause leur statut. L’article 6 prévoit, d’une part, un décret dit « décret-socle », qui fixera les règles relatives à la durée du travail communes aux trois EPIC, mais aussi aux entreprises dont l’activité principale est le transport ferroviaire, garantissant ainsi un haut niveau de sécurité, et, d’autre part, une convention collective de branche pour les activités de transport, de gestion et de maintenance d’infrastructures ferroviaires.
Cette définition des normes sociales propres à ce secteur permettra d’éviter ce qu’il faut évidemment craindre dans la perspective d’une mise en concurrence, à savoir le dumping social, en termes non seulement de salaires mais aussi de conditions de travail des salariés, comme c’est hélas ! le cas dans le transport routier aujourd’hui.
Mes chers collègues, il y a urgence ! Je le disais en introduction, la présidence italienne souhaite accélérer le dossier et faire adopter rapidement le quatrième paquet ferroviaire. Si nous n’adoptons pas le présent projet de loi, nous risquons de ne plus pouvoir instituer une holding, cette structure verticalement intégrée qui constitue la base même de la nouvelle gouvernance.
Je le rappelle, le quatrième paquet ferroviaire prévoit que les structures verticalement intégrées existantes peuvent être maintenues, mais qu’il ne sera pas possible d’en créer de nouvelles. Voilà pourquoi il y a urgence.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, soit à voter ce projet de loi, comme je le ferai avec conviction et enthousiasme, soit au moins à vous abstenir, afin que ce projet de loi ainsi que le projet de loi organique puissent être adoptés. Ainsi, nous pourrons changer la donne et faire un premier pas dans la bonne direction !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la première question que je me suis posée avant même de prendre connaissance de ce projet de loi sur la réforme ferroviaire était de savoir si la SNCF, après l’application de cette loi, resterait un champion du ferroviaire. Pour ma part, j’y tiens beaucoup, car j’estime que cette entreprise, de par son histoire, suscite une véritable affection partagée par beaucoup.
Néanmoins, le champion va devoir dorénavant évoluer dans un environnement concurrentiel, car je n’imagine pas un cordon sanitaire économique autour de la France. Son principal concurrent sera la Deutsche Bahn, avec laquelle il faudra toujours composer pour influencer durablement les règles de gestion du système ferroviaire en Europe.
Pour rester un champion dans un tel contexte libéral, il faut, à mon sens, viser trois objectifs : l’efficacité, la compétitivité et l’équité. Je ne parle pas de la sécurité, qui fait consensus et reste le fil rouge s’imposant à tous, quels que soient les modèles économiques mis en œuvre. Le terrible accident de Brétigny-sur-Orge a été évoqué par tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune.
Commençons par l’objectif le plus simple, l’équité. Nous disposons, avec le fret, d’une expérience : on a permis la concurrence sans forcément répondre à cet objectif. En effet, pour les nouveaux entrants, l’ARAF a été créée par la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, mais après la décision d’autoriser la concurrence, laissant la porte ouverte à des entraves éventuelles. Par ailleurs, les règles du jeu, en particulier relatives au temps de travail, ont été négociées au désavantage de la SNCF, qui ne pouvait pas, du jour au lendemain, s’adapter aux règles du secteur privé.
Le projet de loi répond-il à cet objectif d’équité ? Après rectification à l’Assemblée nationale et moyennant quelques aménagements, l’ARAF a maintenant, me semble-t-il, des prérogatives claires qui devraient lui permettre d’être efficace.
Pour ce qui est du temps de travail, il est envisagé qu’il soit le même pour tous. J’espère que les négociateurs de la convention collective auront à cœur de ne pas pénaliser davantage le fret ferroviaire par rapport au fret routier, et qu’ils trouveront un juste équilibre entre sécurité et efficacité.
Toujours dans la logique d’équité, et bien que cela ne figure pas dans le projet de loi, j’espère aussi que, s’agissant du fret, le Gouvernement maintiendra le financement de 40 % des péages pour tous après 2015. À défaut, c'est le routier qui remportera la mise !
Enfin, pour les voyageurs, le problème des gares n’est pas résolu. Pourtant, si celles-ci doivent servir à plusieurs opérateurs dans un proche avenir, il faudra bien s’en occuper, et rapidement.
J’en viens à l’objectif d’efficacité du système ferroviaire. Il comprend, selon moi, deux sujets centraux : la gouvernance et l’organisation, d'une part, le temps de travail, d’autre part.
Sur la gouvernance, j’ai voté sans états d’âme la loi de 1997, qui a permis la création de RFF. J’ai bien observé la suite des événements.
Avec le recul, je pense qu’il n’est pas raisonnable d’avoir laissé RFF sous-traiter à longueur d’année des milliers de petits marchés de travaux à la SNCF qui dispose, elle, des compétences et des moyens.
Il n’était pas plus raisonnable de partager les fonctions d’étude et de dévolution des sillons entre la direction de la circulation ferroviaire de la SNCF et la petite cellule de RFF, alors même que, par le passé, les systèmes informatiques n’étaient, paraît-il, pas compatibles. De plus, cette organisation demande beaucoup de compréhension entre les entités, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Je trouve donc très positive la réunification de la gouvernance envisagée dans ce texte de loi, même si elle n’est pas parfaite. Je me réjouis en particulier que nous ne soyons pas pénalisés par les distorsions avec la gouvernance en holding de la Deutsche Bahn, car nous serons très rapidement concurrents sur le territoire français pour le transport des voyageurs.
À ce sujet, je rappelle que la directive Gouvernance du quatrième paquet ferroviaire, amendée seulement par le Parlement européen, permet pour le moment à l’Allemagne de garder son organisation en holding. J’espère que notre organisation en EPIC sera acceptée, car cette même directive, qui a été adoptée en première lecture par le Parlement européen en février 2014, prévoit l’ouverture à la concurrence en libre accès en 2019 pour le transport de tous les voyageurs, et pas seulement pour les TGV, avec une exigence de réciprocité dans la concurrence et un système d’information et de billetterie interopérable.
Toujours dans cet objectif d’efficacité, il faut évoquer l’organisation du temps de travail. Je me félicite que l’article 13 abolisse l’article 1er de la loi de 1940. C’était une condition sine qua non pour permettre une évolution. Ce sera désormais une commission mixte paritaire composée de représentants du personnel et des entreprises ferroviaires qui définira les modalités de la convention collective pour 2016.
Un accord semble avoir été trouvé sur la méthode. J’espère qu’une solution raisonnable sera trouvée sur le fond, afin d’éviter le « nivellement par le haut » auquel on assiste souvent.
Pour les TER, l’usager paie, toutes dépenses confondues, en moyenne 30 % du coût du trajet et le contribuable, 70 %. La part du contribuable doit être réduite pour essayer de stabiliser les finances. Une action efficace de tous doit y contribuer, en particulier par la gestion du temps de travail.
Une fois améliorée l’efficacité au travers de la gouvernance et de l’organisation du temps de travail, on pourra envisager d’atteindre l’objectif de compétitivité. Sur ce thème, il y a deux sujets fondamentaux que je n’évoquerai pas plus longuement, faute de temps, et qui sont simplement évoqués dans le projet de loi : la dette, à l’article 2 ter, et le statut.
Pour mémoire, je rappelle que la dette de la Deutsche Bahn, dont le chiffre d’affaires est supérieur à celui de la SNCF, est de 17 milliards d’euros pour l’ensemble du groupe. Vous le voyez, nous avons encore des marges de progression !
Le statut, qui est évoqué aux alinéas 42 à 44 de l’article 1er, mériterait à lui seul un débat. Il serait peut-être préférable de conserver le statu quo, mais uniquement pour les employés à statut. C’est mon point de vue, mais je n’ai pas le temps de l’exposer plus avant aujourd’hui.
En conclusion, je considère que ce projet de loi ne réforme pas tout ce qui devrait être réformé pour préparer notre champion à un environnement concurrentiel ; il amorce cependant la mue en rendant possible cette mise en concurrence. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je m’abstiendrai lors du vote final.
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les conclusions du rapport d’expertise sur l’accident de Brétigny-sur-Orge démontrent l’urgence de la réforme qui nous est présentée. Elles soulignent les limites de l’organisation actuelle de notre système ferroviaire, qui suscite des difficultés pour planifier et coordonner efficacement les travaux comme les circulations et qui ne permet aucune synergie.
Le constat est unanimement partagé : c’est la séparation, opérée par la loi de 1997, de l’exploitation et de l’infrastructure du système ferroviaire français en deux établissements distincts, la Société nationale des chemins de fer français et Réseau ferré de France, qui a conduit à une impasse.
L’ambiguïté créée dès le départ par un principe de double responsabilité n’a fait que s’aggraver durant dix-sept années, entraînant de multiples dysfonctionnements, caractérisés notamment par des difficultés opérationnelles, des problèmes d’anticipation et un endettement qui n’a cessé de s’alourdir, atteignant aujourd'hui 44 milliards d’euros.
Ce mauvais fonctionnement et les déséquilibres financiers ont encore été accentués par la recherche, par chacune de ces deux structures, d’une optimisation financière au détriment de l’autre.
Les usagers se sont aperçus, depuis longtemps déjà, de la dégradation de la qualité du service, particulièrement en termes de régularité des trains et d’allongement des temps de parcours.
Quant aux collectivités, largement sollicitées financièrement, elles ont dû subir des réorganisations de créneaux horaires ou des suppressions de dessertes, sans aucune concertation, sans information ni consultation préalable des élus locaux ou des usagers.
Pourtant, depuis la régionalisation des transports express, les régions se sont largement investies pour améliorer le transport ferroviaire sur leur territoire. Elles ont ainsi contribué de façon décisive à la relance du chemin de fer local : aujourd’hui, 80 % des rames qui circulent sont régionales. La contribution des territoires au financement du système ferroviaire représente, en 2012, un total de 4, 3 milliards d’euros, soit plus de 14 % de l’ensemble des dépenses des régions.
