Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, cher Michel Teston, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme vous le savez, le train et sa gouvernance font toujours l’objet d’une attention particulière de la part des écologistes. Or le présent projet de loi traite de toutes les questions d’avenir en la matière. La discussion qui s’ouvre au Sénat est donc très importante.

Aujourd'hui, nous avons des trains à plusieurs vitesses, et tous les passagers ne bénéficient pas des mêmes qualités de service.

Pour certains, le transport ferroviaire est synonyme de déplacements rapides et confortables. C’est même l’une des incarnations de la modernité et du dynamisme d’un territoire. Mais, pour nombre d’usagers au quotidien des trains de banlieue ou de certaines liaisons régionales, c’est aussi le symbole d’une France délaissée, comme cela se mesure au degré de fatigue due à la modernisation insuffisante du matériel et des réseaux, voire à son usure sévère, pour ne pas utiliser les termes plus durs qui font aujourd'hui débat. En plus, les difficultés anciennes du dialogue social au sein de l’entreprise sont aussi source de difficultés pour les usagers.

Défauts d’entretien ou problèmes d’organisation de la maintenance et de coordination entre la SNCF et RFF – nous en avons tous des exemples concrets –, les difficultés actuelles sont connues et le constat est assez partagé. Certes, dans le cas de l’accident de Brétigny-sur-Orge, qui est évidemment présent à l’esprit de tous aujourd’hui – j’ai d’ailleurs une pensée pour les victimes à cet instant –, c’est bien à la justice de déterminer les responsabilités des uns et des autres.

L’analyse selon laquelle l’organisation n’est pas satisfaisante ne date pas d’hier et appelle des réponses - j’y reviendrai -, mais elle dit également la nécessité de nous réinterroger sur les priorités d’investissement.

Ainsi, si les écologistes se sont opposés, par exemple, à la politique du « tout TGV » et au Lyon-Turin, ce n’était pas pour bloquer le développement du transport ferroviaire ; au contraire, c’était même, et les évolutions récentes ont confirmé la pertinence de leur position, pour le sauver !

Comment garantir et développer aujourd'hui un service public de qualité et accessible à tous ? Sous couvert de course à la vitesse et de développement métropolitain, on nous a « vendu » les nouvelles lignes à grande vitesse, les LGV ; mais, dans une situation de raréfaction de l’argent public disponible, à quel prix pour le réseau existant, celui qui maille les territoires et sert les usagers au quotidien !

En toute cohérence, nous, écologistes, avons donc défendu le train à haut niveau de service, face à des projets parfois pharaoniques. S’il est déjà très rapide, atteignant tout de même 220 kilomètres par heure, il nécessite des investissements beaucoup moins lourds, s’inscrivant ainsi dans une logique qui donne la priorité à la rénovation des lignes existantes et limite l’endettement.

En effet, la dette historique de SNCF-RFF, même si elle n’est pas comptabilisée dans celle de l’État au sens des critères de Maastricht, ne peut plus être occultée. Ainsi que d’autres orateurs l’ont rappelé, elle atteint aujourd'hui une quarantaine de milliards d’euros, en hausse moyenne de 1, 5 milliard d’euros par an, mais de 2, 2 milliards d’euros en 2013, l’objectif gouvernemental étant de la contenir autour de 60 milliards d’euros à l’horizon 2025. Voilà qui donne un peu le vertige !

Comment éviter la paralysie du système, avec une dette aussi lourde, d’autant que l’activité ferroviaire a ralenti en 2013, avec une baisse de 2 % pour le transport de voyageurs – c’est un signal assez alarmant – et de 3 % pour le fret, et que les LGV lancées par le gouvernement précédent plombent les comptes de l’entreprise ? D’ailleurs, Gilles Savary, rapporteur du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, a déclaré : « Les lignes à grande vitesse sont un joujou français qui ne fonctionne qu’en dégradant les comptes de la SNCF et en endettant RFF. » À méditer !

Aussi, face à de tels projets, et compte tenu de la situation budgétaire critique qui est la nôtre, les écologistes réaffirment l’importance de flécher en priorité les financements vers l’aménagement et la rénovation des lignes existantes plutôt que vers le déploiement de nouvelles lignes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné à juste titre le plan de modernisation doté de 410 millions d’euros qui vient d’être lancé. Mais nous craignons tout de même que cela ne soit insuffisant. Nous ne pouvons que faire la comparaison avec les sommes allouées, par exemple, à ce fameux tunnel Lyon-Turin : plus de 14 milliards d’euros ! Cela ne nous semble pas raisonnable aujourd'hui.

La même logique s’applique au fret ferroviaire. L’absence de rénovation des réseaux capillaires et le caractère insuffisant des investissements de la part de l’État, de la SNCF ou de RFF nous empêchent de développer une véritable stratégie de report modal, stratégie pourtant à la fois présente dans tous les discours et nécessaire pour répondre aux grands enjeux climatiques liés aux transports.

Si la France adore souligner qu’elle émet assez peu de gaz à effet de serre dans sa production d’électricité – nous connaissons l’histoire –, elle omet de préciser que le bilan de ses émissions dans les transports est tout à fait désastreux et ne s’est pas amélioré au cours des dernières années.

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