Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Toutes ces questions témoignent d’un véritable désarroi auquel j’ai voulu répondre en soulignant la qualité du dialogue établi entre notre assemblée et votre ministère, monsieur le secrétaire d’État.

J’en profite d’ailleurs pour saluer ici la qualité des travaux de toutes celles et de tous ceux qui ont apporté leur concours à la rédaction du texte de la commission, au premier chef l’excellent rapporteur de la commission du développement durable, Michel Teston, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, François Patriat. Tous deux, par leur questionnement éclairé lors des auditions, ont permis à de nombreux acteurs de s’exprimer en toute spontanéité et dans la transparence.

Ce texte, aujourd’hui, corrige les effets, je dirais même les méfaits de la loi du 13 février 1997. En créant Réseau ferré de France, ou RFF, cette loi a établi une stricte séparation entre les activités de gestion des infrastructures, confiées à la nouvelle entité, et les activités d’exploitation, qui restaient du ressort de la SNCF. Ce faisant, elle avait pour but, plus ou moins avoué, de réduire la dette de la SNCF.

Dix-sept années sont passées, sans que le résultat recherché soit atteint, et tout le monde a pu mesurer le mur d’incompréhension qui s’est élevé entre les deux opérateurs. Placer à nouveau les deux entités dans une même main, sous une même autorité cohérente, un EPIC de tête, relève donc du bon sens, un bon sens encadré par la réglementation européenne, qui contraint à distinguer clairement les missions de définition des sillons des missions de tarification. C’est un point important sur lequel il faut insister.

Je veux dire combien j’ai été convaincue par les propos de M. Pepy et de M. Rapoport, mais aussi par les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, parce que vous êtes allé aussi loin que possible en matière d’intégration, dans le strict respect du droit. Votre projet remet ainsi sur la bonne voie un système de gouvernance devenu complexe et peu efficace.

Comme vous l’avez rappelé, l’État assumera désormais pleinement sa mission de guide stratégique grâce à la majorité dont il disposera au sein du conseil de surveillance de l’EPIC mère. Le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, les règles d’impartialité applicables à ses membres, l’avis qu’elle devra rendre sur l’organisation interne au sein de SNCF Réseau, sont autant de gages de bonne gestion et de bonne administration.

La création d’un Haut comité du ferroviaire – vous en avez longuement parlé, monsieur le secrétaire d’État –, qui permettra de réunir l’ensemble des acteurs, est la traduction de cette belle volonté de fédérer toutes les forces et de chercher ensemble les meilleures solutions aux problèmes structurels qui se posent.

Je ne manquerai pas de souligner les garanties apportées dans le volet social, parce que c’est un point essentiel de notre débat et qui a souvent fait l’objet de discussions entre nous : un cadre social modernisé, des règles de travail ouvertes à tous les salariés et la volonté d’écarter le risque d’un nivellement par le bas des conditions de travail des employés et cheminots de la SNCF. C’était un pari difficile, mais un pari abouti, selon moi.

Il n’en reste pas moins, monsieur le secrétaire d’État, et j’ai bien entendu que vous avez voulu apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées ici ou là, que les préoccupations majeures qui planent sur ce projet de loi tiennent à la question financière, d’une part, à l’ouverture à la concurrence, d’autre part.

Sur la base des analyses réalisées tant par la SNCF que par RFF, nous savons l’ampleur du déficit de la SNCF. Un déficit que vous envisagez de stabiliser, le mot est important, à hauteur de 60 milliards d’euros en 2025. Si l’intention – stabiliser le déficit – est louable, je crains que la réduction projetée ne soit trop ambitieuse, et du coup moins assurée. La question se pose véritablement des moyens, déterminés, persévérants, qui seront mis en œuvre pour tendre à une véritable efficience de notre système.

Nous n’ignorons pas, en effet, les deux aléas auxquels le Gouvernement est soumis.

Le premier aléa, rappelé par M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, est celui de la conjoncture économique : la baisse du trafic diminue les rentrées financières de RFF, malgré les augmentations des tarifs des péages auxquelles il avait été procédé, et la SNCF a été contrainte, pour ses comptes 2013, de déprécier ses actifs TGV pour un montant de 1, 4 milliard d’euros.

Le second aléa est celui des taux d’intérêt : la probable remontée du loyer de l’argent tout comme la persistance inquiétante d’une inflation très modeste ne peuvent pas manquer de nous interroger. M. Pepy lui-même ne disait-il pas devant les membres de la commission du développement durable : « Les taux d’intérêt sont très bas, s’ils remontent nous serons en situation de surendettement » ?

J’en viens maintenant à la seconde préoccupation, celle de l’ouverture à la concurrence, point d’interrogation important dans nos débats. Nous voudrions en connaître d’ores et déjà le calendrier et les modalités.

Pour ma part, dans les circonstances actuelles, je ne crois pas utile de vouloir en définir les contours dès maintenant. Je crois sage, prudent et raisonnable de se préparer à cette ouverture dans le cadre d’un calendrier qui reste à négocier. L’adoption éventuelle, au début de 2015, du « quatrième paquet ferroviaire » par le Parlement européen devrait en être l’occasion, et je suis sûre, monsieur le secrétaire d’État, vous connaissant un peu, que vous mettrez tout en œuvre, dans le cadre de vos réunions avec la Commission européenne, pour maîtriser parfaitement un sujet qui requiert à la fois détermination et conviction, et pour défendre notre modèle français.

Je souhaite enfin saluer l’avancée significative, voire l’achèvement de la régionalisation ferroviaire, qui souffrait jusqu’à maintenant de ressources insuffisantes et d’incohérences manifestes. Personne ici n’ignore les efforts démultipliés qui ont dû être consentis par les régions, notamment pour se substituer à RFF ; je les ai clairement mesurés dans ma région, mais je sais que d’autres se sont tout aussi largement impliquées.

Je ne peux donc que me réjouir des nouvelles dispositions permettant à la région d’acquérir, par transfert de propriété, des infrastructures de transport ferré, voire du matériel roulant. La région trouvera alors toute sa place, elle exercera à plein, en toute responsabilité, l’une de ses compétences majeures : l’aménagement du territoire. Autorité organisatrice de transports, la région sera désormais partie prenante dans l’ensemble des débats.

Monsieur le secrétaire d’État, notre discussion viendra, j’en suis certaine, éclairer encore les avancées de ce texte, dont vous avez longuement développé les cinq axes majeurs.

Mes amis du RDSE, groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir, et moi-même sommes conscients des fragilités qui peuvent demeurer encore, mais nous sommes aussi confiants dans la capacité de tous les partenaires à faire évoluer progressivement le système pour aller vers un meilleur service public. Nous voterons donc en faveur du projet de loi.

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