Malgré tout, les crispations et la situation de blocage autour de l'accord du 26 juin 2003 ont eu au moins deux avantages.
Le premier aura été de démontrer aux esprits chagrins, si besoin en était, l'importance, sur le plan économique, de cette manifestation pour Avignon, le Vaucluse et ses habitants.
Je remarque d'ailleurs, au passage, que le pouvoir d'attraction du festival d'Avignon, ses retombées économiques directes et indirectes, ainsi que son influence sur la renommée de notre ville n'auront jamais été aussi évidents qu'après son annulation.
De ce point de vue, monsieur le ministre, je ne peux que vous rejoindre lorsque vous affirmez, comme devant nos collègues députés, le 9 décembre dernier, qu'il ne faut pas réduire la culture « au loisir intelligent, au supplément d'âme », mais qu'il convient également de prendre en compte ses dimensions sociales et économiques, tout autant que son universalité. Ce qui est vrai pour Avignon l'est également pour le reste du pays. Le rapport Guillot a ainsi démontré le poids économique du secteur du spectacle vivant, de l'audiovisuel et du cinéma.
En termes d'activité, quelques chiffres sont en effet frappants : ce secteur représente 22 milliards d'euros ; sa production correspond à 1, 2 % de la production totale de l'économie française ; sa valeur ajoutée est de 11 milliards d'euros, comme l'a dit tout à l'heure le président Valade. C'est vrai qu'il emploie près de 300 000 personnes, ce qui est considérable dans notre pays !
Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous soutenir dans l'action qui est la vôtre d'intégrer et de valoriser ce secteur au sein d'une stratégie globale du Gouvernement d'attractivité du territoire, de lutte contre les délocalisations et, bien sûr, de création d'emplois pérennes.
Ces résultats, ces chiffres, sont le fruit direct du talent et du savoir-faire de nos artistes et de nos techniciens. Aussi, n'oublions jamais le rôle majeur qu'ils jouent dans notre pays. La nation leur doit une véritable reconnaissance, et le débat qui nous réunit en témoigne.
Toutefois, notre reconnaissance ne doit pas se résumer à installer durablement nos artistes dans une logique de complément de salaire venant de l'assurance-chômage. Non ! Notre reconnaissance doit se traduire par la définition d'un nouveau système de financement global qui leur permette de vivre de leur talent, de leur travail en en tirant une juste rémunération.
N'oublions pas non plus que l'existence d'activités culturelles dans nos quartiers, au même titre d'ailleurs que les pratiques sportives, reste une source d'harmonie sociale irremplaçable et la garantie, le plus souvent, d'une intégration réussie.
N'oublions pas, enfin, que le rayonnement de notre pays tient pour beaucoup à la qualité et au foisonnement de sa création culturelle.
J'en viens au second mérite de cette situation de blocage : elle aura été, en quelque sorte, le détonateur, le catalyseur d'une crise plus profonde touchant aux fondements mêmes et à l'avenir de la création culturelle en France, crise qui, de toute façon, aurait fini par éclater au grand jour.
Permettez-moi de noter en la matière que ceux qui nous donnent des leçons aujourd'hui sont les mêmes qui ont laissé la situation se dégrader depuis 1992, année du premier plan Lang-Aubry pour l'emploi dans le spectacle vivant. Un tel plan n'a jamais été mis en oeuvre et, surtout, il n'a jamais obtenu de financement !
Le débat qui nous réunit aujourd'hui s'inscrit donc dans le souci d'apporter une contribution intéressante et, si possible, décisive à la réflexion collective qui s'est engagée pour redéfinir les modalités du soutien au spectacle vivant et à la création contemporaine dans notre pays.
Monsieur le ministre, grâce à votre ténacité et aux arbitrages du Premier ministre, vous avez répondu, par vos mesures et vos deux budgets successifs, à un grand nombre de propositions contenues dans le rapport de notre groupe de travail sénatorial sur la création artistique.
L'année 2004 a été incontestablement celle du renouveau du dialogue. Vous avez su prendre des mesures d'équité pour ramener tous les acteurs autour d'une même table. Vous avez enfin fait voter des crédits orientés essentiellement vers le développement de l'emploi culturel ; je pense, notamment, à votre politique de relocalisation des tournages.