Toutefois, les contreparties que constituent la dotation générale de décentralisation, allouée par l’État, ou la part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sont notoirement insuffisantes pour financer cette régionalisation ferroviaire.
La région Nord - Pas-de-Calais, que vous connaissez parfaitement, monsieur le secrétaire d'État, possède le réseau de trains régionaux le plus dense, après celui de l’Île-de-France. En 2012, elle a consacré à ce réseau 218 millions d’euros, dont 60 millions d’euros en investissements pour les infrastructures.
Consciente de l’importance de la mobilité des biens et des personnes pour le développement du territoire, cette région a été la première à conventionner l’ensemble de ses dessertes et l’une des premières à candidater pour devenir autorité organisatrice de transports. Aujourd’hui, elle est frappée de plein fouet par un certain nombre de décisions arbitraires de la SNCF, notamment la suppression de dessertes TGV, laquelle va non seulement entraîner un surcoût de 800 000 euros, en raison de la nécessité d’organiser de nouvelles correspondances TER, mais aussi accentuer les difficultés de mobilité des familles, tout en freinant le développement régional.
Compte tenu de son engagement et de l’enjeu que constitue le transport ferroviaire pour l’aménagement des territoires, le Nord - Pas-de-Calais, comme les autres régions, a souhaité jouer un rôle plus important dans l’organisation du système ferroviaire.
Grâce au travail très dense de notre rapporteur, Michel Teston, que je tiens à remercier pour son implication, le texte dont nous allons débattre, qui a également été enrichi par les députés et par les membres de la commission du développement durable, répond à cette demande et devrait contribuer à une meilleure reconnaissance du statut d’autorité organisatrice du transport ferroviaire des régions. Le rôle de ces dernières pourra être encore renforcé si les amendements qui vous seront présentés concernant les compétences sur le matériel roulant et le chef de filat pour l’aménagement des gares sont adoptés.
Ces mesures vont bien dans le sens de la modernisation de notre système ferroviaire et de l’intérêt de ses usagers comme de ses salariés.
C’est aussi le cas de la nouvelle architecture prévue dans le texte, à savoir le regroupement des deux structures actuelles en un groupe public industriel verticalement intégré, composé d’un EPIC « mère », la SNCF, et de deux EPIC « filles » interconnectées, SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
Cette gouvernance, qui garantit un haut niveau de service public, impose un pilotage stratégique unique pour une cohérence opérationnelle accrue et un contrôle de l’État renforcé. Elle associe davantage les usagers, les élus, les organisations syndicales et les entreprises. Elle assure également la valorisation et la modernisation du réseau interrégional.
Le projet de loi permet également de maîtriser l’endettement, grâce à un pilotage de l’État stratège ; je ne m’étendrai pas sur ce point.
La question sociale constitue un autre point central du texte, qui maintient le statut des cheminots et pose un cadre social commun à tous les travailleurs de la branche ferroviaire, prévenant ainsi tout risque de concurrence déloyale et de dumping social.
Je veux saluer, monsieur le secrétaire d'État, la qualité de votre travail et de la concertation que vous avez menée avec les acteurs du ferroviaire, les élus et les instances européennes.
Ce texte eurocompatible constitue une étape importante, qui conforte notre outil ferroviaire et préserve son avenir industriel. Il contribue à redonner de la fierté au groupe public et au monde cheminot français, dont l’histoire, la spécificité et l’excellence sont aujourd'hui partout reconnues.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi en discussion depuis plus de deux ans maintenant a été largement débattu.
Face aux difficultés de gestion et de concertation des deux EPIC actuels, face à la nécessité de préparer l’ouverture à l’Europe, face au poids insoutenable de la dette, nous le savons, cette réforme est nécessaire.
Les deux EPIC actuels, Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fers français, composée de SNCF Infra et de la Direction des circulations ferroviaires, la DCF, devraient être remplacés par un groupe public ferroviaire composé de deux EPIC « filles » avec, d’un côté, le gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, composé de RFF, de SNCF Infra et de la DCF, et, de l’autre, l’exploitant, SNCF Mobilités.
Les deux nouveaux EPIC seront chapeautés par un EPIC « mère », SNCF, chargé de la stratégie globale. Cet EPIC de tête, loin d’être le symptôme d’un éclatement ou d’un plus grand éparpillement de l’activité, jouera le rôle de garant de l’unité du groupe.
Les voix qui se sont élevées, comme les prises de parole que nous avions réclamées, ont eu le mérite de souligner les nombreux écueils à éviter. Nous pourrons les prendre en compte dans les débats.
Pour ce qui me concerne, je profite de cette intervention pour vous livrer mes propres recommandations.
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports nous a alertés, à plusieurs reprises, sur les menaces pesant sur les lignes ferroviaires les plus fragiles, celles qui n’auraient pas suffisamment de « clients » pour justifier de nouveaux investissements. Je ne crois pas au sacrifice de ces lignes au nom de l’intérêt général. Je crois, au contraire, que notre intérêt est de soutenir le développement rural : quand la figure du client se substitue à celle de l’usager, c’est notre conception du service public qui est menacée !
Les rumeurs qui circulent quant à la prévision de fermeture, par RFF, de la ligne Abancourt - Le Tréport m’appellent à affirmer fermement ma position. Les chantiers TGV ne doivent pas se faire aux dépens de la modernisation de petites lignes indispensables à nos régions ! Ces lignes jouent un rôle primordial dans le dynamisme de nos territoires.
La ligne de train Abancourt-Le Tréport, en permettant le transport de la silice nécessaire à la fabrication du verre, a d’abord offert un débouché à la main-d’œuvre locale compétente. Ainsi, elle a largement participé à l’industrialisation de la vallée de la Bresle, devenue aujourd’hui un pôle mondial du flaconnage de luxe et un acteur majeur de la fabrication de moules métalliques et surnommée « Glass Valley ». Cette ligne est ensuite devenue celle des congés payés. Aujourd'hui, elle reste la seule ligne de Normandie qui rejoint Paris non par la gare Saint-Lazare, mais par la gare du Nord, créant un véritable lien entre la Picardie et la Haute-Normandie.
J’en profite pour saluer les efforts et la volonté de ces régions, qui, par l’intermédiaire de leurs présidents, ont affirmé, le 10 mars 2014, leur engagement pour la ligne Abancourt-Le Tréport et ont d’ores et déjà inscrit dans leur budget 2014 leur part des crédits prévus pour le financement du chantier, qu’elles demandent à l’État et à RFF de programmer.
La ligne Abancourt-Le Tréport présente également une caractéristique : elle mène à l’un des 50 ports décentralisés de métropole et à l’un des 26 ports ayant un trafic annuel supérieur à 100 000 tonnes.
Dans un rapport récent, notre collègue Odette Herviaux souligne la proximité particulière qu’entretiennent les ports décentralisés avec leur ville-siège et le poids de ces activités portuaires, notamment sur l’emploi. À cet égard, maintenir les lignes ferroviaires d’accès aux ports, c’est leur permettre de mener des politiques de développement ambitieuses. C’est permettre aux ports décentralisés de se projeter, selon la recommandation d’Odette Herviaux, « en dehors de leur territoire ». C’est leur permettre de jouer leur rôle dans le développement de l’arrière-pays. Enfin, il s’agit de faire preuve d’optimisme et de laisser à tous les ports la chance de participer au développement du fret et d’y conforter leur place.
Le train à grande vitesse est régulièrement présenté comme le symbole de la modernité de notre réseau. Or, d’une part, il ne répond pas toujours aux besoins et aux exigences des utilisateurs, pour qui « la qualité du service, la régularité, la fiabilité des transports notamment du quotidien sont aussi importantes sinon plus que les gains de vitesse », ainsi que l’a signalé la commission Mobilité 21. D’autre part, c’est l’affirmation d’alternatives à la route, la participation de « la mobilité » « à la transition énergétique et écologique » qui constituent véritablement une ambition moderne.
J’ajoute encore que le remplacement de l’écotaxe et ses implications en termes de ressources libérées pour les infrastructures ferroviaires ne doit remettre en cause ni les principes écologiques ni le projet de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, qui l’avait inspirée.
Pour finir, souvenons-nous que le territoire national s’est construit à partir du développement de réseaux : ce furent, d’abord, nos chemins vicinaux et, ensuite, nos chemins de fer. Le chemin de fer français est notre bien national ! Souvenons-nous que le réseau ferroviaire constitue un facteur primordial d’intégration du territoire et un vecteur d’égalité territoriale en France. C’est notre force ; ne l’affaiblissons pas !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’essayer à l’exercice complexe qui consiste à intervenir à la fin de la discussion générale, après les différents orateurs.
Avant de vous apporter quelques précisions indispensables, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, bien sûr, adresser mes remerciements à M. le rapporteur pour son travail – je le ferai tout au long des débats, qui seront, n’en doutons pas, riches et passionnants – et à l’ensemble des intervenants qui viennent d’exprimer très clairement leur soutien à la réforme, à savoir Anne-Marie Escoffier, Ronan Dantec, Jean-Jacques Filleul, Roland Ries, Delphine Bataille et Marie-Françoise Gaouyer. Tous en ont affirmé les enjeux et ont évoqué les perspectives qui la rendent nécessaire.
L’enjeu de calendrier a été très justement rappelé : nous devons infléchir les discussions européennes qui précèdent la définition des éléments du quatrième paquet ferroviaire – de la même manière que nous l’avions fait lors des négociations précédentes – et ainsi faire mentir certaines prédictions malheureuses en mettant tout en œuvre pour que la réalité des situations et les volontés soient bien prises en compte.
Je n’irai pas jusqu’à considérer les interventions de M. Capo-Canellas et de M. Grignon comme une forme d’encouragement
M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.
