Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Monsieur le secrétaire d’État, que de courage ! Car il fallait beaucoup de courage pour entreprendre une réforme que beaucoup de Français attendaient, mais sans aucun moyen, qui plus est dans un climat social et politique difficile – à gauche comme à droite –, et dans un contexte national et international compliqué.

Cela veut dire que votre réforme n’est probablement pas la révolution des transports que chacun pouvait attendre. Je ne prétends pas que la droite l’ait fait. La droite comme la gauche, depuis vingt-cinq ans, n’ont jamais voulu prendre les vraies décisions ni faire les vrais choix en matière de transports publics.

On a laissé un temps la SNCF concurrencer à l’époque Air Inter, quitte à développer à tout prix les TGV comme atout essentiel pour le financement de la SNCF dans cette compétition avec le transport aérien. Résultat : on a endetté la SNCF, on a réduit la capacité d’Air Inter, qui a disparu depuis, et on a rendu difficile la vie d’Air France. Parfait !

On n’a pas fait les vrais choix en matière autoroutière et routière. Et aujourd’hui, on parle encore et encore de réforme des transports publics en ne faisant pas, en réalité, les choix qui s’imposent

Mon collègue Louis Nègre a excellemment détaillé les raisons pour lesquelles nous allons voter contre ce projet de loi. Il est évident que vous n’avez pas pu, monsieur le secrétaire d’État entrer plus avant dans la concurrence, même si, de vous-même, vous auriez souhaité aller plus loin. Il y avait ces réglementations européennes qui allaient s’imposer alors que, finalement, ce n’est aujourd’hui pas le cas. Mais le quatrième paquet ferroviaire va bien finir, d’une manière ou d’une autre, par arriver et, si l’on commence par dire que nous ne voulons pas nous y préparer, cela fera comme pour le fret, ce sera brutal, difficile, et extrêmement ravageur pour l’ensemble du système.

Et, après tout, pourquoi ne pas regrouper les deux entités ? Peut-être le texte de 1997 n’était-il pas si pertinent que cela. Peut-être faut-il les regrouper d’ailleurs plus du fait des mauvaises relations constantes ces dernières années entre RFF et la SNCF que du fait de l’échec de l’une ou de l’autre dans l’exercice de leurs missions respectives.

En réalité, je ne vois pas pourquoi SNCF Réseau, qui n’a, dans le fond, pas plus de ressources que n’en avait RFF, parviendrait à un meilleur équilibre, à une meilleure situation que RFF en son temps, sinon par des concours de la maison mère. Mais, sincèrement, je doute que celle-ci en ait les moyens. Par conséquent, les difficultés financières persisteront.

Certains ont dit – et pas seulement dans mon camp – que, si cette réforme était intervenue à un moment où la situation financière du pays avait été meilleure, il aurait fallu que l’État reprenne une partie de la dette pour alléger la charge et permettre les investissements. Ce n’est pas le cas. Mais, en l’état actuel de nos finances, il est certain que la réforme se fait a minima, étant donné que vous ne vous donnez pas de moyens nouveaux, monsieur le secrétaire d’État.

Vous ne faites pas non plus le choix d’une vraie régionalisation et, comme le soulignait le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous n’allez pas au bout de la logique, car il faudrait alors donner aux régions le pouvoir en matière de tarification.

Je passe sur ce que disait Louis Nègre sur le matériel. On n’a pas donné la capacité aux régions de tenter un peu d’expérimentation, d’ouvrir le système à un peu de concurrence.

Nous en restons donc à un système très contraint, très réglementé, et sans moyens supplémentaires.

Monsieur le secrétaire d’État, moi, je soutiens, avec difficulté parfois – y compris dans mon propre camp – que le service public doit être défendu, modernisé, adapté. Le vrai souci, le vrai débat est de savoir si la défense du service public interdit de modifier le statut et les règles ou d’alléger les contraintes permanentes au nom de ce que vous appelez le « patrimoine », c'est-à-dire ce que représente en effet le rail pour la Nation.

Moi, j’ai été formé, comme beaucoup ici, par les parcours en train, avec tout le respect dû à une SNCF qui était, voilà encore quelques décennies, en Europe et dans le monde, le modèle de la régularité, du confort et de la modernité. Mais ce n’est plus le cas, et ce n’est pas de votre fait, monsieur le secrétaire d’État. On peut se dire, et se le répéter comme une incantation, que, par respect pour le passé, il ne faut pas trop toucher au système, mais, en réalité, la situation n’est plus la même aujourd’hui.

Jugez-en : pas de vraie ouverture à la concurrence, pas de pouvoir suffisant donné à l’ARAF, pas de véritables ressources supplémentaires pour SNCF Réseau, pas de transfert d’une partie de la dette, pas de modification du statut des personnels, pas de remise en cause de la relation entre SNCF Mobilité et SNCF Réseau. Bref, l’affaire est entendue !

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