L'année 2005 sera celle de la transition vers la construction d'un nouveau système. Celui-ci devra être juste et ferme : il devra être juste afin ne pas oublier les plus fragiles de nos artistes et techniciens, et donc reprendre les mesures provisoires et transitoires prises par le Gouvernement ; mais, il devra aussi être ferme en matière de redéfinition du périmètre pour éviter les abus, afin de rendre incontestables aux yeux de nos concitoyens le bénéfice d'un système spécifique et le maintien de la solidarité interprofessionnelle.
Voilà pourquoi, à ce moment de mon intervention, je tenais à vous féliciter sincèrement, monsieur le ministre, de la manière avec laquelle vous avez su prendre à bras- le -corps le dossier et vous remercier de cette initiative qui dénote une volonté forte d'associer la représentation nationale à l'effort de réflexion sur un sujet dont l'importance n'échappe à personne.
Sachez, monsieur le ministre, que l'élu de la ville de culture que je suis apprécie à sa juste valeur votre action à la tête du ministère de la culture et de la communication. Votre sens de l'écoute et votre ténacité constituent autant d'atouts pour mener à bien cette réforme et, au-delà, l'ensemble des chantiers que vous aurez à conduire dans les prochaines semaines.
La diversité des profils des orateurs qui se sont exprimés aujourd'hui à cette tribune démontre bien que vous avez su impulser une dynamique et que vous êtes soutenu au-delà de vos interlocuteurs naturels, au sein de la commission des affaires culturelles en particulier.
Le Sénat, la majorité sénatoriale, inutile de le préciser ici, a pris toute sa part dans cette démarche commune en mettant en place un groupe de réflexion dont nous avons déjà beaucoup parlé ce soir.
Je ne reviendrai donc pas sur les propositions contenues dans le rapport élaboré par ce groupe auquel j'ai participé avec beaucoup d'intérêt, rapport - c'est suffisamment rare pour être souligner - adopté à l'unanimité de ses membres, toutes tendances politiques confondues.
Je me bornerai simplement à rappeler qu'une délégation, constituée de sénateurs membres de ce groupe, de sensibilités politiques tout à fait différentes, conduite par notre président Jacques Valade, a largement contribué, dans le cadre de l'édition 2004 du festival d'Avignon, à la recherche d'une solution avec les partenaires sociaux et les artistes. Il convenait de sortir de cette situation qui risquait, cette fois sans doute de manière définitive, de remettre en cause l'existence même du festival d'Avignon.
J'ai gardé, monsieur le ministre, un excellent souvenir du débat du 8 juillet 2004, qui s'est déroulé dans la magnifique cour du cloître Saint-Louis, en présence de tout ce que notre pays compte de personnalités issues du monde du théâtre. Vous avez démontré, ce jour-là, votre sens du dialogue, votre détermination ainsi que votre courage. L'exercice n'était pas facile ! Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il est vrai que « l'air était vif » !
La contribution de la commission des affaires culturelles a été, ce jour-là, d'autant plus appréciée et prise en compte qu'elle constituait l'aboutissement de quinze auditions différentes et de réunions de travail nombreuses ayant permis d'écouter tous les intervenants concernés, directement ou non, par la création culturelle, qu'ils soient artistes, techniciens, représentants des organisations socioprofessionnelles, syndicalistes, directeurs de service au ministère, etc.
Monsieur le ministre, et ce sera ma conclusion, le dialogue étant renoué et le climat devenant incontestablement plus serein, il convient maintenant, sur la base des nombreuses propositions élaborées par les différents acteurs ayant participé au débat, de passer à la phase active de l'ambitieuse refondation de la politique de soutien au spectacle vivant.
A cet égard, j'ai toute confiance en vous pour mener à son terme ce difficile chantier. La méthode choisie est incontestablement la bonne, et vous pourrez compter sur l'aide de la commission des affaires culturelles du Sénat et sur notre soutien le plus total dans cette tâche exaltante.