J’ai entendu vos propos, monsieur Capo-Canellas. Certes, vous n’avez pas été d’une grande indulgence ni pour le texte ni pour son auteur… Mais peut-être réussirons-nous à répondre à un certain nombre de vos interrogations, à replacer le texte dans son contexte et, bien entendu, à préciser pourquoi les voies de la discussion parlementaire sont précisément celles de la réussite – avec, à la clé, un certain nombre d’améliorations dont vous serez peut-être l’auteur.
Il est certain que le texte a déjà beaucoup évolué. D’abord, par le dialogue social : Mme Schurch sait combien j’y suis attaché. Nous avons eu l’occasion, avec les syndicats, que j’ai reçus, de préciser un certain nombre d'amendements qui pouvaient être soumis au Parlement. Cette discussion-là, qui n’est pas récente, a duré dix-huit mois, et elle a impliqué toutes les organisations syndicales représentatives.
Le texte a également évolué en intégrant les contraintes européennes – autre point sur lequel je reviendrai.
Sans voir non plus une forme d’encouragement dans les propos tenus par M. Nègre, Mme Schurch ou M. Karoutchi – je les cite tour à tour, même s'ils ne siègent pas du même côté de l’hémicycle –, …
Sourires.
… j’ai tout de même senti une sorte d’inconfort, …
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … une certaine difficulté à reconnaître que plusieurs volets de ce texte étaient intéressants, qu’ils pouvaient permettre d'aborder la modernisation du ferroviaire. Mais un certain nombre de contraintes – de contingences, dirons-nous – vous empêchent, mesdames, messieurs les sénateurs, de franchir le Rubicon !
M. Roger Karoutchi s'esclaffe.
Vous avez eu, les uns et les autres, des formules que je m'emploierai à réutiliser durant nos longues séances de discussion, et qui ne manqueront pas de faire sens à l’issue de nos débats – un sens que vous avez qualifié finalement par la négative, monsieur Karoutchi, en disant que la réforme n’allait pas dans le mauvais sens. J’ai presque cru que vous alliez conclure en disant que ce texte méritait l’abstention de votre groupe !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Peut-être cela se produira-t-il !
Sourires.
De nombreuses questions ont été posées, mais je ne pourrai pas répondre à toutes, mesdames, messieurs les sénateurs.
Concernant la dette, la méthode retenue – M. Dantec en connaît l’importance – consiste à stabiliser le système et à faire en sorte que le poids de la dette ne pèse pas sur le contribuable. Nous devons donc réformer en profondeur le fonctionnement du système ferroviaire, ce qui est bien l’enjeu de ce texte.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’INSEE vient de considérer que, sur 37 milliards d’euros de dette de RFF, 10 milliards pouvaient être considérés comme une dette publique au sens des critères de Maastricht. Or il est évident que l’État ne pourra pas, à court terme, prendre en charge cette dette de 10 milliards d’euros. Pour autant, il est important qu’une réflexion soit lancée sur le devenir de ces 10 milliards d’euros, et que les voies de l’association du Parlement à cette réflexion soient tracées, et même précisées.
Certains d’entre vous m'ont interrogé sur la concurrence. Anne-Marie Escoffier, en particulier, m'a questionné sur le planning et la façon de nous y préparer.
Précisons-le d’emblée, l’ouverture à la concurrence n’est pas la priorité de ce texte – certains ont même regretté qu’elle n’y soit pas précisément mentionnée… Je dois donc m'attarder un peu sur le sujet pour apporter les précisions qui s'imposent.
Faut-il, aujourd'hui, nier l’évolution future du système ferroviaire ? Non !
Ainsi, Roland Ries s'est référé à l’évolution du transport urbain, même si, comme il l’a indiqué, ce type de transport n’est pas directement comparable au transport ferroviaire, du fait de la présence d’un gestionnaire d’infrastructure et dans la mesure où l’on est confronté à la complexité des métiers, qui doivent cependant se retrouver dans un même ensemble.
La concurrence future figure dans les textes, elle est inéluctable. La véritable question est donc de savoir comment nous nous y préparons. Ici, je me tourne particulièrement vers le côté gauche de l’hémicycle.
Souvenez-vous, en d’autres temps, certains ont même souhaité que cette concurrence soit anticipée ! Cela figure dans le rapport que j’ai reçu, en juillet 2012, du Conseil économique, social et environnemental. Il me semble que, à l'époque, ce rapport avait été adopté par toutes les organisations syndicales, y compris par celle qui, aujourd'hui, n’a pas de mots assez durs pour qualifier ma personne et ma politique – dans un port situé au sud de ce pays, on a des qualificatifs que je trouve particulièrement injustes…
Quoi qu'il en soit, et vous comprendrez pourquoi j’insiste sur l’identité de l’un des deux auteurs du rapport, M. Le Paon, qui devait devenir par la suite secrétaire général de la CGT, écrivait ceci à propos de l’ouverture à la concurrence des services régionaux : « Une concertation devrait être […] engagée avec l’Association des régions de France […] pour définir le calendrier et les modalités d’ouverture à la concurrence des TER » et – j’attire votre attention sur ce qui suit – pour « lancer assez rapidement les premières expérimentations, qui devraient […] pouvoir débuter début 2015 ». §On parle bien d’ouverture à la concurrence…
Cet avis a donc été signé par M. Le Paon, et il a été voté par la CGT. C'est dire si la question de l’ouverture à la concurrence ne date pas d’hier. Nous en discuterons, certes, mais cette évolution sera nécessaire.
Quant à la question du calendrier, j’ai souhaité, en janvier 2012, ne pas anticiper le mouvement, car nous avions pu constater qu’une libéralisation du fret non préparée par un volet social – volet qui figure dans ce texte, monsieur Karoutchi – était problématique. Pour autant, il ne s'agit pas de s'en tenir au statu quo, au motif qu’il serait impossible de faire bouger les lignes.
Simplement, nous allons faire en sorte qu’un certain nombre d’acteurs s'adaptent à un nouvel environnement ferroviaire – la loi prévoit des conventions de branche, des discussions d’entreprises, un décret-socle –, ce que précisément d’autres n’avaient pas fait pour la libéralisation du fret. Regardez ce que donne une libéralisation mal préparée et voyez les conséquences quand on ne se préoccupe pas, madame Escoffier, de préparer le service public à l’enjeu d’une mise en concurrence…
Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.
Au niveau européen, la discussion sera extrêmement importante – je l’ai dit à mon collègue Maurizio Lupi, qui préside le conseil des ministres des transports européens pendant les six prochains mois –, et nous ne pouvons pas envisager la gouvernance du ferroviaire sans préciser dans le même temps le périmètre de ce que nous appelons, nous, les « obligations de service public ».
Ces questions sont intimement liées, car nous ne pouvons pas avoir une privatisation des profits et une nationalisation des pertes. Il nous faut donc une vision qui permette de donner du corps et du contenu à la notion même de service public, et de faire connaître nos exigences à cet égard.
Cela n’avait pas été fait pour le fret. Le résultat, vous le voyez : non seulement l’ouverture à la concurrence a entraîné la multiplication des opérateurs, qui sont dix ou douze sur le fret, mais, de surcroît, faute de règles communes, le fret ferroviaire s’est effondré, incapable de répondre aux enjeux des différents plans de relance ni aux objectifs du Grenelle de l'environnement, objectifs ensuite réaffirmés.
Il est certain – M. Grignon l’a opportunément souligné – que le fret SNCF a souffert de la disparité des règles.
M. Christian Poncelet acquiesce.
C'est pourquoi il importe que le rôle des régions dans les organes décisionnaires soit réaffirmé. §(Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.) D’où la nécessité de nous doter du Haut comité du ferroviaire, de telle sorte que toutes les parties prenantes puissent s'inscrire dans une stratégie définie.
Nous sommes donc à un moment crucial : il s'agit de faire preuve de méthode tout en étant exigeants afin de ne pas dissocier une discussion qui est nationale d’un enjeu européen, et de faire en sorte que la concurrence à tout crin ne soit pas notre référence. Nous devons au contraire préciser le paysage de notre service public et faire en sorte que les règles de la concurrence puissent fonctionner, mais en nous fondant par la suite, pourquoi pas, sur des délégations de service public, cher Roland Ries.
Dans ce cadre, les régions, dont l’action devra s'affirmer, renforceront peut-être le rôle de l’opérateur historique, comme l’ont dit MM. Karoutchi et Capo-Canellas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas fuir, il faut nous préparer aux enjeux, à cet environnement nouveau qui surviendra à une date aujourd'hui encore indéterminée – on me parlait de 2019, puis l’on m'a annoncé 2022, mais ce serait plutôt 2023… C'est dire combien j'ai eu raison de ne pas entendre ceux qui tentaient de me dissuader de préparer une réforme ferroviaire au prétexte qu’elle serait immanquablement euro-incompatible dès lors que les paquets ferroviaires européens n’étaient pas encore écrits. Cette résignation à une certaine vision européenne, sans chercher à l’infléchir ni à lui donner du sens, nous l’avons trop souvent subie…
Pour notre part, nous avons au contraire revendiqué la place du chemin de fer, la vision du rail et l’importance du patrimoine ferroviaire tels qu’ils ont façonné notre grande et belle nation, et fait en sorte, avec nos amis allemands – nous avons renoué le dialogue avec eux – de convaincre, pour user d’un vocable prudent, le commissaire européen Siim Kallas du bien-fondé de notre approche et du fait que nous n’avions pas à adopter un modèle unique qui viendrait se plaquer sur notre organisation sans prendre en compte la réalité et la spécificité de notre réseau.
Monsieur Capo-Canellas, vous avez un point commun avec Mme Schurch quand vous dites que trois structures, c'est peut-être beaucoup ! Voyez, j’essaye de trouver des points communs entre vous… §Et je ne reprendrai pas les propos de M. Nègre, qui a dressé l’inventaire de toutes les structures, allant jusqu’à en inventer pour expliquer à quel point tout cela était compliqué !
