Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur le sens et l’ambition de la politique, certes interministérielle mais d’abord pilotée par le ministère de la culture, en faveur de la langue française et de la diversité linguistique.
Comme vous le rappelez à juste titre, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est une grande loi. D’ailleurs, la date symbolique du 4 août n’a pas été choisie au hasard : la maîtrise de la langue, c’est véritablement l’abolition des privilèges ! Donner à tous nos concitoyens les outils de maîtrise de la langue française, c’est leur permettre d’accéder à l’égalité.
La défense et la promotion de la langue française s’inscrivent dans une perspective de valorisation de la diversité culturelle et linguistique dont notre pays est porteur. On a longtemps considéré que le français s’opposait aux langues régionales, aux langues de France. Aujourd'hui, par la politique culturelle que je mène, j’entends bien montrer que valorisation de la diversité linguistique et défense et promotion de la langue française sont parfaitement conciliables.
J’espère pouvoir répondre à vos interrogations sur les orientations et actions.
La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est un élément essentiel de notre pacte républicain. C'est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec Catherine Tasca, mettre à profit le vingtième anniversaire de son adoption pour organiser le 13 octobre prochain au Sénat une réflexion sur la portée réelle de ce texte, sur son rôle au regard de nos solidarités francophones et sur sa pertinence dans un contexte d’internationalisation des échanges et de bouleversement dans les conditions de transmission des savoirs.
Vous le savez, il y a eu un débat sur l’enseignement en langue anglaise dans certaines de nos universités et grandes écoles pour des élèves étrangers issus de pays non francophones. À mon sens, compte tenu des garanties qui ont été apportées, notamment sur le fait qu’une telle démarche s’inscrivait dans un processus d’apprentissage du français, la possibilité d’offrir à ces étudiants des cours en anglais à leur arrivée en France, en tout cas au début, doit être assurée. Cela fait partie, vous l’avez souligné, d’une politique ouverte et dynamique pour promouvoir l’enseignement de la langue française et sa diffusion partout dans le monde.
Par ailleurs, il existe un comité de terminologie, dans lequel l’Académie française et nos partenaires francophones jouent un rôle très actif. Ce dispositif interministériel nous permet d’enrichir la langue en permanence.
Il est indispensable de pouvoir décrire toutes les réalités techniques ou sociologiques du monde contemporain, ainsi que les évolutions sociétales. La stratégie d’influence de la France repose aussi sur sa capacité à représenter le monde contemporain et donc à en nommer les réalités. Ainsi, dans nombre de domaines scientifiques et techniques, nous avons des termes français précis et correctement définis qui permettent de maintenir notre langue en état d’exercice et d’en faire le vecteur privilégié de la transmission et du partage des savoirs.
La pluralité linguistique est constitutive de notre pays ; vous y êtes attaché.
J’ai souhaité conduire une réflexion pour définir une politique publique en faveur des langues régionales. Plusieurs des conclusions formulées l’année dernière par le comité consultatif que j’avais mis en place ont d’ores et déjà été mises en œuvre.
J’ai ainsi publié un code des langues de France qui permet de regrouper et d’organiser, un peu sur le modèle des codes Dalloz, l’ensemble des textes législatifs et réglementaires assurant la présence de ces langues dans la société, que ce soit dans l’enseignement, dans les médias ou dans la justice. Il s’agit là d’une avancée notable dans la reconnaissance des langues qui font la France.
Le 31 mars dernier, j’ai signé et adressé à l’ensemble des directeurs de mon ministère et aux principaux responsables d’institutions culturelles une circulaire relative à la valorisation des langues de France. Un principe de non-discrimination y est posé de manière très nette : il faut appliquer aux projets en langues régionales les dispositifs de droit commun, notamment s’agissant du soutien financier – soutien financier à la création, par exemple –, en vigueur pour les projets en langue française. Cela répond à une exigence d’égalité et de démocratie culturelle.
À travers ces différentes mesures – et je n’en citerai pas d’autres pour ne pas allonger mon propos –, il s’agit pour le Gouvernement tout entier de créer les conditions d’un développement harmonieux de la diversité linguistique dans notre pays.
Une vigilance constante est nécessaire pour veiller à l’application du principe constitutionnel qui fait du français la langue de la République, mais nous devons également donner à cette dernière les moyens d’accueillir et de valoriser son patrimoine linguistique riche et vivant.
Comme je l’avais indiqué devant l’Assemble nationale au mois de janvier dernier, il faut concilier la langue de la République et la République des langues.