La loi du 23 juillet 2010, que pour ma part j'avais votée, renforçait l'échelon régional du réseau des CCI pour mutualiser leurs fonctions administratives et mieux les insérer dans le cadre général de l'action publique. De fait, les structures consulaires souffraient d'une dispersion excessive : au début des années 2000, le réseau comptait plus de 180 chambres - les CCI sont des établissements publics sui generis, qui ne sont rattachés ni à une collectivité ni à l'État. Plusieurs dizaines d'entre elles comptent moins de 5 000 ressortissants et couvrent un territoire infra-départemental. C'est souvent l'héritage d'une histoire industrielle spécifique, faite de textile ou de métallurgie par exemple.
Cette dispersion fait peser des coûts fixes importants sur le fonctionnement des chambres. Pour exploiter les rendements d'échelle potentiels, une politique de fusion des chambres infrarégionales a diminué leur nombre de 33 entre 1997 et 2010. Pour réaliser les gains de productivité supplémentaires, la mutualisation régionale de certains services s'imposait : ce fut l'objet de la loi de 2010. Mais la régionalisation doit aussi aider les CCI à mieux travailler entre elles et avec les pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'État ou des régions. Une meilleure coordination rendrait l'action économique plus lisible, plus efficace et moins chère en supprimant de multiples redondances.
Or, à la veille de la réforme consulaire de 2010, chaque CCI, assise sur une légitimité élective et des ressources financières propres tirées de l'imposition des entreprises de son ressort, fonctionnait comme une entité très largement autonome. Elle n'était aucunement censée rendre compte aux chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI) ni à l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), encore moins se conformer à leurs instructions. Si la réforme consulaire de 2005 a créé des schémas sectoriels pour mieux articuler l'action des chambres de chaque région, ces schémas, qui ne sont pas opposables, restent des coquilles vides.
L'État, qui est censé exercer la tutelle sur le réseau, a le plus grand mal à savoir exactement ce que font les CCI. Lorsque je travaillais au ministère de l'Industrie, au service qui assurait leur tutelle, nous n'avions déjà pas les moyens d'exercer un contrôle efficace. Il n'y a pas d'outil budgétaire informatisé commun à la tutelle et au réseau, pas de comptabilité analytique commune aux CCI, pas de consolidation des comptes, pas de normes partagées délimitant services gratuits et services payants aux entreprises, pas d'homogénéité de l'offre de services de base - ce qui pose le problème de l'égalité devant le service public. Bref, la tutelle ne dispose pas des moyens pour exercer pleinement sa fonction.
En définitive, à la veille de la réforme de 2010, la stratégie et les activités de chaque CCI étaient conçues essentiellement en fonction de son territoire, ce qui favorise certes une offre de proximité adaptée aux réalités économiques locales mais empêche d'intégrer les priorités et les actions pertinentes à l'échelle territoriale régionale ou nationale. La régionalisation a donc pour second objectif de structurer les CCI en un véritable réseau et de donner ainsi à l'État et aux conseils régionaux un interlocuteur consulaire clairement identifié, capable d'assurer la coordination entre l'action des CCI et les politiques de développement économique.