Vous avez cité pêle-mêle l’ARAF, le Haut comité, et vous êtes allé jusqu’à l’EPSF…
J’ai pourtant essayé de vous suivre, …
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … mais le chemin tortueux de votre démonstration m'a quelque peu donné le tournis !
M. Roger Karoutchi s'exclame.
Il faudra que vous travailliez encore à cette démonstration pour convaincre la majorité de vos collègues, mais je crains que vous n’y parveniez pas, car l’EPSF et l’ARAF ont une mission bien précise, tandis que le comité des opérateurs, c'est autre chose… Mais nous avons des jours et des nuits de discussion devant nous ! §
Alors, non, monsieur Capo-Canellas, tout cela n’est pas complexe. Un groupe public est formé, et un groupe public unifié, si bien que l’on ne se retrouve pas avec trois structures éparses. Je sais, madame Schurch, combien il est difficile d’abandonner des slogans qui marchent bien, trop bien sans doute…
À cet égard, je me demande comment les syndicalistes de la CGT qui m’ont traité de « menteur liquidateur » à Marseille oseront jamais m’adresser la parole à nouveau, alors que je n’ai jamais parlé de liquidation à propos de la SNCM, mais bien de redressement, donc une chance pour la compagnie maritime.
Alors, dire « trois EPIC, c’est pire que deux », cela revient au même : le slogan est sans doute facile à retenir, mais ce n’est qu’un slogan, et il est contraire à la réalité ! S’il s’agit bien de trois EPIC, nous parlons avant tout d’un groupe ! Et tant mieux si ces différentes structures ont le statut d’établissement public : il aurait été plus simple, pour rendre ce dispositif eurocompatible, d’en faire des sociétés anonymes, mais telle n’a pas été la volonté du Gouvernement. Je tenais à le souligner.
Nous avons souhaité bâtir un groupe qui s’appuie sur ses deux structures, ses deux métiers – pour faire simple : l’opérateur ferroviaire et le gestionnaire de réseau –, mais il s’agit bien d’un groupe unifié avec un « établissement casquette ». Ce faisant, nous avons accompagné le travail des députés qui ont souhaité faire remonter autant que possible un certain nombre de sujets à l’EPIC de tête, afin de bien souligner le caractère intégré de cette structure.
Je tenais à apporter ces précisions, car je ne comprends pas pourquoi ce serait simple lorsqu’il s’agit de la DB et compliqué lorsqu’il s’agit d’un grand projet ferroviaire visant à constituer un groupe public unifié, intégré, rassemblant, d’une part, un gestionnaire d’infrastructure – SNCF Réseau – et, d’autre part, un opérateur ferroviaire – SNCF Mobilités.
Un certain nombre d’entre vous – Mme Escoffier, MM. Dantec, Karoutchi, Capo-Canellas, ainsi que M. Roland Ries et d’autres – ont souhaité souligner l’importance des relations avec les régions.
Ce que je viens d’indiquer sur l’environnement évolutif auquel notre structure et notre organisation ferroviaires pourront s’adapter – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – montre combien nous anticipons l’importance à venir du rôle des régions.
Nous en tirons les conséquences en affirmant leur place dans la gouvernance du système à travers les deux postes qui leur sont accordées au sein du Haut comité du système de transport ferroviaire. Vous en souhaiteriez d’autres ? Pourtant, si des amendements visant à accorder davantage de postes aux régions étaient défendus, je n’aurais d’autre choix que de m’y opposer, car leur adoption reviendrait à diminuer proportionnellement la représentation du Sénat et de l’Assemblée nationale au sein du conseil de surveillance…
La loi prévoit que les représentants de l’État doivent disposer de la majorité des sièges et les représentants des salariés, de mémoire, d’un tiers. Dès lors, la marge de manœuvre est étroite. Nous avons malgré tout souhaité que les régions, le STIF, puissent être pleinement intégrés et représentés au sein non seulement du conseil de surveillance, mais aussi du conseil d’administration de SNCF Réseau.
Nous avons renforcé les compétences et les prérogatives des régions. Je pense notamment à la liberté tarifaire pour les trains régionaux ou à la réaffirmation de la place des régions dans la problématique des gares, laquelle pose la question de la domanialité. Sur ce dernier point, la clé de répartition entre feu RFF, c’est-à-dire SNCF Réseau, et SNCF Mobilités sera importante.
De même, il est primordial de confier aux régions le rôle de chef de file pour l’aménagement des gares d’intérêt régional, de faire en sorte de mieux les associer, chère Delphine Bataille, aux décisions d’investissements, qui doivent être prises en concertation, et de conclure avec elles des conventions sur les projets d’investissements.
Dans la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, l’adoption d’un amendement parlementaire permet aux régions d’accéder plus précisément à la comptabilité par ligne. Ce dispositif étant entré en vigueur, il n’y a aucune raison pour que ce projet de loi n’aille pas dans le même sens. Je me rappelle d’ailleurs avoir pris date, à l’époque, dans la perspective de la future réforme ferroviaire.
Je vous ferai part, au cours de la discussion des articles, des avancées dont profitent les régions en termes de reconnaissance, tout en conservant le souci – oui, madame Schurch, le souci – de préserver ce qui est au cœur de notre réforme : la mise en place d’une stratégie nationale, à travers des opérateurs nationaux et la réaffirmation du rôle de l’État, qui a été trop absent, sans méconnaître la diversité des autorités organisatrices de transport. C’est dire combien ce projet de loi est complet.
Un certain nombre d’entre vous ont évoqué le drame de Brétigny-sur-Orge. À mon tour, je voudrais m’exprimer, et même de manière un peu solennelle.
Aussitôt après l’accident, j’avais demandé au bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre, le BEA-TT, de mobiliser ses moyens et ses connaissances pour la recherche des causes de ce drame.
À quelques jours de ce triste anniversaire – samedi prochain – il est important que nous soyons aux côtés des familles. Le coordinateur national pour l’aide aux victimes, M. Cèbe, que j’avais nommé, a effectué un travail remarquable, dont il a rendu compte dans son point d’étape. Il était primordial d’éviter que les familles des victimes et les victimes elles-mêmes ne souffrent d’un manque d’accompagnement – c’est malheureusement trop souvent le cas –, alors que médiatisation et sentiment d’abandon entraînent souvent des blessures supplémentaires d’ordre psychologique.
J’ai donc rencontré tant M. Cèbe que les représentants des associations de victimes, notamment la Fédération nationale des victimes – la FENVAC –, présidée par M. Gicquel, et je pense pouvoir dire que nous avons pris toutes les mesures qui s’imposaient en termes d’accompagnement. Nous avons été exemplaires, mais cette triste mission n’est pas achevée.
La SNCF et RFF avaient très vite reconnu leur responsabilité. Cette question, redevenue d’actualité après les conférences de presse du procureur à quelques jours de ce malheureux anniversaire, n’a jamais eu lieu de se poser. Lors de chacune de leurs interventions, les présidents respectifs de RFF et de la SNCF ont toujours fait de la reconnaissance de leur responsabilité un postulat de départ.
Avant ce drame, monsieur Karoutchi, nous avions déjà constaté – c’est encore plus vrai avec le recul – combien certains investissements avaient été fléchés au détriment, peut-être, de l’entretien, de la mise à niveau et du maintien du réseau. C’est la raison pour laquelle certaines des dispositions de ce texte prévoient que SNCF Réseau ne pourra financer de nouveaux investissements qu’à condition d’être en mesure de financer l’entretien et la modernisation du réseau existant. Il s’agit d’un préalable, et il est essentiel.
Si les régions ou l’État estiment que tel ou tel investissement nouveau est d’intérêt régional ou national, et que l’opérateur SNCF Réseau n’a pas la possibilité de le financer, il faut, pour que cesse cette véritable cavalerie budgétaire, que celui qui passe la commande finance.
Nous avions lancé, d’abord avec M. Dumesnil puis avec M. Rapoport, avant le drame de Brétigny-sur-Orge, un grand plan de modernisation du réseau, de 2, 5 milliards d’euros, afin d’essayer de rattraper le retard pris dans la prise en compte du vieillissement des infrastructures. Ce plan faisait suite au rapport de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.
Vous avez raison de souligner la situation en Île-de-France. Vous avez déjà eu l’occasion de m’interroger, et moi, d’essayer sinon de vous rassurer, tout du moins de vous répondre. La réalité, c’est que l’origine des 1, 3 milliard d’euros de charges financières que RFF assume chaque année au titre de sa dette est à trouver dans le choix de construire concomitamment quatre nouvelles lignes à grande vitesse sans financement : quatre lignes quand seul le lancement d’une ligne tous les six ans est économiquement soutenable ! On fait payer à RFF ce que RFF ne peut plus payer aujourd’hui.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’être contre l’industrie de la grande vitesse, vitrine technologique de la France, mais il faut faire preuve de mesure. Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’opérateurs publics que l’on peut s’affranchir des exigences de l’économiquement raisonnable !
Nous avons donc souhaité réorienter nos priorités. Cet engagement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault a été confirmé et repris par le Premier ministre Manuel Valls.
La priorité des priorités, c’est le transport du quotidien. Je compte sur le soutien de la Haute Assemblée pour obtenir les modalités de financement les plus exemplaires en matière d’infrastructures de transport. Je pense bien sûr à l’AFITF.
Nous avions lancé – cette fois, après Brétigny-sur-Orge – le plan Vigirail, doté de 410 millions d’euros d’investissements sur la période 2014-2017. Le rapport d’étape du BEA-TT avait dégagé trois orientations préventives : améliorer la maîtrise des assemblages boulonnés des appareils de voie, détecter et corriger les défaillances de la boulonnerie et adapter davantage les plannings de maintenance à la sollicitation de l’installation. J’ai demandé à la SNCF et à RFF de mettre en œuvre ces préconisations du BEA-TT dans un délai de trois mois, sous le contrôle de l’établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF.
