Si nous souhaitons créer de l'emploi, nous devons admettre que nos politiques nécessitent une vision sur le long terme ; il faut sortir à la fois du saupoudrage et du coup par coup qui peuvent conduire à soutenir telle opération une année, puis telle autre l'année suivante, etc. Il convient d'adopter, avec les collectivités locales, une démarche constructive sur la durée. Monsieur le ministre, vous êtes assez au fait des questions locales pour aller dans ce sens et l'Etat doit nous y aider.
Tel est le point sur lequel je souhaite insister. Les collectivités locales doivent mettre en place une politique structurée. Si tel n'est pas le cas, les DRAC, les régions et les départements risquent de voir affluer de nombreuses demandes, chacun essayant, en ordre dispersé, de négocier son festival, son action, sa structure... Je ne suis pas insensible aux propos des différents acteurs : la DRAC, en tête, réagit, face à cette situation, en invitant les uns et les autres à présenter des projets structurés et cohérents.
Monsieur le ministre, si l'on tient à trouver des marges de manoeuvre du côté de l'emploi culturel en se tournant vers les collectivités locales, on doit tout de même reconnaître que le contexte budgétaire est très dur. Lorsque l'on les sollicite, elles nous indiquent qu'il ne faut pas attendre grand- chose de leur part cette année ! Il est donc absolument nécessaire que l'Etat fournisse à ces secteurs les moyens dont ils ont besoin. Monsieur le ministre, c'est chose faite dans le budget 2005, avez-vous dit ? Tant mieux !
Je souhaite que les missions des DRAC soient bien déterminées afin que de tels moyens soient utilisés de façon à construire des politiques structurées permanentes avec tous les partenaires. Ce n'est pas facile à réaliser, car il faut résister à la pression des uns et des autres.
Une telle démarche s'inscrit dans la logique adoptée par plusieurs de mes collègues qui sont présidents de département : M. Jean Puech évoquait, tout à l'heure, l'école de musique départementale qu'il a créée du temps d'un ancien ministre avec lequel il a pu contractualiser ; mon collègue de Bourgogne a fait état de toutes les actions qu'il mène.
Monsieur le ministre, concernant la construction d'une politique structurée dans la durée, je tiens à insister sur un autre point qui me tient particulièrement à coeur, étant l'élu d'une ville moyenne : il faut absolument pénétrer les territoires en s'appuyant sur les relais que constituent les villes moyennes, et même les petites villes. En effet, il s'agit d'un point d'appui absolument évident ; les départements le comprennent bien, les régions le peuvent aussi.
Vous passez des conventions culturelles avec les grandes agglomérations, et vous avez parfaitement raison ! Toutefois, je souhaiterais que, à travers la structuration de la politique culturelle, vous incitiez également l'ensemble des acteurs à établir des conventions avec les villes moyennes. En effet, avec leurs 50 000 ou 80 000 habitants, elles représentent souvent l'endroit de référence où l'on ouvrira l'école de musique, où l'on pourra travailler sur le théâtre vivant, entraînant ainsi un rayonnement géographique. C'est aussi un lieu privilégié pour parler des arts contemporains ; Dieu sait si c'est important et si le manque est énorme dans ce domaine.
Il est possible de dégager des marges de manoeuvre pour l'emploi culturel, me semble-t-il ; mais cela ne s'improvisera pas. Il ne suffira pas de dire aux collectivités locales : allez-y ! Encore faudra-t-il que l'Etat nous aide à élaborer cette politique dans la durée.
Monsieur le ministre, comme d'autres avant moi, je souhaite évoquer un dernier point : l'enseignement artistique dans les écoles, qui soulève deux problèmes.
Le premier concerne l'éducation nationale. Selon moi, tous les enseignants, quelle que soit leur discipline, ont vocation à participer à la mise en place d'une politique d'enseignement culturel dans les classes.
Celle-ci devrait d'ailleurs faire partie des savoirs fondamentaux évoqués dans la future loi d'orientation sur l'école. Il va immédiatement nous être rétorqué : avec quelles heures ? La réponse à cette question figure-t-elle dans la circulaire interministérielle que vous élaborez avec le ministère de l'éducation nationale, monsieur le ministre ? On me dit que cette circulaire est excellente, mais je n'ai pas lue.
Le second problème a trait à l'intermittence, à la participation des artistes qui se rendent, le plus souvent bénévolement, dans les écoles et les collèges. Leur présence devrait systématiquement être prise en compte dans le calcul des heures requises pour bénéficier du régime d'indemnisation des intermittents.
Encore faut-il que ces artistes soient financés. Je crois savoir que, là aussi, vous disposez d'enveloppes déconcentrées au niveau des DRAC, dont le montant s'élèverait à une quarantaine de millions de francs. Cet argent est-il ciblé ou bien simplement globalisé ? Comment pouvons-nous avoir l'assurance que ces moyens seront bien mis à disposition ? En effet, le cofinancement par les collectivités locales n'est pas exclu ; encore faut-il que l'Etat participe.
C'est un point essentiel, monsieur le ministre, vous en avez conscience. Tous les intervenants l'ont souligné, notamment Mme Tasca, une politique de développement culturel ambitieuse en France passe par l'école. Au-delà des discours, venons-en aux actes !
Je souhaite que la future loi d'orientation aborde le sujet. Vous-même, monsieur le ministre, avec la circulaire que j'ai précédemment évoquée et les moyens qui ont été annoncés, j'espère que vous pourrez définir précisément quel sera le financement des artistes dans leur mission non pas d'enseignement artistique, mais de découverte du monde à travers les oeuvres. Ils ont en effet un rôle spécifique qui n'est pas celui des enseignants, mais qui est fondamental pour l'ambition de notre politique nationale.