Intervention de Francis Grignon

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Francis GrignonFrancis Grignon :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la première question que je me suis posée avant même de prendre connaissance de ce projet de loi sur la réforme ferroviaire était de savoir si la SNCF, après l’application de cette loi, resterait un champion du ferroviaire. Pour ma part, j’y tiens beaucoup, car j’estime que cette entreprise, de par son histoire, suscite une véritable affection partagée par beaucoup.

Néanmoins, le champion va devoir dorénavant évoluer dans un environnement concurrentiel, car je n’imagine pas un cordon sanitaire économique autour de la France. Son principal concurrent sera la Deutsche Bahn, avec laquelle il faudra toujours composer pour influencer durablement les règles de gestion du système ferroviaire en Europe.

Pour rester un champion dans un tel contexte libéral, il faut, à mon sens, viser trois objectifs : l’efficacité, la compétitivité et l’équité. Je ne parle pas de la sécurité, qui fait consensus et reste le fil rouge s’imposant à tous, quels que soient les modèles économiques mis en œuvre. Le terrible accident de Brétigny-sur-Orge a été évoqué par tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune.

Commençons par l’objectif le plus simple, l’équité. Nous disposons, avec le fret, d’une expérience : on a permis la concurrence sans forcément répondre à cet objectif. En effet, pour les nouveaux entrants, l’ARAF a été créée par la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, mais après la décision d’autoriser la concurrence, laissant la porte ouverte à des entraves éventuelles. Par ailleurs, les règles du jeu, en particulier relatives au temps de travail, ont été négociées au désavantage de la SNCF, qui ne pouvait pas, du jour au lendemain, s’adapter aux règles du secteur privé.

Le projet de loi répond-il à cet objectif d’équité ? Après rectification à l’Assemblée nationale et moyennant quelques aménagements, l’ARAF a maintenant, me semble-t-il, des prérogatives claires qui devraient lui permettre d’être efficace.

Pour ce qui est du temps de travail, il est envisagé qu’il soit le même pour tous. J’espère que les négociateurs de la convention collective auront à cœur de ne pas pénaliser davantage le fret ferroviaire par rapport au fret routier, et qu’ils trouveront un juste équilibre entre sécurité et efficacité.

Toujours dans la logique d’équité, et bien que cela ne figure pas dans le projet de loi, j’espère aussi que, s’agissant du fret, le Gouvernement maintiendra le financement de 40 % des péages pour tous après 2015. À défaut, c'est le routier qui remportera la mise !

Enfin, pour les voyageurs, le problème des gares n’est pas résolu. Pourtant, si celles-ci doivent servir à plusieurs opérateurs dans un proche avenir, il faudra bien s’en occuper, et rapidement.

J’en viens à l’objectif d’efficacité du système ferroviaire. Il comprend, selon moi, deux sujets centraux : la gouvernance et l’organisation, d'une part, le temps de travail, d’autre part.

Sur la gouvernance, j’ai voté sans états d’âme la loi de 1997, qui a permis la création de RFF. J’ai bien observé la suite des événements.

Avec le recul, je pense qu’il n’est pas raisonnable d’avoir laissé RFF sous-traiter à longueur d’année des milliers de petits marchés de travaux à la SNCF qui dispose, elle, des compétences et des moyens.

Il n’était pas plus raisonnable de partager les fonctions d’étude et de dévolution des sillons entre la direction de la circulation ferroviaire de la SNCF et la petite cellule de RFF, alors même que, par le passé, les systèmes informatiques n’étaient, paraît-il, pas compatibles. De plus, cette organisation demande beaucoup de compréhension entre les entités, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Je trouve donc très positive la réunification de la gouvernance envisagée dans ce texte de loi, même si elle n’est pas parfaite. Je me réjouis en particulier que nous ne soyons pas pénalisés par les distorsions avec la gouvernance en holding de la Deutsche Bahn, car nous serons très rapidement concurrents sur le territoire français pour le transport des voyageurs.

À ce sujet, je rappelle que la directive Gouvernance du quatrième paquet ferroviaire, amendée seulement par le Parlement européen, permet pour le moment à l’Allemagne de garder son organisation en holding. J’espère que notre organisation en EPIC sera acceptée, car cette même directive, qui a été adoptée en première lecture par le Parlement européen en février 2014, prévoit l’ouverture à la concurrence en libre accès en 2019 pour le transport de tous les voyageurs, et pas seulement pour les TGV, avec une exigence de réciprocité dans la concurrence et un système d’information et de billetterie interopérable.

Toujours dans cet objectif d’efficacité, il faut évoquer l’organisation du temps de travail. Je me félicite que l’article 13 abolisse l’article 1er de la loi de 1940. C’était une condition sine qua non pour permettre une évolution. Ce sera désormais une commission mixte paritaire composée de représentants du personnel et des entreprises ferroviaires qui définira les modalités de la convention collective pour 2016.

Un accord semble avoir été trouvé sur la méthode. J’espère qu’une solution raisonnable sera trouvée sur le fond, afin d’éviter le « nivellement par le haut » auquel on assiste souvent.

Pour les TER, l’usager paie, toutes dépenses confondues, en moyenne 30 % du coût du trajet et le contribuable, 70 %. La part du contribuable doit être réduite pour essayer de stabiliser les finances. Une action efficace de tous doit y contribuer, en particulier par la gestion du temps de travail.

Une fois améliorée l’efficacité au travers de la gouvernance et de l’organisation du temps de travail, on pourra envisager d’atteindre l’objectif de compétitivité. Sur ce thème, il y a deux sujets fondamentaux que je n’évoquerai pas plus longuement, faute de temps, et qui sont simplement évoqués dans le projet de loi : la dette, à l’article 2 ter, et le statut.

Pour mémoire, je rappelle que la dette de la Deutsche Bahn, dont le chiffre d’affaires est supérieur à celui de la SNCF, est de 17 milliards d’euros pour l’ensemble du groupe. Vous le voyez, nous avons encore des marges de progression !

Le statut, qui est évoqué aux alinéas 42 à 44 de l’article 1er, mériterait à lui seul un débat. Il serait peut-être préférable de conserver le statu quo, mais uniquement pour les employés à statut. C’est mon point de vue, mais je n’ai pas le temps de l’exposer plus avant aujourd’hui.

En conclusion, je considère que ce projet de loi ne réforme pas tout ce qui devrait être réformé pour préparer notre champion à un environnement concurrentiel ; il amorce cependant la mue en rendant possible cette mise en concurrence. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je m’abstiendrai lors du vote final.

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