J’ai été interpellé sur l’inquiétude des élus et un certain nombre de communes ont été citées. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que tous les boulonnages, tous les cœurs de voie, tous les aiguillages ont été vérifiés. Ce sont 5 000 cœurs de voie, des centaines de milliers de boulonnages qui ont été ainsi examinés. Je m’en remets donc à la SNCF et à RFF pour apporter tous les éclaircissements aux élus qui en feront la demande.
Telles sont les quelques précisions que je voulais d'ores et déjà vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs. Certaines de vos questions méritent une réponse plus détaillée, je pense notamment au financement des régions, évoqué par M. Dantec.
Il est vrai que la part des régions dans le financement est importante, notamment en ce qui concerne le matériel roulant, les TER, par exemple, étant de leur responsabilité. Nous saurons en tirer toutes les conséquences au cours de la discussion du projet de loi.
En ce qui concerne maintenant le financement du réseau, il faut bien comprendre par qui sont versés les 5, 4 milliards d’euros perçus par RFF au titre de ses péages : 2 milliards par l’État pour les TET et les TER, 2, 1 milliards par les entreprises ferroviaires, mais 1, 3 milliard par les autorités organisatrices régionales, notamment le STIF… On a parlé d’un financement des deux tiers par les régions, mais, vous le voyez, la réalité est beaucoup plus nuancée !
Par ailleurs, le financement des services est assuré à hauteur de 10 milliards d’euros par les voyageurs et les chargeurs et à concurrence de 5 milliards d’euros par la puissance publique, régions et État confondus.
Il ne s’agit nullement de méconnaître l’importance de l’intervention des régions en la matière. L’objectif est d’anticiper, de faire en sorte que les régions gagnent en compétitivité et puissent optimiser, grâce à une meilleure organisation et à une plus étroite coordination entre elles, l’investissement public dans le ferroviaire. C’est une nécessité, que la réforme territoriale viendra peut-être accentuer, mais je ne m’aventurerai pas dans un domaine qui ne relève pas de mes compétences !En tout état de cause, une meilleure coopération interrégionale permettra d’optimiser à hauteur de 15 % à 20 % l’utilisation du matériel roulant. Il y a là des possibilités d’économies certaines pour les collectivités territoriales.
Madame la présidente, j’ai été beaucoup trop long.
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi portant réforme ferroviaire.
Titre Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DES TRANSPORTS
L’amendement n° 41, présenté par Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l’intermédiaire du secrétaire d’État chargé des transports, demande aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.
Le secrétaire d’État demande également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.
Dans l’attente, le Gouvernement s’engage, par un moratoire, à ne pas transposer de nouvelles directives.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Alors que la réforme ferroviaire a pour objectif de renforcer le poids du ferroviaire et d’affirmer son caractère d’intérêt général par la création d’un groupe public ferroviaire industriel intégré et unifié, la libéralisation annoncée des services de transport de voyageurs par le biais du quatrième paquet ferroviaire risque de mettre à mal l’existence même du service public.
En effet, l’expérience de la mise en œuvre des précédents paquets ferroviaires au sein des pays membres de l’Union européenne nous enseigne que la notion de service public et celle de concurrence sont antinomiques.
Nous pouvons ainsi légitimement considérer que, dans les secteurs où l’ouverture à la concurrence a été engagée, l’offre ne s’est pas améliorée, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif. Au contraire, les conditions de concurrence ont conduit l’ensemble des opérateurs à se focaliser sur les axes rentables, comme en témoigne l’abandon, en France, du fret ferroviaire de proximité, ainsi qu’à exercer une pression inacceptable sur les conditions sociales des cheminots.
Malheureusement, la concurrence conduit à une rétraction du réseau et à l’organisation d’un dumping social et environnemental, l’objectif unique étant la réduction des coûts de production de services. Cette politique a été appliquée au détriment de la sécurité des infrastructures, des personnels et des usagers.
Il convient donc que la France, par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, soutienne à l’échelon européen l’idée de l’instauration d’un moratoire sur la mise en œuvre des trois premiers paquets ferroviaires tant qu’un bilan exhaustif des conséquences de la libéralisation sur le service public, l’aménagement des territoires, l’évolution des trafics, ainsi que sur les conditions sociales et environnementales, n’aura pas été réalisé.
Ce contexte européen de libéralisation explique d’ailleurs dans une très large mesure le fort mouvement social contre cette réforme. En effet, ce projet de loi paraît seulement accompagner le lent processus d’ouverture totale à la concurrence, présentée comme inéluctable, y compris par vous, monsieur le secrétaire d’État.
Pour des raisons évidentes de prudence, nous demandons qu’un bilan des conséquences de la mise en œuvre des trois premiers paquets ferroviaires soit établi avant que l’on décide de s’engager plus avant dans la concurrence dite « libre et non faussée ». Nous avons le temps pour ce faire, puisque, comme vous venez de nous l’expliquer, monsieur le secrétaire d’État, l’échéance serait non plus 2019, mais 2022 ou 2023.
Cet amendement tend quasiment à imposer au secrétaire d’État chargé des transports de demander aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact de la libéralisation du transport ferroviaire en matière d’emploi, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu. Il prévoit en outre que le Gouvernement demande un moratoire sur la transposition de nouvelles directives, dans l’attente de la remise de ce rapport.
La commission considère qu’il est tout à fait légitime de vouloir disposer d’un bilan des premières étapes de l’ouverture à la concurrence imposée par Bruxelles, tant pour le fret que pour les services internationaux de transport de voyageurs. Ce bilan, en effet, n’a jamais été réalisé.
En revanche, elle estime qu’il n’est pas possible d’exiger du Gouvernement qu’il s’engage à ne pas transposer de nouvelles directives dans l’attente de l’établissement d’un tel bilan.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le rapporteur vient de rappeler les contraintes juridiques qui s’imposent à nous. En particulier, nous avons des délais à respecter pour la transposition des règles européennes. Si nous ne les tenions pas, la France pourrait faire l’objet d’une procédure en manquement introduite par la Cour de justice de l’Union européenne, et être sanctionnée.
Concernant le quatrième paquet ferroviaire, madame la sénatrice, nous avons des discussions, à l’échelon européen, pour qu’une analyse des conséquences de l’ouverture à la concurrence soit menée. Cette exigence est même au cœur de nos échanges avec un certain nombre de nos partenaires et la Commission.
Une fois encore, les situations diffèrent selon les pays, selon les réseaux. Avec le prédécesseur de mon homologue allemand actuel, nous avions fait connaître à la Commission notre opposition à ce que l’on appelle le full unbundling, c’est-à-dire la séparation absolue des missions et des métiers, entre gestionnaires d’infrastructures et opérateurs ferroviaires. Nous avons fait triompher notre point de vue. Le commissaire Slim Kallas a en effet reconnu publiquement que le système intégré, vertical, que nous soumettons à votre examen au travers du présent projet de loi est bien euro-compatible.
Telles sont, madame la sénatrice, les exigences que nous défendons en matière de lutte contre le dumping social, qu’il s’agisse d’ailleurs du ferroviaire ou des transports aériens, maritimes et terrestres. Dans ce dernier secteur, on n’a que trop tardé à affirmer ces exigences dans l’application des règles européennes.
En conclusion, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Personnellement, je me réjouis que cet amendement ait été présenté, même si je ne le voterai pas ! En effet, demander un moratoire me semble excessif.
En revanche, il serait très intéressant de pouvoir connaître la réalité de la situation sur le terrain. J’insiste à mon tour auprès de M. le secrétaire d’État pour que le Gouvernement saisisse la Commission européenne en vue d’obtenir l’élaboration d’une véritable étude contradictoire sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence.
Quant à moi, je suis un peu moins pessimiste que M. le secrétaire d’État, et j’ai ma petite idée sur la question. Quand je me rends dans un pays développé comme l’Allemagne, je constate que l’ouverture à la concurrence a entraîné un accroissement de l’offre de services, cela, j’y insiste, sans aucun dumping social. Dans les gares allemandes, les voyageurs ont le choix entre la Deutsche Bahn et d’autres entreprises ferroviaires.
Il faut vous rendre en Angleterre : là-bas, ce n’est pas tout à fait la même chose !
Je saisis la perche que vous me tendez, monsieur le secrétaire d’État : en Angleterre, Keolis, filiale de la SNCF, vient de remporter l’un des plus importants marchés dans le transport interurbain. Ce que nous sommes capables de faire en Angleterre ou à Melbourne, nous devons pouvoir le faire en France aussi !
Dernier aspect très positif, l’ouverture à la concurrence débouchant sur des gains de compétitivité et de performance, le transport ferroviaire coûte moins cher à la collectivité, et donc au contribuable local. §
Naturellement, ma vision de la concurrence est un peu moins idyllique que la vôtre, mon cher collègue ! Il suffit de regarder la situation du fret ferroviaire en France.
Je voudrais rectifier le présent amendement, madame la présidente, en supprimant sa dernière phrase, relative à la demande de moratoire. J’espère qu’il pourra ainsi recueillir l’avis favorable de la commission.
Il serait très intéressant de pouvoir disposer d’un bilan établi de manière contradictoire. Pour l’heure, sur ce sujet, on s’envoie des chiffres à la figure, on se réfère à diverses expériences, mais il n’existe aucun état des lieux.
Nous sommes heureux d’apprendre, monsieur le secrétaire d’État, que vous discutez de ces questions au plan européen, mais nous souhaiterions en savoir davantage.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Avant l’article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l’intermédiaire du secrétaire d’État chargé des transports, demande aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.
Le secrétaire d’État demande également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.
Quel est l’avis de la commission ?
