Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 9 juillet 2014 à 14h30
Réforme ferroviaire – nomination des dirigeants de la sncf — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État :

Il faudra que vous travailliez encore à cette démonstration pour convaincre la majorité de vos collègues, mais je crains que vous n’y parveniez pas, car l’EPSF et l’ARAF ont une mission bien précise, tandis que le comité des opérateurs, c'est autre chose… Mais nous avons des jours et des nuits de discussion devant nous ! §

Alors, non, monsieur Capo-Canellas, tout cela n’est pas complexe. Un groupe public est formé, et un groupe public unifié, si bien que l’on ne se retrouve pas avec trois structures éparses. Je sais, madame Schurch, combien il est difficile d’abandonner des slogans qui marchent bien, trop bien sans doute…

À cet égard, je me demande comment les syndicalistes de la CGT qui m’ont traité de « menteur liquidateur » à Marseille oseront jamais m’adresser la parole à nouveau, alors que je n’ai jamais parlé de liquidation à propos de la SNCM, mais bien de redressement, donc une chance pour la compagnie maritime.

Alors, dire « trois EPIC, c’est pire que deux », cela revient au même : le slogan est sans doute facile à retenir, mais ce n’est qu’un slogan, et il est contraire à la réalité ! S’il s’agit bien de trois EPIC, nous parlons avant tout d’un groupe ! Et tant mieux si ces différentes structures ont le statut d’établissement public : il aurait été plus simple, pour rendre ce dispositif eurocompatible, d’en faire des sociétés anonymes, mais telle n’a pas été la volonté du Gouvernement. Je tenais à le souligner.

Nous avons souhaité bâtir un groupe qui s’appuie sur ses deux structures, ses deux métiers – pour faire simple : l’opérateur ferroviaire et le gestionnaire de réseau –, mais il s’agit bien d’un groupe unifié avec un « établissement casquette ». Ce faisant, nous avons accompagné le travail des députés qui ont souhaité faire remonter autant que possible un certain nombre de sujets à l’EPIC de tête, afin de bien souligner le caractère intégré de cette structure.

Je tenais à apporter ces précisions, car je ne comprends pas pourquoi ce serait simple lorsqu’il s’agit de la DB et compliqué lorsqu’il s’agit d’un grand projet ferroviaire visant à constituer un groupe public unifié, intégré, rassemblant, d’une part, un gestionnaire d’infrastructure – SNCF Réseau – et, d’autre part, un opérateur ferroviaire – SNCF Mobilités.

Un certain nombre d’entre vous – Mme Escoffier, MM. Dantec, Karoutchi, Capo-Canellas, ainsi que M. Roland Ries et d’autres – ont souhaité souligner l’importance des relations avec les régions.

Ce que je viens d’indiquer sur l’environnement évolutif auquel notre structure et notre organisation ferroviaires pourront s’adapter – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – montre combien nous anticipons l’importance à venir du rôle des régions.

Nous en tirons les conséquences en affirmant leur place dans la gouvernance du système à travers les deux postes qui leur sont accordées au sein du Haut comité du système de transport ferroviaire. Vous en souhaiteriez d’autres ? Pourtant, si des amendements visant à accorder davantage de postes aux régions étaient défendus, je n’aurais d’autre choix que de m’y opposer, car leur adoption reviendrait à diminuer proportionnellement la représentation du Sénat et de l’Assemblée nationale au sein du conseil de surveillance…

La loi prévoit que les représentants de l’État doivent disposer de la majorité des sièges et les représentants des salariés, de mémoire, d’un tiers. Dès lors, la marge de manœuvre est étroite. Nous avons malgré tout souhaité que les régions, le STIF, puissent être pleinement intégrés et représentés au sein non seulement du conseil de surveillance, mais aussi du conseil d’administration de SNCF Réseau.

Nous avons renforcé les compétences et les prérogatives des régions. Je pense notamment à la liberté tarifaire pour les trains régionaux ou à la réaffirmation de la place des régions dans la problématique des gares, laquelle pose la question de la domanialité. Sur ce dernier point, la clé de répartition entre feu RFF, c’est-à-dire SNCF Réseau, et SNCF Mobilités sera importante.

