Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi en discussion depuis plus de deux ans maintenant a été largement débattu.
Face aux difficultés de gestion et de concertation des deux EPIC actuels, face à la nécessité de préparer l’ouverture à l’Europe, face au poids insoutenable de la dette, nous le savons, cette réforme est nécessaire.
Les deux EPIC actuels, Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fers français, composée de SNCF Infra et de la Direction des circulations ferroviaires, la DCF, devraient être remplacés par un groupe public ferroviaire composé de deux EPIC « filles » avec, d’un côté, le gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, composé de RFF, de SNCF Infra et de la DCF, et, de l’autre, l’exploitant, SNCF Mobilités.
Les deux nouveaux EPIC seront chapeautés par un EPIC « mère », SNCF, chargé de la stratégie globale. Cet EPIC de tête, loin d’être le symptôme d’un éclatement ou d’un plus grand éparpillement de l’activité, jouera le rôle de garant de l’unité du groupe.
Les voix qui se sont élevées, comme les prises de parole que nous avions réclamées, ont eu le mérite de souligner les nombreux écueils à éviter. Nous pourrons les prendre en compte dans les débats.
Pour ce qui me concerne, je profite de cette intervention pour vous livrer mes propres recommandations.
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports nous a alertés, à plusieurs reprises, sur les menaces pesant sur les lignes ferroviaires les plus fragiles, celles qui n’auraient pas suffisamment de « clients » pour justifier de nouveaux investissements. Je ne crois pas au sacrifice de ces lignes au nom de l’intérêt général. Je crois, au contraire, que notre intérêt est de soutenir le développement rural : quand la figure du client se substitue à celle de l’usager, c’est notre conception du service public qui est menacée !
Les rumeurs qui circulent quant à la prévision de fermeture, par RFF, de la ligne Abancourt - Le Tréport m’appellent à affirmer fermement ma position. Les chantiers TGV ne doivent pas se faire aux dépens de la modernisation de petites lignes indispensables à nos régions ! Ces lignes jouent un rôle primordial dans le dynamisme de nos territoires.
La ligne de train Abancourt-Le Tréport, en permettant le transport de la silice nécessaire à la fabrication du verre, a d’abord offert un débouché à la main-d’œuvre locale compétente. Ainsi, elle a largement participé à l’industrialisation de la vallée de la Bresle, devenue aujourd’hui un pôle mondial du flaconnage de luxe et un acteur majeur de la fabrication de moules métalliques et surnommée « Glass Valley ». Cette ligne est ensuite devenue celle des congés payés. Aujourd'hui, elle reste la seule ligne de Normandie qui rejoint Paris non par la gare Saint-Lazare, mais par la gare du Nord, créant un véritable lien entre la Picardie et la Haute-Normandie.
J’en profite pour saluer les efforts et la volonté de ces régions, qui, par l’intermédiaire de leurs présidents, ont affirmé, le 10 mars 2014, leur engagement pour la ligne Abancourt-Le Tréport et ont d’ores et déjà inscrit dans leur budget 2014 leur part des crédits prévus pour le financement du chantier, qu’elles demandent à l’État et à RFF de programmer.
La ligne Abancourt-Le Tréport présente également une caractéristique : elle mène à l’un des 50 ports décentralisés de métropole et à l’un des 26 ports ayant un trafic annuel supérieur à 100 000 tonnes.
Dans un rapport récent, notre collègue Odette Herviaux souligne la proximité particulière qu’entretiennent les ports décentralisés avec leur ville-siège et le poids de ces activités portuaires, notamment sur l’emploi. À cet égard, maintenir les lignes ferroviaires d’accès aux ports, c’est leur permettre de mener des politiques de développement ambitieuses. C’est permettre aux ports décentralisés de se projeter, selon la recommandation d’Odette Herviaux, « en dehors de leur territoire ». C’est leur permettre de jouer leur rôle dans le développement de l’arrière-pays. Enfin, il s’agit de faire preuve d’optimisme et de laisser à tous les ports la chance de participer au développement du fret et d’y conforter leur place.
Le train à grande vitesse est régulièrement présenté comme le symbole de la modernité de notre réseau. Or, d’une part, il ne répond pas toujours aux besoins et aux exigences des utilisateurs, pour qui « la qualité du service, la régularité, la fiabilité des transports notamment du quotidien sont aussi importantes sinon plus que les gains de vitesse », ainsi que l’a signalé la commission Mobilité 21. D’autre part, c’est l’affirmation d’alternatives à la route, la participation de « la mobilité » « à la transition énergétique et écologique » qui constituent véritablement une ambition moderne.
J’ajoute encore que le remplacement de l’écotaxe et ses implications en termes de ressources libérées pour les infrastructures ferroviaires ne doit remettre en cause ni les principes écologiques ni le projet de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, qui l’avait inspirée.
Pour finir, souvenons-nous que le territoire national s’est construit à partir du développement de réseaux : ce furent, d’abord, nos chemins vicinaux et, ensuite, nos chemins de fer. Le chemin de fer français est notre bien national ! Souvenons-nous que le réseau ferroviaire constitue un facteur primordial d’intégration du territoire et un vecteur d’égalité territoriale en France. C’est notre force ; ne l’affaiblissons pas !