Je pense ne pas trahir la pensée de la commission en soulignant que, même ainsi rectifié, l’amendement tend toujours à créer une obligation à l’endroit du Gouvernement. Or le Parlement ne peut pas donner d’injonction au pouvoir exécutif. Dès lors, je maintiens l’avis défavorable, même si je reconnais qu’il serait intéressant de pouvoir disposer d’un véritable bilan de l’ouverture à la concurrence.
L’amendement n’est pas adopté.
Au début du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« Titre prÉliminaire
« SYSTÈME DE TRANSPORT FERROVIAIRE NATIONAL
« Chapitre préliminaire
« Principes généraux
« Art. L. 2100 -1. – Le système de transport ferroviaire national est constitué de l’ensemble des moyens humains et matériels mis en œuvre pour assurer :
« 1° La gestion du réseau ferroviaire défini à l’article L. 2122-1 ;
« 2° L’exécution des services de transport utilisant ce réseau ;
« 3° L’exploitation des infrastructures de service reliées à ce réseau.
« Le système de transport ferroviaire concourt au service public ferroviaire et à la solidarité nationale ainsi qu’au développement du transport ferroviaire, dans un souci de développement durable et d’aménagement équilibré du territoire. Il contribue à la mise en œuvre du droit au transport défini au livre Ier de la première partie du présent code.
« Art. L. 2100 -2. – L’État veille à la cohérence et au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national. Il en fixe les priorités stratégiques nationales et internationales. Dans le respect des principes d’équité et de non-discrimination, il assure ou veille à ce que soient assurés :
« 1° La cohérence de l’offre proposée aux voyageurs, la coordination des autorités organisatrices de transport ferroviaire et l’optimisation de la qualité de service fournie aux utilisateurs du système de transport ferroviaire national ;
« 2° La permanence opérationnelle du système et la gestion des situations de crise ayant un impact sur le fonctionnement du système, ainsi que la coordination nécessaire à la mise en œuvre des réquisitions dans le cadre de la défense nationale et en cas d’atteinte à la sûreté de l’État ;
« 3° La préservation de la sûreté des personnes et des biens, de la sécurité du réseau et des installations relevant du système de transport ferroviaire national, ainsi que la prévention des actes qui pourraient dégrader les conditions de sûreté et de sécurité du fonctionnement du système de transport ferroviaire ;
« 4° L’organisation et le pilotage de la filière industrielle ferroviaire, notamment la conduite ou le soutien de programmes de recherche et de développement relatifs au transport ferroviaire, en vue d’en accroître la sécurité, l’efficience économique et environnementale, la fiabilité, le développement technologique, la multimodalité et l’interopérabilité ;
« 5° La programmation des investissements de développement et de renouvellement du réseau ferroviaire défini à l’article L. 2122-1 et des investissements relatifs aux infrastructures de service et aux interfaces intermodales ;
« 6° La complémentarité entre les lignes à grande vitesse, les lignes d’équilibre du territoire et les lignes régionales, en vue de satisfaire aux objectifs d’un aménagement et d’un développement équilibré et harmonieux des territoires et de garantir l’égalité d’accès aux services publics ;
« 7° L’amélioration de la qualité du service fourni aux chargeurs, notamment par un accroissement de la fiabilité des capacités d’infrastructure attribuées au transport de marchandises, dans un objectif de développement de l’activité de fret ferroviaire et du report modal.
« Art. L. 2100 -3. – Le Haut Comité du système de transport ferroviaire est une instance d’information et de concertation des parties prenantes du système de transport ferroviaire national. Il débat des grands enjeux du système de transport ferroviaire national, y compris dans une logique intermodale.
« Le Haut Comité du système de transport ferroviaire réunit des représentants des gestionnaires d’infrastructure, des entreprises ferroviaires, des exploitants d’infrastructures de service, des autorités organisatrices des transports ferroviaires, des grands ports maritimes, des partenaires sociaux, des chargeurs, des voyageurs, des associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, de l’État, ainsi que des personnalités choisies en raison de leur connaissance du système de transport ferroviaire national. Il est présidé par le ministre chargé des transports.
« Il encourage la coopération entre ces acteurs, en lien avec les usagers, afin de favoriser la mise en accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite du matériel roulant, des quais et des gares.
« L’année précédant la conclusion ou l’actualisation des contrats prévus aux articles L. 2102-3, L. 2111-10 et L. 2141-3, le Haut Comité du système de transport ferroviaire est saisi par le Gouvernement d’un rapport stratégique d’orientation, qui présente :
« 1° La déclinaison de la politique nationale en matière de mobilité et d’interopérabilité entre les différents modes de transport ;
« 2° Les orientations en matière d’investissements dans les infrastructures de transport ;
« 3° Les modalités de coordination des différents services de transport de voyageurs ;
« 4° Le déploiement des systèmes de transport intelligents ;
« 5° La stratégie ferroviaire de l’État concernant le réseau existant ;
« 6° Les grands enjeux, notamment financiers, sociétaux et environnementaux, du système de transport ferroviaire national.
« Ce rapport, après avis par le Haut Comité du système de transport ferroviaire, est transmis au Parlement. Il est rendu public.
« Art. L. 2100-4. – Il est institué auprès de SNCF Réseau un comité des opérateurs du réseau, composé de représentants des entreprises ferroviaires, des exploitants d’infrastructures de service reliées au réseau ferré national, des autorités organisatrices des transports ferroviaires, des diverses catégories de candidats autorisés et des personnes mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2111-1.
« SNCF Réseau en assure le secrétariat.
« Le comité des opérateurs du réseau constitue l’instance permanente de consultation et de concertation entre SNCF Réseau et ses membres. Il est informé des choix stratégiques de SNCF Réseau et des personnes mentionnées au dernier alinéa du même article L. 2111-1, relatifs à l’accès et à l’optimisation opérationnelle du réseau ferré national. Le contrat mentionné à l’article L. 2111-10 lui est transmis.
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, il adopte une charte du réseau destinée à faciliter les relations entre SNCF Réseau et les membres du comité et à favoriser une utilisation optimale du réseau ferré national, dans un souci d’efficacité économique et sociale et d’optimisation du service rendu aux utilisateurs. Cette charte et ses modifications sont soumises pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
« Sans préjudice des compétences exercées par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires en application des articles L. 2134-1 à L. 2134-3, ou des voies de recours prévues par les lois, règlements et contrats, le comité des opérateurs du réseau peut être saisi, à fin de règlement amiable, des différends afférant à l’interprétation et à l’application de la charte du réseau mentionnée au quatrième alinéa du présent article.
« Le comité se réunit au moins quatre fois par an, et à l’initiative de SNCF Réseau ou d’un tiers au moins de ses membres.
« Chapitre I er
« Groupe public ferroviaire
« Section 1
« Organisation
« Art. L. 2101 -1. – La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités constituent le groupe public ferroviaire au sein du système ferroviaire national. Ces trois entités ont un caractère indissociable et solidaire. Le groupe remplit une mission, assurée conjointement par chacun des établissements publics dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, visant à exploiter le réseau ferré national et à fournir au public un service dans le domaine du transport par chemin de fer. Il remplit des missions de service de transport public terrestre régulier de personnes, des missions de transport de marchandises et des missions de gestion de l’infrastructure ferroviaire, dans une logique de développement durable et d’efficacité économique et sociale.
« Le chapitre II du titre II du livre II de la première partie est applicable aux trois établissements du groupe public ferroviaire. Pour son application à la SNCF et à SNCF Réseau, l’autorité organisatrice au sens du même chapitre II s’entend comme étant l’État.
« Art. L. 2101 -2. – La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités emploient des salariés régis par un statut particulier élaboré dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent également employer des salariés sous le régime des conventions collectives.
« Sans discrimination liée à leur statut d’emploi ou à leur origine professionnelle, les salariés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités peuvent pourvoir tout emploi ouvert dans l’un des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire, avec continuité de leur contrat de travail, ou dans leurs filiales.
« Un accord pluriannuel, négocié au niveau du groupe public ferroviaire avec les organisations représentatives des salariés, fixe les modalités de mise en œuvre du présent article. À défaut d’accord, et au plus tard six mois à compter de la constitution du groupe public ferroviaire, les modalités de mise en œuvre du présent article sont fixées par le conseil de surveillance de la SNCF.
« Art. L. 2101 -3. –
Non modifié
« Section 2
« Institutions représentatives du personnel
« Art. L. 2101 -4. –
Non modifié
« Art. L. 2101 -5. – I. – Il est constitué auprès de la SNCF, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2327-1 du code du travail relatives au comité central d’entreprise, un comité central du groupe public ferroviaire commun à la SNCF, à SNCF Réseau et à SNCF Mobilités et une commission consultative auprès de chacun de ces établissements publics lorsqu’ils sont dotés de plusieurs comités d’établissement.
« À l’exception de l’article L. 2327-14-1, qui ne s’applique qu’au comité central du groupe public ferroviaire, les dispositions du code du travail relatives à la composition, à l’élection, au mandat et au fonctionnement du comité central d’entreprise mentionné à l’article L. 2327-1 du même code s’appliquent au comité central du groupe public ferroviaire et aux commissions consultatives et sont adaptées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.
« Les attributions du comité central d’entreprise mentionné au même article L. 2327-1 sont réparties entre le comité central du groupe public ferroviaire et les commissions consultatives, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
« I bis (nouveau). – Par dérogation aux articles L. 2323-83 à L. 2323-86 et L. 2327-16 dudit code, la gestion d’une part substantielle des activités sociales et culturelles des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire est assurée, contrôlée et mutualisée dans des conditions et selon des modalités fixées par accord collectif du groupe public ferroviaire ou, à défaut de la conclusion d’un tel accord dans les six mois suivant la constitution du groupe public ferroviaire, par voie réglementaire.
« II. – Il est constitué auprès de la SNCF un comité de groupe entre les établissements publics constituant le groupe public ferroviaire et leurs filiales. Ce comité est régi par le titre III du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des adaptations nécessaires par décret en Conseil d’État. L’article L. 2331-1 du même code n’est pas applicable à chacun des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire.
