Madame la ministre, chers collègues de la Bretagne, je vais vous ramener en région parisienne, en évoquant une opération d’urbanisme tout à fait impressionnante qui se déroule actuellement dans la ville d’Ivry. En effet, le tiers de la commune – près de 145 hectares – est concernée par cette affaire et de très nombreuses personnes, dont je me fais ici l’interprète, souhaitent vous faire part de leur inquiétude et de leur désarroi.
Il s'agit d’une zone d’aménagement concerté, ou ZAC, lancée par la ville d’Ivry ; elle a démarré en 2011 avec les procédures habituelles. Dans un premier temps, avant de construire plus de 6 000 logements, cette ZAC visait à faire disparaitre par voie d’expropriation un nombre tout à fait considérable de logements qui sont actuellement occupés.
Ce projet, appelé « Ivry Confluences », représente, je l’ai dit, un tiers de la ville et concerne d'ores et déjà plus de 400 familles – c'est-à-dire 1 500 personnes au total –, des entreprises et des commerces de proximité.
Au cours de la procédure, le commissaire enquêteur, lorsqu’il s'est penché sur ce dossier, a notamment insisté sur la nécessité d’envisager le relogement et l’indemnisation équitable des habitants concernés, ce qui est somme toute assez logique.
Or, à ce jour, malgré un semblant de concertation, la population concernée par cette opération est laissée dans l’incertitude. Elle n’a reçu aucun élément précis sur ce projet, ce qui entraîne, vous le comprendrez, beaucoup d’inquiétude et de désarroi au moment même où la procédure va bientôt conduire à la signature des arrêtés de cessibilité au bénéfice de la SADEV 94, organisme aménageur choisi par la ville.
L’objet de ma question, madame la ministre, n’est bien évidemment pas de remettre en cause l’opportunité de cette opération d’urbanisme, car cette responsabilité relève des élus municipaux et des organismes aménageurs associés. Toutefois, on peut s’interroger sur le gigantisme d’une telle opération, laquelle va entraîner la disparition de nombreuses habitations à un moment où la crise du logement pose de véritables problèmes.
En revanche, je souhaite évoquer l’information des personnes intéressées et les conditions d’indemnisation des propriétaires de pavillons, d’appartements, de commerces et d’entreprises concernés.
Les informations que j’ai recueillies montrent que la mairie et, surtout, l’organisme aménageur ne font manifestement pas les efforts nécessaires pour informer la population de manière précise sur leurs intentions, sur le calendrier et sur les conditions d’indemnisation des expulsions : les futurs expropriés ne sont pas tous prévenus en même temps, le tracé précis de la zone concernée est constamment modifié…
La conséquence, c’est que les intéressés ne savent pas tous ce qui va leur arriver. Quant aux quelques personnes qui ont reçu des propositions, elles contestent bien évidemment le montant des indemnités d’expropriation.
Les habitants d’Ivry se sont rassemblés en collectif contre ce programme de rénovation urbaine. Certains d’entre eux sont présents dans les tribunes ce matin : ils ont tenu à venir vous entendre, madame la ministre, pour vous montrer leur désarroi.
Le collectif « Ivry sans toi(t) » nous signalait encore récemment que des propriétaires modestes – j’insiste sur ce point – ont dû céder leur appartement sur la base de 2 000 euros le mètre carré, alors que le prix moyen dans cette commune, comme dans les communes limitrophes, oscille entre 4 000 et 5 000 euros le mètre carré !
Madame la ministre, peut-on, en 2014, conduire des opérations selon cette méthode ? Nous sommes ici un certain nombre d’élus, de maires qui ont bien l’habitude de ce genre de choses. S’il est tout à fait possible, et même souhaitable, de conduire des opérations d’urbanisme, il faut le faire dans le respect des habitants. En l’espèce, les règles en matière tant d’information que d’indemnisation ne sont manifestement pas appliquées.
Quelles mesures le Gouvernement peut-il prendre pour que les autorités départementales de l’État veillent au respect de la procédure afin que ces femmes et ces hommes, qui expriment depuis longtemps leurs difficultés et leur désarroi, puissent à la fois connaître le véritable but – les limites – de cette opération et se voir appliquer les meilleures conditions d’indemnisation auxquelles ils ont naturellement droit ?