De même, il est primordial de confier aux régions le rôle de chef de file pour l’aménagement des gares d’intérêt régional, de faire en sorte de mieux les associer, chère Delphine Bataille, aux décisions d’investissements, qui doivent être prises en concertation, et de conclure avec elles des conventions sur les projets d’investissements.

Dans la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, l’adoption d’un amendement parlementaire permet aux régions d’accéder plus précisément à la comptabilité par ligne. Ce dispositif étant entré en vigueur, il n’y a aucune raison pour que ce projet de loi n’aille pas dans le même sens. Je me rappelle d’ailleurs avoir pris date, à l’époque, dans la perspective de la future réforme ferroviaire.

Je vous ferai part, au cours de la discussion des articles, des avancées dont profitent les régions en termes de reconnaissance, tout en conservant le souci – oui, madame Schurch, le souci – de préserver ce qui est au cœur de notre réforme : la mise en place d’une stratégie nationale, à travers des opérateurs nationaux et la réaffirmation du rôle de l’État, qui a été trop absent, sans méconnaître la diversité des autorités organisatrices de transport. C’est dire combien ce projet de loi est complet.

Un certain nombre d’entre vous ont évoqué le drame de Brétigny-sur-Orge. À mon tour, je voudrais m’exprimer, et même de manière un peu solennelle.

Aussitôt après l’accident, j’avais demandé au bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre, le BEA-TT, de mobiliser ses moyens et ses connaissances pour la recherche des causes de ce drame.

À quelques jours de ce triste anniversaire – samedi prochain – il est important que nous soyons aux côtés des familles. Le coordinateur national pour l’aide aux victimes, M. Cèbe, que j’avais nommé, a effectué un travail remarquable, dont il a rendu compte dans son point d’étape. Il était primordial d’éviter que les familles des victimes et les victimes elles-mêmes ne souffrent d’un manque d’accompagnement – c’est malheureusement trop souvent le cas –, alors que médiatisation et sentiment d’abandon entraînent souvent des blessures supplémentaires d’ordre psychologique.

J’ai donc rencontré tant M. Cèbe que les représentants des associations de victimes, notamment la Fédération nationale des victimes – la FENVAC –, présidée par M. Gicquel, et je pense pouvoir dire que nous avons pris toutes les mesures qui s’imposaient en termes d’accompagnement. Nous avons été exemplaires, mais cette triste mission n’est pas achevée.

La SNCF et RFF avaient très vite reconnu leur responsabilité. Cette question, redevenue d’actualité après les conférences de presse du procureur à quelques jours de ce malheureux anniversaire, n’a jamais eu lieu de se poser. Lors de chacune de leurs interventions, les présidents respectifs de RFF et de la SNCF ont toujours fait de la reconnaissance de leur responsabilité un postulat de départ.

Avant ce drame, monsieur Karoutchi, nous avions déjà constaté – c’est encore plus vrai avec le recul – combien certains investissements avaient été fléchés au détriment, peut-être, de l’entretien, de la mise à niveau et du maintien du réseau. C’est la raison pour laquelle certaines des dispositions de ce texte prévoient que SNCF Réseau ne pourra financer de nouveaux investissements qu’à condition d’être en mesure de financer l’entretien et la modernisation du réseau existant. Il s’agit d’un préalable, et il est essentiel.

Si les régions ou l’État estiment que tel ou tel investissement nouveau est d’intérêt régional ou national, et que l’opérateur SNCF Réseau n’a pas la possibilité de le financer, il faut, pour que cesse cette véritable cavalerie budgétaire, que celui qui passe la commande finance.

Nous avions lancé, d’abord avec M. Dumesnil puis avec M. Rapoport, avant le drame de Brétigny-sur-Orge, un grand plan de modernisation du réseau, de 2, 5 milliards d’euros, afin d’essayer de rattraper le retard pris dans la prise en compte du vieillissement des infrastructures. Ce plan faisait suite au rapport de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.