« III
« Art. L. 2101 -6. –
Non modifié
« Les négociations obligatoires prévues audit code se déroulent au niveau de la SNCF pour l’ensemble du groupe public ferroviaire.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent article, les négociations prévues à l’article L. 2242-12 du code du travail se déroulent, respectivement, au niveau de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. Pour ces négociations, les organisations syndicales représentatives au niveau de chaque établissement public mandatent spécifiquement un représentant choisi parmi leurs délégués syndicaux d’établissement. La représentativité des organisations syndicales au niveau de l’établissement public est appréciée conformément aux règles définies aux articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du même code, en prenant en compte les suffrages obtenus dans l’ensemble des établissements de l’établissement public concerné. La validité des accords mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 3312-5 et aux 1° et 2° de l’article L. 3322-6 dudit code est appréciée conformément aux règles définies à l’article L. 2232-12 du même code, en prenant en compte les suffrages obtenus dans l’ensemble des établissements de l’établissement public concerné.
« Chapitre II
« SNCF
« Section 1
« Objet et missions
« Art. L. 2102 -1. – L’établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé “SNCF” a pour objet d’assurer :
« 1° Le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle, l’unité et la cohésion sociales du groupe public ferroviaire ;
« 2° Des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, exercées au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de gestion de crise et de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau ferroviaire, et de la sécurité, sans préjudice des missions de l’Établissement public de sécurité ferroviaire définies à l’article L. 2221-1, ainsi qu’en matière de coordination des acteurs pour la mise en accessibilité du système de transport ferroviaire national aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ;
« 3° La définition et l’animation des politiques de ressources humaines du groupe public ferroviaire, dont les politiques de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et de mobilité entre les différents établissements publics du groupe public ferroviaire, dans le respect de l’article L. 2101-2, ainsi que les négociations collectives intéressant le groupe public ferroviaire, dans les conditions prévues à l’article L. 2101-6 ;
« 3° bis (Supprimé)
« 4° Des fonctions mutualisées exercées au bénéfice de l’ensemble du groupe public ferroviaire, dont la gestion des parcours professionnels et des mobilités internes au groupe pour les métiers à vocation transversale, l’action sociale, la santé, la politique du logement, la gestion administrative de la paie, l’audit et le contrôle des risques.
« La SNCF ne peut exercer aucune des missions mentionnées aux articles L. 2111-9 et L. 2141-1.
« Un décret en Conseil d’État précise les missions de la SNCF et leurs modalités d’exercice.
« Art. L. 2102 -1 -1. –
Supprimé
« Art. L. 2102 -1 -2. – Pour l’application de l’article L. 5424-2 du code du travail et du chapitre III du titre Ier du livre III du code de la construction et de l’habitation, la SNCF est considérée comme employeur des salariés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2102 -1 -3. – Pour l’exercice des missions prévues au 4° de l’article L. 2102-1, SNCF Mobilités et SNCF Réseau recourent à la SNCF. À cette fin, SNCF Mobilités et SNCF Réseau concluent des conventions avec la SNCF.
« Les conventions mentionnées au premier alinéa du présent article ne sont soumises ni à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, ni à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
« Art. L. 2102 -2. – Les attributions dont la SNCF est dotée par le présent code à l’égard de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités sont identiques à celles qu’une société exerce sur ses filiales, au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce. Ces attributions s’exercent dans le respect des exigences d’indépendance, au plan décisionnel et organisationnel, des fonctions de SNCF Réseau mentionnées au 1° de l’article L. 2111-9 du présent code, en vue de garantir en toute transparence un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure du réseau ferré national.
« La SNCF peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser toute opération utile à ses missions. Elle détient pour le compte du groupe public ferroviaire, directement ou indirectement, les participations des filiales de conseil ou d’ingénierie ferroviaire à vocation transversale.
« Art. L. 2102 -3. – La SNCF conclut avec l’État un contrat-cadre pour l’ensemble du groupe public ferroviaire pour une durée de dix ans, actualisé tous les trois ans pour une durée de dix ans. Ce contrat-cadre, qui intègre les contrats prévus aux articles L. 2111-10 et L. 2141-3, garantit la cohérence des objectifs et des moyens assignés au groupe public ferroviaire. Le projet de contrat-cadre et les projets d’actualisation sont soumis pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Le projet de contrat-cadre est transmis au Parlement avant chaque échéance triennale.
« La SNCF rend compte chaque année, dans son rapport d’activité, de la mise en œuvre du contrat-cadre mentionné au premier alinéa. Ce rapport d’activité est adressé au Parlement, à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et au Haut Comité du système de transport ferroviaire.
« Art. L. 2102-3-1 (nouveau). – La SNCF a la capacité de transiger et de conclure des conventions d’arbitrage.
« Section 2
« Organisation
« Art. L. 2102 -4. – La SNCF est dotée d’un conseil de surveillance et d’un directoire. Le dernier alinéa de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public n’est pas applicable au conseil de surveillance de la SNCF.
« Pour l’application à la SNCF du chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée, SNCF Réseau et SNCF Mobilités sont assimilés à des filiales, au sens du 4 de l’article 1er de la même loi.
« Les statuts de la SNCF sont fixés par décret en Conseil d’État. Le nombre des représentants de l’État ne peut être inférieur à la moitié du nombre de membres du conseil de surveillance. Au moins deux membres du conseil de surveillance sont des représentants des autorités organisatrices régionales des transports ferroviaires et du Syndicat des transports d’Île-de-France. Un député et un sénateur sont membres du conseil de surveillance.
« Art. L. 2102 -5. – Le président du conseil de surveillance de la SNCF est désigné parmi les représentants de l’État au conseil de surveillance. Il est choisi en fonction de ses compétences professionnelles. Il est nommé par décret, sur proposition du conseil de surveillance.
« Le président du conseil de surveillance de la SNCF ne peut être membre ni des organes dirigeants de SNCF Réseau, ni des organes dirigeants de SNCF Mobilités.
« Art. L. 2102 -6. – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le directoire de la SNCF comprend deux membres, nommés par décret hors des membres du conseil de surveillance et sur proposition de celui-ci. L’un d’eux est nommé en qualité de président du directoire, l’autre en qualité de vice-président.
« La nomination en qualité de président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Mobilités et nomination en qualité de président de ce conseil d’administration.
« La nomination en qualité de vice-président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Réseau et nomination en qualité de président de ce conseil d’administration. Les décisions concernant la nomination, le renouvellement ou la révocation du vice-président du directoire sont prises en application de l’article L. 2111-16.
« La durée des mandats des membres du directoire est fixée dans les statuts de la SNCF. Elle est identique à celle des mandats des administrateurs et des présidents des conseils d’administration de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau.
« Les mandats des membres du directoire débutent et prennent tous fin aux mêmes dates. En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, du siège d’un membre du directoire, son remplaçant n’exerce ses fonctions que pour la durée restant à courir jusqu’au renouvellement du directoire.
« Art. L. 2102 -7. – Le conseil de surveillance de la SNCF arrête les grandes orientations stratégiques, économiques, sociales et techniques du groupe public ferroviaire et s’assure de la mise en œuvre des missions de la SNCF par le directoire. Il exerce le contrôle permanent de la gestion de la SNCF.
« Les opérations dont la conclusion est soumise à l’autorisation préalable du conseil de surveillance, qui comprennent les engagements financiers et les conventions passées entre la SNCF et SNCF Réseau ou SNCF Mobilités au-delà d’un certain seuil, sont précisées par voie réglementaire.
« À tout moment, le conseil de surveillance opère les vérifications et les contrôles qu’il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu’il estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
« La SNCF établit et publie chaque année les comptes consolidés de l’ensemble formé par le groupe public ferroviaire et les filiales des établissements du groupe ainsi qu’un rapport sur la gestion du groupe. Une fois les comptes consolidés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités établis en application de l’article L. 233-18 du code de commerce, la consolidation des comptes de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités sur ceux de la SNCF est effectuée selon la méthode de l’intégration globale.
« Après la clôture de chaque exercice, le directoire présente au conseil de surveillance, pour approbation, les comptes annuels de la SNCF et les comptes consolidés de l’ensemble formé par le groupe public ferroviaire et les filiales des trois établissements du groupe, accompagnés du rapport de gestion y afférent.
« À ce titre, le conseil de surveillance peut opérer les vérifications et les contrôles nécessaires auprès des trois établissements publics et de leurs filiales.
« Art. L. 2102 -8. – Le directoire assure la direction de la SNCF et est responsable de sa gestion. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la SNCF. Il les exerce dans la limite de l’objet de la SNCF mentionné à l’article L. 2102-1 et sous réserve des pouvoirs expressément attribués par la loi et par les textes pris pour son application au conseil de surveillance ou au président de celui-ci. Il conclut le contrat-cadre entre la SNCF et l’État prévu à l’article L. 2102-3, après approbation par le conseil de surveillance.
« Art. L. 2102 -9. –
Non modifié
« Section 3
« Gestion financière et comptable
« Art. L. 2102 -10. –
Non modifié
« Art. L. 2102 -11. –
Non modifié
« Art. L. 2102 -12. –
Suppression maintenue
« Section 4
« Gestion domaniale
« Art. L. 2102-13 A. – La SNCF coordonne la gestion domaniale au sein du groupe public ferroviaire. Elle est l’interlocuteur unique de l’État, des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales lorsque ceux-ci souhaitent acquérir, après déclassement, un bien immobilier appartenant à la SNCF ou à SNCF Réseau ou géré par SNCF Mobilités.
« Art. L. 2102 -13. – Les biens immobiliers utilisés par la SNCF pour la poursuite de ses missions peuvent être cédés à l’État, à des collectivités territoriales ou à leurs groupements pour des motifs d’utilité publique, moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur de reconstitution.
