Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le système ferroviaire français est constitutif de notre identité.

Il fait, je ne parle pas au passé, la fierté de notre pays, malgré les difficultés. La fierté des cheminots, d’abord, fierté légitime, et celle de nos compatriotes. Nous aimons les chemins de fer. Pour autant, nous devons donner un nouveau départ au modèle ferroviaire français. Ce modèle ferroviaire, c’est une vision de la France, de la mobilité, des territoires. On sait combien cela compte, en particulier ici, au Sénat.

La SNCF, dans l’histoire, nous a montré combien elle savait être au rendez-vous. Nous devons, nous aussi, être au rendez-vous pour franchir une étape indispensable au renouveau du chemin de fer français.

Nous mesurons l’enjeu : permettre au système ferroviaire français d’assurer son avenir. L’enjeu, c’est à partir de cette histoire, de cette tradition française, avec les cheminots, de redonner au système ferroviaire français un cadre clair, qui lui permette de se développer.

Pour perpétuer cette tradition, pour la renouveler, il faut changer. Changer, car la situation actuelle ne peut durer. Changer, car les cheminots eux-mêmes appellent à plus d’efficacité. Il faut redonner au système ferroviaire français une ambition, non pas qu’il en manque aujourd’hui, mais la question posée est celle des moyens.

Je crois que le système ferroviaire français est à un tournant. Ce moment est sans doute un moment clé. Il faut changer, certes : changer pour « mieux » de ferroviaire.

Au départ, il y a plusieurs constats : la complexité du système actuel ; le besoin de modernisation du réseau ; l’impasse financière, qui malheureusement s’accroît. Une question aussi, celle de la hiérarchisation des priorités : quel réseau, comment l’entretenir ?

Face à ces constats, notre ambition est de renouveler le système ferroviaire français. Il est bon que l’État se dote enfin d’une stratégie en matière ferroviaire. Il est inutile de développer plus longuement les maux de notre système, car de nombreux orateurs, comme à l’instant Louis Nègre, les ont soulignés : la spirale de l’endettement ; un réseau vieillissant et dégradé dont de multiples rapports ont fait le constat – nous avons bien évidemment une pensée émue pour les victimes de l’accident de Brétigny-sur-Orge au moment où le rapport consacré à ce drame vient d’être publié – ; un système pas assez compétitif – c’est une réalité qu’il convient de voir en face –, avec un coût supérieur de 30 % à celui de nos voisins, et qui se trouve aujourd’hui concurrencé par d’autres modes de transport.

Le projet de loi élaboré par le Gouvernement, avec les acteurs du ferroviaire – je le dis dans cet ordre, sans malice, croyant ne pas me tromper –, ce projet de loi, gouvernemental, donc, s’inscrit dans le cadre de la réflexion lancée par le précédent gouvernement au travers des Assises du ferroviaire. Il y a une forme de continuité, au moins dans l’intention de départ.

L’équation de départ est simple, les intentions étaient claires : reconstituer un gestionnaire d’infrastructure unifié – ce point faisait et fait toujours consensus –, mais aussi adapter le système ferroviaire français aux exigences d’aujourd’hui, ce qui est plus douloureux. Ça l’a été au départ et ça le sera toujours ; les grèves récentes ont montré l’inquiétude des cheminots et la difficulté de la tâche.

Parmi les exigences d’aujourd’hui auxquelles il faut savoir s’adapter, je voudrais citer cinq axes de travail. Premièrement, la qualité de service aux voyageurs : nous la devons aux usagers, elle existe, elle doit s’améliorer pour plus de régularité. Deuxièmement, la sécurité : chacun conviendra de l’importance de cet enjeu, à quelques jours de l’anniversaire de la catastrophe de Brétigny-sur-Orge. Troisièmement, parce qu’il faut voir les problèmes en face, le coût du système aujourd’hui trop élevé est aussi une exigence qu’il faut relever. Quatrièmement, la nécessaire inclusion des chemins de fer dans une stratégie globale de mobilité, avec la concurrence et la complémentarité des autres modes de transport s’impose également à nous. Cinquièmement, enfin, la concurrence, mot tabou mais réalité de demain à laquelle nous devrons nous confronter pour en ressortir vainqueurs, doit être regardée en face. Nier la perspective n’est pas la solution.

Face à ces différents enjeux, le projet de loi soumis à la Haute Assemblée souffre, selon nous, de trois insuffisances.

En premier lieu, le système mis en place est complexe, avec trois EPIC imbriqués. L’eurocompatibilité que vous revendiquez restera à confirmer avec la nouvelle Commission et le nouveau Parlement européen. Attention à l’adoption du « quatrième paquet ». Quelques points majeurs restent à signaler. L’accès équitable au réseau, le rôle du régulateur, la place prépondérante de l’opérateur historique, l’endogamie du système, dans la version initiale du texte, restaient des questions assez mal traitées et demeurent encore à améliorer.

En deuxième lieu, votre réforme me paraît insuffisamment financée et ne traite pas assez de la dette ferroviaire, qui atteint 44 milliards d’euros et progresse de 1, 5 milliard d’euros par an. Elle devrait atteindre 60 milliards d’euros dans quelques années et 70 milliards d’euros en 2025. Une réforme sans la dette est-ce une réforme ?

Enfin, en troisième lieu, le projet de loi se concentrant essentiellement sur les questions de gouvernance, il contourne la question principale de la modernisation du système ferroviaire, de l’amélioration de la qualité de service, de la productivité et de l’adaptation à la concurrence. Cette réalité est pourtant devant nous.

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