Vous avez raison de souligner la situation en Île-de-France. Vous avez déjà eu l’occasion de m’interroger, et moi, d’essayer sinon de vous rassurer, tout du moins de vous répondre. La réalité, c’est que l’origine des 1, 3 milliard d’euros de charges financières que RFF assume chaque année au titre de sa dette est à trouver dans le choix de construire concomitamment quatre nouvelles lignes à grande vitesse sans financement : quatre lignes quand seul le lancement d’une ligne tous les six ans est économiquement soutenable ! On fait payer à RFF ce que RFF ne peut plus payer aujourd’hui.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’être contre l’industrie de la grande vitesse, vitrine technologique de la France, mais il faut faire preuve de mesure. Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’opérateurs publics que l’on peut s’affranchir des exigences de l’économiquement raisonnable !

Nous avons donc souhaité réorienter nos priorités. Cet engagement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault a été confirmé et repris par le Premier ministre Manuel Valls.

La priorité des priorités, c’est le transport du quotidien. Je compte sur le soutien de la Haute Assemblée pour obtenir les modalités de financement les plus exemplaires en matière d’infrastructures de transport. Je pense bien sûr à l’AFITF.

Nous avions lancé – cette fois, après Brétigny-sur-Orge – le plan Vigirail, doté de 410 millions d’euros d’investissements sur la période 2014-2017. Le rapport d’étape du BEA-TT avait dégagé trois orientations préventives : améliorer la maîtrise des assemblages boulonnés des appareils de voie, détecter et corriger les défaillances de la boulonnerie et adapter davantage les plannings de maintenance à la sollicitation de l’installation. J’ai demandé à la SNCF et à RFF de mettre en œuvre ces préconisations du BEA-TT dans un délai de trois mois, sous le contrôle de l’établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF.

J’ai été interpellé sur l’inquiétude des élus et un certain nombre de communes ont été citées. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que tous les boulonnages, tous les cœurs de voie, tous les aiguillages ont été vérifiés. Ce sont 5 000 cœurs de voie, des centaines de milliers de boulonnages qui ont été ainsi examinés. Je m’en remets donc à la SNCF et à RFF pour apporter tous les éclaircissements aux élus qui en feront la demande.

Telles sont les quelques précisions que je voulais d'ores et déjà vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs. Certaines de vos questions méritent une réponse plus détaillée, je pense notamment au financement des régions, évoqué par M. Dantec.

Il est vrai que la part des régions dans le financement est importante, notamment en ce qui concerne le matériel roulant, les TER, par exemple, étant de leur responsabilité. Nous saurons en tirer toutes les conséquences au cours de la discussion du projet de loi.

En ce qui concerne maintenant le financement du réseau, il faut bien comprendre par qui sont versés les 5, 4 milliards d’euros perçus par RFF au titre de ses péages : 2 milliards par l’État pour les TET et les TER, 2, 1 milliards par les entreprises ferroviaires, mais 1, 3 milliard par les autorités organisatrices régionales, notamment le STIF… On a parlé d’un financement des deux tiers par les régions, mais, vous le voyez, la réalité est beaucoup plus nuancée !

Par ailleurs, le financement des services est assuré à hauteur de 10 milliards d’euros par les voyageurs et les chargeurs et à concurrence de 5 milliards d’euros par la puissance publique, régions et État confondus.

Il ne s’agit nullement de méconnaître l’importance de l’intervention des régions en la matière. L’objectif est d’anticiper, de faire en sorte que les régions gagnent en compétitivité et puissent optimiser, grâce à une meilleure organisation et à une plus étroite coordination entre elles, l’investissement public dans le ferroviaire. C’est une nécessité, que la réforme territoriale viendra peut-être accentuer, mais je ne m’aventurerai pas dans un domaine qui ne relève pas de mes compétences !En tout état de cause, une meilleure coopération interrégionale permettra d’optimiser à hauteur de 15 % à 20 % l’utilisation du matériel roulant. Il y a là des possibilités d’économies certaines pour les collectivités territoriales.

Madame la présidente, j’ai été beaucoup trop long.

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