« Art. L. 2102 -13 -1. –
Supprimé
« Art. L. 2102 -14. – Les déclassements sont soumis à l’autorisation préalable de l’État, après avis de la région. Les modalités de déclassement ainsi que les règles de gestion domaniale applicables à la SNCF sont fixées par voie réglementaire.
« Section 5
« Contrôle de l’État
« Art. L. 2102 -15. –
Non modifié
« Section 6
« Ressources
« Art. L. 2102 -16. – Les ressources de la SNCF sont constituées par :
« 1° Les rémunérations perçues, d’une part, au titre des missions mentionnées au 2° de l’article L. 2102-1 qui sont accomplies à titre onéreux en exécution de contrats conclus entre la SNCF et SNCF Réseau, ou entre la SNCF et toute entreprise ferroviaire dont SNCF Mobilités, et, d’autre part, au titre des missions mentionnées au 4° du même article L. 2102-1 qui sont accomplies en exécution de conventions conclues entre la SNCF et SNCF Réseau ou SNCF Mobilités ;
« 2° Le produit du dividende sur les résultats de ses filiales ainsi que celui sur le résultat de SNCF Mobilités mentionné à l’article L. 2102-17 ;
« 3° Les rémunérations perçues au titre des missions que lui confient par contrat l’État, une ou plusieurs collectivités territoriales, un ou plusieurs groupements de collectivités territoriales ou le Syndicat des transports d’Île-de-France, ces missions ne pouvant empiéter sur les missions de SNCF Réseau mentionnées à l’article L. 2111-9 ;
« 4° Toutes les recettes autorisées par les lois et règlements.
« Art. L. 2102 -17. –
Non modifié
« Le montant de ce dividende est fixé après examen de la situation financière de SNCF Mobilités et constatation, par le conseil de surveillance de la SNCF, de l’existence de sommes distribuables. Il est soumis, pour accord, à l’autorité compétente de l’État, qui se prononce dans un délai d’un mois. À défaut d’opposition à l’issue de ce délai, l’accord de celle-ci est réputé acquis.
« Section 7
« Réglementation sociale
« Art. L. 2102 -18. –
Non modifié
Cet article a une importance particulière, comme l’a souligné M. le rapporteur, dont je tiens à saluer le travail, qui a débouché sur la rédaction d’un rapport comptant plus de 450 pages.
L’article 1er porte notamment sur la gouvernance du système de transport ferroviaire, dont la réforme est une ardente nécessité. J’en approuve l’esprit, tout en partageant certaines des réserves qui ont été exprimées par mes collègues. En ce qui me concerne, je défends résolument la SNCF.
Cet article vise aussi à modifier un certain nombre d’articles du code des transports. Comme tous les parlementaires, j’ai reçu un atlas de RFF, dont le réseau de près de 30 000 kilomètres de voies ferrées est au cœur de la réforme. Ce réseau joue un rôle essentiel pour l’économie, l’histoire, la géographie de notre pays, mais aussi pour les femmes et les hommes qui se déplacent quotidiennement, en particulier pour leur travail.
À la suite de M. le rapporteur, je voudrais rappeler le constat établi quant aux limites de Réseau ferré de France, qui supporte en outre une dette de 37 milliards d’euros. Ne rien faire serait vraiment suicidaire ! Par conséquent, une réforme est indispensable, mais on peut nourrir bien des regrets au vu de celle qui nous est proposée. Certes, comme l’a souligné M. Karoutchi, la région parisienne représente 60 % du trafic, mais j’estime que l’aménagement du territoire doit être pris en compte. Hélas, on s’aperçoit que des lignes sont encore supprimées et que le transport de fret n’est plus assuré sur d’autres.
De plus, les infrastructures sont sous-utilisées, comme je l’avais déjà indiqué le 10 juin dernier, avec Mme Pasquet, lors du débat sur l’application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
La question de l’entretien et des travaux nécessaires sur les infrastructures a déjà été largement évoquée. L’investissement doit être une priorité.
Enfin, je regrette que des TER soient remplacés par des cars, sans guère de concertation avec les élus. Je pourrais citer quelques exemples de cet ordre en Champagne-Ardenne.
Il est proposé, au travers de ce texte, de mettre en place une instance de concertation, de redonner la priorité à l’État stratège. J’approuve ces orientations et je ne suis donc pas contre ce texte par principe. Cependant, en raison des réserves que j’ai formulées, je penche plutôt vers l’abstention.
Avant que nous n’entamions l’examen des articles, je souhaite rappeler l’importance de l’article 1er et exprimer ma déception quant aux avancées du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Le système ferroviaire français doit être réformé : cela a été largement répété par les orateurs et par M. le secrétaire d’État lors de la discussion générale, et nous sommes tous d’accord sur ce point.
Le système ferroviaire français est dans l’impasse. Ce projet de loi lui permettra-t-il d’en sortir ? J’en doute.
L’article 1er tend à instaurer les principes généraux de la réforme ferroviaire. Il est proposé de réunifier deux entités qui ont été séparées en 1997 : la SNCF, chargée d’exploiter le réseau, et Réseau ferré de France, responsable de l’entretien de celui-ci. Espérons que cela permettra au moins de mettre un terme aux nombreuses querelles que nous vivons quotidiennement dans nos collectivités concernant la gestion de ce réseau.
Permettez-moi néanmoins de douter de l’efficacité d’une organisation reposant sur trois établissements publics industriels et commerciaux ! Au lieu d’une réforme ambitieuse, on nous présente ce timide projet de loi… Avec cette nouvelle organisation, l’ouverture à la concurrence imposée par la réglementation européenne n’est pas suffisamment anticipée.
Les entreprises ont confiance dans le développement du fret ferroviaire, mais le tableau est nettement moins favorable en ce qui concerne le transport de voyageurs. Le signal que nous leur envoyons est encore une fois insuffisant, voire négatif.
Plusieurs pays européens ont déjà bien engagé le processus d’ouverture à la concurrence et en tirent de grands bénéfices en matière d’amélioration du service et d’augmentation du trafic, comme cela a été rappelé tout à l’heure par M. Nègre. À cet égard, CargoBeamer, dont on parle beaucoup en ce moment, souhaite prendre des parts de notre marché national et va bientôt créer une filiale chez nous, Euro Cargo Rail France, qui s’installera à Calais, sur la Côte d’Opale.
Cependant, nous savons que l’ouverture à la concurrence prendra beaucoup de temps en France, beaucoup trop !
Je regrette que le Gouvernement n’ait pas anticipé, ne se soit pas montré plus courageux. Cela étant, nous y sommes habitués… À mes yeux, cette nouvelle réforme n’en est pas une, et j’assiste avec déception à l’examen d’un projet de loi qui aurait pu être beaucoup plus ambitieux et emporter ainsi l’adhésion de tous.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le secrétaire d’État, lors des débats à l’Assemblée nationale, certains de nos collègues députés ont affirmé que cette réforme ferroviaire démantelait le service public, d’autres qu’elle n’ouvrait pas suffisamment le secteur ferroviaire à la concurrence ; d’autres, enfin, l’ont jugée trop technocratique.
C’est sur ce dernier point que je voudrais intervenir, pour illustrer en quoi cette réforme n’est pas technocratique. Dans le cadre de mes fonctions, j’ai pu assister à un véritable gâchis – je parlerai même d’une très grave erreur –, provoqué par l’absence de dialogue entre la SNCF et RFF.
Des intérêts politiques particuliers ont pris appui sur cette absence de dialogue pour imposer des choix contraires, à l’évidence, à l’intérêt général. Ceux qui me connaissent auront deviné que je veux parler du TGV-Est européen et de la gare de Vandières.
Je voudrais rappeler, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, lors de la signature de la convention de financement du TGV-Est européen, en janvier 1999, après une demi-heure de huis clos dans le bureau du ministre des transports de l’époque, M. Jean-Claude Gayssot, nous nous sommes retrouvés potentiellement avec deux gares lorraines : celle qu’il était prévu d’implanter sur le territoire des communes de Louvigny et de Cheminot, dans le département de la Moselle, et celle de Vandières, à l’intersection entre la ligne à grande vitesse et la ligne classique Metz-Nancy. Aujourd’hui, seule existe la gare de Louvigny, parce qu’elle était inscrite dans la déclaration d’utilité publique de 1996, alors que la gare de Vandières n’a jamais pu être réalisée faute de financement. Résultat : la gare de Vandières est devenue l’Arlésienne du rail.
Pourquoi ai-je tenu à vous rappeler cet épisode, mes chers collègues ? Parce que la seule gare « intelligente » était, à l’évidence, la gare d’interconnexion TGV-TER de Vandières, dont la création aurait permis le développement des transports collectifs en région Lorraine. Pourquoi n’avons-nous pas cette gare ? Parce que des intérêts politiques personnels, il faut le dire, ont réussi à l’emporter sur l’intérêt général, en jouant de l’absence de dialogue, voire des rivalités, entre le gestionnaire d’infrastructures, RFF, et l’opérateur ferroviaire, la SNCF. En cherchant intentionnellement à rendre la gare de Vandières peu attractive, on escomptait favoriser l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine ; il n’en a rien été. La faiblesse du système ferroviaire n’a pas permis d’imposer la réalisation de la gare de Vandières, qui répondait aux exigences de la multimodalité.
Le projet de loi qui nous est soumis tend à réintroduire de la cohérence dans le système ferroviaire français, à permettre à l’État d’imposer de véritables choix d’aménagement du territoire, avec des schémas de transports prenant en compte cette dimension intermodale qui était justement l’atout de Vandières.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai voulu soumettre ce cas à votre appréciation, pour que vous puissiez intervenir et corriger cette erreur, qui répondait à des intérêts particuliers, et non à l’intérêt général, que nous défendons ici. §
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.